LIVRE QUATRIÈME
CATHERINE APÔTRE DE L’EGLISE
PAR SES SOUFFRANCES
Chapitre 1
Sa vie de souffrances
La vocation principale, à laquelle Dieu avait appelé Catherine sur cette terre, était celle de se charger de souffrances expiatrices pour le bien de l'Eglise et pour le salut des âmes. Elle avait à vérifier cette parole de l'Apôtre : "Je me réjouis maintenant dans les maux que je souffre pour vous, et j'accomplis dans ma chair ce qui reste à souffrir à Jésus Christ, en souffrant moi-même pour la formation de son corps qui est l'Eglise." (Col. 1.24)
Quand les propres membres eux-mêmes affligent et déshonorent ce corps par l'apostasie et l'infidélité, quand les ennemis extérieurs le poursuivent de haine et d'hostilité, Dieu choisit des âmes animées d'un amour héroïque envers lui et leur prochain, qui s'offrent à lui en holocauste, comme victimes propitiatoires. Ces âmes acquièrent ainsi le consentement du Seigneur et deviennent l'objet de ses complaisances. Il agrée leurs mérites que les mérites de son divin Fils ont ennoblis, pour les appliquer à l'Eglise et à tous ses membres ; "car, dit l'Apôtre, nous sommes le corps de Jésus Christ et membres les uns des autres, et tous les membres conspirent à s'entraider les uns les autres." (1 Cor. 12. 25) A diverses reprises Dieu manifesta à Catherine qu'il la faisait souffrir dans ce sens. Il lui montra aussi d'autres âmes qui étaient affectées des mêmes douleurs expiatrices.
La patronne de ces âmes est la Mère des Douleurs, la bienheureuse Vierge Marie. Deux fois par an l'Eglise célèbre ces souffrances augustes. En tout conforme à son divin Fils, elle a partagé toutes ses douleurs et toutes ses humiliations pour apaiser et fléchir la Divinité, et sauver l'humanité. Elle s'est volontairement jetée dans une mer d'amertume pour remplir les desseins de la Providence.
Une tâche semblable était la vocation de Catherine Emmerich. Elle a rempli cette mission de la manière la plus héroïque et avec une fidélité admirable. En véritable fille de la Mère des Douleurs, elle a persévéré avec celle-ci au pied de la croix. Semblable à Marie elle a gardé toujours son humilité profonde et sa simplicité enfantine. Malgré ses dons si extraordinaires, elle n'a jamais eu d'autre parole que celle-ci : "Me voici la servante du Seigneur ! Aussi longtemps que je puis souffrir pour votre gloire, ô mon Dieu, et pour le salut du prochain, faites-moi souffrir et ne m'envoyez pas la mort !"
Le don de contemplation l'a préparée à sa grande oeuvre d'expiation. "Mon fiancé me conduisit dans la maison nuptiale" dit-elle ; en d'autres termes Dieu introduisit dans les mystères impénétrables de l'Eglise, la fiancée de Jésus Christ.
Ainsi que Dieu présentait à Catherine toutes ses prières, toutes ses oeuvres pour l'Eglise sous l'image d'un travail ou d'une peine terrestre, il lui symbolisait la maison de noces spirituelle, c'est-à-dire l'Eglise, par une maison nuptiale sur la terre comme était celle de Jérusalem, où Marie célébra son mariage avec saint Joseph. Dans cette réelle maison de noces elle reconnut la maison spirituelle de l'Eglise, tout comme autrefois on nommait l'Eglise juive la "maison de Jacob". Et comme dans une maison on s'aperçoit facilement de tout ce qui s'y passe, son ange la conduisit chaque jour dans la dite maison de Jérusalem, pour lui montrer tout ce qui se passait dans la maison spirituelle de l'Eglise. Elle était la servante fidèle de Jésus Christ, qu'il avait chargée de pourvoir au ménage de son Eglise. Dans cette maison de noces Dieu illumina son esprit, pour lui faire reconnaître et admirer la sublimité de l'Eglise dans sa fondation divine, ses trésors immenses de grâces et ses promesses célestes, dont la réalisation nous unit à jamais à Jésus Christ.
Après avoir ému le coeur généreux de la pieuse vierge, en lui faisant voir la beauté de l'Eglise rachetée par le Sang divin de son Fils unique, Dieu lui montra le reniement, les outrages et la persécution que l'ingratitude des hommes oppose à cette Eglise. Elle vit en même temps le tort que se font à eux-mêmes et au prochain ces âmes aveuglées. Non seulement l'état de l'Eglise en général, mais encore celui des nations et des diocèses particuliers lui était connu ; elle connaissait également les dispositions des chefs de ces Eglises. C'est ainsi que Dieu émut ce coeur qui était toujours prêt à aimer et à souffrir pour son Seigneur et son prochain. Il a accepté l'offrande de ce coeur innocent qui lui avait appartenu toujours comme celui de sa fiancée ; et ainsi elle a expié par des souffrances indescriptibles les impiétés de son temps.
La vie de Catherine nous montre et nous décèle tant de souffrances de toute sorte, que sans aucun doute, Catherine doit briller d'une manière extraordinaire entre tous les élus. La compassion, sa vertu dominante, la pousse déjà dans son enfance à implorer pour elle-même les douleurs des autres, et à s'imposer des pénitences pour expier les défauts de ses compagnes. Pour ne pas perdre la crainte de Dieu, elle torturait son corps de la manière la plus cruelle. A sa première communion elle s'offrit en victime pour l'Eglise ; à sa confirmation elle fut instruite intérieurement que la grâce du Saint-Esprit l'avait affermie et disposée à pouvoir mieux souffrir pour expier les crimes et les péchés commis dans l'Eglise.
Dieu lui fit connaître le degré d'abaissement où était tombée la religion catholique en France en 1792, et le mépris satanique qui, en ce malheureux pays, animait les ennemis de son Eglise. Catherine avait dix-huit ans à cette époque. Les dix années qui précédèrent son entrée en religion furent remplies par toutes les souffrances imaginables d'un corps faible succombant sous le faix de maladies douloureuses, dont elle s'était chargée à la suite de ces visions. A toutes ces souffrances physiques, il faut ajouter les souffrances morales, telles que la désolation, la tristesse, des contrariétés extraordinaires que lui causait la résistance ouverte et opiniâtre de ses proches et même des étrangers, à sa vocation religieuse, qu'elle ne parvint à suivre qu'après des années passées dans le chagrin, l'attente pénible, la pauvreté et l'abnégation la plus complète d'elle-même. Maintes fois durant ce temps, elle allait au grand calvaire près de Coesfeld ; mais la croix intérieure qu'elle portait fut si agréable à Dieu, qu'il se la rendit semblable par l'impression dans son corps virginal, de ses stigmates douloureux. A l'âge de vingt-quatre ans, elle vit Jésus dans l'Eucharistie ; il lui imposa les souffrances de la couronne d'épines. Elle devait souffrir pour l'Eglise dont les maux croissaient de jour en jour. Cela eut lieu en 1798, l'année même où Napoléon fit emprisonner le vénérable vieillard, le Pape Pie VI.
Plus tard Catherine, se sentant plus intimement liée au corps de l'Eglise par sa profession religieuse, dut éprouver plus sensiblement les souffrances de l'Eglise et les imperfections des prêtres et des religieux. Ces souffrances de l'Eglise augmentèrent les souffrances physiques de la martyre, et les imperfections du corps ecclésiastique lui causèrent un véritable percement de coeur. La manière dont elle fut traitée au couvent, où sa pauvreté la fit considérer comme la servante de tous, où elle fut raillée et méconnue à cause de ses dons intellectuels et de sa piété édifiante, tout cela correspondait assez bien à la situation même de l'Eglise, dépouillée de tout droit et de toute propriété par le Congrès de Vienne.
Les souffrances d'expiation de Catherine allaient croissant à chaque nouvelle période de sa vie, aussi la dernière partie de cette vie crucifiée (1811-1824) devint-elle la plus douloureuse sous tous rapports, et cela conformément toujours aux maux grandissants de l'Eglise.
Par toutes sortes de vicissitudes en effet, la constitution de l'Eglise avait été amoindrie et presque détruite en Italie, en France et en Allemagne. Napoléon s'emparant par la force des Etats de l'Eglise retenait le Saint Père en captivité. En 1811 il convoqua le triste conciliabule de Paris, où le suffragant de Münster, Gaspar Maximilien, baron de Droste-Vischering, frère du Vicaire Général, déclara franchement au despote, que tous les arrêts du Concile n'avaient aucune valeur sans l'approbation du Pape. Néanmoins Napoléon s'efforça de nommer le baron de Spiegel évêque de Münster, sans autorisation papale aucune ; on avait déjà fait la même chose ailleurs en 1813.
Pour la province natale de Catherine comme pour toute l'Allemagne, ce temps a été une des plus dangereuses périodes que l'Eglise ait eu à traverser depuis son établissement dans le monde. Des dispositions qui existaient depuis des siècles avaient été détruites ; la plupart des diocèses n'eurent plus que des évêques illégitimes nommés par la puissance séculière. Des princes protestants gouvernaient les anciens diocèses, et leur influence réussit à faire entrer le schisme dans les cercles catholiques. Dans tous les rangs de la société la pratique de la religion avait dû céder à la tiédeur et à l'indolence ; et il y avait des districts entiers où toute pratique de piété était morte.
Par le moyen de ses contemplations Catherine fut instruite de toutes ces calamités, qu'elle eut à réparer par ses instantes prières et par ses oeuvres expiatoires. Sa mission spéciale cependant, fut d'accompagner Pie VII dans sa voie douloureuse, et de l'aider par ses souffrances à rétablir l'ordre dans l'Eglise d'Allemagne.
Nous commençons notre récit des souffrances de Catherine au printemps de l'année 1812. C'est alors que, malgré sa répugnance intérieure, elle fut forcée par la sécularisation des couvents à rentrer dans le monde. Elle aurait certainement préféré la solitude, mais Dieu voulait la placer bien en vue des regards du monde, pour que, par ses stigmates, elle rendît témoignage de lui et s'immolât en victime propitiatoire pour la culpabilité de tous. Les descriptions des trois parties du chemin de croix, dans le second livre de cette histoire, nous ont montré ce que ces signes lui ont valu, dès leur empreinte, de peines corporelles, d'angoisses et d'amertumes, de dédains et de persécutions. Outre cette croix publique, elle portait pendant les dernières années de sa vie une croix intérieure, bien plus douloureuse encore : elle consistait dans des maladies continuelles et accablantes.
Durant l'espace de onze ans, elle n'a pu quitter le lit. Elle sacrifiait son corps pour le salut du corps de l’Eglise, qu'accablaient tant de maux ; elle prenait sur elle des douleurs et des peines effrayantes pour obtenir en échange la guérison spirituelle des membres du corps de l’Eglise. Et, chose frappante, les maux et les maladies qui accablaient Catherine se diversifiaient, d'après la nature des maux de l'Eglise, que Dieu lui montrait en ses visions. L'angoisse, l'abandon intérieur, le poids de la culpabilité étrangère venaient s'y ajouter encore. Cette dernière peine disparaissait aussitôt après l'expiation accomplie, mais seulement pour être remplacée après un peu de relâche, par d'autres souffrances.
Jusqu'à sa mort elle resta la fiancée fidèle de Jésus Christ: ses stigmates et ses souffrances, ses maux physiques et ses angoisses spirituelles la rendaient l’image parfaite du Dieu Sauveur.
Le but essentiel de la vie de Catherine consiste dans les souffrances réconciliatrices qu'elle endura pour l’Eglise et le prochain, comme Dieu le lui manifesta par ces paroles : "Je vous ai étendue sur mon lit nuptial de souffrances ; je vous ai comblée de grâces, de trésors d'expiation et de bijoux célestes. II faut que vous souffriez. Moi, je ne vous abandonnerai pas !"
Peu de jours avant sa mort Catherine dit : "Il y a vingt ans que mon fiancé m'a introduite dans la maison des noces et qu'il m'a donné sa couche nuptiale amère et douloureuse, sur laquelle je suis encore étendue !"
Ces fiançailles célestes furent célébrées, au dire de Catherine, par l'empreinte de la couronne d'épines, que lui imposa Jésus en se présentant à elle comme le divin fiancé de son âme. Dès lors il fa élevée de jour en jour davantage à sa similitude, en daignant la faire participer à ses plaies et à ses souffrances. Lorsqu'un jour elle crut succomber sous le poids des douleurs qui la crucifiaient, son ange l'exhorta à la résignation. "Le Christ, dit-il, n'est pas encore descendu de la croix, il faut persévérer jusqu'à la fin." il en fut réellement ainsi ; les quatre dernières années devinrent les plus douloureuses. Catherine puisait des forces nouvelles dans la méditation du noble but de son martyre. Dès que l'engourdissement causé par l'excès de ses souffrances lui faisait oublier cette pensée, elle perdait sa vigueur et ne se sentait plus en état de supporter ses peines.
Ses tortures duraient souvent des journées, parfois des semaines entières. Au lieu de jouir du sommeil qui ne la soulageait que dans des cas exceptionnels et pour peu de temps, elle subissait durant toute la nuit des douleurs indicibles. Les douleurs de la malade furent souvent si prononcées que son entourage même, d'ailleurs accoutumé de voir son état malheureux, en était ému de compassion ; et cependant personne ne pouvait l'aider ; car aucun remède naturel ne procurait de soulagement à cette mystérieuse maladie. Souvent on la crut à l'agonie, et ni son confesseur ni le médecin ne comptaient plus la voir revivre.
Et en effet, la nature seule ne pouvait pas soutenir cette vie plus longtemps. Mais Dieu donna à sa fille de prédilection des forces surnaturelles, uniquement pour obtenir par cette prolongation de sa vie, de nouveaux sacrifices de réparation. Plus d'une fois les anges du Ciel demandèrent à la malade si elle voulait mourir pour entrer dans la gloire, ou si elle voulait encore continuer sa vie de souffrances. C'est là un signe évident de la prédestination extraordinaire de cette âme. Quelle ne doit pas être sa gloire céleste ! Car toujours ce coeur héroïque a répondu : "Si je puis aider encore, laissez-moi souffrir, guérir et sauver !" C'est alors que Dieu l'assistait par des remèdes surnaturels : il lui envoyait un ange ou des saints qui la fortifiaient par des baumes célestes, comme nous l'avons raconté ; ou Jésus Christ lui-même la visitait pour la nourrir de sa chair précieuse, ce qui rétablissait inopinément ses forces abattues. D'autres fois elle fut élevée à l'intuition de la gloire céleste, et sortit toute fortifiée de l'extase.
Mais dans les souffrances elles-mêmes elle fut souvent soutenue aussi par un secours spécial. Ainsi Dieu lui montra parfois des scènes saisissantes de la Passion du Sauveur, il lui montra la résignation et l'amour de son divin Fils grandissant en raison directe de la véhémence des douleurs qu'il endurait, et, à cette vue, Catherine resta fidèle à son propos de ne jamais murmurer, mais de demander des souffrances plus grandes encore. Une autre fois elle fut réconfortée par la vue des supplices des martyrs qui lui apparurent pour la consoler et l'encourager à persévérer dans l'espoir d'une gloire éternelle. Pour la préparer à des souffrances extraordinaires Dieu lui envoyait souvent des visions intuitives de la vie des martyrs, et elle en recevait un courage nouveau.
Quand toutes ces épreuves excitèrent en elle le découragement, Dieu releva son coeur abattu en dirigeant son attention sur le trésor inestimable des reliques qu'elle avait toujours près d'elle, et qui l'accoutumaient à vivre sans cesse avec les saints, dont la vie et les épreuves lui servirent de modèle. Plusieurs fois sa mère défunte lui apparut et l'exhorta à la patience, en lui montrant des fleurs, des fruits et des guirlandes, qui n'étaient autre chose que les combats terrestres que Catherine avait livrés. La malade elle-même déclara, que si elle n'avait pas été secourue par les mérites des saints, elle n'aurait pas été en état de souffrir patiemment. Elle retirait donc une nouvelle force d'âme de l'offrande faite à Dieu de ces nombreux mérites.
Enfin, Dieu vivifia le courage de Catherine en lui montrant les souffrances d'autres personnes contemporaines, qui étaient destinées comme elle à prier et à souffrir en faveur de l'Eglise et de leur prochain. Le Seigneur lui révéla que toujours sa Providence suscitait pour son Eglise des âmes privilégiées qu'elle oppose à la corruption de leur temps.
Elle trouva aussi une force merveilleuse dans les bénédictions de l'Eglise. Son confesseur lui donna souvent la bénédiction sacerdotale et prononça sur elle des prières liturgiques, et en plusieurs occasions particulières il appela aussi au chevet de Catherine les vicaires Niesing et Hilgenberg, et le curé Büttner de Haltern, lequel avait la réputation de posséder le don des miracles. Ce furent les bénédictions de ce prêtre pieux qui parvinrent à adoucir les souffrances les plus véhémentes de Catherine. Son confesseur lui donnait souvent de l'huile sacrée ou de l'huile de Walburgis, ou bien encore il approchait ses doigts consacrés de la figure de Catherine, ce qui lui procurait un soulagement instantané.
Mais avant tout, elle obtenait du secours par la vénération et l'imposition de reliques, dont les saints à qui elles avaient appartenu, lui apparaissaient aussitôt pour la fortifier et soi vent pour la guérir.
Passons maintenant à la description des faits particuliers de son apostolat de souffrance.
Chapitre 2
Catherine apôtre du diocèse de Munster, sa patrie
Et non seulement Catherine offrait à Dieu le sacrifice agréable de ses immenses mérites en faveur de l'Eglise en général, mais sa charité envers le prochain était si grande, qu'elle l'offrait aussi en faveur de telle ou telle personne en particulier, pour attirer sur elle et sur ses besoins spirituels et même temporels, l'abondance des bénédictions divines. Dans ses visions elle voyait des pécheurs, des malades, des indigents, des prisonniers, des malheureux de toute espèce, des mourants et des âmes de défunts qui lui demandaient son intercession. Aucun Etat, aucun pays, aucune confession religieuse n'étaient exclus de sa charité.
Dieu daigna agréer ses offrandes pour tous ; car il avait mis ses complaisances dans ce coeur pur et simple qui renonçait à soi-même, pour procurer à son prochain secours et délivrance. Elle rendit le mérite de ses douleurs plus efficace par la prière, l'abnégation, et la charité envers ses ennemis, et les aumônes que malgré la modicité de ses ressources, elle trouvait moyen de faire à plus pauvre qu'elle. Sa devise était : Tout par amour pour le prochain !
Catherine Emmerich était dans les mains de Dieu un instrument secret, par lequel sa Providence a servi son Eglise et les membres de celle-ci. Il est certain qu'à la fin de la domination française en Allemagne, cette vierge souffrante a été un moteur puissant de la renaissance extérieure et intérieure de l’Eglise de son pays. Dieu lui fit voir ou par des allégories symboliques ou par les événements de l'époque, dans quel état se trouvait alors l’Eglise en plusieurs pays. C'était pour ce triste état d'abaissement où était l’Eglise, qu'il plut à Dieu d'agréer en expiation les souffrances de Catherine.
Ces détails nous sont connus par ses propres communications, qui ont été fidèlement annotées depuis 1819 jusqu'à sa mort. Nous y voyons qu'elle s'est occupée en premier lieu du diocèse de Munster, sa patrie, dont elle vit le triste état dans ses allégories frappantes.
Chaque année, nous l'avons vu, elle accompagnait Marie à Bethléem durant l'Avent. En 1819 elle veut préparer la réception de Marie dans une maison. Dans cette maison, elle trouve une société d'hommes qu'elle connaît ; il y a parmi eux des protestants et quelques-uns des persécuteurs du temps de l’enquête : ils s'amusent à chanter et à faire bonne chère. Ils déclarent ne plus avoir de place pour Marie. Mais Catherine s'obstine à demeurer là, et prend patience tandis qu'elle est poussée et bousculée par .les danseurs. Enfin, elle découvre une misérable chambrette, dans laquelle elle trouve une vieille femme, la propriétaire légitime de la maison, entourée d'une toile d'araignée. Catherine se met à la nettoyer, et la délivre de sa prison. Elle reproche ensuite vivement ce procédé indigne à la réunion des noceurs, et ceux-ci effrayés de ses paroles s'empressent de quitter la maison. La vieille femme se hâte d'établir un nouvel ordre dans la maison ; rajeunie et embellie par les bons soins de Catherine, elle assemble autour d'elle beaucoup de jeunes personnes et de vierges, qui vivent chez elle selon l'état de choses nouvellement établi. Assistée des saints et des bienheureux de sa province natale, Catherine arrange alors une chambre pour la Sainte Vierge. Le mauvais traitement enduré par Catherine, est pour nous le symbole des souffrances et des persécutions qu'elle avait à subir de la part de ses contemporains, pour rétablir les droits de la vieille femme qui représente la piété perdue et surtout la vénération de la Mère de Dieu.
Au mois de décembre 1819, elle trouve la maison nuptiale de Münster gardée par un homme inconnu en uniforme. A côté de lui, elle voit une femme grossière, qui parle avec animosité du Pape et de l'antéchrist. Catherine balaye la maison de noces, lorsque tout à coup la femme, se riant de ses efforts se met à jeter des ordures parmi les appartements déjà nettoyés : mais Catherine recommence de nouveau avec la même résignation. Cette parabole nous montre d'une manière frappante la vocation de la martyre, d'être l'antagoniste infatigable de la nouvelle puissance anti-catholique, qui exerçait alors sa pernicieuse influence contre la sainte Eglise. Le nettoyage signifie ses souffrances méritoires.
En 1820, elle voit les nouveaux gouverneurs du pays introduire dans le jardin de l'Eglise un enfant illégitime et rébarbatif. Il porte des livres et des écrits, montre au commencement une amabilité factice et flatteuse et finit bientôt par poursuivre son persiflage pédant sur tout ce qu'il voit et entend. Le pieux instituteur (Overberg) dédaigne d'abord de s'en occuper, il laisse s'agiter l'enfant, mais bientôt il s'oppose sérieusement à lui ; le doyen R. admet le petit flatteur dans sa maison. Là, il se raille des institutrices, mais il évite avec soin toute rencontre avec Catherine. Cet enfant représente le nouveau système scolaire. - Après cette vision, Catherine eut à subir de grandes douleurs.
Après que l'enfant se fut introduit avec beaucoup d'insolence, sa mère arriva. C'était une grande personne sans modestie aucune ; sa poitrine était parée de chaînes auxquelles pendaient des images d'écrevisses, de grenouilles, et de sauterelles ; ensuite des cercles, des cornets et des pipes ; un hibou sautillait d'une épaule à l'autre en chuchotant toujours avec la femme. (Le Rationalisme et la Franc-Maçonnerie.) - Cette personne lascive voulait même se marier avec un prêtre catholique. Celui-ci la maudit solennellement ; alors elle mourut et fut rongée par les vers.
La signification de ceci est facile à comprendre. Cette personne ne voulait pas seulement nuire à la croyance catholique, mais aspirait à la détruire complètement par une union entre elle et l’Eglise ; mais ses efforts échouèrent et se brisèrent contre la fermeté de l'Eglise catholique. Mais en ce qui concerne Catherine, cette vision nous prouve que ses prières et ses souffrances méritoires ont contribué essentiellement à la conservation de la foi dans son pays.
Dans les temps ultérieurs elle eut souvent des visions sur l'instruction publique ; elle ressentit en même temps des douleurs si atroces qu'elle ne trouvait plus aucun repos sur sa couche. Elle voyait la prédominance du protestantisme dans l’organisation des écoles ; elle reconnaissait d'ailleurs que beaucoup de prêtres catholiques embrasseraient cette idée des écoles neutres, et coopéreraient ainsi à la déchéance morale de la vie catholique. "Puissé-je proclamer dans le monde entier, combien ces images sont lugubres !" s'écriait-elle. Son activité spirituelle embrassait non seulement l'organisation de l’enseignement supérieur, mais même celle des écoles élémentaires. L'instruction rationaliste des collèges et des universités a certainement infligé des plaies profondes à la vie catholique ; mais l'intention finale de nous incorporer dans l'Eglise luthérienne de l’Etat, n'a pas été atteinte. Catherine s'affligea fort du décret gouvernemental qui interdit les cours publics de l'Académie de Munster (1820), parce que le vicaire général avait défendu aux théologiens de fréquenter l'université de Bonn ; mais elle dit déjà alors : "Les choses deviendront encore plus tristes qu'elles ne le sont déjà actuellement. "
Au mois d'avril 1823, elle gémit sur la confusion qui existait partout dans l’Eglise de Munster, et elle prit sur elle de grandes oeuvres d'expiation. Il s'agissait d'obvier au malheur des jeunes étudiants de Bonn et de Münster. Elle vit des faisceaux de serpents dans leurs mains : c'étaient les symboles des faux systèmes philosophiques d'Hermès. Elle plaint la décadence des écoles primaires par les paroles suivantes : "De simples et pieux maîtres d'école que le temps moderne nomme ignorants, ont élevé des enfants pieux et bons ; les excellents maîtres et maîtresses de notre époque inspirent peu de piété aux enfants ; parce que leur orgueil pédant paralyse leurs efforts ; car enfin là où il n'y a ni amour ni simplicité, il n'y aura jamais grand succès. "
Catherine regretta les grandes solennités devenues à la mode pour les fêtes de la première communion. Ces inutilités luxueuses écartent de l'âme d'un grand nombre d'enfants la dévotion et le recueillement si nécessaires au parfait accomplissement d'un acte si grand et si vénérable, et dirigent leurs pensées vers la parure et le luxe. Elle apprit et reconnut que la première communion faite après une préparation digne, est d'un effet décisif pour toute la vie.
Un autre sujet concernant les nouvelles conditions de l'Eglise, fut confié par Dieu à cette vierge si zélée pour sa gloire. Elle fut instruite de l'intention où était le gouvernement, de forcer l'Eglise à permettre que dans les mariages mixtes les fils embrassassent la religion du père et les filles celle de la mère. Un diplomate rusé et flatteur, en uniforme bleu, avait déjà réussi à brouiller le clergé dans la maison nuptiale de Munster. L'opinion du vicaire général et d'Overberg s'éleva contre cette prétention, et ces deux dignes prêtres finirent par vaincre l'opinion contraire. Dès ce temps-là, Catherine s'est toujours chargée des plus pénibles souffrances pour sauver les enfants issus de mariage mixtes, du danger de perdre leur foi. Dieu la fit assister en esprit à des assemblées de prêtres, pour influer sur leurs résolutions et pour les empêcher de faire des concessions injustes au gouvernement.
Un exemple remarquable de la grande place occupée par Catherine dans le Coeur de Dieu, est la prédiction qu'elle fit alors que son supérieur, le vicaire général Clément-Auguste se couvrirait plus tard d'une grande gloire par son apologie de la liberté de l'Eglise, dans la question des mariages mixtes. Cette prophétie s'accomplit, en 1837, lorsque Clément-Auguste, revêtu de la dignité d'archevêque de Cologne, soutint vaillamment et constamment les droits sacrés de l’Eglise catholique. Il dit qu'elle ne peut admettre les mariages mixtes, qu'à la condition de conserver ses droits sur les enfants issus de ces mariages. On sait aussi que l'archevêque devint un confesseur de la foi, préférant souffrir la prison plutôt que d'abandonner ses principes ! Gôrres écrit au sujet de l'émotion extraordinaire que cet acte de violence provoqua: "Cet emprisonnement a été le coup de canon qui réveilla l'Allemagne endormie, à une nouvelle vie de foi."
D'après ce que nous venons de rapporter, on ne peut méconnaître que dans la grande crise que produisit dans le diocèse de Munster la transition d'un gouvernement épiscopal de mille ans à un nouveau régime luthérien, Dieu a daigné accepter les sacrifices et les prières d'une vierge modeste, pour maintenir la foi et les droits de l’Eglise. N'est-il donc pas juste que ses compatriotes la révèrent et rendent grâces à Dieu de tout ce qu'ils doivent à l’activité méritoire de Catherine ?
Au mois de septembre 1820, elle contempla dans une vision touchante les oppressions de l’Eglise de Munster ; elle la vit dépourvue de toute liberté comme une épouse séparée de son mari, c'était l'Eglise sans évêque. Mais en même temps, elle eut la consolation de voir, que même si l'hérésie "incendiait la cathédrale (note) " tout serait sauvé par le secours de saint Ludger, premier évêque de Munster.
note - Les persécutions de l’Eglise se présentaient à elle sous forme d'incendies, qui ravageaient les édifices sacrés et publics.
Elle vit ce saint se réfugier dans la chapelle mortuaire de l'évêque Bernard de Galen, qui au dix-septième siècle déjà avait protégé le diocèse contre les influences des novateurs. Cette vision consola la malade ; car elle augurait un avenir heureux pour le diocèse. Sur ces entrefaites, elle vit l'époux de cette Eglise opprimée : c'était un pauvre orphelin qui en errant dans les bruyères, s'était écorché les pieds. Catherine reçut l'ordre de guérir ses plaies et de l'emmener sur un gazon de fleurs ; en d'autres termes, Dieu ordonne à Catherine de prier et de souffrir, pour rendre au diocèse un nouvel évêque.
Le 16 octobre 1820, cette mission lui fut de nouveau recommandée. Elle voit le nouvel évêque avec la mitre et la crosse planant au-dessus de son diocèse. Des protestants s'efforcent de le faire descendre ; mais leurs conditions ne sont pas celles du Pape, et si l'évêque avait cédé à leurs désirs, son installation aurait été illégitime.
Pendant ces contemplations elle souffrait toujours les tortures les plus cruelles. Son fiancé céleste lia le corps de Catherine de la même manière qu'on l'avait lié lui-même à la colonne de la flagellation ; il lui dit : "C'est ainsi qu'on lie à présent l’Eglise, on restreint tous ses droits, pour empêcher son essor." La malade elle-même sentit la peine de cette ceinture ; ses souffrances étaient accompagnées de vomissements de sang ; elle eut la tête couronnée d'épines, et son front comme ses plaies saignaient sans discontinuer et en abondance.
Elle souffrait de préférence pour le diocèse de Munster et pour les autres diocèses vacants de la province ecclésiastique de Cologne. Elle vit la mitre de son diocèse suspendue dans les airs ; Catherine se trouve avec quelques personnes pieuses dans une petite cabane. Là, elles prient Dieu de vouloir empêcher l'irruption d'un pasteur qui n'entre pas par la porte du bercail, en un mot, elles demandent l'élection d'un évêque digne. La malade vit à côté d'elle le pieux maître d'école. Dieu prévint la nomination d'un faux pasteur ; car le Concordat intervenu entre le Pape et le gouvernement prussien régla les affaires de la métropole de Cologne et de ses évêchés suffragants.
La part que Catherine prit à ces dispositions fera le sujet du chapitre suivant.
Chapitre 3
Action et influence de Catherine en faveur du Pape Pie VII
et de la province ecclésiastique de Cologne
Dieu se servit de Catherine, pour consoler le souverain
pontife Pie VII. Par elle il envoya à ce grand martyr la force et le conseil qui devaient le rendre vainqueur de ses ennemis. Après la chute de Napoléon, le Saint Père retourna à Rome, il est vrai (1814), mais pouvait-il se réjouir en ne recouvrant que la seule liberté ? Les révolutions et la guerre qui duraient depuis vingt-cinq ans d'une part, et l'impiété audacieuse et dévastatrice de l'autre, n'avaient laissé que des ruines dans l'édifice de l'Eglise du Christ. En vérité, en contemplant du haut de son siège cet état déplorable, le Souverain Pontife pouvait s'écrier avec Jérémie : "Les rues de Sion pleurent, parce qu'il n'y a plus personne qui vienne à ses solennités ; toutes ses portes sont détruites ; ses prêtres ne font que gémir ; ses vierges sont toutes défigurées de douleur, et elle est plongée dans l'amertume. Ses ennemis se sont élevés au-dessus d'elle ; ceux qui la haïssent, se sont enrichis, parce que le Seigneur fa condamnée, à cause de la multitude de ses iniquités." (Lm. 1. 4-5)
Dieu confia à notre vierge la tâche de collaborer à la réorganisation de l’Eglise en Allemagne, sa patrie. Elle vit l'ancien état extérieur de la plupart des évêchés complètement méconnaissable ; ils étaient dépouillés de tous leurs biens et de tous leurs droits et privés de leur chef. Les anciennes principautés épiscopales étaient administrées par des gouverneurs protestants ; la province ecclésiastique de Cologne appartenait à la Prusse. C'est avec ces princes que Pie VII avait à réorganiser les affaires de l'Eglise. En Allemagne les principes du Joséphisme et du Febronianisme, dirigés contre la puissance spirituelle du Saint Père, étaient partout répandus. L'esprit ecclésiastique et de la science sacrée avait fait place au rationalisme et à la franc-maçonnerie. Ceux enfin qui n'appartenaient pas directement à ces sectes, montraient néanmoins une grande tiédeur et une complète indifférence en matière de religion. Parmi ces âmes indifférentes il y avait, chose triste à constater, un grand nombre de prêtres, tant en Allemagne qu'en Italie ; et même plusieurs des conseillers du Pape étaient infectés de cet esprit néfaste.
Catherine avait une connaissance parfaite de la situation où se trouvait l'Eglise, elle était au courant des discussions qui la divisaient, et elle connaissait très bien les intentions et les actes du Saint Père, comme elle connaissait d'ailleurs les intentions et les actes de toutes les personnes traitant avec lui. Cette connaissance, dont ses communications nous prouvent l'exactitude, la poussa à s'offrir à Dieu en sacrifice de propitiation pour l'Eglise et la foi de sa patrie.
Depuis l'année 1819, son ange la conduisait souvent en esprit auprès de Pie VII et de son successeur Léon XII. Elle avait à communiquer au Souverain Pontife les conseils ou les remontrances respectueuses que lui inspirait son guide céleste. Cette communication se produisait ou par des inspirations intérieures ou par des paroles intelligibles. Puisque Dieu acceptait ses prières et ses souffrances pour le bien de l'Eglise, on peut facilement admettre qu'elle devint sa messagère auprès de son représentant terrestre. Ici d'ailleurs son activité était plus grande que celle de son ange, car celui-ci était incapable de mériter pour l’Eglise.
Catherine nous dépeint Pie VII comme un vieillard doux et bienveillant, que l'âge et les persécutions ont affaibli. Sa tête s'incline de droite à gauche, et quelquefois la tristesse et les soucis qui le minent au sujet de la déplorable situation de l'Eglise, produisent en lui des évanouissements. Il puise sa seule force dans la prière et dans sa confiance illimitée en Dieu. Elle le décide à revêtir le pallium plus souvent que ce n'était sa coutume. Ce vêtement sacré lui obtient la force et les grâces du Saint-Esprit, comme autrefois, l'éphod du grand prêtre chez les Israélites. Elle l'excite aussi à se prononcer devant les cardinaux sur l'état de l’Eglise opprimée.
La Prusse traita avec Pie VII sur le règlement de l'archevêché de Cologne et des évêchés de Trêves, de Munster et de Paderborn. Il était à craindre que cette puissance anti-catholique fit prévaloir autant que possible ses principes religieux dans les pays catholiques. On pouvait prévoir que par ses professeurs elle enseignerait sa doctrine aux classes aisées de la société, et l’introduirait par ses employés parmi le peuple. Et ainsi elle se serait peu à peu insinuée dans les affaires ecclésiastiques. En face de ce danger, qu'elle reconnut aussitôt, notre vierge héroïque s'opposa comme un rempart insurmontable aux assauts du protestantisme. Mais cependant, malgré ses sacrifices pénibles, qui empêchèrent, il est vrai, de très grands maux, Catherine a prévu et prédit alors déjà quel ascendant prendrait le protestantisme sur les pays catholiques, et comment par la puissance séculière, il entraverait la liberté de l’Eglise et de ses membres fidèles.
Combien cette prophétie s'est déjà souvent réalisée depuis les années écoulées, depuis qu'elle a été faite par Catherine ! Qui, entendant parler la malade des entraves de la liberté, ne se rappelle pas les tristes circonstances du « Kulturkampf » à peine disparu aujourd'hui ? D'ailleurs, comme dès le début de ses négociations à Rome, la Prusse y établit une chapelle pour la Légation protestante, Catherine prévit l’établissement futur de beaucoup d'incrédules dans la ville éternelle. Nous savons que ces paroles s'accomplissent sous le gouvernement actuel de l’Italie.
Lorsque dans sa profonde affliction elle implora le secours de Dieu, son fiancé divin lui apparut et lui dévoila la vie méprisable des chrétiens et des prêtres de son temps. Il lui montra en même temps pour l'encourager, tout ce qu'il avait fait pour son Eglise : "Je suis la force et le soutien des martyrs, dit-il ; continuez à souffrir et à prier pour l’Eglise. Elle remportera la victoire malgré son abaissement momentané, car elle n'est pas une institution humaine."
Le jour de sa fête, le 29 septembre, l'archange saint Michel lui inspira l'ardent désir d'endurer pendant sept jours consécutifs des souffrances extraordinaires, et de distribuer entre-temps ses hardes parmi les enfants pauvres. De cette manière elle devait assister saint Michel dans le combat contre le protestantisme, qui voulait porter ses créatures sur les sièges épiscopaux de l'Allemagne. Dans la nuit suivante elle eut à subir des douleurs atroces, comme si un feu intérieur consumait ses entrailles. Quelques jours plus tard, elle eut à lutter contre une foule de démons ; elle les repoussa malgré sa faiblesse et sa débilité. Le dernier des sept jours elle souffrit de nouveau les tourments de la Passion du Seigneur qu'elle médita en même temps pour y puiser force et constance. A cette fin aussi Dieu lui fit voir les souffrances analogues de ses prédécesseurs
elle vit sainte Thérèse assise au milieu d'épines, et sainte Claire de Montefalco entourée d'un anneau qui la déchirait. Jésus lui dit que sa Passion serait continuée avec fruit dans ceux qui imiteraient sa vie de souffrances.
En 1821, le temps qui s'écoula depuis la fin du mois de mai jusqu'à la mi juin, fut une des époques les plus douloureuses de la vie de Catherine. Un mal d'oreille extraordinaire dominait toutes les autres souffrances. Son état fut si déplorable qu'on ne peut comprendre comment un corps si affaibli par tant de maladies à la fois ne succomba point à l'excès des souffrances. Pendant une nuit elle fut maltraitée par Satan, sous la forme d'un monstre hideux, qui avec ses serres abominables et glaciales la tira à moitié hors du lit. Comme il ne cédait pas à l'invocation des saints noms de Jésus et de Marie, et aux reliques, Catherine couvrit ses épaules de l'étole de son confesseur qui se trouvait près de son lit. Aussitôt le démon s'enfuit en reprochant à Catherine qu'elle démolissait tout ce dont il se croyait le propriétaire. Elle lui répliqua : "Prends ce qui t'appartient, le péché, et retourne avec lui aux abîmes de l'enfer. "
D'accord avec l'ambassadeur prussien, Pie VII publia le 16 juillet 1821 la Bulle De salute animarum qui fixa la nouvelle organisation de la province ecclésiastique de Cologne. Les sièges épiscopaux vacants furent occupés. Le nouvel évêque de Münster était l'ancien abbé de Corvey.
Chapitre 4
Apostolat de Catherine pour la province ecclésiastique du Haut-Rhin
(Fribourg-en-Brisgau)
Alors qu'on réglait les affaires de la métropole de Cologne, on traitait en même temps la réorganisation de la province ecclésiastique du Haut-Rhin. Les évêchés de l’Allemagne centrale et méridionale, à l'exception de la Bavière, étaient échus à cinq princes protestants. Le Würtemberg, Bade, Hesse-Darmstadt, la Hesse électorale et Nassau en avaient la domination. Ces cinq pays se mirent d'accord pour organiser le nouveau régime de l’Eglise catholique dans leurs districts. Mais leurs intentions étaient mauvaises : ils voulaient soustraire l’Eglise à la direction du Pape ; leur rêve était une Eglise nationale allemande dans laquelle les princes auraient l'autorisation de nommer les évêques sans le consentement du Pape, et de fixer les traits fondamentaux du gouvernement épiscopal. Ils aspiraient à faire prévaloir en Allemagne l'esprit de lumière alors à la mode ; ainsi ils seraient parvenus peu à peu à dissoudre l’Eglise catholique, et alors il aurait été facile d'en confondre les débris avec le luthéranisme.
Dieu dirigea les yeux spirituels de Catherine sur ces intentions, et il lui montra, à sa profonde douleur, la décadence pitoyable de la vie religieuse parmi les catholiques de ces contrées.
Personne ne faisait usage des sacrements ; les préceptes de l’Eglise n'étaient plus observés. Catherine vit la Sainte Vierge
qui cachait le Rosaire sous son manteau, comme pour le soustraire au mépris général. Elle observe en même temps que cette décadence déplorable est due à la négligence du clergé. Ce sont les prêtres qui ont perdu leur foi et méprisé les ordonnances de l'Eglise ; ils ne récitent plus leur bréviaire et les excommunications passent inaperçues au-dessus de leur tête. De grandes phrases, des mots creux, mais sonores, tels que "Lumière, Esprit, Amour", remplacent chez eux la vie de foi.
Pour sauver les apparences, les princes protestants envoyèrent en 1819 deux diplomates à Rome. L'un d'eux était, d'après les visions de Catherine, un petit homme aux cheveux noirs du type sémite. Il s'efforça de captiver les cardinaux par des adulations hypocrites. Avant son départ déjà, il s'était vanté de son succès par ces paroles orgueilleuses : "Nous verrons bientôt ce qui adviendra de la pierre, sur laquelle Jésus Christ a bâti son Eglise." Au mois de janvier 1820, la malade dut affermir le Pape dans son refus de signer les fallacieuses propositions de cet individu. Elle voit les mauvaises intentions de ce diplomate : il soustrait et falsifie tout ; il obtient la déposition de plusieurs savants qui gênent ses desseins ; il fait enfin des avances continuelles au protestantisme et au schisme grec, dans le but d'anéantir l'Eglise romaine.
Qu'on nous permette ici la description des souffrances que la soeur Emmerich avait demandées à Dieu pour amener cette crise fatale à un heureux dénouement. "J'espère pouvoir aider, dit-elle, en prenant sur moi les douleurs de la Passion du Christ. " Tout à coup, elle sentit qu'on tirait ses bras d'un côté et ses pieds en sens contraire, ce qui causa une dislocation violente de ses os. Tout son corps prit la position d'une personne étendue sur la croix ; elle poussait des gémissements de douleur, et une sueur froide découlait de son front. Cet état dura dix minutes et se répéta trois fois le même jour ; à la fin elle s'affaissa tout épuisée, et sa faiblesse dura quelques jours. Sa langue était engourdie, et ce ne fut que la bénédiction de son confesseur qui lui en rendit l'usage.
Les propositions des deux diplomates furent rejetées à Rome. Alors les princes convoquèrent au mois de mai 1820 une assemblée de leurs représentants à Francfort-sur-le-Main, pour agir en dehors du Pape. Il y avait dans cette assemblée
beaucoup de prêtres catholiques, qui tous étaient pénétrés des mêmes sentiments d'hostilité. Le plus dangereux de ces prêtres était, au dire de Catherine, le vicaire général Wessenberg de Constance. Cette assemblée rédigea deux projets d'organisation : le Fundations-Instrument (instrument de fondation), et la Kirchen-Pragmatik (pragmatique de l'Eglise), dont le premier traitait des affaires extérieures, le second de l'organisation intérieure de l'Eglise.
Devant la salle de délibération, Catherine vit le démon sous la forme d'un chien nonchalant qui dit : "Ces hommes-là font vraiment mon ouvrage." Dans la vision suivante, elle vit l’esprit et les conséquences de ces déterminations. Les diocèses lui étaient représentés par une église noire et sombre. Une fumée épaisse en sortait et transformait les champs voisins en marécage. Les sièges de ces diocèses étaient tous vacants. Wessenberg s'était fait vicaire du Chapitre de Constance contre la volonté du Pape. Ses partisans, prêtres et laïques, étaient très nombreux. Leur premier but était d'abolir le célibat du clergé. Catherine supplia Dieu de ne pas permettre la réalisation des stipulations de Francfort, et surtout de prévenir le scandale que causerait le mariage des prêtres.
Dieu agréa l'holocauste de cette vierge héroïque qui s'immolait pour son prochain. Elle supporta par amour pour les conseillers de Francfort des douleurs intenses. Elle implora Dieu de changer durant les fêtes de Pâques, qui étaient proches, les coeurs de ses ennemis acharnés. Mais hélas ! ces coeurs endurcis s'obstinèrent à demeurer fermés.
Après la fête de Pâques, Dieu imposa à Catherine une oeuvre d'expiation extraordinaire pour quinze jours. Avec la plus grande des fatigues, elle devra traîner Wessenberg le long d'un grand fleuve pour le déposer dans une grande ville de l'autre côté d'un lac immense (c'est l'image d'un transport de Francfort à constance). Là il ne peut plus persécuter l’Eglise, en public du moins.
Apprenons les difficultés de ce transport et les fatigues qu'elle endura pour faire reverdir de nouveau la terre marécageuse des districts ecclésiastiques. Le premier dimanche après Pâques, elle fut atteinte d'évanouissements, de paralysie des membres et de sueurs d’agonie ; elle souffrit des douleurs atroces dans les entrailles ; une chaleur fiévreuse la tourmenta, lui occasionnant une soif insatiable ; mais le manque de souffle et de respiration l'empêcha de boire ; la plaie de son côté se mit à saigner et à la brûler, il lui fut impossible de prononcer un mot. Elle gémissait de douleur sur sa couche, sans ressentir un seul instant le moindre adoucissement. Son état devint si périlleux et si extraordinaire, qu'il excita l'inquiétude de son entourage ; on s'épuise à lui prodiguer des remèdes, mais on n'en trouve point d'efficaces. Sa soeur, si dure et si insensible jusqu'alors, s'émeut à présent au point de pleurer. La mort semble proche, mais Catherine supplie Dieu de la sauver, si elle pouvait encore souffrir davantage pour lui. Et le Seigneur lui répond : "Il faut que le feu que vous avez allumé brûle et se consume."
Grâce à la bénédiction du curé Buttner de Haltern, il se fit une pause dans ses souffrances et elle rendit grâces à Dieu de l'avoir fait souffrir. Les peines décrites avaient duré sept jours. Elles furent suivies d'une seconde semaine semblable à la première. Les souffrances atteignirent alors un degré vraiment effrayant d'acuité, la chaleur de la lièvre alterna avec des frissons glacés ; le siège des douleurs était aux entrailles. Le médecin craignit l'invasion de la gangrène, et conséquemment la mort. Catherine elle-même demanda l'Extrême-Onction. Depuis plusieurs jours elle avait langui après le Saint Sacrement qu'on ne pouvait lui donner à cause d'une maladie de gorge. On attendait l'arrivée du vicaire général de Munster qui devait lui administrer le saint Viatique, lorsque soudainement elle se souleva dans son lit en joignant les mains. Ses traits se ranimèrent et montrèrent l’expression d'une piété profonde. On reconnut à son extérieur qu'elle recevait invisiblement une nourriture divine. Puis elle se recoucha fortifiée en disant pleine de joie : "Je viens de recevoir une parcelle de la table glorieuse, et je me sens tout à fait réconfortée. " - A plusieurs reprises la sainte communion fut donnée à Catherine par la main du Sauveur ou d'un ange à la fin d'une série de souffrances. C'était le sceau divin qui marquait l'acceptation de l'holocauste et en même temps la guérison temporaire de la martyre.
Plus tard Dieu lui lit voir les effets de ses souffrances. Transportée par trois anges dans une oasis de verdure située au milieu des marécages, elle vit tomber entre elle et l'église noire des pierres précieuses brillantes et de toute couleur. Et en frottant les pierres les unes contre les autres, les anges rendirent la vie et la végétation à ce lieu désert. Dans une autre vision elle fut chargée de préparer un banquet pour les étudiants d'un séminaire. Son esprit divinement éclairé prévit alors, qu'après sa mort, le clergé et les divers ordres monastiques se réorganiseraient selon les voeux les plus chers de l’Eglise.
Cette période de souffrances ne fut pas la dernière que la malade subit pour paralyser les efforts des cinq princes protestants. Du premier août jusqu'à la fin octobre 1820, elle offrit toutes ses prières pour le Souverain Pontife. Les souffrances de cette période ne furent pas moins intenses.
Sans le moindre égard aux déterminations de Francfort, Pie VII promulgua le 16 août 1821 la bulle Provida solersque, par laquelle il érigeait les nouveaux diocèses, un dans chacune des cinq principautés. L'évêché de Constance fut supprimé ; Fribourg en Bade eut un archevêque ; des sièges épiscopaux furent établis à Rottenburg pour le Würtemberg, à Mayence pour la Hesse-Darmstadt, à Fulda pour la Hesse électorale et à Limburg pour le Nassau. Les Etats respectifs nommèrent alors les évêques et se contentèrent d'envoyer leurs noms à la préconisation du Pape. C'était un nouveau danger pour l’Eglise, et le Saint Père ne pouvait que refuser son consentement à un tel procédé.
Dieu instruisit notre héroïne du progrès des affaires, et l’encouragea à prier pour obtenir de dignes pasteurs à ces nouveaux diocèses. En automne 1822 elle s'occupe assidûment de ces affaires de l’Eglise. Le Christ, tout brillant de gloire, de beauté et de tendresse, apparaît à Catherine semblable à l'amant à la recherche de sa fiancée. Il aime tendrement sa future épouse et sacrifie tout pour la posséder. C'est à Catherine qu'est confiée la mission de lui amener la fiancée, qui cependant, influencée par son frère (le gouvernement séculier) paraît dédaigner la recherche dont elle est l'objet. Le fiancé la poursuit de regards affectueux, jusqu'à ce qu'enfin elle consente à lui appartenir. Cette vision dut embraser le coeur sensible de Catherine d'un amour brûlant ; mais elle devait le prouver par d'immenses peines tant physiques que morales.
Catherine a donc, nous venons de le voir, contribué puissamment à empêcher la fondation d'une Eglise nationale et schismatique dans l'Allemagne du sud. Les effets principaux de ses souffrances ne se firent sentir qu'après sa mort, comme son ange le lui avait prédit d'ailleurs ; ce ne fut qu'en 1830 que les combats cessèrent et que des pasteurs légitimes occupèrent librement les sièges épiscopaux. A partir de cette époque aussi les principes religieux et la vie de foi augmentèrent de jour en jour.
Après l'accomplissement des oeuvres expiatrices dont nous venons de parler, Catherine Emmerich n'avait plus que quinze mois à vivre sur cette terre. Elle les passa dans des souffrances toujours croissantes pour le bien de l’Eglise.
Dieu lui montra la grande et funeste influence, que la franc-maçonnerie exerçait alors dans toutes les relations entre l'Etat et le Saint-Siège. Catherine voit l’Eglise sous l'image de la basilique de Saint-Pierre à Rome. Celle-ci est démolie par les membres de la secte qui viennent de toutes les parties du monde. Aux yeux de la martyre, la franc-maçonnerie est le royaume de l'Antéchrist. Elle la décrit avec les paroles même de l'Apocalypse ;elle dit en effet : "La secte, reçoit son signe de l'animal qui, sorti de la mer, séjourne chez elle en l'excitant à la dune contre le troupeau de Jésus Christ. "'Bien des prêtres prévaricateurs, non seulement en Allemagne, mais même des prélats romains comptant parmi les premiers conseillers du Pape, servaient les intentions de cette secte. Car ils s'efforçaient de soustraire à la connaissance et au châtiment du Pape, les démarches entreprises dans un but hostile à l’Eglise. Le but des francs-maçons était la débâcle générale de la Constitution, de la liturgie et du célibat des prêtres de l'Eglise catholique romaine tant en Allemagne que dans les autres pays. On voulait unir les croyances catholique, luthérienne et grecque dans une seule Eglise, dont le Pape, destitué de tout pouvoir séculier et spirituel, ne serait que le chef apparent.
Dans ce temps Catherine était envoyée par Dieu pour déjouer, par son influence, les desseins de ses adversaires. Dieu lui montra comme modèle, le Pape Gélase, dans ses luttes contre les Manichéens dont les projets étaient semblables à ceux des francs-maçons. Elle poussa Pie VII à revoir les actes des anciens conciles. Dieu lui permit d'expier les égarements des prélats aveuglés, et d'obtenir la conversion du premier conseiller du Pape. Cette tâche rendit son état extrêmement lamentable. Ce prélat tomba gravement malade. En face de la mort il se convertit, confessa sa culpabilité au Pape, et lui remit tous les écrits qui contenaient les coupables arrangements et complots ourdis entre lui et les ennemis acharnés de l'Eglise. Parmi ces arrêts, il y avait une détermination qui regardait plus particulièrement l'Eglise de Munster et qui était tout opposée à la volonté du Pape. Le prélat ne mourut point mais se remit peu à peu, et continua à régler les affaires ecclésiastiques selon l'esprit de Pie VII.
Admirons et bénissons ici les dispositions merveilleuses de la Providence, car bientôt après la conversion du conseiller papal, Pie VII mourut, le 20 août 1823. Catherine assista en esprit au trépas du Souverain Pontife qui se brisa l'os iliaque dans une chute faite dans sa chambre, et termina son existence si pieuse et si active à la suite de ce regrettable accident. Catherine vit sa fin et elle en raconta tous les détails à ses amis stupéfaits de l'entendre.
Elle vit alors que le successeur de Pie VII serait Léon XII, homme d'une énergie inébranlable. Celui-ci mit la main sur le traité dont nous venons de parler, traité conclu entre le conseiller et les princes protestants. Par manque de temps, il n'avait pu encore être détruit. Cette disposition déloyale voulait non pas une union fidèle et généreuse entre le pasteur et l’Eglise fiancée, mais plutôt un divorce déplorable.
Catherine voyant le Saint Père irrité recommença en automne 1823, de nouvelles expiations pour cette affaire. Elle fut chargée de confectionner des vêtements sacerdotaux pour les futurs évêques. Cependant le manque d'étoffe lui occasionna de grandes difficultés ; celles-ci signifient les souffrances affreuses qu'elle avait à subir dans un degré toujours croissant vers la fin de sa vie. Elle meurt comme une martyre dans l'arène de l’Eglise, déchirée et torturée à cause des ennemis de cette sainte épouse du Christ.
Mais qui donc ne consacrerait pas un souvenir ineffaçable et une vénération sincère à cette vierge qui s'est offerte à Dieu, pour conserver par son héroïsme la foi et le catholicisme à sa patrie, la grande et noble Allemagne !
Chapitre 5
Oeuvres de Catherine pour les membres séparés et négligents de l'Eglise
Catherine ne priait pas seulement pour la conversion des païens et des juifs, mais encore pour les chrétiens séparés de l'Eglise, surtout pour les sectes orientales et pour les protestants. Les chrétiens renégats lui apparurent un jour, symbolisés par un corps gigantesque mutilé et blessé d'une manière horrible. Son guide lui dit : " Un membre de ce corps de l'Eglise ne doit-il pas désirer l'union avec les autres membres, et ne sera-t-il pas prêt à tout souffrir pour la guérison de ce corps ? " Après ces enseignements intérieurs Catherine redoubla de zèle dans son apostolat et Dieu daigna lui en faire connaître les résultats favorables.
Un jour Catherine supplia ardemment la Mère de Dieu pour obtenir, par son intercession puissante, la conversion de tous les coeurs qui penchaient vers la vérité.
Dieu lui imposa alors des souffrances propitiatoires, et il lui révéla que deux cent vingt âmes de toutes contrées s'étaient réunies et soumises à l’Eglise. Une autre fois elle mérita pour un protestant, homme sincère et de bonne foi, qui admirait le catholicisme, l'entrée définitive dans l'Eglise, à laquelle il voua dès lors toutes ses facultés.
Plusieurs sectes de l'Orient qui, par la succession non interrompue des évêques possédaient encore le véritable pouvoir ecclésiastique, lui furent montrées sous l'image d'une grande dame couverte d'ulcères. Catherine suça ses blessures, et alors une lumière bienfaisante éclaira ces âmes égarées. Elle coopéra aussi à la guérison de ce que, en Allemagne, on appelle "vieil homme", c'est-à-dire le schisme grec, dont l'orgueil faisait obstacle à sa conversion et l'excitait à couvrir le monde de malheurs (en Russie). Il portait toujours sur lui une croix grecque en bois qu'il chérissait extrêmement. "Hélas, vieil homme, dit-elle, à quoi vous servira cette croix en bois, si elle ne vous rappelle pas le Sauveur ?"
Durant cinq ans Catherine s'était chargée d'une oeuvre de piété pour obtenir la conversion d'une secte chrétienne qui demeurait au bord de la Mer Rouge. Cette secte lui fut représentée sous la forme d'une vieille femme opiniâtre et ignorante. Catherine la persuade avec une douceur sans pareille de renoncer à la persécution de l’Eglise et de se réfugier auprès du Saint Sacrement, qui est la source de la vie et le remède à toutes les misères. Mais la femme inflexible résiste aux bonnes suggestions, se vante et s'enorgueillit de son origine et de ses moeurs qu'elle prétend être celles des premiers chrétiens. L'activité de Catherine pour ces dévoyés finit par un voyage pénible jusqu'aux pieds du Saint Père, qu'elle eut à exécuter sous la direction et d'après les renseignements du prophète Malachie. La secte dont nous parlons, ressentit le désir de se faire instruire dans la vérité. Mais Catherine, pour vaincre l'ignorance complète de leur archiprêtre, devait conduire celui-ci à Rome pour qu'il se fît instruire et qu'il travaillât ensuite à rapprocher la secte de l'Eglise catholique.
Catherine eut aussi à s'acquitter de certaines oeuvres particulières pour l’Eglise et ses membres, surtout pour les prêtres.
Elle les accomplit sous la forme des paraboles de l'Ecriture Sainte, par lesquelles le Seigneur caractérise ses relations avec l'Eglise. Puisqu'il nomme celle-ci une vigne, un jardin, un champ, il est naturel que Catherine dut parfaire ses travaux mystiques sous forme d'ouvrages dans une vigne, un jardin ou un champ. Ces travaux allégoriques se transformèrent pour elle en des douleurs diverses, qui furent accompagnées par des signes visibles des efforts que demandent ordinairement de pareils travaux. Bien plus, souvent elle contracta même des lésions corporelles.
La forme de ses souffrances ne dépendait pas de son choix, mais correspondait intérieurement à la nature de l'oeuvre expiatoire que le Seigneur lui avait imposée.
Elle avait à accomplir toutes les besognes dans la vigne du Seigneur ; elle la creusait et la tondait, cueillait et pressurait les grappes, pour en récolter le vin. Ce dernier signifie la vie spirituelle, tandis que les travaux nécessaires à sa production, représentent les défauts et les besoins de la vigne. Les orties sont les négligences du clergé, les épines, le manque de charité, le bois superflu des ceps de vigne, la mondanité et la nonchalance des gardes. Elle devait avec la plus grande peine séparer les bonnes grappes des mauvaises, en d'autres termes, elle avait à protéger les membres vertueux des communautés contre les scandales et les faux principes des méchants. Enfin, de tout ce qu'elle avait arraché, elle devait faire un rempart, et entourer la vigne d'une haie d'orties, pour mettre le vin à l'abri de toute attaque.
Ces travaux lui valurent des fruits abondants de grâces pour les prêtres, les communautés, et même pour des diocèses entiers.
Un fait de ce genre eut lieu au cours de l'été de l'année 1820
Catherine travailla dans la vigne d'un diocèse dont nous tairons le nom. Ce diocèse est à l'abandon faute de soins et de culture ; l'évêque gémit dans l'exil. Les saintes reliques du patron du diocèse ne sont plus vénérées ; le chemin de l’église, où elles sont conservées, se couvre de ronces et d'épines. Les curés ne s'en soucient guère :ils passent leur temps à la lecture de livres frivoles et superficiels, et confient le gouvernement des paroisses à leurs ménagères !
L'ange conduisit Catherine dans les vignes du Seigneur, pour y travailler du 20 juin au 2 juillet. Durant ces douze jours elle éprouva les douleurs que cause nécessairement, au bout de quelques heures une position courbée vers le sol :elle se sentit couchée dans les épines et les orties ; ses mains portaient, en effet, des traces visibles des piqûres d'orties. Sa main droite était enflée par l'usage prolongé de la serpe avec laquelle on rogne le tronc des vignes ;elle ressentait les entailles du couteau dans son propre corps et les jointures de ses membres
fatigués et endoloris. Ses souffrances furent si violentes, que son confesseur redoutait la mort. L'excès de la douleur fut tel, qu'elle pressa sur sa poitrine des reliques de saint Ignace et de saint François-Xavier, les implorant de la soulager un peu. Les saints lui apparurent, répandirent leur lumière sur elle et la soulagèrent.
Au mois de septembre de la même année, des anges demandèrent son travail à différents endroits de la même vigne. Ils lui montrèrent plus tard les fruits de son activité dans différentes paroisses à la campagne ; elle avait eu moins de succès dans la capitale du diocèse.
Une tâche particulière de Catherine était de vivifier et de ranimer l'amour mutuel parmi le clergé. Sa soeur spirituelle, sainte Claire de Montefalco et sainte Françoise Romaine l’instruisirent, et furent ses inspiratrices dans l'accomplissement de cette mission difficile.
Catherine dut s'étendre sur les branches obliques et aiguës des vignes, ce qui lui causa une douleur cuisante. Une autre fois elle dut se jeter sur une couche d'herbes parsemée de longues épines qui la déchirèrent tellement, qu'elle poussa des cris de douleur.
Une autre forme de ses souffrances pour l’Eglise était le labourage des champs de froment. Elle dut creuser et semer, couper et moissonner ; elle eut à battre le blé, dans la grange, et à séparer les graines de semence du froment d'usage.
Durant les mois d'août et de septembre 1821, elle fut invitée à procurer du blé de semence aux administrations spirituelles qui étaient dans l'alternative de se décider à prendre le parti de la sainte Eglise ou à s'insinuer contre elle. Le démon ne pouvant empêcher le travail de Catherine ni dompter l'ardeur de son zèle, lui appliqua un coup de truelle si violent, qu'elle en reçut une blessure visible en dessous de la plaie qu'elle portait au côté. Sans se laisser déconcerter, elle combattit avec vaillance, et après de grands et pénibles efforts, elle eut la consolation d'atteindre son but ; les administrations se décidèrent enfin à embrasser le parti du bien et de la justice. Ceci se passait à l'époque où les diocèses étaient encore administrés par des vicaires généraux, et le fébronianisme appuyé par toutes les forces de la franc-maçonnerie, cherchait, par la propagande, à pénétrer partout et à prendre partout la prépondérance sur l'Eglise.
Une autre espèce de ses souffrances expiatrices qu'elle avait à endurer, consistait dans la confection ou le nettoyage de toutes sortes de vêtements ecclésiastiques. Tantôt c'était un tas de linge que plusieurs églises avaient apporté dans la cathédrale de Münster, ou quelqu'autre centre ecclésiastique, et qu'elle devait laver et repasser ; tantôt c'étaient des ornements sacrés qu'elle devait confectionner. La forme de ses souffrances correspondait à la forme et à la difficulté de ces oeuvres spirituelles.
Dans le courant de l'été de l'année 1820, elle s'opposa aux faux mystiques d'alors, surtout aux Pôschiens qui ravageaient alors l'Autriche, la Bavière et la Suisse. (note)
1 - Note de l'éditeur (édition de 1894) : On sait à quelles extravagances en sont venus les membres de cette secte fanatique qui doit son origine aux prédications d'un prêtre autrichien Thomas Poschel, qui se prenait pour un martyr de la foi. Voici sa doctrine : Le Christ demeure dans le coeur du pur et dirige toutes ses actions. Qui ne se laisse pas purifier s'expose aux peines de l'enfer et a mérité la mort, qui seule peut le purifier de nouveau. L'observation de cette nouvelle doctrine doit aller jusqu'au sacrifice de la vie ; sans cela le fruit de la nouvelle révélation se perd et revient aux Juifs. Car Dieu veut fonder une nouvelle religion qui embrasse le judaïsme et le christianisme et qui commencera à Jérusalem un règne de mille ans. Les disciples de Poschel s'adonnèrent au fanatisme et aux crimes les plus atroces.
Comme toutes les actions de Catherine consistaient en sacrifices et souffrances en Jésus Christ, tous ses travaux ordinaires jouissaient de la plus riche bénédiction de Dieu.
Bien que forcée à rester au lit, elle s'occupait néanmoins de la couture de linges et de vêtements pour les pauvres, si ses trop grandes souffrances ne l'en empêchaient pas. Un autre mérite de Catherine consistait en ce qu'elle donnait jusqu'à sa dernière obole, pour acheter les étoffes nécessaires aux confections dont nous venons de parler. Souvent même elle alla jusqu'à mendier les guenilles que d'autres avaient rejetées comme inutiles et hors d'usage. Et jamais elle ne négligeait de joindre la bonne intention à tout ce qu'elle faisait.
Dieu récompensa les oeuvres de charité de son humble servante par une grâce toute particulière : il lui révéla que sa Providence divine éveillait dans beaucoup de ses enfants pauvres, auxquels Catherine vouait sa sollicitude, la vocation ecclésiastique. Elle vit que ces enfants recevaient une bonne instruction pendant leur enfance ; elle vit germer des grappes dans le coeur des garçons, et des épis dans l'âme des fillettes. Ce fut aux soins de Catherine que Dieu confia ces fruits, pour nourrir dans les coeurs de ces petits enfants le penchant à la vie religieuse.
A diverses reprises elle eut à exécuter des oeuvres pour la renaissance spirituelle de l'état religieux ou pour la résurrection des congrégations d'autrefois. Et, chose étrange, après la suppression générale des monastères les premiers Ordres religieux se fondèrent à proximité de cette vierge zélée et encore de son vivant. Son supérieur, le vicaire général Clément-Auguste, fonda à Münster la première congrégation religieuse : celle des Filles de la Miséricorde qu'on aime et révère encore aujourd'hui dans tout le diocèse sous le nom de Soeurs de Saint Clément.
Chapitre 6
Réparation envers le Saint Sacrement
Il va sans dire que Catherine voua surtout son amour et son zèle aux saints mystères de nos autels. Le lecteur sait déjà, d'après ce que nous avons dit de l'enfance et de la jeunesse de Catherine, que la sainte Eucharistie l'attirait de loin, comme l'aimant attire le fer. Souvent Jésus Christ s'était manifesté à elle en des visions miraculeuses.
Durant tout le mois de juin, dans lequel nous célébrons la Fête-Dieu, et qui est consacré par l'Eglise à honorer le Sacré-Coeur de Jésus, Catherine fut favorisée de visions sur le très Saint Sacrement.
Elle vit saint Antoine de Padoue plongé dans l'adoration du saint mystère : elle en vit sortir l'Enfant Jésus tout resplendissant de beauté, se reposant sur l'épaule du saint, le caressant avec gentillesse et retournant ensuite dans le tabernacle. Elle vit le même saint persuader les incrédules de la présence de Jésus sous les saintes Espèces, par l'opération d'un miracle : le spectacle inouï d'un âne se prosternant à terre pour vénérer la sainte Eucharistie.
Une autre fois elle fut transportée dans une église de Liège, pour assister à la célébration de la Fête-Dieu. Elle y vit dans un couvent sainte Julienne, à qui Dieu avait donné la mission, d'introduire et de faire célébrer avec pompe cette fête auguste dans l'Eglise universelle. Elle contempla ensuite le miracle qui se produisit à la mort de sainte Julienne de Falconieri : le Saint Sacrement enveloppé dans un linge consacré et placé par un prêtre sur la poitrine de la mourante, disparut dans le coeur de celle-ci et y imprima l'empreinte sanglante d'une croix. Des vomissements ininterrompus avaient jusque-là empêché cette sainte religieuse de recevoir son Sauveur de la manière ordinaire.
Un jour elle implora par le Sacré-Coeur de Jésus saint Ignace, dont elle portait toujours une relique sur elle. Le saint lui apparut tout brillant de gloire, et la splendeur de son auréole s'unit à la splendeur de sa relique. Il lui dit qu'il avait reçu tout pouvoir de Jésus et lui promit, d'adoucir ses peines. Elle le vit célébrer la sainte Messe, la figure tout illuminée par un feu qui flamboyait au-dessus de lui. Une autre fois le saint lui apparut planant dans les cieux sur une voie lumineuse ; de son coeur resplendit comme un soleil le saint nom de Jésus.
Elle eut la vision de saint Louis de Gonzague quand il se préparait à la première communion. Avec une dévotion vraiment édifiante, il se tournait vers l'endroit de l'église où se trouvait le très Saint Sacrement. Elle le vit plusieurs fois aussi occupé à dessiner un ostensoir ou un calice surmonté d'une hostie et adressant à notre Seigneur ses prières toutes brûlantes d'amour. "Cela, ajoute Catherine, me rappelle sainte Barbe que j'ai vue .s'occupant de la même manière dans sa prison. - Je vis alors .saint Louis recevoir la sainte communion dans l'église. L'hostie brilla, lorsqu'elle fut approchée de sa bouche. "
Nous allons citer ici quelques exemples qui nous montrent combien Catherine a enduré de souffrances expiatrices en l'honneur de son Jésus présent sur l'autel. Nous verrons comment elle a réparé bien des fautes commises contre les saints Mystères.
Le grand évêque d'Hippone et les membres de l'Ordre établi par lui dans l'Eglise, l'appuient dans cette amende honorable. Saint Augustin, sainte Claire de Montefalco et Rita de Cassia la préparèrent aux mêmes souffrances qu'ils avaient subies ici-bas pour l'honneur du Saint Sacrement.
Saint Augustin lui apparut revêtu de ses vêtements sacerdotaux et lui adressa les paroles suivantes : "Tu es mon enfant. Tes souffrances ne te quitteront jamais complètement, car ton
chemin est une voie de douleurs ; mais chaque fois que tu imploreras mon secours, il te sera accordé." Il tint sa promesse, et quand elle croyait succomber à ses douleurs, il la consolait et réconfortait son coeur défaillant.
Un jour après lui avoir procuré du soulagement par l'odeur suave d'une fleur bleue, il lui ordonna de se lever et de dire en actions de grâces un Te Deum à la Sainte Trinité. A ces paroles la malade se soulève subitement dans son lit ; sa figure rayonne de félicité ; elle lève les mains et dit avec la voix suave d'une enfant qui remercie un père bien-aimé, le Te Deum en entier. En prononçant certains mots, elle joint les mains et courbe la tête humblement. Ce fait était bien de nature à émouvoir et à attendrir tous ceux qui en furent témoins.
Durant la même extase elle fut conduite par son ange dans le jardin céleste de sainte Claire de Montefalco, pour se faire instruire par celle-ci sur les nouvelles souffrances réparatrices qu'elle aurait à subir sous forme de travaux agricoles. Catherine en raconte ce qui va suivre
"Je vis des plaies aux mains de sainte Claire, et autour de sa tête une couronne d'épines éblouissante. Sans avoir porté les marques extérieures de ces plaies, elle en a cependant ressenti les douleurs. Le jardin était divisé en huit parties égales et bien soignées. Des vignes grimpaient aux murailles. Sainte Claire m'apprit la signification et l'utilité de chaque plante. J'y remarquai le cresson d'eau et le cerfeuil ; elle me conseilla de prendre une bouchée de cresson, quand je sentais trop de douleur, et une bouchée de cerfeuil, pour adoucir l'amertume. Déjà dans mon enfance j'aimais ces herbes. Le plus difficile pour moi était de comprendre la culture de la vigne, qui devait être liée, retroussée, coupée, etc. Ensuite elle me montra les instruments de la Passion de Jésus ; elle les portait imprimés dans son cour. Elle me parla des grâces extraordinaires qu'elle avait reçues en la fête de la très Sainte Trinité et m'exhorta à me préparer à de nouvelles souffrances pour cette fête. Elle avait l'air pâle, mortifié et débile.
Je vis de même Rita de Cassia, qui par humilité n'a demandé à Jésus qu'une épine de sa couronne. Un rayon lumineux sortit de la couronne qui blessait son front. Pendant toute la durée de sa vie elle eut à souffrir des peines indicibles. Elle
m'a parlé longuement de la dévotion au Très Saint Sacrement. "
En se chargeant de souffrances réparatrices pour les injures faites au Saint Sacrement, Catherine fut d'abord instruite de la culpabilité des hommes à l'égard de ce saint mystère. Elle fut conduite dans les églises de son pays natal et dans celles des pays étrangers, pour comprendre tout ce que Dieu souffrait dans le tabernacle, de l'incrédulité, des communions sacrilèges, de la préparation insuffisante et négligée, des irrévérences de la part des prêtres et des laïques.
La forme spirituelle de ses souffrances consistait alors en ce qu'elle devait retirer les pécheurs de la boue et de la fange, nettoyer leurs habits et les traîner enfin au confessionnal. A la fin de ces douleurs, elle avoua qu'elle était écrasée de lassitude. Pour expier l'indifférence et la tiédeur de nombreux chrétiens qui s'attardent et s'entortillent dans les soins terrestres, sans penser aux trésors de l'Eucharistie auxquels se rapporte cette invitation du Seigneur: "Venez à moi, vous tous qui êtes opprimés et je vous soulagerai", elle avait à porter un lourd fardeau au pied de l'autel. Elle porta ce fardeau de préférence sur l'épaule droite en souvenir de la croix de Jésus et de la blessure qu'elle avait imprimée sur son épaule. Elle vit et honora cette plaie comme étant la plaie la plus douloureuse du Sauveur.
Plusieurs fois elle eut des visions sur les mystères de la sainte Messe. Tous les symboles de l'Ancien Testament, depuis les sacrifices des patriarches, lui furent montrés comme étant une figure et une préparation de ce mystère divin.
A ces visions des temps écoulés se mêlèrent les visions du temps présent. Catherine fut tourmentée par des douleurs indicibles, en voyant des prêtres doués de grâces inappréciables prêcher, instruire et sacrifier avec tiédeur et indifférence. Elle vit des prêtres se livrant à des amusements frivoles, et cherchant à se justifier par cette vaine excuse qu'il faut se réjouir avec ceux qui aiment la gaieté. Et ces mêmes prêtres offraient tous les jours au Père céleste son Fils unique dans le Saint Sacrifice de la messe.
Elle soumet à la méditation de tous les prêtres les paroles suivantes : "C'est une chose 'terrible que de dire mal la sainte Messe. " Les manquements et les négligences dans le service de Dieu sur la terre augmentent la culpabilité des hommes ; mais la vénération due à Dieu est suppléée par des êtres supérieurs. "Je vois par exemple des prêtres qui s'occupent d'autres choses durant les offices divins, se trouver réellement là où se trouve leur pensée, tandis qu'un ange les remplace à l'autel et célèbre les mystères d'une manière digne de Dieu. "
A la vue des péchés commis contre le Saint Sacrement, son coeur s'attendrit de la compassion la plus vive pour ceux qui s'en rendent coupables, et elle ne se lasse pas d'implorer leur pardon. Le Seigneur agrée l'holocauste de sa fidèle servante s'unissant au service des anges, en compensation des négligences des hommes. Elle raconte à ce sujet : "Guidée par mon ange, je visitai le Saint Sacrement dans sept églises. J'offris les mérites de la Passion du Sauveur, en amende honorable pour les ignominies et les profanations que commettent les mauvais prêtres à l'égard du Saint Sacrement. " A la fête de saint Augustin on la vit longtemps plongée en extase, les bras étendus : "J'avais, dit-elle, à accomplir une mission de prière. J'ai offert à Dieu son Fils crucifié et élevé pendant la Consécration de la messe, en réparation des fautes commises par les prêtres et les laïques ; j'ai imploré sa Miséricorde divine en offrant mes douleurs en expiation. C'est ce que j'ai réitéré dans un millier d'églises, où j'ai été conduite aujourd'hui. " - Ces prières et ces oeuvres étaient ordinairement accompagnées de peines insupportables.
Ce fut la veille de la fête de la Sainte Trinité, que commença le sacrifice de propitiation que lui avait annoncé sainte Claire de Montefalco. Des rayons de douleur dardèrent sur elle, paraissant venir du dehors. A l'approche de la nuit ses douleurs augmentèrent. Elle sentit son coeur entouré d'une flamme qui dévorait tous ses membres, pénétrait ses mains et ses pieds, brûlait la tête jusqu'à l’extrémité des cheveux. Les plaies et le coeur étaient le foyer principal de ces souffrances. Accablée de tant de maux, elle supplia saint Augustin de les adoucir. Il lui apparut aussitôt, et lui promit de la soulager, si elle patientait jusqu'à trois heures : elle participerait ainsi à la Passion du Christ. Dès lors elle éprouva une consolation intérieure dans cette pensée de souffrir en Jésus Christ et de faire
par là amende honorable à la justice divine. Le saint rappela à sa mémoire que trois ans auparavant, lorsqu'elle avait failli mourir, son fiancé divin lui avait laissé le choix entre la mort et une vie de souffrances. Elle s'était alors décidée pour cette dernière, afin de secourir le prochain.
Elle souffrit beaucoup, mais avec calme et résignation jusqu'à trois heures du matin ; alors elle se sentit soulagée. Ce temps était pour ainsi dire le prélude d'une amende honorable de huit jours qu'elle accomplit durant l'octave de la Fête-Dieu.
Pendant les huit nuits suivantes elle eut à subir des peines atroces : elle avait à cultiver les huit parties du jardin de sainte Claire, sous la surveillance continuelle de cette sainte. Son martyre surpasse toute description ; elle était tout inondée de sueur, et sa langue se paralysa par suite de l'excès de sa douleur. Durant la journée elle fut tourmentée incessamment par toutes sortes de tribulations qui mirent sa patience à l'épreuve la plus dure. Par des visions intuitives Dieu lui montra des négligences nombreuses, dont des personnes ou des communautés entières se rendaient coupables à l'égard de l'Eucharistie, et pour lesquelles il demandait les oeuvres expiatrices de Catherine. Plusieurs de ces personnes parurent même à son chevet, pour implorer son intercession. Quand elle avait à travailler dans la vigne elle sentait ses bras étendus attachés avec des cordes tandis que ses plaies lui causèrent des douleurs violentes.
Ce fut une bien grande consolation pour elle que de voir d'autres membres de la sainte Eglise, sous l'inspiration de l'Esprit Saint, combattre eux aussi et s'opposer avec énergie à la décadence de la religion, par la prière, la souffrance, la parole et leurs exemples. Cette constatation lui communiqua plus de force et de constance pour subir avec résignation toutes ses douleurs. Catherine eut connaissance de l'étendue de la dévastation produite par l'incrédulité dans l’Eglise de son époque ; elle prévit en même temps la renaissance future, à laquelle elle eut le bonheur de coopérer (note).
1 - Elle prévit entre autres choses consolantes : la fondation de l’archiconfrérie du Coeur Immaculé de Marie. Douze ans après la mort de Catherine, en 1836, cette association qui a amené la conversion de tant de pécheurs, fut fondée à Paris par le curé de Notre-Dame des Victoires, le digne abbé Desgenettes.
Catherine eut plusieurs visions sur l'institution de la sainte Eucharistie et sur l'histoire du culte de ce divin mystère depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Elle éprouva une consolation et une joie ineffables en voyant les effets merveilleux que Jésus produit dans le coeur et l'âme de ceux qui l'honorent et le visitent en son saint tabernacle.
Le soir du huitième jour les douleurs disparurent, pour faire place à une faiblesse effrayante ; la malade ne pouvait ni se mouvoir, ni proférer un mot, et ce ne fut qu'au bout d'une heure qu'elle eut repris assez de force, pour balbutier une réponse aux questions qu'on lui adressait. On crut alors à sa mort prochaine. Mais Jésus s'approcha d'elle et lui rendit quelques forces ; et sainte Claire lui apparut en disant : "Vous avez bien cultivé le jardin de l'Eucharistie, c'est pourquoi je viens vous rafraîchir." Après lui avoir donné un breuvage rafraîchissant elle disparut. Catherine ranimée d'un nouveau courage dit aux personnes présentes : "La vie m'a été rendue par la grâce de Dieu. Je vis encore ; je suis encore à même d'aimer mon Sauveur, de souffrir avec lui, de lui rendre grâces, de le glorifier. " La réminiscence de ses douleurs la fit fondre en larmes sur les opérations de la Miséricorde divine, et elle déclara que sans la grâce de Dieu l'oeuvre accomplie aurait été inexécutable.
Le lendemain elle dit le Te Deum, les psaumes de la pénitence et les litanies. Dieu lui fit voir les péchés expiés par ses souffrances, ainsi que les peines remises aux pécheurs repentants.
Ses mérites célestes lui furent montrés pendant une fête que les bienheureux du Ciel célébraient pour se réjouir de toutes les grâces que l'adoration du Saint Sacrement avait procurées au monde. Ces grâces étaient exposées sous forme de vases précieux, de diamants, de perles, de fleurs et de fruits.
En cette procession céleste sainte Julienne de Liège conduisait les religieuses, et saint Norbert se mit à la tête de tous les Ordres religieux et du clergé.
Chapitre 7
Catherine durant la dernière semaine de l'année liturgique
La dernière semaine de l'année ecclésiastique était pour Catherine une période de souffrances spéciales, Dieu lui révéla alors, combien de grâces étaient restées inefficaces pour les membres de l'Eglise durant l'année qui allait finir. Elle vit une Eglise céleste, possédant des trésors de grâces surabondants qu'elle faisait descendre comme une rosée bienfaisante, sur l'Eglise terrestre, qui se trouvait au-dessous de la première ; mais l'incrédulité, la tiédeur et l'étourderie empêchaient les hommes d'en profiter, et les trésors du Ciel se transformaient pour eux en accusateurs sévères.
Dieu lui fit connaître que la force de ses oeuvres satisfactoires était en état de regagner le temps perdu et de faire revivre la grâce négligée. Car son amour immense et ses souffrances indicibles avaient fait amende honorable pour l'aveuglement de tant d'âmes qui n'auraient su atteindre leur but sans le secours puissant de la martyre.
Le Seigneur lui montra surtout les péchés d'omission, commis par les pasteurs qui manquaient du soin requis à préparer leur troupeau à la réception de la sainte Eucharistie. Elle vit des malades auxquels la réception des saints Sacrements fut refusée ou retardée : elle plaignait tout particulièrement les prêtres qui étaient négligents dans les offices divins ou dans le service des autels et des reliques. "Je suis éprise, dit-elle, du désir ardent de secourir mon prochain. En unissant mes souffrances à la Passion infiniment précieuse du Seigneur, je vois des anges réparer d'une manière sublime les défauts commis par les prêtres dans le service de Dieu et le salut des âmes. "
Catherine nous décrit une telle semaine de souffrances et de réparation. C'était la semaine s'écoulant entre le 25 novembre et le 2 décembre 1820.
Pendant ce temps ce fut surtout la Mère de Dieu qui l'assista de ses conseils et de ses instructions. Elle la vit sortir de l'air, et voici comment Catherine nous la dépeint : "Elle est grande, magnifique et blanche comme la neige. Son habit resplendissant n'a point de ceinture : tous les plis de ce vêtement brillent comme des rayons ; on ne peut apercevoir aucune forme corporelle, et néanmoins c'est une apparition surnaturelle et pleine de noblesse. "
Marie révéla à sa servante, qu'elle partageait les souffrances actuelles avec trois autres femmes et trois hommes. L'une des premières était une stigmatisée de Cagliari (capitale de la Sardaigne) ; une autre s'appelait Rosa Serra et la troisième était une personne accablée de maux physiques. Les hommes étaient un père Franciscain du Tyrol qu'elle a souvent aperçu dans ses visions, un prêtre succombant pour ainsi dire sous le poids des souffrances réparatrices qu'il endurait pour les imperfections de l'Eglise ; et enfin un homme marié, très bienfaisant envers les pauvres et très patient à subir les mauvaises humeurs d'une femme acariâtre.
L'image que Catherine voit dans ses souffrances, est le manque de lait dans l'Eglise. C'est le lait de la doctrine chrétienne que nous chantons dans l'introït du premier dimanche après Pâques. Pour remédier à cette disette, elle doit soigner et traire avec les plus grandes difficultés les vaches de la maison de noces à Münster ; elle doit aller pieds nus cueillir des herbes parmi les pierres et les épines, pour pourvoir à leur entretien et à leur nourriture. En même temps elle doit tirer de ses plaies saignantes, un lait spirituel : c'étaient les souffrances expiatrices que lui faisaient endurer les stigmates sanglants. Le lait qu'elle préparait fut distribué aux prêtres, aux instituteurs et aux institutrices.
Il manquait ensuite dans le ménage divin quantité de miels, ou, en d'autres termes, des grâces qui opèrent dans la vie surnaturelle les mêmes effets que produit le miel dans la nature. Cependant toutes les fleurs étant fanées à la fin de l'année ecclésiastique, à l'exception du chardon aride, Catherine devait pressurer le suc et en préparer le miel demandé, ce qui fit saigner ses mains avec abondance. Cette parabole nous donne une idée du martyre que devait endurer notre chère sainte, si humble et si obéissante, toujours prête à souffrir dès qu'il s'agit du salut des âmes. "Nous vivons dans un temps saint, dit-elle, la nouvelle année ecclésiastique s'approche, et tout ce qui a été négligé dans l'année qui s'achève, doit être racheté par des souffrances. Je me suis chargée de cette réparation ; c'est pourquoi je souffre tant. " Et elle ajoute au sujet de ses oeuvres d'expiation : "Ces réconciliations sont difficiles à décrire. Toute la nature de l'homme est si corrompue et dans un état si débile, que les visions, sous l'influence desquelles j'agis essentiellement, me paraissent aussi étranges qu'à tout le monde, dès que je reviens à moi. "
Pendant ces souffrances d'expiation Catherine se trouvait dans un état pitoyable ; des épines semblaient percer tout son corps ; les douleurs de la tête étaient les plus atroces ; parfois elle ressentait des douleurs d'entrailles si aiguës, qu'elles étaient capables de lui faire perdre courage ; un froid glacial se fit sentir dans ses mains, ainsi que dans le coeur et l'estomac. Vers la fin du huitième jour elle offrit l'aspect d'une personne morte dans les tortures du chevalet.
Après l'accomplissement de sa tâche, Dieu lui montra les fruits de ses souffrances sous forme de couronnes, d'ornements et de fleurs. En même temps elle put voir les trésors de grâces perdus dans cette année écoulée, surpasser ses souffrances et ses amendes honorables. Cette révélation excita en elle une tristesse immense, à ce point qu'elle fondit en larmes amères, comme si son coeur allait se briser. Elle ne fut calmée que par l'apparition du Sauveur qui lui dit: "Ces larmes qui manquaient à votre travail, ont complété l'expiation."
Elle sut aussi par révélation, que tous les prêtres auraient à rendre compte un jour de toute omission, commise par nonchalance, de toute bénédiction non donnée, et de toute consolation refusée aux âmes malheureuses. "Il y aura une grande terreur au jour redoutable du jugement, lorsque les âmes demanderont compte au clergé de tous les biens célestes, dont Dieu a rendu les prêtres dispensateurs. "
Son ange gardien lui dit: "Le prêtre est appelé à diriger les travaux dans l'Eglise ; vous au contraire, vous avez la charge de procurer les provisions spirituelles pour le ménage ecclésiastique ; obéissez donc aux ordres qui vous seront donnés, sans en demander la raison, tout comme Isaac a fait quand son père ne l'instruisit pas au sujet de la victime du sacrifice qu'ils allaient offrir sur la montagne."
Ce chapitre nous montre combien le clergé doit à cette vierge héroïque qui s'immola volontairement, pour rendre efficace leur activité, ainsi que pour assurer leur salut éternel.
Que tout prêtre révère donc en Catherine, sa bienfaitrice, en rendant à Dieu des actions de grâces et des hommages pour tous les effets extraordinaires que sa Miséricorde divine a daigné produire par la médiation de cette humble vierge !
Chapitre 8
Catherine, auxiliatrice des chrétiens et mère des mourants
Clouée sur son lit de douleurs, Catherine connaissait les affaires externes et internes de toutes les personnes que Dieu fit paraître à la vue de son esprit, pour lui demander l'aumône de ses prières. Parfois Catherine entendait une personne implorer le secours du Ciel, et, d'après les desseins mystérieux de la Miséricorde divine, elle devait aider cette personne pour qu'elle fût exaucée. D'après les circonstances données, elle lui portait secours soit par la prière et les souffrances, soit par une visite spirituelle dans laquelle elle exhortait et consolait le nécessiteux selon ses besoins. Son secours se manifestait de différentes manières. Tantôt ces hommes entendaient des paroles intelligibles, tantôt ils voyaient la réponse briller devant leurs yeux, quelquefois enfin ils étaient favorisés d'un éclaircissement intérieur et lucide.
Quelque étranges que nous paraissent ces manifestations qui échappent à notre faible intelligence, nous devons bien les reconnaître et dire avec l'évangéliste "qu'il n'y a rien d'impossible à la puissance de Dieu" (Luc 1. 57). L'Eglise d'ailleurs déclare qu'une bilocation, non seulement spirituelle, mais même physique peut être admise comme une chose possible et vraie : la vie des saints nous le prouve du reste. La vie de Catherine aussi nous en fournit des exemples frappants, comme nous l'avons déjà vu précédemment. A plusieurs reprises elle se montra à des endroits différents, pour donner des renseignements et des admonitions à des personnes qui s'étaient adressées à elle et qui vinrent plus tard lui témoigner leur gratitude. C'étaient en effet des oeuvres surprenantes que Dieu voulait consommer par l'intermédiaire de cette vierge humble et modeste.
Selon les tâches différentes qu'elle doit accomplir pour les malades et les mourants, pour les pécheurs, les âmes égarées et les défunts, son ange la conduit par toute la terre et dans toutes les parties du purgatoire.
Aucun pays, aucune religion, aucune personne n'est exceptée et écartée de la jouissance des fruits de ses oeuvres charitables. Rappelons ici, par exemple, que son ange l'emmena un jour auprès d'une païenne au Japon, et d'une Juive en Abyssinie. Ces deux âmes servaient Dieu conformément à la loi naturelle, et Catherine devait leur porter la connaissance intérieure de la vraie religion.
Le 2 juillet 1820, elle fut conduite par toute la terre, pour voir les infortunes du monde. Ce voyage l'avait fortement émue et ébranlée, un océan de misères s'étant présenté partout à sa vue spirituelle. Des faits si désolants se déroulèrent à ses yeux, que d'après sa parole, la grâce de Dieu seule était capable de soutenir la faiblesse humaine et de l'aider à supporter cette détresse sans bornes.
Ses voyages la laissaient exposée à tous les dangers, à toutes les fatigues causées aux hommes dans la vie quotidienne par de semblables pérégrinations. Avec une patience inimitable elle se soumettait à toutes les incommodités d'un trajet pénible, telles que des routes impraticables et semées d'épines, la neige et la gelée, les angoisses et les appréhensions de toutes sortes. Son ange lui apprenait en même temps le nom des pays, des montagnes, des fleuves, des océans, des peuples, avec lesquels elle venait en contact. Elle vit et connut au cours de ses voyages la religion, l'histoire, les édifices, les particularités de ces pays et de ces peuples, et ses communications concordent parfaitement avec l'histoire et la géographie.
En réfléchissant sur ces faits, on ne sait ce qu'il faut admirer le plus ou la toute-puissance de Dieu qui daigne communiquer à une vierge illettrée son omniscience et sa toute présence, ou le coeur vigoureux de notre héroïne qui offre chaque moment de sa vie en holocauste pour l'honneur de Dieu et le salut du prochain.
Détaillons ce que nous venons d'avancer. Avant tout elle consacra sa sollicitude à ses frères impénitents. Dieu les lui montra en vision, pour que par ses prières et ses souffrances elle leur obtienne une confession pleine de repentir.
Pendant ces jours d'expiation elle fut atteinte par toutes sortes de maladies auxquelles se joignirent des angoisses terribles et une désolation désespérante : c'étaient les conséquences des péchés, dont elle avait entrepris de payer la rançon. Une tâche spéciale de Catherine était de relever et de retirer les pécheurs de la crasse et de la fange, où ils étaient ensevelis pour les traîner sur ses épaules au confessionnal et à la sainte Table de communion. Cette oeuvre pénible et fatigante pour la malade, produisait des chocs terribles à son coeur qui faillit en être brisé. Ces souffrances se répétèrent souvent pendant des semaines entières pour une seule personne.
Les jours du carnaval étaient pour Catherine un temps de martyre vraiment redoutable. Elle avait alors à souffrir des peines continuelles pour les péchés commis durant ces jours d'extravagances et surtout pour les fautes commises dans les salles de danse. "Ces réjouissances apparemment innocentes, dit-elle, deviennent pour beaucoup d'âmes l'occasion et la cause de grands péchés ; car le démon prend en peu de temps une influence invincible sur ces cours ingénus. " A côté de ces plaisirs folâtres, elle voyait en même temps comment ces âmes mondaines flagellaient le corps ensanglanté de notre Rédempteur. Un jour de mercredi des Cendres elle parut toute brisée et écrasée. Elle se crispait sous la douleur, et ses pieds étaient agités de tremblements. "J'ai éprouvé, dit-elle, cette nuit toutes les douleurs, tous les martyres qu'un corps humain puisse supporter. Le tout finit par un mal d'oreilles insupportable, que j'ai offert pour ceux qui s'amusent à danser en ce jour de pénitence. "
Une fois, elle eut à expier pendant sept jours des paroles lascives. Elle souffrit une prosopalgie terrible et un grand gonflement des lèvres, ce qui l'empêchait de parler et de boire. Outre cela, son ange lui ordonna de dire chaque nuit plusieurs litanies et cent PATER. Elle endura des maux de gorge et de poitrine pour les personnes qui s'adonnaient à la coquetterie, et qui ne recevaient les saints Sacrements que par habitude. Bien qu'elle ne prit presque pas de nourriture, elle éprouva des déglutitions réitérées, sans pouvoir vomir. Ces crises lui causèrent des évanouissements semblables à la mort, et elle gémit en ces termes : "Il faut que les péchés sortent, il faut qu'on les confesse. " Elle avait en effet pris sur elle d'empêcher les confessions invalides et sacrilèges. A la suite de ces pénitences, elle vit bien des pécheurs convertis s'approcher du confessionnal.
Enumérons encore quelques exemples de la puissance de son intercession : Elle pria pour un homme qui depuis longtemps n'avait plus reçu les sacrements à l'époque des fêtes de Pâques, et elle supplia Dieu, de le fortifier dans la lutte qu'il soutenait contre sa passion dominante. Aussitôt elle eut à combattre elle-même de violentes attaques de colère : ses traits en étaient tout défigurés. L'homme, saisi d'une inquiétude intérieure, alla aussitôt trouver le Père Limberg, et il se confessa tout pénétré de repentir. Un autre, pour lequel elle avait beaucoup prié, vint lui demander pardon des calomnies qu'il avait prononcées contre elle ; puis il alla chez le Père Limberg faire une confession générale.
Son confesseur recommanda à ses prières un homme malheureux que la perte de deux chevaux avait plongé dans le désespoir, et qui avait juré une haine mortelle à l'auteur de cette perte. En même temps il s'était livré à un acte répréhensible de superstition. Quatre jours entiers, Catherine eut à combattre l'angoisse et le désespoir, la fureur et le courroux. Cette lutte dut s'exercer en même temps contre le démon
Catherine implora pour cet infortuné le secours de sainte Anne, patronne de ceux qui sont tourmentés d'une manière spéciale par le diable. Le malheureux se calma et revint à de meilleurs sentiments.
Catherine fut conduite aussi en beaucoup de maisons de force et de prisons, pour émouvoir et attendrir les coeurs de ceux que la misère et la séduction avaient poussés au crime. Dans des prisons souterraines elle trouva des hommes à barbes longues qui se repentaient de leurs délits, tandis que bien des scélérats incorrigibles restèrent sourds à ses remontrances et à ses exhortations.
Catherine ne se chargea pas seulement des maladies spirituelles de son prochain, mais, poussée par sa charité sans bornes, elle prit aussi sur elle des maux physiques et des dangers corporels qui menaçaient les autres.
En ces occasions, elle se trouvait subitement atteinte de la même maladie et des mêmes dangers, dont elle délivrait les autres. Quelques exemples suffisent pour prouver cette charité secrète. Un citoyen de Dülmen qui souffrait d'une violente névralgie, en fut délivré sur les instances de Catherine qui subit les douleurs à sa place. Elle demanda pour elle les douleurs d'une personne à qui on avait dû enlever un fragment de l'os crural ; et en effet elle fut affectée des mêmes douleurs. Le père d'un enfant atteint d'une ophtalmie dangereuse lui demanda son intercession ; elle consentit à se charger du mal et à l'instant même ses yeux s'enflammèrent et la firent souffrir pendant huit jours. Pour amener la guérison complète de l'enfant, elle suça en outre, de ses lèvres, les principes morbifiques.
Il faut admirer encore davantage son pouvoir merveilleux à délivrer les autres du danger de la mort. Elle intercepta un coup de pistolet, qui était dirigé contre la tête d'un autre ; elle éprouva ensuite la douleur que peut ressentir une tête écrasée. Elle prévint ou arrêta la chute de personnes qui tombaient et sauva plusieurs naufragés.
Voici un exemple surprenant de cette merveilleuse prérogative de Catherine d'intervenir en faveur des personnes menacées. Le 11 janvier 1823, elle parut soudain hors d'haleine ; son côté s'enflamma et elle gémit : "Je ne puis y passer que par un miracle. " Plus tard elle raconta ceci : "Je devais aller à Rome pour prévenir un grand danger. On voulait égorger le Serviteur des serviteurs de Dieu ; je me précipitais au-devant des assassins, et le couteau frappa mon côté droit et sortit par le dos. J'avais à peine reçu le coup, que le démon me poussa de part et d'autre, en s'écriant plein de rage : 'Que faites-vous ici, faut-il donc que vous séjourniez partout ?' " Catherine avait un abcès intérieur ; son côté était enflé, et elle souffrait des douleurs atroces. Un mois plus tard elle vomit le sang et le pus ; elle en faillit mourir et ne se remit que lentement.
Elle empêcha des voleurs d'exécuter leurs iniques projets, prévint une femme qui voulait tuer son enfant, préserva certains malades d'une mort impénitente, pria pour un Juif de Maestricht qui se fit chrétien, en un mot elle était un instrument secret dont la Providence se servait pour secourir et sauver les hommes.
Si elle voyait des souffrances et des péchés, elle demandait à Dieu de pouvoir les expier. Aussi lui reprocha-t-on qu'en prenant sur elle les misères d'autrui, elle ne faisait qu'augmenter ses propres souffrances. Elle répliqua à de tels propos
"Qu'on en pense ce qu'on voudra ; je sais que j'accomplis la volonté de Dieu en agissant ainsi. Dès ma jeunesse je m'y suis conformée; car Dieu m'appelle à ces oeuvres de miséricorde. A l'âge de quatre ans déjà j'éprouvais une telle compassion pour le prochain que je demandais déjà alors de pouvoir souffrir pour les autres. "
Ses contemplations des maux de l'Eglise furent souvent accompagnées de l'intuition des infirmités physiques ou morales de certains hommes, et ainsi elle poursuivait un double but par la même souffrance, qu'elle offrait en outre pour le soulagement des âmes du purgatoire. Cela nous explique comment elle pouvait faire amende honorable pour tant de péchés à la fois. Ces expiations pouvaient être d'autant plus nombreuses qu'elle ne passait pas seulement les journées, mais encore les nuits entières en prière et en souffrances.
Dans les dernières années de sa vie son activité d'expiation et de réconciliation en faveur du prochain, se consacra principalement aux âmes qui se trouvaient aux prises avec les angoisses de la mort. Elle devait leur obtenir la grâce de bien mourir. Dieu lui fit connaître que cet apostolat lui était extrêmement agréable, et que pour cela seul déjà il prolongeait la vie de Catherine, afin d'augmenter ses mérites.
Elle avait donc à se charger des maladies ainsi que des penchants vicieux de toutes ces âmes. Dans ce conflit elle était appuyée par l'assistance des saints, dont elle possédait les reliques dans son "Eglise" (le reliquaire dont nous avons parlé). La très Sainte Vierge, saint Augustin et saint Ignace venaient la réconforter et lui fournissaient des renseignements au sujet de toutes ses oeuvres satisfactoires, et Dieu lui-même l'armait de la force nécessaire pour chaque cas particulier.
Aussi tomba-t-elle dès lors plus souvent mortellement malade ; elle eut à combattre les tentations les plus insensées, par exemple, l'amour du monde, l'avarice, la gourmandise, etc., et son confesseur lui-même s'écria: "Qu'est-ce que cela peut signifier ?" Ces tentations prenaient leur source dans des états d'âme et des inclinations sensuelles des mourants, pour lesquels elle luttait, afin de leur obtenir une mort heureuse. Elle contracta des paralysies, des blessures et des névralgies, l'hydropisie et la fièvre, des crampes et des sueurs mortelles, des bronchites et des maladies de foie, enfin la pierre et des affections néphrétiques. L'impatience, le découragement, le désespoir, s'emparèrent de son âme. Elle ne sut se soustraire à tous les épouvantails qui la tourmentaient. La tâche la plus pénible à remplir, était la pénitence qu'elle devait accomplir pour les mourants qui avaient passé leur vie dans la débauche, l'ivrognerie et l'impudicité. Quant aux souffrances supplémentaires de Catherine, elle n'eut pas seulement à vaincre les mauvaises pensées, mais des scènes entières, des crimes les plus horribles l'excitaient au péché et la mirent aux prises avec le démon. Ses traits, ses paroles et même ses gestes étaient alors ceux de la personne étrangère pour laquelle Catherine livrait ce combat. Dans cette lutte, elle paraît, pour ainsi dire, une personne double qui tantôt se tort en face des tentations les plus terribles, et qui tantôt représente une image de paix et de calme, que rien ne saurait troubler.
Ces maladies acceptées pour des mourants, avaient toujours une connexion intime avec les souffrances et les luttes endurées pour l'Eglise ; car la malade appliquait en même temps les mêmes souffrances et aux membres séparés et au corps complet de l'Eglise.
Voici un exemple d'une telle souffrance simultanée : elle sentit un jour ses bras et ses jambes tellement liés par des cordes, que les tendons et les nerfs semblaient se déchirer. Le gosier s'enfla ; la poitrine se gonfla et la langue se paralysa dans sa bouche. Elle parut mourir, tandis que d'autres éprouvèrent un soulagement merveilleux. Ces mêmes souffrances se répétèrent plusieurs fois. Son confesseur s'émut tellement à l'aspect pitoyable de la malade, qu'il voulait mettre fin à cet état par l'invocation du nom de Jésus. Elle s'y opposa, "car, dit-elle, je veux finir ce que j'ai commencé en invoquant ce même nom. " Le lendemain les douleurs devinrent si intenses, que son confesseur lui donna de l'huile sacrée et commanda au nom de Jésus la cessation du mal ; elle fut guérie à l'instant même. Mais après ces souffrances, quelle n'était pas sa satisfaction de voir combien elle avait soulagé de mourants. Un jour, Dieu lui en montra une vingtaine. Une autre fois, elle subit les douleurs du crucifiement et soulagea ainsi cinquante prêtres et jeunes gens à l'heure de la mort.
Rapportons pour finir quelques cas particuliers où elle obtint une bonne mort à certaines personnes de Dülmen
Du 3 au 10 avril 1823, elle participe à l'hydropisie de Madame Br. Elle faillit étouffer, ses sens se troublent, et il lui semble n'avoir pas accompli son devoir pascal. Les oppressions de la poitrine augmentent de jour en jour et elle se sent à l'agonie. C'était là justement l'état de Madame Br. ; elle n'avait pas encore fait ses Pâques. La charitable compassion de Catherine la soulage, elle reçoit les derniers sacrements et meurt en paix. Sa mort fit cesser à l'instant les symptômes d'hydropisie en la personne de Catherine. Mais son infatigable compassion lui procura bientôt de nouvelles calamités ; car elle prit sur elle une inflammation de poitrine dont souffrait Madame Sch. Cet état ne dura qu'un seul jour ; car la femme mourut aussitôt.
Catherine donna ensuite ses secours à Madame W. qui souffrait de phtisie. Elle se chargea non seulement des souffrances de cette malade, mais lui fit parvenir aussi les mets fortifiants que lui refusait un mari impitoyable. Ainsi cette femme fut préservée de l'amertume et du désespoir, et elle put se disposer à une mort paisible. Clément Brentano, ordinairement appelé le Pèlerin, dont nous parlerons plus loin, nous rapporte que les souffrances de Catherine correspondaient parfaitement à celles de la phtisique dont nous venons de parler.