LE CHEMIN DE LA FOI
par Émile Catzeflis

    Ce petit livre a été écrit à l'intention de ceux qui cherchent la Vérité d'un coeur sincère et qui voudraient connaître un moyen sûr d'y parvenir, ayant été déçus de ne pas la trouver dans les systèmes élaborés par les philosophes.   Ces derniers ne se contredisent-ils pas les uns les autres?   Leurs savantes constructions suffisent, peut-être, à ceux qui ont pour le Vrai un intérêt de curiosité, un amour limité n'allant pas jusqu'à l'immolation de soi. 

 Mais aux âmes ardentes, aux esprits assoiffés d'Absolu, il faut plus qu'une possession approximative du Réel, plus même qu'une certitude intellectuelle.   Il leur faut une telle plénitude d'union avec cet Absolu, qu'ils en arrivent à Le saisir avec encore plus d'objectivité que nos mains touchent les choses du monde physique et que nos yeux les voient.   A ceux-là nous dirons qu'il n'y a qu'une route :   elle a été indiquée par le Christ et suivie par Ses vrais disciples, au cours des siècles. 

 Les saints sont la preuve vivante, dont témoigne l'Histoire, que cette route existe et que quiconque aime la Vérité jusqu'à sacrifier tout pour Elle, arrive à La posséder et à en vivre.   Les saints sont des réalisateurs de l'Idéal, des expérimentateurs de l'Éternel. 

 Pourquoi, en matière philosophique et religieuse, en serait-il autrement que dans n'importe quelle science ou quel art?   Peut-on devenir un bon architecte si l'on n'a jamais essayé de construire;   ou un chimiste si l'on n'a jamais été dans un laboratoire et si l'on s'est contenté d'études théoriques dans les livres?  

 Ce qui nous empêche de saisir les réalités suprêmes, c'est que nous nous bornons à raisonner sur elles, au lieu de vivre d'elles.   « Nous ressemblons ainsi, écrit Sédir, ce grand mystique moderne trop peu connu de nos contemporains, à un ingénieur qui ne regarderait que ses épures et négligerait de voir fonctionner la locomotive. » 

 Or la Vérité, par le fait même qu'elle s'identifie à Dieu, auteur de tout bien, source de toutes infinies perfections, principe de tout sacrifice, ne peut être appréhendée que par l'abnégation de soi et l'amour du prochain comme soi-même, selon les préceptes du Christ.   Celui qui n'a pas cette charité, celui qui se contente d'un culte extérieur ou qui arrête sa recherche de la Lumière à la spéculation méditative, n'arrive à avoir d'Elle que des reflets instables.   Il ne communie pas avec Elle, il ne vit pas d'Elle.   Il peut, tout au plus, dire :   « Je crois ou je sup-pose que les choses sont ainsi », tandis que le vrai disciple seul peut affirmer :   « Je sais que les choses sont ainsi. » Ce dernier est un réalisateur, non un théoricien. 

 Il est souvent arrivé au Curé d' Ars d'apostropher, comme suit, quelques-uns de ses consultants qu'il voyait pour la première fois et avant qu'ils lui eussent exposé leur demande :   « Le bon Dieu m'a  dit que vous devez faire telle chose... » et son conseil était toujours le bon.   Une telle affirmation, « le bon Dieu m'a dit » nous parait extraordinaire, mais, sortant de la bouche d'un homme aussi exceptionnel, aussi profondément sincère, elle ne pouvait qu'être vraie, d'une vérité totale.   Ce serait une monstruosité que de supposer saint Jean-Baptiste Vianney capable de tromper ses auditeurs.   Il disait, d'ailleurs, avec une simplicité charmante, qu'on peut parler au Père comme on parle à un homme. 

 Or le Curé d'Ars qui avait sa mission au sein du catholicisme, le moine de Sarov, le célèbre thaumaturge de l'Église russe du siècle dernier, et d'autres grands mystiques qui, pour n'avoir pas été canonisés, n'en étaient pas moins des porteurs de Lumière, ce furent tous des témoins de cette révélation que le Christ a apportée à la terre, savoir :  que le Père tout-puissant est en nous et, lorsque nous obéissons à Sa loi d'amour, avec la plénitude et la persévérance qu'il faut, Il Se dévoile à nous, dans la mesure de notre capacité à supporter Son épiphanie. 

 Les saints sont des hommes comme les autres.   Ce qui les fait parvenir à cet état de perfection et de puissance, ce n'est pas de suivre les rites de tel ou tel culte, mais c'est d'appliquer les préceptes de charité et de dépouillement de soi jusqu'à l'héroïsme, jusqu'à l'abnégation totale. 

 A la femme qui Lui demandait s'il fallait adorer Dieu à Jérusalem ou sur la montagne de Samarie, Jésus répondit que le jour viendrait où l'on n'adorerait plus ni à Jérusalem ni sur la montagne, mais où les vrais adorateurs adoreraient le Père en esprit et en vérité, car Dieu est Esprit. 

 Ce jour annoncé par Jésus est proche.  En dépit des apparences et malgré le désarroi dans lequel se débat le monde actuel, ou plutôt comme conclusion de ce désarroi, car nous sommes à l'époque d'un jugement de la terre et toutes ses souffrances sont annonciatrices d'un enfantement nouveau, nous croyons qu'il va naître des hommes de plus en plus spiritualisés.  Détachés des formes accessoires et des attitudes conventionnelles, ils adoreront le Père en esprit et en vérité, c'est-à-dire par la prière cachée et directe et par la charité active, par l'amour fraternel mis en pratique quotidienne. 

 Divers disciples ont reçu pour mission de préparer cet avènement sur différents champs de l'activité humaine et dans la conscience des peuples.  Sédir a été un de ces apôtres et sa mission s'adressait surtout aux laïques qui cherchent le service de Dieu et du prochain, indépendamment des églises constituées.  L'association des « Amitiés Spirituelles » qu'il a fondée, groupe  « les personnes, quelle que soit leur nationalité ou leur religion, qui reconnaissent le Christ comme le seul Maître de la vie intérieure et l'Évangile comme la vraie loi des consciences et des peuples »  

 Il ne s'agit pas d'une secte nouvelle basée sur le libre examen.  Nous dénions à la raison toute autorité en matière de foi;  nous affirmons que le Christ seul donne la vraie Lumière à ceux qui appliquent pleinement Ses préceptes et l'originalité du mouvement des « Amitiés Spirituelles », c'est de dire aux chercheurs sincères : Ne vous préoccupez pas de l'examen des dogmes;  mettez plutôt en pratique quotidienne et aussi totalement que vous pourrez, les conseils évangéliques : La Vérité et la Vie viendront en vous;  vous expérimenterez l'impossible, vous verrez l'indicible, vous pénétrerez dans l'irrévélé!  

 Les livres qu'a écrits Sédir projettent sur les problèmes religieux et philosophiques une vive lumière qui satisfait l'intelligence la plus exigeante et, en même temps, proposent une règle de vie capable de faire parvenir l'homme, au milieu même du monde, à l'état le plus haut d'union avec Dieu. 

 L'humble auteur de ces pages, ayant passionnément cherché le Vrai et considérant, à cet égard, sa rencontre avec Sédir et avec le mouvement des « Amitiés Spirituelles » comme l'événement le plus heureux de sa vie, estime que c'est pour lui un devoir de reconnaissance de présenter cet opuscule aux lecteurs sous les auspices de cette association.   Notre unique ambition est de faire profiter de notre petite expérience personnelle les esprits tourmentés par l'angoisse divine et qui n'ont pas encore trouvé leur voie définitive. 

 Puisse donc ce modeste écrit contribuer à diriger vers le Christ, unique dispensateur de la Lumière, ceux qui, sans Le connaître encore, Le cherchent toutefois avidement, puisqu'ils ont soif de Vérité!