PREMIER CHAPITRE Placés devant la grande énigme de la destinée et effrayés de la complexité du problème religieux, les hommes adoptent une attitude différente, suivant le degré d'évolution auquel ils sont parvenus : Quelques-uns, qui se croient des esprits forts et qui ont plus d'orgueil que de profondeur d'âme, préfèrent rejeter d'emblée toute croyance, reléguant au rang des mythes les objets de la foi. Néan-moins, ils font souvent preuve d'illogisme pratique en se montrant sensibles au point de vue moral, car ils font le bien à l'occasion et seraient les premiers à se défendre, si on les accusait de déloyauté ou de dureté de coeur. D'autres, et ce sont les plus nombreux, aiment mieux admettre, sans discussion, le credo hérité de leurs ancêtres et faire, tant bien que mal, le petit effort qu'exige l'observance des rites. Ils sont encore trop préoccupés de la vie d'ici-bas, de ses joies et plaisirs; leur croyance est superficielle et ils sentent instinctivement que, pour arriver à une conviction plus profonde, ils devraient consentir à des sacrifices auxquels ils ne sont pas encore préparés. Ils forment la masse. Enfin, une dernière catégorie est cons-tituée par ceux qui ont déjà souffert, par ceux que l'énigme de l'origine et de la destinée des êtres inquiète et qui ne veu-lent pas s'en tenir à une croyance douteuse. Ce sont les ardents, les chercheurs passionnés et qui finissent par trouver, car « qui cherche trouve » affirme l'Évangile. Selon que l'on appartient à l'une ou à l'autre de ces trois catégories, on habite un appartement spirituel différent. « Là où est ton trésor, là aussi est ton coeur. » Si nous n'avons en vue que les riches-ses et les joies d'ici bas, notre demeure invisible sera bien pauvre. Tout n'est-il pas instable dans le monde de la matière? Voyez avec quelle rapidité les fortunes se font et se défont! La gloire humaine aussi est transitoire et bien des hommes qu'on avait élevés au pinacle, sont morts dans l'obscurité ou le mépris. Si nous cherchons les connaissances et les pouvoirs, nous n'aurons fait que changer nos chaînes par d'autres plus subtiles et nous allons au-devant d'une nouvelle désillusion. La science, en effet, n'est pas stable, car les choses sont elles-mêmes muables et sujettes à l'évolution.Telle plante qui, au moyen-âge, était considérée comme médicinale, a perdu, de nos jours, ses propriétés curatives. Le simple bon sens, d'ailleurs, ne suffit-il pas à nous convaincre de l'inca-pacité de la Nature, prise dans son ensemble, à constituer notre maison spirituelle? Nos esprits n'ont-ils pas un besoin absolu de liberté, de plénitude, d'éternité? La matière peut-elle satisfaire ce besoin. Sur quel terrain donc construirons-nous notre demeure définitive ? Cette question eût été à jamais insoluble, si Jésus n'était venu nous fournir la réponse : « Celui qui entend mes paroles et les met en pratique, déclare-t-Il, sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison; elle n'est pas tombée, car elle était fondée sur le rocher »; oui, sur le roc de Sa parole éternelle. Le Verbe est la parole du Père et Jésus sa manifestation au monde. Dieu ne peut, en effet, Se faire connaître à nous que par une révélation spontanée de Sa part, car, jamais, par nos propres forces, nous ne pourrions rien saisir de Lui. Comment le fini, le créé pourrait-il atteindre l'Infini, l'Incréé ? Reconnaître que nous ne pouvons rien par nous-même, que nous ne savons rien et que notre devoir absolu, et aussi la condition de notre bonheur, est de faire la volonté de Celui qui est tout, qui peut tout, qui sait tout, volonté qui est d'ailleurs toute perfection, telle est la leçon salvatrice de Jésus. D'un geste formidable et que seul Il pouvait faire, le Verbe, par Son incarnation, est venu supprimer toute distance entre Dieu et les hommes. Non seulement Il a affirmé son unité avec Lui, mais encore que les disciples seraient uns avec Dieu et Il leur a dit de Le prier directe-ment en L'appelant « Notre Père qui êtes aux cieux... » Toutes les autres initiations religieuses, toutes les méthodes de la sagesse humaine, les entraînements les plus savants de l'ésotérisme, comme les systèmes les plus hardis de méditation intellectuelle, quoi qu'en disent leurs protagonistes, ne conduisent l'adepte ou le contemplatif qu'à des plans intermédiaires entre l'Absolu et nous, qu'à des compartiments plus ou moins splendides de l'Invisible créé. Seul Jésus, puisqu'Il est Dieu, nous assume jusqu'à l'Incréé. Nous ne voulons pas dire, par là que les autres voies religieuses sont fausses. Rien de ce qui existe n'est inutile : tout a sa raison d'être. Seulement, de même que, dans les écoles, on gradue l'enseignement depuis l'apprentissage de la simple lecture, jusqu'aux spéculations philosophiques, suivant l'âge et la force des élèves, ainsi Dieu, dans Sa bonté, a disposé pour nous, divers chemins pour aller à Lui progressivement, selon la maturité de chacun. On ne peut donc dire de personne qu'il suit une mauvaise route; il suit celle qui lui est destinée et qui est proportionnée à ses forces et adaptée à ses aspirations. Toutes les religions sont bonnes, parce qu'elles comportent toutes un ensemble d'entraînements qui dépouillent peu à peu leurs fidèles de l'égoïsme et les purifient, en les débarrassant de la gangue qui recouvre leur esprit et en les préparant à recevoir, un jour, la grâce du Christ. Toutes ces disciplines sont donc respectables. |