HOMÉLIE I
Précédente Accueil Remonter Suivante

 

Accueil
Remonter
AVERTISSEMENT
HOMÉLIE I
HOMÉLIE II
HOMÉLIE III
HOMÉLIE IV
HOMÉLIE V

PREMIÈRE HOMÉLIE. QU'IL FAUT SE SOUVENIR DU JEUNE MÊME LE JOUR DE LA PENTECOTE ET EN TOUS LES TEMPS; QUE NON-SEULEMENT L'ACTUALITÉ MÊME DU JEUNE, MAIS QUE LE SOUVENIR EN EST UTILE. — DE LA PROVIDENCE DE DIEU; QU'ENTRE AUTRES CHOSES CE N'EST PAS UN DE SES MOINDRES EFFETS QUE L'AMOUR NATUREL DES PARENTS POUR LEUR PROGÉNITURE ; ET QUE CE N'EST PAS AUX PÈRES SEULEMENT, MAIS ENCORE AUX MÈRES, QU'IL EST ENJOINT DE FORMER LEURS ENFANTS. — A LA FIN DU DISCOURS, L'ORATEUR PARLE D'ANNE.

 

ANALYSE

 

1. L'orateur fait voir les avantages du jeûne. — 2. Il résume une homélie prononcée contre les Gentils, et à ce propos résout deux questions, savoir : comment Dieu instruisait autrefois les hommes; et pourquoi, taudis que les corps célestes jouissent d'une immortelle jeunesse, les nôtres sont assujettis à tant de maladies et à la corruption. — 3. Dieu, pour se faire connaître de tous les hommes, leur a donné : le spectacle de la création, la conscience, et leurs pères et mères. Engendrer ne fait pas tant le véritable père que bien élever ses enfants; ainsi, on devient père plus par le libre arbitre que par la nécessité de la nature. — 4-6. C'est aux mères surtout qu'il convient de bien élever leurs enfants. histoire d'Anne, mère de Samuel.

 

1. Lorsqu'un étranger est descendu chez nous, que nous l'avons hébergé quelques jours avec bonté, le faisant. prendre part à nos conversations et à notre table, et qu'ensuite il a pris congé de nous; le jour qui suit ce départ, quand le repas est servi, nous nous souvenons aussitôt de cet hôte, de sa personne, de ses entretiens, et, pleins d'affection pour lui, nous (481) trouvons qu'il nous manque. Faisons la même chose à l'égard du jeûne. Il s'est arrêté chez nous pendant quarante jours, nous l'avons reçu avec bienveillance, puis nous l'avons laissé partir; maintenant donc, sur le point de servir le festin spirituel, souvenons-nous du jeûne, et de tous les biens dont il a été la source pour nous. Car ce n'est pas seulement l'actualité du jeûne, mais c'est encore le souvenir que l'on en garde, qui est capable de nous procurer les plus grands avantages. Et, comme ceux que nous aimons nous remplissent d'une grande joie non-seulement quand ils sont là, mais aussi lorsqu'ils nous reviennent à l'esprit; ainsi lés jours de jeûne, et ces réunions, et ces exercices en commun, et les autres fruits que nous en retirons, nous récréent encore par leur seule mémoire, et si nous rassemblons dans notre pensée le souvenir dé tous ces bienfaits, nous y gagnerons beaucoup, même pour le temps actuel. Je ne veux pas par là vous forcer à jeûner, mais vous exhorter à ne pas vous abandonner au luxe, et à ne pas imiter le plus grand nombre des hommes, si toutefois il faut donner le nom d'hommes à dés êtres qui ont l'âme si peu élevée; le plus grand nombre en effet, semblables à des gens qu'on vient de déchaîner, à des échappés de prison et d'une prison rigoureuse, se disent l'un à l'autre :  Enfin nous voici au bout de cette rude traversée du jeûne; et d'autres, encore plus pusillanimes, ont déjà peur du Carême à venir. Cela vient de ce que, tout le reste du temps, ils se livrent à tous les excès du luxe, de la débauche et de l'intempérance dans la boisson. De sorte que si nous nous étions étudiés à vivre les jours ordinaires dans .la sévérité, dans la réserve, nous regretterions le jeûné passé et nous accueillerions pleins de joie celui qui doit venir plus tard. En effet, que résulte-t-il pour nous du jeûne qui ne soit un avantage? Tout est dans un calme profond, tout nage au sein d'une sérénité pure. Les maisons elles-mêmes ne sont-elles pas affranchies du tumulte, de l'agitation, des troubles de tout genre? Mais plus encore que les maisons, l'esprit de ceux gui jeûnent est favorisé de cette tranquillité ; et la ville entière se modèle sur ce bon ordre qui règne dans les habitations et dans les âmes. On n'entend point le soir dés gens qui chantent, ni dans le jour des gens bruyants et enivrés, des gens qui crient et qui se battent : c'est au contraire un grand calmé de toutes parts. Ce n'est plus cela maintenant: à peine l'aurore a-t-elle lui, que les cris retentissent, le tumulte est partout, les cuisiniers vont et viennent tout affairés, la fumée obscurcit toutes les maisons, et aussi toutes les pensées, car les passions brûlent au fond de notre coeur, et la flamme des désirs déréglés monte soufflée par le luxe. C'est pourquoi nous cherchons encore le jeûne quand il est parti, car c'était. lui qui réprimait tout cela. Et si nous avons laissé ce qu'il a de pénible, ne renonçons pas à le désirer, et n'en éteignons pas le souvenir maïs lorsqu'après le repas et le sommeil vous vous rendez à la place publique, et que déjà vous voyez la journée marchant à grands. pas vers le soir, alors entrez dans cette ég lise , approchez de cette chaire, et là souvenez-vous du temps du jeûne, où le temple était rempli de, monde se pressant autour de nous, où le zèle était ardent pour entendre la parole, où grande était la joie, où toutes les âmes étaient en éveil; rassemblant dans ,votre pensée tous ces détails, rappelez-vous ces jours désirables. Si vous êtes au moment de vous mettre à table, ayez-les encore à la mémoire en touchant à vos mets, et jamais vous ne pourrez vous laisser entraîner à l'ivresse? mais de même qu'un homme qui possède une épouse respectable, vertueuse et digne, brûle pour elle d'un amour solide, et, même en son absence, n'ira jamais s'éprendre d'une femme perdue et débauchée, car son affection pour celle qui n'est pas là maîtrisé sa pensée, et en ferme l'accès à tout autre amour : ainsi en arrive-t-il relativement au jeûne et à l'ivresse. Oui, si nous gardons la mémoire de la pratique noble et vertueuse du jeûne, nous repousserons avec une grande facilité l'ivresse, cette prostituée banale, cette mère de toute infamie, car le souvenir et l'amour du jeûne, mieux que le bras le plus vigoureux, écarteront l'impudente. Pour tous ces motifs, je vous exhorte donc à conserver toujours ces grands jours présents à votre esprit ; et afin de contribuer moi-même en quelque chose à cette souvenance, je veux me hasarder à vous proposer aujourd'hui ce même sujet que je me préparais à traiter alors, afin que la ressemblance de l'enseignement fasse naître en vous le souvenir de cette époque. Peut-être en effet l'avez-vous oubliée, parce que nous avons eu depuis lors plusieurs entretiens, et sur d'autres sujets. Car lorsque notre prélat fut de retour de son long voyage, (488) il fallait bien vous dire tout ce qui s'était passé à la cour de l'empereur; il fut nécessaire ensuite de s'attaquer aux païens, afin d'enraciner parfaitement dans la foi nos frères que voici que leurs maux avaient rendus meilleurs, et qui avaient abandonné les erreurs païennes pour se tourner vers nous; il fallait leur apprendre de quelles ténèbres ils avaient été délivrés, et combien était éclatante de lumière la vérité où ils étaient accourus. Après cela, nous avons eu pendant plusieurs jours lé précieux avantage de la solennité des martyrs, et il n'aurait pas été convenable à nous, qui étions venus visiter leurs tombeaux, de nous retirer sans accorder aux martyrs le tribut d'éloges qui leur est dû. Après ces éloges est venue l'exhortation relative aux jurements : car en voyant le peuple des campagnes tout entier qui avait afflué dans la ville, nous n'avons pas voulu laisser partir ces gens sans les munir tous de ce viatique.

2. Aussi ne sauriez-vous rapporter sans peine la discussion que nous avons alors soutenue contre les païens. Mais moi, qui n'ai jamais cessé de m'occuper de cette controverse, et d'y apporter toute mon application, il me sera facile, en vous rappelant quelques-unes des paroles que je dis alors, de vous remettre en en mémoire tout le sujet du discours, quel était donc notre sujet ? Nous recherchions comment dès l'origine Dieu avait songé aux intérêts de la race humaine, comment il l'avait instruite de ce qu'il lui importait de savoir, à une époque où l'écriture n'existait pas, où les saints Livres n'avaient pas été octroyés: et nous faisions voir que c'est par le spectacle de la Création qu'il amena les hommes à le connaître lui-même. Alors vous saisissant, non par la main, mais par l'intelligence, je vous ai promenés à travers toute la Création, vous montrant le ciel, la terre, la mer, les lacs, les fontaines, les fleuves, les vastes mers, les prairies, les parcs, les moissons florissantes, les arbres chargés de fruits, les cimes des montagnes ombragées de bois; je vous ai parlé des graines, des herbes, des fleurs, des plantes qui produisent des fruits, de celles qui n'en donnent point, des animaux soit domestiques, soit sauvages, soit terrestres, soit aquatiques, soit amphibies, de ceux qui fendent l'air, de ceux qui rampent sur le sol, enfin des éléments même qui constituent l'Univers, et, à chacun de ces tableaux, nous nous écriions tous ensemble, tant cette infinie magnificence dépassait la portée de notre esprit, tant cet ensemble échappait à sa compréhension: Que tes oeuvres sont, magnifiques, Seigneur: Tu as fait tout avec sagesse. (Ps. XCI, 6.) Mais ce n'est pas seulement le nombre de ces ouvrages qui nous faisait admirer la sagesse de Dieu, c'est encore la beauté, la grandeur, la magnificence mer veilleuse de la Création : c'est aussi que, en même temps, il a déposé dans les choses visibles des indices qui attestent proprement la faiblesse: d'une part, afin d'être admiré par sa sagesse, et d'attirer à son culte ceux qui ont ces merveilles sous les yeux; d'autre part, afin que ceux qui en contemplent la grandeur et la beauté, n'aillent pas en oublier l'auteur et porter à ses oeuvres les hommages quine sont dus qu'à lui, avertis par la faiblesse qu'elles révèlent de ne point s'abandonner à un pareil. égarement. Et comment toute la Création est périssable, comment elle se transformera pour s'améliorer, et participera ensuite à une gloire plus grande, et quand, et pourquoi cela s’accomplira, et pour quelle raison elle est née périssable, nous avons examiné alors tous ces points avec vous; et nous vous avons fait voir en ceci même la puissance de Dieu, qu'elle réa lise dans des corps mortels toute cette beauté que nous voyons et que Dieu leur a dès l'origine, assignée, par exemple : dans les astres, dans le ciel, dans le soleil; En effet, il y a lieu de s'étonner; que depuis tant de siècles, ces choses n'aient ressenti aucun des accidents qu'éprouvent nos corps, qu'elles ne soient ni affaiblies par l'âge, ni amollies par la maladie, par les infirmités, mais qu'elles conservent au contraire invinciblement, l'énergie, la beauté que Dieu, comme je l'ai dit- plus haut, leur a départies en propre dès l'origine; que le soleil n'ait rien perdu de sa lumière, que l'éclat des astres n'ait nulle ment pâli,     que la splendeur du ciel ne se soit pas évanouie, que les bornes de la mer n'aient point été déplacées, que la terre ait conservé la même aptitude à mettre au jour tous les ans de nouveaux fruits.

Que ce sont là choses périssables, c'est ce que nous vous avons prouvé et par le raisonnement et par les divines Ecritures : mais ce qu'elles ont de beauté, de splendeur, et comment elles ont gardé tout l'éclat de leur fraîcheur, les yeux de ceux qui les voient en portent chaque jour témoignage; et c'est ce qu'il faut (489) surtout admirer dans la Divinité qui les a créées au commencement. Tel était notre langage : mais quelques-uns nous faisaient des objections: L'homme, disaient-ils, est donc ce qu'il y a de plus bas parmi les choses visibles, puisque le ciel, la terre, le soleil, tous les astres, ont pu garder leur forme intacte pendant un si long temps, tandis qu'au bout de 70 ans l'homme se dissout et périt. A cela nous aurions pu répondre d'abord que ce n'est point l'homme tout entier qui périt, qu'au contraire, la partie souveraine et essentielle de son être, à savoir l'âme, persiste dans l'immortalité, à l'abri de toute dissolution, et que la portion inférieure est seule sujette à la mort. Mais en second lieu cela même est pour nous une prérogative d'honneur. En effet, ce n'est point en vain, ni sans motifs, c'est justement et pour notre bien que nous sommes en butte à la vieillesse et aux maladies : justement parce que nous sommes tombés dans le péché; pour notre bien, parce que l'orgueil, engendré en nous par le relâchement, trouve un remède dans cette faiblesse et dans ces afflictions. Ce n'est donc point pour nous abaisser que Dieu a permis cela. Car s'il eût voulu nous ravaler, il n'aurait point souffert que notre âme fût immortelle. Ce n'est point non plus par impuissance qu'il a fait notre corps tel qu'il est. Car, s'il était impuissant, il n'aurait pas su faire subsister si longtemps le ciel, les astres et la figure de la terre. Mais il a voulu nous rendre meilleurs, plus sages, plus soumis à sa volonté, ce' qui est le fondement de tout salut. Voilà pourquoi, il a exempté jusqu'ici le ciel dé la vieillesse et des autres infirmités de ce genre; en effet ce qui ne possède ni âme, ni volonté, est incapable de faillir comme de s'amender : le ciel n'avait donc pas besoin d'être ainsi remis dans la bonne voie. Mais nous, qui avons le privilège de l'âme et de la raison, nous avions besoin de la sagesse, de l'humilité que nous inspirent ces afflictions, à telles enseignes qu'à l'origine; le premier homme, se laissa tout d'abord emporter à l'orgueil. D'ailleurs, si le ciel, aussi bien que nos corps, avait besoin d'entretien et était sujet à vieillir, chacun aurait pu accuser d'une profonde impuissance le Créateur, incapable de faire subsister un corps durant de longues révolutions d'années . mais on ne peut plus alléguer cette raison, en présence d'ouvrages qui existent depuis si longtemps.

3. En outre, le terme de notre carrière n'est point en ce monde ; lorsque nous aurons bien usé des leçons de la vie présente, Dieu ressuscitera nos corps au sein d'une gloire plus grande : il les rendra plus éclatants que le ciel, que le soleil, que toutes les autres créatures, il les appellera au repos d'en-haut. Voilà donc une initiation à la connaissance de Dieu, l'étude de la création dans son ensemble. Mais il y en a une autre qui n'a pas moins de valeur, l'initiation de la conscience : ce point encore, nous l'avons exposé complètement et en détail, faisant voir comment nous pouvons nous instruire par nous-mêmes dans la science du bien et de son contraire, et comment la conscience nous révèle intérieurement tout ce qui concerne cet objet. Voilà les deux maîtres qui nous ont été donnés tout d'abord, la création et la conscience : maîtres muets qui dès lors instruisaient les hommes en silence. En effet la création, en frappant la vue de celui qui la contemple, l'amène du spectacle de l'univers à l'admiration de son auteur : et la conscience, par la voix intérieure qu'elle nous fait entendre, nous enseigne tous nos devoirs. D'ailleurs son pouvoir et ses arrêts nous sont manifestés même dans les objets visibles. En effet, lorsqu'elle porte intérieurement témoignage contre une faute, elle bouleverse extérieurement les traits du visage, et les remplit de confusion. C'est elle encore qui nous fait pâlir et trembler, lorsque nous sommes surpris dans quelque action déshonorante: et quand bien même la voix reste muette, l'expression visible des traits rend manifeste l'indignation du juge intérieur. Outre ces deux précepteurs, la raison- nous démontre que la sollicitude de Dieu nous en a donné un troisième, non plus un précepteur muet comme les précédents, mais un conseiller doué de la parole, qui règle nos pensées par ses avis. Quel est ce nouvel instituteur? Le père assigné à chacun de nous. En effet, si Dieu a voulu que nous fussions aimés par nos parents, c'est pour que nous ayons des maîtres de vertu. Car ce qui fait le père, ce n'est point seulement l'acte d'engendrer, c'est encore une bonne éducation, de même que pour être mère, il ne suffit point d'avoir enfanté, il faut encore savoir nourrir. Que je dis la vérité, que ce n'est point le sang, mais la vertu qui fait les pères, c'est ce dont les parents eux-mêmes conviendraient avec nous. En effet, voient-ils leurs fils se pervertir (490) et s'abandonner au dérèglement : il n'est pas rare qu'ils les rejettent de leur famille, et les renient pour adopter d'autres fils, lesquels souvent ne tiennent à eux d'aucun côté. Or, quoi de plus extraordinaire, que de les voir rejeter ceux qu'ils ont engendrés, et appeler chez eux des enfants qui ne leur doivent point le jour?

Ce que je viens de dire n’est point sans objet: je voudrais vous faire comprendre que la volonté est plus forte que la nature, et contribue plus que celle-ci à faire des fils et des pères. Et c'est encore un trait de la sollicitude divine, de n'avoir pas permis que le soutien des affections naturelles fît défaut à l'enfant, sans cependant leur tout accorder. En effet, si les parents n'avaient pour leur fils aucun attachement dicté par la nature, si le caractère et la conduite déterminaient seuls leur affection, on verrait bien des enfants exclus de la maison paternelle pour n'avoir point travaillé à mériter cette affection, et les familles seraient dispersées. Au contraire si Dieu avait tout accordé à la tyrannie du sang, s'il n'avait pas permis que les enfants pussent encourir la haine par leurs vices, si les pères, même offensés par leurs enfants et en butte, par leur fait, à mille maux, persistaient par la force invincible du sang à leur prodiguer des soins pour prix de leurs outrages et de leur irrévérence, notre race aurait glissé dans un abîme de misères. En effet, si aujourd'hui même, les enfants, que la nature ne rassure pas tout-à-fait, qui savent que beaucoup de leurs semblables, pour avoir manqué à leurs devoirs, ont été exclus de la maison comme de l'héritage paternel, néanmoins, en beaucoup d'occasions, comptent assez sur l'attachement de leurs parents pour leur manquer de respect : à quels excès ne s'abandonneraient-ils pas, si Dieu n'avait pas permis aux pères, de s'irriter, de punir, de chasser leurs enfants coupables? Voilà pourquoi Dieu fit de la force du sang et de la manière d'agir des enfants le double fondement de l'affection paternelle, afin que les fautes pardonnables obtiennent leur indulgence, grâce à l'instinct de la nature, et que, si les enfants deviennent vicieux et que leurs défauts soient incurables, ils ne les habituent pas au mal par une condescendance coupable pour leur perversité, ce qui arriverait si la nature reprenait le dessus et pouvait les déterminer impérieusement à traiter avec égard des enfants pervertis. Quelle prévoyance, dites-moi, que d'avoir fait une loi de l'amour, et d'avoir prescrit à cet amour une limite, que d'avoir enfin assigné une récompense à celui qui aura bien élevé ses enfants? La preuve que cette récompense existe, et non-seulement en faveur des hommes, mais encore pour les femmes, vous allez la trouver dans beaucoup de passages où l'Ecriture parle de ce sujet et s'adresse aux femmes, aux femmes, dis-je, non moins qu'aux hommes. La femme séduite, dit Paul, tomba dans la prévarication, et il ajoute: toutefois elle sera sauvée par la génération des enfants. (I Tim. II, 14, 45.) Voici le sens de ses paroles. Tu souffres, dit-il, parce que la première femme t'a jetée dans la peine, dans les douleurs de l'enfantement, dans les ennuis d'une longue gestation ? Mais ne t'afflige point : ces douleurs, ces peines, ne sont point pour toi un dommage égal au profit que tu peux retirer, si tu le veux, et que tu saches trouver une occasion de bonnes oeuvres dans l'éducation de tes enfants. En effet les enfants de ton sein, si tu leurs donnes les soins convenables, si ta sollicitude leur inspire la vertu, deviendront pour toi un principe, une cause de salut, et outre tes propres mérites, tu recueilleras une ample récompense des soins que tu auras donnés à cet ouvrage.

4. Et pour vous faire entendre, que ce n'est point l'enfantement qui fait la mère, et qu'elle ne mérite par là aucune récompense, ailleurs encore, Paul s'adressant à une veuve dit cette parole: Si elle a élevé ses enfants. (I Tim. V,10.) Il ne dit pas si elle a eu des enfants, mais si elle a élevé ses enfants. En effet dans le premier cas, c'est la nature, dans le deuxième, c'est la volonté qui agit. Voilà pourquoi dans le premier passage, après avoir dit: Elle sera sauvée par la génération des enfants, il ne s'en tient pas là, mais voulant montrer que ce n'est pas en mettant au jour des enfants, mais en élevant ses enfants comme il faut, qu'on mérite une récompense, il poursuit en ces termes: S'ils demeurent dans la foi, la charité et la sainteté jointe à la tempérance. Il veut dire : Ta récompense sera belle, si les enfants que tu auras mis au jour demeurent dans la charité et dans la sainteté. Si donc tu leur inspires ces vertus, si tu les y exhortes, si tu les leur enseigne, si tu les leur conseilles, Dieu te récompensera amplement de tes soins.

Que les femmes ne considèrent donc point comme le devoir d'autrui les soins à donner (491) aux enfants, filles ou garçons. En effet, l'Apôtre, en ces passages , ne distingue pas les sexes; mais, dans un endroit, il dit : Si elle a élevé ses enfants, et dans l'autre : S'ils persistent dans la foi, dans la charité et dans la sainteté. Nous devons donc nous occuper des enfants des deux sexes, et particulièrement des femmes, d'autant qu'elles sont les plus assidues à la maison. En effet, les hommes sont distraits par les voyages, par les soins de la place publique, par les affairés de l’Etat : mais la femme dispensée de tout souci de ce genre, peut s'occuper plus aisément de sa progéniture, grâce au loisir dont elle jouit. Ainsi faisaient les femmes de l'ancien temps : car ce n'est pas seulement pour les hommes, c'est encore pour les femmes que ce devoir est rigoureux : je parle des soins qu'on doit à ses enfants, et des efforts pour leur inspirer la sagesse. — Pour vous en. donner la preuve, je vous raconterai une antique histoire. Il y avait chez les Juifs une femme nommée Anne. Cette femme demeura longtemps atteinte de stérilité, et ce qu'il y avait de plus fâcheux, c'est que sa rivale était mère de nombreux enfants. Or, vous savez qu'en soi-même et par sa nature cette infirmité est pour les femmes un malheur insupportable : mais la vue d'une rivale mère d'une famille nombreuse le rend encore plus pénible. Car la félicité de cette autre femme fait mieux sentir à la malheureuse sa propre infortune. C'est ainsi que les hommes réduits à la dernière misère éprouvent encore plus de chagrin à la vue des riches. Et son malheur n'était pas seulement de n'avoir point d'enfants, tandis que l'autre en avait; c'est que, de plus, cette autre était sa rivale : que dis-je? une rivale qui excitait son courroux par le mépris qu'elle lui témoignait. Mais. Dieu voyant toutes ces choses n'était point ébranlé, et le Seigneur ne lui donna point d'enfant dans ses tribulations, et dans le découragement de son âme. (I Rois , I, 6.) Que veut dire ceci : Dans ses tribulations ? Cela signifie : On ne peut dire que Dieu lui ait fait attendre un enfant, parce qu'il la voyait supporter légèrement son infortune : mais, bien qu'il la vît déchirée de douleur, de tristesse et d'affliction, néanmoins il ne fit point cesser sa peine, parce qu'il avait d'autres vues plus hautes. — Il ne faut pas écouter ceci légèrement, mais en tirer dès maintenant une grande leçon de sagesse; et lorsque nous tomberons dans quelque infortune, quelle que soit notre peine, notre douleur, quelque in tolérables que nous paraissent nos maux, ne précipitons rien, ne désespérons pas, comptons sur la providence divine. Car Dieu sait bien quand il faut nous délivrer de ce qui cause notre douleur: Anne elle-même en fil l'expérience. — En effet, ce n'était point par haine ni par aversion pour elle que Dieu fermait son sein, mais bien pour nous ouvrir un jour sur la sagesse de cette femme, pour nous faire contempler le trésor de sa foi, et connaître qu'il la rendit par là plus glorieuse. Mais écoutez la suite. Et c'est ainsi qu'elle faisait chaque année depuis longtemps , alors qu'elle montait dans la maison du Seigneur. Elle était triste, elle pleurait et ne mangeait pas. (I Rois, I, 7.) Douleur prolongée, durable chagrin, non chagrin de deux ou trois jours, ni de vingt ou de cent, ni de mille, ni du double. Depuis longtemps, est-il écrit, depuis bien des années cette femme était dans la douleur et dans la peine. — Car voilà ce que signifie l'expression du texte, et cependant elle ne tomba point dans l'abattement; le progrès du temps n'eut point raison de sa sagesse, non plus que les outrages et les injures de sa rivale : mais elle ne cessait d'adresser des prières et des voeux : et ce qui surpasse tout, ce qui montre mieux que tout le reste son amour pour Dieu, c'est qu'elle ne désirait point simplement avoir cet enfant, elle voulait consacrer ce fruit à Dieu, lui offrir les prémices de son sein, et recevoir la récompense de cette belle promesse. Qu'est-ce qui le prouve? Les paroles qui viennent ensuite. Vous savez tous certainement que si la stérilité est pour les femmes un malheur aussi intolérable, c'est surtout à cause de leurs maris. Beaucoup d'hommes, en effet, sont assez déraisonnables pour faire des reproches à leurs femmes, quand elles n'enfantent point, ignorant que la naissance des enfants a son principe là-haut, dans la providence de Dieu, et que ni la constitution de la femme, ni ses relations avec son époux, ni rien de pareil ne suffisent pour la rendre mère. Néanmoins, et lors même qu'ils connaissent l'injustice de leurs reproches, ils s'emportent, se dégoûtent souvent, et se montrent mal disposés pour leurs femmes.

5. Voyons donc si la même chose arriva pour la femme dont je parle. En effet, si vous la (492) voyez méprisée, outragée, vilipendée, réduite à se taire devant son époux, et traitée par lui avec peu d'affection, vous pourrez conjecturer que si elle souhaitait un enfant, c'était pour avoir son franc-parler, une pleine liberté, et obtenir plus d'amour de la part de son mari. Mais si vous trouvez tout le contraire, à savoir qu'elle était plus chérie que celles qui sont mères, qu'elle était entourée de plus d'affection, il deviendra clair que ce n'était point pour un motif humain ni pour s'attacher davantage son époux qu'elle désirait un enfant, mais bien pour la raison que j'ai dite. Comment donc éclaircir ce point? Ecoutez les propres paroles de l'historien : car ce qu'il en dit n'est point écrit sans but, mais afin de vous faire connaître la vertu de cette femme. Que dit-il donc? Elcana chérissait Anne par-dessus Phenanna. (I Rois, I, 5.) Ensuite, plus loin, la voyant s'abstenir de nourriture et pleurer, il lui dit : Qu'as-tu donc, qui te fasse pleurer ? Et pourquoi ne manges-tu pas ? Et pourquoi ton coeur te frappe-t-il? Ne suis-je pas bon pour toi, au-dessus de dix enfants? Voyez-vous combien il lui était attaché, et comme il s'affligeait principalement pour elle, non de ce qu'il n'avait point d'enfant, mais de la voir triste et en proie à la douleur? Néanmoins il ne put lui persuader de s'arracher au chagrin. Car ce n'était pas pour lui qu'elle souhaitait un enfant, mais bien afin d'avoir un fruit à présenter à Dieu. Et elle se leva, dit l'Ecriture, après qu'ils eurent mangé dans Sélom, et après qu'ils eurent bu, et elle se tint debout devant le Seigneur. Ce n'est pas sans intention. qu'il est écrit : Après qu'ils eurent mangé et qu'ils eurent bu; c'est pour vous montrer qu'elle consacrait à la prière et aux larmes, étant à jeun et ne songeant point à dormir, le temps que d'autres passent dans le repos et dans la nonchalance. Et elle se tint debout devant le Seigneur, et le prêtre Hélie était assis sur son siège sur le seuil du temple du Seigneur. Cette phrase : Le prêtre Hélie était assis sur le seuil du temple du Seigneur, n'est pas non plus mise là au hasard; c'est afin devons montrer la ferveur de la femme dont il s'agit. En effet, comme on voit souvent une femme veuve, sans protecteur, sans appui, en butte à la persécution et à l'injustice, lorsque le monarque va passer, précédé de gardes du corps, de satellites, de cavaliers, et de toute une imposante escorte, accourir sur son passage, sans s'effrayer, sans réclamer le secours de personne, et fendant cette foule compacte, adresser librement la parole au monarque, et exposer à ses yeux l'affreux tableau de sa propre infortune, sans autre introducteur que la nécessité. De même, Anne, sans rougir, sans éprouver de confusion, voyant le prêtre assis, ose adresser elle-même sa demande, et exprimer en toute liberté ses voeux au monarque; et, comme si l'amour lui ; donnait des ailes, comme si elle montait au ciel en esprit, comme si elle voyait Dieu lui-même, elle lui parle avec toute la ferveur qui est en elle. Et que dit-elle? Ah ! plutôt,, elle ne, dit rien d'abord, elle débute par des gémissements, elle verse un torrent de larmes brûlantes. Quand les pluies tombent, la terre la plus dure se mouille, s'amollit et s'empresse dès lors de produire ses fruits. La même chose arriva pour Anne; comme amolli par la pluie de ses larmes, comme échauffé par la douleur, son sein commença dès lors à sentir l'aiguillon précurseur de ce glorieux enfantement. Ecoutons le texte même, écoutons cette belle supplication : Elle pleura, tout en larmes, et adressa un voeu au Seigneur, en disant : ADONAI, SEIGNEUR, ELOI SABAOTH. (I Rois, I, 10-11.) Mots redoutables et qui font frissonner, l'historien a bien fait de ne pas les traduire en notre idiôme, car il n'aurait pu les faire passer, avec leur vertu propre, dans là langue grecque. Anne ne se bonne pas à invoquer Dieu par un mot, elle emploie plusieurs de ses noms, montrant par là son amour pour lui et la ferveur de son âme. Et de même que ceux qui adressent des requêtes au monarque n'y écrivent pas un seul nom, mais après l'avoir désigné en tête parles noms de victorieux, d'auguste, d'empereur et beaucoup d'autres, exposent ensuite leur demande; de même Anne, dans la requête qu'elle adresse à Dieu, le désigne en commençant par plusieurs noms, manifestant par là, ainsi que je l'ai déjà dit, la disposition de son âme, et son respect pour Celui qu'elle invoque. Et ces prières mêmes, ce fût la douleur qui les lui dicta; aussi fut-elle exaucée promptement comme une personne qui a rédigé sa requête avec beaucoup de sagesse. Telles sont en effet les prières qui partent d'une âme souffrante. Son esprit lui tint lieu de papier, sa langue de plume, ses larmes d'encre. Aussi sa requête a-t-elle subsisté jusqu'à ce jour. Car ce sont des lettres ineffaçables que celles qui sont tracées avec une encre pareille. Tels furent les (493) préliminaires de sa requête. Voyons maintenant la suite. Si jetant les yeux, dit-elle, vous regardez vers l'humiliation de votre servante. (I Rois, I, 11.) Elle n'a encore rien reçu, et elle commence sa prière par une promesse. Elle témoigne déjà sa reconnaissance à Dieu quand elle a encore les mains vides. Telle était sa ferveur, tant son désir se portait vers le but que j'ai dit, plutôt que vers l'autre; tant il est vrai que c'est pour ce motif qu'elle souhaitait un enfant. Si, jetant les yeux, vous regardez vers l'humiliation de votre servante. J'ai deux titres, veut-elle dire, ma servitude et mon malheur. Et accordez à votre servante un rejeton mâle. Je vous le donnerai en présent devant votre face. Qu'est-ce à dire? En présent, devant votre face. Cela veut dire pour qu'il soit pleinement et absolument votre serviteur. Je me démets de tous mes droits. Je veux être sa mère seulement pour qu'il tienne de moi l'existence; après cela je renonce à lui, je vous le cède.

6. Considérez ici la piété d'Anne. Elle ne dit pas, si vous m'en donnez trois, je vous en donne deux, si vous m'en donnez deux, je vous en donne un : mais si vous m'en donnez un, un seul, je vous consacre entièrement ce fruit. Et il ne boira ni vin ni liqueur enivrante. Elle n'a pas encore son enfant, et déjà elle le forme pour le rôle de prophète, elle parle de la manière dont elle le nourrira, elle prend des engagements avec Dieu. Quelle confiance chez cette femme ! N'ayant pas encore de quoi s'acquitter, puisqu'elle n'avait pas encore reçu, elle prend sur l'avenir pour payer sa dette. De même que beaucoup de cultivateurs en proie à une extrême misère, sans argent pour acheter un veau ou une brebis, reçoivent de leurs maîtres, sous clause de partage, ces animaux, en s'engageant à en payer le prix avec les fruits qu'ils en recueilleront. Ainsi fit Anne, ou plutôt elle fit bien plus. Car ce n'est pas à la condition de partager qu'elle reçoit de Dieu son fils, mais bien pour le lui rendre en toute propriété, et recevoir, au lieu de fruits, l'éducation de son fils. Car à ses yeux c'était une indemnité suffisante, que d'avoir donné ses soins au prêtre de Dieu. Il ne boira, dit-elle, ni vin ni liqueur enivrante. Il ne lui vient pas à l'esprit de se dire : mais s'il est délicat et que l'eau pure lui soit nuisible? Mais s'il tombe malade? Mais s'il vient à mourir à la suite d'une grave maladie? Réfléchissant que celui qui le lui aura donné saura bien veiller sur sa santé, au sortir des langes, au lendemain de l'accouchement, elle l'introduit dans le saint ministère, elle le jette sans réserve entre les bras de Dieu ; et ainsi, avant les douleurs de l'enfantement, son sein était déjà sanctifié par la présence d'un prophète, par le germe d'un prêtre, par le fardeau d'une offrande, d'une offrande animée. Voilà pourquoi Dieu la laissait dans la peine, voilà pourquoi il mit du temps à l'exaucer : c'était pour ajouter à sa gloire par un tel enfantement, c'était pour manifester sa sagesse. En effet dans sa prière elle ne parla point de sa rivale, elle ne répéta point ses invectives, elle ne dénonça point ses outrages; elle ne dit point : Fais-moi justice de cette femme abominable et perverse, ainsi que font beaucoup de femmes : elle se tut sur ces injures, et ne parla dans sa prière, que des choses qui l'intéressaient. Suis cet exemple, mon cher auditeur, et lorsque tu vois un ennemi qui te persécute, abstiens-toi de toute parole amère à son égard, et ne réponds point à sa haine par des imprécations. Entre ici , fléchis le genou, verse des larmes, invoque Dieu pour qu'il te délivre de ta peine , pour qu'il apaise ta douleur. Ainsi fit Anne, et son ennemie lui fut bien utile. Car elle contribua à la naissance de l'enfant. Comment, c'est ce que je vais dire, quand elle l'eut outragée, persécutée, qu'elle eut augmenté sa souffrance, la souffrance rendit la prière plus ardente, la prière fléchit Dieu, et le rendit propice : et ainsi fut enfanté Samuel. Par conséquent, si nous sommes sages, non-seulement nos ennemis seront incapables de nous causer le moindre dommage, mais encore ils nous feront le plus grand bien, en nous rendant plus zélés en toute chose, pourvu qu'au lieu des injures et des outrages, la prière soit notre recours contre les dégoûts qu'ils nous causent.

L'enfant né, elle le nomma Samuel, c'est-à-dire celui qui entendra Dieu. En effet, comme elle l'avait reçu pour avoir été entendue, à la suite d'une prière, et non d'une manière naturelle, elle déposa alors dans le nom dont elle le salua, comme sur une table d'airain, le souvenir de cette procréation. Elle ne dit pas Appelons-le du nom de son père, de celui de son oncle, ou de son aïeul, ou de son bisaïeul mais elle dit : que le nom dont nous l'appellerons soit un hommage à celui qui nous l'a donné. Imitez-la, femmes, hommes, suivons son exemple : donnons à nos enfants les mêmes (494) soins qu'elle, élevons comme elle nos rejetons et dans tout le reste, et particulièrement à l'égard de la chasteté. Car il n'est rien qui réclame autant d'attention et de sollicitude chez les jeunes gens que la chasteté et la décence... C'est par là que leur âge est exposé aux plus rudes épreuves. Ce que nous faisons pour les lampes, ayons soin de le faire aussi pour les enfants. Souvent, quand une servante allume une lampe, nous l'invitons à ne pas promener cette lumière aux endroits où il y a (le la paille, du fourrage, ou autres matières analogues, dans la crainte que, à notre insu, une étincelle ne vienne à tomber, à y mettre le feu, et n'incendie ainsi notre maison tout entière. Ayons pour les enfants la même sollicitude, et ne promenons pas leurs regards aux endroits où il y a des servantes libertines, des jeunes filles impudiques, des esclaves débauchées, ruais enjoignons ou faisons dire à toute femme de ce genre, servante, voisine, quelle qu'elle soit enfin, de ne jamais s'offrir à la vue des jeunes gens, ni entrer en conversation avec eux, dans la crainte qu'une étincelle, échappée de ce foyer n'embrase entièrement l'âme du jeune enfant, et qu'il n'en résulte un malheur irréparable. Et ce n'est pas seulement sa vue, c'est encore son oreille qu'il faut préserver de tout ce qui respire la mollesse et le dérèglement, de peur que son âme n'en soit ensorcelée. Ne le conduisons ni dans les théâtres, ni dans les festins ou les orgies, et veillons sur nos jeunes gens avec plus de soin que sur des vierges cloîtrées. En effet il n'est point pour cet âge de plus belle parure que la couronne de la chasteté, que d'arriver au mariage, pur de toute incontinence. Alors ils trouveront des charmes à leurs épouses, si leur âme n'a pas fait l'apprentissage de la fornication et du dérèglement, si la seule femme qu'ils aient jamais connue, est celle qui leur est attachée par les liens du mariage. Alors l'amour sera plus ardent, l'affection plus profonde, l'attachement plus parfait, si les jeunes gens s'acheminent vers le mariage gardés comme je l'ai dit : aussi vrai que ce qu'on appelle aujourd'hui le mariage, n'en a que le nom, et n'est autre chose qu'un commerce et un trafic. En effet, quand un jeune homme est corrompu avant le mariage, et qu'après le mariage il se remet à jeter les yeux sur une autre femme, à quoi sert le mariage? dis-moi. Le châtiment est plus rigoureux, la faute est moins pardonnable, quand on laisse une épouse pour se déshonorer avec des prostituées, et que l'on se rend coupable d'adultère. Car une fois marié, quand bien même on a une prostituée pour complice de ses désordres, le. péché devient un adultère. Or si ces choses se font, si l'on court, bien que marié, vers les femmes perdues, c'est que, avant le mariage, on ne s'est pas occupé de rester chaste. De là les luttes, les querelles, les ruines, les guerres quotidiennes : par là fuit et se perd l'amour du mari pour sa femme, lequel ne peut résister aux voluptés des mauvais lieux. Donc, si le jeune homme a su être chaste, aucune femme ne lui paraîtra plus aimable que la sienne; il la verra avec les yeux de l'affection, il restera avec elle dans une parfaite concorde, et grâce à cette paix, à cette concorde, tous les biens viendront affluer dans leur maison. Si donc nous voulons bien pourvoir même à nos intérêts d'ici-bas, et en outre, être admis au royaume des cieux, songeons à nous et à nos enfants, surtout en ce qui concerne ce précepte : prenons garde de nous présenter à ces noces spirituelles revêtus d'habits sordides, et tâchons de jouir, avec toutes franchises, des honneurs réservés là-haut à ceux qui en sont dignes . ces honneurs puissions-nous tous les obtenir par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel gloire, honneur et puissance au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

Haut du document

 

Précédente Accueil Remonter Suivante