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HOMÉLIE II. PAR VOUS LA PAROLE DU SEIGNEUR S'EST RÉPANDUE AVEC ÉCLAT NON-SEULEMENT EN MACÉDOINE ET EN ACHAIE, MAIS VOTRE FOI EN DIEU EST ENCORE SORTIE POUR SE FAIRE CONNAÎTRE PARTOUT, TELLEMENT QU'IL N'EST POINT NÉCESSAIRE QUE NOUS EN PARLIONS; PUISQUE TOUT LE MONDE NOUS RACONTE A NOUS-MÊMES QUEL A ÉTÉ LE SUCCÈS DE NOTRE ARRIVÉE PARMI VOUS, ET COMMENT VOUS VOUS ÊTES CONVERTIS A DIEU APRÈS AVOIR QUITTÉ LES IDOLES, POUR SERVIR LE DIEU VIVANT ET VÉRITABLE, ET POUR ATTENDRE DU CIEL SON FILS QU'IL A RESSUSCITÉ D'ENTRE LES MORTS, JÉSUS QUI NOUS DÉLIVRE DE LA COLÈRE A VENIR. (I, 8-10 JUSQU'À II, 9.)

 

Analyse.

 

1. D'où vient ce grand retentissement qu'a eu dans le monde la conversion des Thessaloniciens ? La célébrité d'Alexandre le Grand et du nom Macédonien en a été cause en partie.

2. Les apôtres de Dieu ne recherchent pas la gloire humaine.

3, 4. Excellente description d'une amitié chrétienne. — Qu'il faut aimer pour en bien comprendre la douceur. — Qu'une âme désintéressée imite la bonté que Dieu a eue pour les hommes.

 

1. De même qu'un parfum exquis ne peut tenir son odeur cachée, mais la répand de toutes parts, en remplit l'air et réjouit les sens de ceux qui en approchent; de même les hommes d'une vertu généreuse et admirable ne la tiennent point renfermée en eux-mêmes, mais par la renommée qui s'en répand, ils sont utiles à un grand nombre et les rendent meilleurs. Il en était ainsi des Thessaloniciens, ce qui fait dire à saint Paul : « Vous avez servi de modèle à tous ceux qui ont embrassé la foi dans la Macédoine et dans l’Achaïe. Par vous, en effet, la parole du Seigneur s'est répandue avec éclat, non-seulement en Macédoine et en Achaïe, mais votre foi en Dieu est encore devenue célèbre partout ». Vous avez été en même temps l’instruction de vos voisins et l'exemple de toute la terre. Car c'est là ce que veut dire ce mot : « Votre foi est devenue célèbre partout ». L'apôtre ne se contente pas de dire que leur réputation était répandue partout, il ajoute « avec éclat ». Comme le son d'une trompette éclatante retentit dans tous les lieux d'alentour; de même le bruit de votre foi si généreuse a rempli également tout l'univers. D'ordinaire, les grands événements ont, dans le lieu où ils s'accomplissent, un retentissement qui s'affaiblit parla distance ; il n'en est pas de même du bruit de votre foi, le retentissement en a été égal par toute la terre. Que l'on ne croie pas qu'il y ait de l'exagération dans ces paroles. La nation des Macédoniens était autrefois fameuse avant la venue de Jésus-Christ; elle jouissait alors partout de plus de célébrité que les Romains. Ce qui a fait la gloire des Romains, c'est d'avoir subjugué les Macédoniens.

Les grandes actions du roi des Macédoniens sont au-dessus de tout discours ; parti d'une petite ville, il a conquis l'univers. Le Prophète le vit sous la figure d'un léopard ailé, ce qui marquait sa rapidité, son impétuosité ardente, et la soudaineté avec laquelle il allait parcourir lé monde sur les ailes de la victoire. On rapporte qu'ayant entendu dire a un philosophe qu'il existait une infinité de mondes, il soupira amèrement, parce que de ce nombre infini de mondes, il n'en avait pas même conquis un tout entier; tant il avait l'âme et le coeur grands-, et sa renommée par toute la terre n'était pas moindre. En même temps que la gloire du roi, s'était élevée celle de la nation. On le nommait Alexandre de Macédoine. Sa réputation remplissait le monde, et rien de ce qui concernait le pays d'un roi, partout si célèbre, ne demeurait ignoré. Les Romains eux-mêmes ne l'emportaient pas sur les Macédoniens en célébrité.

«Votre foi en Dieu est sortie » pour se faire connaître « partout ». Il se sert du terme « est sortie » comme s'il parlait d'un être animé. C'est un effet de leur ferveur extraordinaire. Il ajoute encore, toujours pour montrer la puissance et l'énergie de cette même foi : « Tellement qu'il n'est pas nécessaire que nous en parlions, puisque tout le monde nous raconte à nous-mêmes quel a été le (185) succès de notre arrivée parmi vous». Ceux qui ont été témoins de vos vertus n'ont rien à en apprendre aux autres qui les préviennent, informés de tout avant d'avoir rien vu ; tant la renommée a été prompte et exacte à les instruire. Nous n'avons donc pas besoin de leur raconter tes merveilles de votre piété, quand nous voulons les porter à vous imiter, puisqu'on nous prévient partout, et que l'on commence par nous dire ce qu'on aurait dû apprendre de nous. L'envie que font naître vos vertus ne peut tenir contre leur éclat, et tous sont contraints de se faire les hérauts de vos glorieux combats. Leur infériorité en face de vous ne les rend pas muets sur votre compte, et ils sont les premiers à vous louer. Secondée par des dispositions si favorables, notre parole ne saurait rencontrer nulle part l'incrédulité ni la défiance.

« Tout le monde nous raconte quelle a été notre arrivée parmi vous ». Qu'est-ce à dire? Qu'elle a été pleine de périls, exposée à mille morts sans que rien ait pu vous troubler; que vous nous êtes demeurés attachés comme s'il n'y avait eu aucun danger à craindre; que vous nous avez accueillis une seconde fois malgré les tribulations, comme vous auriez pu faire si, au lieu de la persécution, nous vous avions apporté tous les biens. Saint Paul, accompagné de Silas, avait quitté Thessalonique pour aller à Bérée. Pendant son absence les fidèles furent persécutés. A son retour il fut reçu avec amour et avec beaucoup d'honneurs par les fidèles qui exposèrent ainsi leur vie pour lui. C'est de cette seconde arrivée surtout qu'il veut parler. Ce mot donc : « Quelle a été notre arrivée parmi vous », présente un sens complexe. Il renferme l'éloge de saint Paul et de Silas non moins que celui des Thessaloniciens, quoique l'apôtre leur attribue tout l'honneur. — « Et comment vous vous êtes convertis à Dieu après avoir quitté les idoles, pour servir le Dieu vivant et véritable ». C'est-à-dire, combien votre conversion a été facile, comme vous avez vite embrassé son culte avec entrain, comme il a fallu peu d'efforts pour vous amener à servir le Dieu vivant et véritable.

Puis, prenant un ton moins grave, celui d'un homme qui exhorte, il ajoute : « Pour attendre du ciel son Fils, qu'il a ressuscité d'entre les morts, Jésus qui nous a délivrés de la colère à venir ». Pour attendre du ciel, dit saint Paul, celui qui a été crucifié et enseveli, c'est ce qu'il fait entendre en ajoutant « Qu'il a ressuscité des morts ». On voit ensemble, dans ce verset, la résurrection, l'ascension, le second avènement de Jésus-Christ, le jugement, la récompense des bons et le supplice des méchants. — « Jésus qui nous a délivrés de la colère à venir ». C'est là une consolation, un encouragement et une exhortation. Car, si Dieu a ressuscité son Fils d'entre les morts, s'il est dans le ciel, s'il en doit revenir, et cela, vous le croyez, car autrement vous n'auriez pas souffert ce que vous avez souffert, n'est-ce pas là une grande consolation pour vous? Que si vos persécuteurs doivent infailliblement subir un jour leur peine, et vous, recevoir votre récompense, ce que l'apôtre affirme dans sa seconde épître (II Thess. I, 9), c'est encore une autre consolation que vous aurez, et une grande. En disant d'attendre du ciel le Fils de Dieu, Jésus-Christ, l'apôtre nous apprend que les maux sont pour nous dans le temps présent et les biens dans l'avenir, lorsque le Christ viendra du ciel. Voyez combien l'espérance nous est nécessaire, puisque le Christ crucifié est ressuscité, est monté aux cieux et doit venir juger les vivants et les morts.

2. « Car vous savez vous-mêmes, mes frères, que notre arrivée chez vous n'a pas été sans fruit ; mais après avoir beaucoup souffert auparavant, comme vous savez, et avoir été traités avec outrage dans Philippes, nous ne laissâmes pas d'avoir assez confiance en notre Dieu pour vous prêcher hardiment l'Evangile de Dieu parmi beaucoup de combats ». (II, 4.) Il est vrai que votre conduite a été généreuse, mais la nôtre aussi n'a point été humaine. C'est la même pensée exprimée déjà plus haut, savoir que le mérite de la prédication se montre de la part des prédicateurs par les signes miraculeux et le dévouement, et de la part des disciples par la ferveur et le zèle. Vous savez vous-mêmes que notre arrivée parmi vous n'a point été sans fruit, c’est-à-dire n'a point été humaine ni ordinaire. A peine délivrés des dangers de mort et des mauvais traitements, nous retombâmes dans de nouveaux périls. « Mais après avoir beaucoup souffert auparavant, et avoir été outragés, comme vous savez, dans Philippes; nous avons montré notre Confiance en notre Dieu ». Voyez comme de nouveau il (186)  rapporte tout à Dieu. « Pour prêcher hardiment devant vous l'Evangile de Dieu parmi beaucoup de combats ». On ne peut dire que nous ayons eu ces combats à Philippes, mais non parmi vous. « Vous m'êtes témoins des peines, des inquiétudes, des périls où nous avons été dans votre ville». Il dit la même chose en écrivant aux Corinthiens : « J'ai été parmi vous dans de grandes afflictions, dans de grands travaux, dans une grande crainte, et dans de grands tremblements ». (I Cor. 11, 3.)

« Car nous ne vous avons point prêché une doctrine d'erreur et d'impureté, et nous n'avons point eu dessein de vous tromper, mais comme Dieu nous a choisis pour nous confier son Evangile, nous parlons aussi, nous, pour plaire non aux hommes, mais à Dieu qui voit le fond de nos coeurs (3, 4) ». C'est donc, comme je l'ai déjà dit, de la fermeté de ce peuple que saint Paul tire des preuves pour montrer que sa prédication était l'ouvrage de Dieu. Autrement, s'il y eût eu de l’illusion et de la tromperie, nous n'aurions pas enduré des maux si excessifs qu'ils ne nous permettaient même pas de respirer. Que prouvait donc notre patience? sinon que si un avenir de bonheur ne nous était réservé, ou si nous n'eussions été pleinement assurés que notre espérance n'était pas vaine, nul d'entre nous n'aurait de bon coeur souffert tant de maux. Qui donc voudrait, pour les seuls biens d'ici-bas, souffrir tant de maux, mener une vie d'angoisses et pleine de périls ? Otez l'espérance des biens à venir et dites-moi comment les apôtres auraient pu convertir une seule personne ? Quoi de plus capable d'effrayer des disciples que de voir les maîtres qui les instruisent si persécutés? Mais cela ne vous a point effrayés. « C'est que nous ne vous avons point prêché une doctrine d'erreur ». L'Evangile n'est pas un leurre ni une tromperie pour que nous reculions devant quelque chose. Notre doctrine n'est pas une doctrine d'abomination comme les pratiques des sorciers et des magiciens. Ce n'est pas une doctrine « d'impureté » que nous vous prêchons. Nous ne sommes ni artificieux, ni factieux comme Theudas.

« Mais comme Dieu nous a choisis pour nous confier son Evangile, nous parlons aussi non pour plaire aux hommes, mais à Dieu ». Vous le voyez, ce n'est pas ici une affaire d'amour-propre; nous ne cherchons pas à plaire aux hommes, mais à Dieu qui connaît le fond de nos coeurs. Autrement, quelle serait la raison de notre conduite? Après ce témoignage flatteur, qu'ils ne font rien pour plaire aux hommes ni pour rechercher leurs honneurs, il ajoute : « Comme nous avons été choisis de Dieu pour être chargés de son Evangile ». C'est comme s'il disait : S'il ne nous avait vus affranchis de toute préoccupation terrestre, il ne nous aurait pas choisis. Tels donc il nous a choisis, tels nous restons. — « Nous avons été choisis de Dieu après examen » ; il nous a examinés et nous a confiés son Evangile. Nous restons dans le même état dans lequel nous avons été approuvés de Dieu. La charge de prêcher l'Evangile de Dieu est une preuve de vertu; Dieu ne nous aurait pas approuvés pour cette mission s'il avait vu en nous quelque chose de mauvais. Quand saint Paul dit que Dieu l'a éprouvé, il veut dire simplement qu'il l'a vu bon et qu'il l'a choisi pour apôtre, et non qu'il l'ait mis à l'épreuve. Nous avons. besoin, nous; de mettre à l'épreuve pour savoir à quoi nous en tenir; mais Dieu connaît tout d'une seule vue et sans épreuve.— Donc, nous parlons comme doivent parler ceux que Dieu a choisis et qu'il a jugés dignes de l'Evangile. Et nous ne parlons pas comme si nous avions à plaire aux hommes, c'est-à-dire, ce n'est pas à cause de vous que nous faisons ce que nous faisons. Et parce qu'il les avait loués, pour prévenir le soupçon que cela aurait pu causer, il ajoute : « Car nous n'avons usé d'aucune parole de flatterie, comme vous le savez, et notre ministère n'a point servi de prétexte à notre avarice, Dieu m'en est témoin. Nous n'avons point non plus recherché aucune gloire de la part des hommes, ni de vous ni d'aucun autre. Nous pouvions cependant, comme apôtre de Jésus-Christ, vous charger de notre subsistance (5, 6) ». — Nous n'avons pas usé de flatterie, comme font ceux dont l'intention est de tromper , de s'emparer des hommes et de les dominer. On ne peut dire que nous vous ayons adulés pour vous dominer, ou nous approprier vos richesses. Qu'il ne les a pas flattés pour les dominer, la chose est claire, et il en appelle à leur témoignage; qu'il ne les a pas flattés par un motif d'avarice, si l'on en peut douter, il en prend Dieu à témoin. — « Nous n'avons point non plus (187) recherché aucune gloire de la part des hommes, ni de vous, ni d'aucun autre. Nous pouvions cependant, comme apôtre de Jésus-Christ, vous charger de notre subsistance». C'est-à-dire, nous n'avons pas recherché les honneurs, nous n'avons pas étalé de faste, nous ne nous sommes point fait escorter. Et quand nous l'aurions fait, qui aurait pu nous condamner ? Si les ambassadeurs des rois sont honorés, quels qu'ils soient personnellement, à combien plus forte raison devions-nous l'être? Il ne dit pas : Nous avons été dans l'opprobre, nous avons été laissés sans honneur, ç'eût été leur faire un reproche; il dit : Nous n'avons pas recherché les honneurs. Si nous n'avons pas recherché les honneurs, lorsque la prédication nous donnait ce droit, il est clair que nous n'agissons pas en vue de la gloire humaine. Quand même cependant nous aurions recherché les honneurs, qui eût pu nous en faire un crime? N'est-il pas convenable que les envoyés de Dieu aux hommes, que ceux qui viennent du ciel sur la terre, en qualité d'ambassadeurs, soient accueillis même avec beaucoup d'honneurs? Par surérogation nous n'avons rien fait de cela, pour fermer la bouche à nos adversaires.

3. Et vous ne pouvez dire que telle a été ma conduite envers vous, mais non envers les autres. Voici, en effet, ce qu'il dit écrivant aux Corinthiens : « Vous souffrez que l'on vous réduise en servitude, que l'on vous dévore, que l'on vous pille, que l'on s'élève, que l'on vous frappe au visage ». (II Cor. XI, 20.) La même chose se trouve exprimée dans les passages suivants : « Son aspect », disent vos séducteurs en parlant de Paul, son aspect est misérable, son discours « méprisable » ; et « pardonnez-moi cette injure, etc., » (Ibid. X, 10 et XII, 13.) Ici, dans son épître aux Thessaloniciens, il parle encore de l'argent qu'il pouvait demander pour sa subsistance, en qualité d'apôtre de Jésus-Christ.

« Mais nous avons été parmi vous comme de petits enfants, comme une mère qui nourrit et qui aime tendrement ses propres enfants. Ainsi dans l'affection que nous ressentions pour vous, nous aurions souhaité de a vous donner, non-seulement la connaissance de l'Evangile de Dieu, mais aussi notre a propre vie, tant était grand l'amour que nous vous portions (7, 8) ». Nous avons été au milieu de vous comme de petits enfants; nous n'avons montré ni orgueilleuse dureté, ni fastueuse hauteur « au milieu de vous ». C'est comme s'il disait : J'ai été l'un d'entre vous, je n'ai pas pris pour moi une place plus haute que les autres.

« Nous avons été comme une mère qui nourrit et qui aime tendrement ses propres enfants ». Tel doit être le pasteur. Une mère caresse-t-elle son enfant pour en retirer de la gloire? Exige-t-elle de lui de l'argent pour le lait qu'elle lui donne ? Lui est-elle à charge ? lui fait-elle de la peine? Saint Paul donc veut montrer, par cette comparaison, jusqu'où doit aller l'affection d'un pasteur pour son peuple. C'est cet amour, dit-il aux Thessaloniciens, que nous avons eu pour vous. Non-seulement nous n'avons rien désiré de vos biens, mais s'il avait fallu donner notre vie même pour vous, nous l'aurions fait de bon coeur. Est-ce là, dites-moi, l'effet d'un sentiment purement humain? qui serait assez insensé pour le croire? Nous aurions voulu, dit saint Paul, vous donner non-seulement l'Evangile de Dieu, mais notre propre âme. C'est donc plus de donner sa vie que de prêcher, parce que l'on souffre davantage en donnant sa vie. Il est vrai que l'Evangile est quelque chose de plus précieux : mais la mort aussi est quelque chose de plus pénible. Nous aurions voulu, dit l'apôtre, s'il eût été possible, livrer nos âmes pour vous. Comme il avait beaucoup loué ce peuple, il a soin de leur dire qu'il ne l'a pas fait pour rechercher la gloire, ni de l'argent, ni pour les flatter. Les Thessaloniciens avaient eu de grands combats à soutenir. Ils méritaient donc quelques louanges afin de s'affermir de plus en plus dans leurs bonnes résolutions. Cependant ces louanges pouvant devenir suspectes, saint Paul s'efforce de prévenir ces soupçons. C'est dans cette vue qu'il leur parle de ses périls. Et, d'autre part, afin que l'on ne croie pas qu'il parle de ses périls pour s'attirer des hommages en retour, il ajoute : « Parce que vous m'êtes très-chers». J'aurais volontiers donné ma vie pour vous, parce que je vous suis étroitement attaché. Nous annonçons l'Evangile parce que Dieu nous l'ordonne ; mais notre affection pour vous est telle que, s'il le fallait, nous livrerions pour vous notre âme. Telle est l'amitié véritable, celui qui aime donnerait sa vie si elle lui était demandée et que cela fût possible. Que dis-je, si elle lui était demandée? bien plus (188) il courrait lui-même au-devant d'un tel don. Rien de plus doux qu'un tel amour; il n'est mêlé d'aucune amertume. Un ami fidèle est vraiment le baume salutaire de la vie; un ami fidèle est vraiment un rempart solide.

Que ne ferait pas un ami sincère? Quelle joie n'apporte-t-il pas à la vie, quelle utilité, quelle sûreté? Des trésors par milliers ne seraient pas comparables à un sincère ami. Parlons donc des délices d'une sainte amitié. Eu voyant son ami, l'ami éprouve une joie dont il est inondé. L'union de leurs deux âmes leur procure d'ineffables délices; il suffit d'un souvenir de l'ami pour élever la pensée, pour lui donner des ailes. Je parle des vrais amis, unis du fond de l'âme, prêts à mourir s'il le faut, dont l'affection est ardente. Je ne veux pas que l'on pense à ces amis vulgaires, amis de table, amis de note, ce n'est pas de ceux-là que je parle. Si quelqu'un possède un ami tel que celui que j'ai en vue, il me comprend. Il ne se rassasie jamais de le voir, le vît-il tous les jours. Il lui souhaite les mêmes biens qu'à lui-même. J'ai connu un homme qui commençait toujours à prier pour son ami, ensuite pour lui-même. Tel est un ami, qu'on aime, à cause de lui jusqu'aux temps, jusqu'aux lieux mêmes. Comme les objets qui ont de l'éclat, le font rejaillir tout autour d'eux, de même les amis laissent quelque chose de leur amabilité aux lieux qu'ils fréquentent. Et souvent nous retrouvant dans ces mêmes lieux sans nos amis, nous pleurons au souvenir des jours que nous y avons passés avec eux. Il n'est pas donné au discours de représenter tout le plaisir que nous fait goûter la présence d'un ami, ceux-là seuls le connaissent, qui en ont fait l'expérience. On peut librement demander une grâce à un ami et la recevoir sans la moindre honte. Lorsqu'ils nous prient de quelque chose, nous leur en savons gré lorsqu'ils craignent de nous importuner, nous ne nous en consolons pas. Nous n'avons rien qui ne soit à eux. Souvent, lorsque tout nous inspire du dégoût en ce monde, nous ne voudrions cependant pas les quitter. Ils nous sont plus agréables que la lumière du jour.

4. Non, la lumière du jour elle-même n'est pas plus douce qu'un ami, qu'un véritable ami. Et ne vous étonnez pas de ce que je dis. Mieux vaudrait, pour nous, que le soleil s'éteignît, que d'être privés de nos amis; mieux vaudrait vivre dans les ténèbres que d'être sans

amis. Pourquoi? parce que beaucoup peuvent voir le soleil et rester néanmoins dans les ténèbres, et que ceux qui sont riches en amis, ne sauraient ressentir de tristesse au milieu même de l'affliction. Je parle toujours dès véritables amis, des amis spirituels, et qui ne préfèrent rien à l'amitié. Tel était saint Paul , qui aurait, de bon coeur, donné sa vie sans même attendre qu'on la lui eût demandée, et qui eût, sans hésiter, descend et dans les flammes de l'enfer. C'est avec cette ferveur qu'il faut aimer. Je veux donner un exemple d'amitié. Les amis aiment leurs amis avec plus de tendresse gire les pères n'aiment leurs enfants, que les enfants n'aiment leurs pères, le dis les amis selon Jésus-Christ. Ne me parlez pas des amis d'aujourd'hui , l'amitié est une vertu que nous avons perdue avec tant d'autres. Mais remontez vers les temps apostoliques, et, sans parler des apôtres eux-mêmes, considérez quels étaient les simples fidèles, dont il est dit qu'ils n'avaient tous qu'un coeur et qu'une âme ; que nul ne regardait comme sa propriété exclusive rien de ce qui lui appartenait, et qu'on distribuait à chacun selon son besoin. (Act. IV, 30.) Les mots « le tien» et « le mien» ne s'entendaient jamais parmi eux. Ne rien tenir comme sa propriété exclusive, mais tout regarder comme le bien du prochain, considérer ses propres biens comme des choses étrangères, épargner la vie de son ami comme la sienne propre : c'est dans la réciprocité, cette disposition que consiste la vraie amitié.

Et où trouver une telle amitié? dira-t-on. En effet, elle est difficile à rencontrer à cause de notre mauvaise volonté que notre volonté change et rien ne sera plus facile. Si une telle amitié n'était pas possible, Jésus-Christ ne nous l'eût pas commandée; il t'en eût pas fait un précepte si exprès. Il faut le dire encore une fois, c'est quelque chose de grand que l'amitié. C'est un bien qui ne peut s'exprimer ni se connaître que par l'expérience , l'union des amis a été quelquefois jusqu'à produire des hérésies; c'est elle qui fait que les païens sont encore païens. Celui qui aimé ne veut ni dominer ni commander. Il se tient pour obligé qu'on lui commande. Un ami aime mieux faire un plaisir que le recevoir, parce qu'il aime. Il est, en donnant toujours, comme un homme qui ne peut satisfaire ses désirs. Il ne trouve pas tant de plaisir dans le bien qu'on lui fait, que dans le bien qu'il fait lui-même. Il (189) aime mieux obliger son ami que d'être l'obligé de son ami, ou plutôt il veut devoir et qu'on lui soit redevable. Il veut faire plaisir, et il ne veut pas paraître faire plaisir, mais paraître l'obligé tout en obligeant.

Je suis sûr que beaucoup d'entre vous n'entendent rien à ce que je dis. En effet, il semble qu'il y ait de la contradiction à dire qu'un homme en prévienne un autre, qu'il commence à l'obliger le premier, et qu'en même temps il veuille ne point paraître l'avoir prévenu. C'est ainsi que Dieu lui-même a agi à notre égard. Il voulait nous donner son propre Fils; mais pour ne pas paraître nous le donner gratuitement, mais comme quelque chose qu'il nous devait, il commanda à Abraham de lui donner son fils; de sorte que tout en nous faisant le plus grand des dons, il paraissait ne rien faire d'extraordinaire. Celui qui n'aime point, reproche le bien qu'il fait, et exagère jusqu'aux moindres grâces. Celui qui aime, au contraire, cache tout le bien qu'il fait et veut que ses bons offices passent pour rien. Bien loin de vouloir qu'on croie que son ami lui ait obligation, il fait tout son possible pour faire croire que c'est lui-même qui ]ni est obligé des services qu'il lui a rendus. Je vous le dis encore : je sais bien que plusieurs ne comprennent rien à ce que je dis, car je parle d'une vertu qui n'est plus guère maintenant que dans le ciel. Lorsque je vous parle de l'amitié, c'est comme si je vous parlais de quelque plante inconnue qui viendrait dans l'Inde, et que vous n'auriez jamais rencontrée. Tout ce que je pourrais vous en dire, ne vous en donnerait pas l'exacte connaissance, puisque je ne pourrais pas vous en faire sentir la vertu par expérience. De même quelque éloge que je fasse de l'amitié, vous ne me comprendrez pas si vous n'aimez. — C'est dans le ciel qu'est cette noble plante ; c'est là qu'elle pousse des branches chargées, non de perles mais de vertus infiniment plus précieuses. Comparez l'amitié à tous les plaisirs honnêtes ou déshonnêtes, vous n'en trouverez pas qui l'égale. L'amitié surpasse toutes les douceurs du monde, sans excepter même celle du miel, puisqu'on finit par se dégoûter du miel et jamais d'un ami. Tant qu'il est ami, on ne s'en lasse point; au contraire, on l'aime toujours de plus en plus, et la douceur qu'on y senti n'est point mêlée d'amertume.

Un ami est plus agréable que la vie même, c'est pourquoi on en a vu ne plus désirer de vivre après la mort de leurs amis. On souffre de bon coeur l'exil avec un ami, et sans lui on est comme exilé dans son propre pays et dans sa maison même. On trouve la pauvreté supportât le avec un ami; sans lui, ni la santé ni les richesses n'ont rien qui nous plaise, tout nous est insupportable. On retrouve dans un ami un autre soi-même. Je souffre de ne point trouver d'exemple qui me satisfasse. Je reconnais, avec confusion, que tout ce que je dis est infiniment au-dessous de la vérité. Car les avantages que j'ai marqués ne regardent encore que cette vie. Mais ensuite Dieu récompense une amitié semblable au-delà de ce qu'on peut s'imaginer. Il nous offre une récompense afin que nous nous aimions les uns les autres. Aimez, dit-il, et recevez une récompense ; c'est nous qui devrions, pour cela, offrir une récompense. Priez, dit-il encore, et recevez une récompense; c'est nous encore qui devrions offrir une récompense pour lesbiens que nous demandons. Parce que vous me demandez mes grâces, recevez une récompense. Jeûnez et soyez récompensé. Devenez vertueux et je vous récompenserai, bien que vous me soyez redevable. Lorsque les pères ont rendu leurs enfants vertueux, ils les en récompensent ; car ils leur sont redevables du plaisir qu'ils éprouvent de les voir vertueux. Dieu fait de même. Devenez vertueux, nous dit-il, et je vous promets une récompense. Votre vertu réjouit mon coeur de père, et pour cela je vous dois une récompense. Si vous devenez mauvais, c'est tout le contraire; car vous irritez l'auteur de votre existence. N'irritons pas Dieu, réjouissons au contraire sort coeur, afin que nous obtenions le royaume des cieux en Jésus-Christ Notre-Seigneur, etc.

 

Traduit par M. JEANNIN.

 

 

 

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