I THESSALONICIENS VIII
Précédente Accueil Remonter Suivante

 

Accueil
Remonter
I THESSALONICIENS I
I THESSALONICIENS II
I THESSALONICIENS III
I THESSALONICIENS IV
I THESSALONICIENS V
I THESSALONICIENS VI
I THESSALONICIENS VII
I THESSALONICIENS VIII
I THESSALONICIENS IX
I THESSALONICIENS X
I THESSALONICIENS XI
II THESSALONICIENS I
II THESSALONICIENS II
II THESSALONICIENS III
II THESSALONICIENS IV
II THESSALONICIENS V

HOMÉLIE VIII. AINSI NOUS VOUS DÉCLARONS, COMME L'AYANT APPRIS DU SEIGNEUR, QUE NOUS, QUI SOMMES VIVANTS, ET QUI SOMMES RÉSERVÉS POUR SON AVÉNEMENT, NOUS NE PRÉVIENDRONS POINT CEUX QUI SONT DANS LE SOMMEIL DE LA MORT ; CAR AUSSITOT QUE LE SIGNAL AURA ÉTÉ DONNÉ PAR LA VOIX DE L'ARCHANGE, ET PAR LE SON DE LA TROMPETTE DE DIEU, LE SEIGNEUR LUI-MÊME DESCENDRA DU CIEL, ET CEUX QUI SERONT MORTS EN JÉSUS-CHRIST, RESSUSCITERONT D'ABORD; PUIS, NOUS AUTRES, QUI SOMMES VIVANTS, ET QUI AURONS ÉTÉ RÉSERVÉS JUSQU'ALORS, NOUS SERONS EMPORTÉS AVEC EUX DANS LES NUÉES, POUR ALLER AU-DEVANT DU SEIGNEUR AU MILIEU DE L'AIR; ET AINSI NOUS SERONS POUR JAMAIS AVEC LE SEIGNEUR. (CH. IV. 14, 15, 16, 17.)

 

220

 

Analyse.

 

1. Différence entre la manière des prophètes et celle de saint Paul, pour donner de l'autorité à leurs paroles. — De l'ordre des résurrections pour les morts des diverses époques, quand viendra le dernier jour. — Bonté de Dieu pour les hommes. — La résurrection, en un clin d'eeil, effet de la divine puissance.

2. Description du jugement dernier. — Soyons saisis d'épouvante comme si le fait allait s'accomplir. — Il ne faut pas se faire une objection de la bonté de Dieu. — Preuves qu'il a données de sa juste colère. — Le déluge.

3. Sodome, Gomorrhe. — Contre le crime abominable de Sodome. — Les égarements de cette ville antique moins détestables que l'infamie présente. — Autre preuve de la colère de Dieu, Pharaon et son armée engloutis. — Punitions terribles infligées par Dieu, même à ceux qui croyaient en lui. — Ne nous rassurons pas, Dieu ne frappe pas toujours tout de suite. — Nous sommes plus coupables et nous avons moins d'excuses que les hommes d'autrefois.

4. Divers châtiments infligés au peuple de Dieu. — Pestes, guerres, captivités, famines en Palestine. — Châtiments individuels; Caïn. — Autres exemples, Saül, Ananie et Sapbire. — N'y a-t-il pas, sous nos yeux, des forfaits impunis, dont la punition est inévitable? — Les sages, parmi les païens, admettent la nécessité des châtiments. — Utilité de pareilles méditations.

 

1. Les prophètes, pour montrer combien leurs paroles sont dignes de foi, se hâtent de commencer ainsi : « Vision qu'a vue Isaïe ». (Isaïe, 1, 1.) Autre exemple : « Paroles que le Seigneur a adressées à Jérémie » (Jérémie, 1, 2.) Et encore : « Voilà ce que dit le Seigneur », et autres expressions semblables. Beaucoup de prophètes encore voient Dieu lui-même assis, autant qu'ils peuvent le voir, mais Paul, qui ne le voit pas assis, qui le porte en lui-même , qui entend le Christ parler, au lieu de dire : « Voilà ce que dit le Seigneur », s'exprimait de cette manière : « Est-ce que vous voulez éprouver la puissance de Jésus-Christ qui parle en nous? » (II Cor. XIII , 3.) Et encore : « Paul, apôtre de Jésus-Christ », montrant par là qu'il ne dit rien de lui-même; car l'apôtre ne fait qu'annoncer la parole de Celui dont il est l'apôtre. Et encore :  « Je crois que j'ai aussi l'esprit de Dieu ». (I Cor. VII, 40.) Tous ces discours lui étaient donc inspirés par l'Esprit; quant à celui qu'il tient maintenant, il l'a entendu de Dieu lui-même; ainsi ce qu'il disait aux vieillards d'Ephèse : « il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir » (Act. XX, 35), c'étaient des paroles qu'il avait entendues dans le secret. Voyons donc ce qu'il dit maintenant. « Ainsi nous vous déclarons, comme l'ayant appris du Seigneur, que nous qui sommes vivants et qui sommes réservés pour son avènement, nous ne préviendrons point ceux qui sont dans le sommeil de la mort; car, aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l'archange, et par le son de la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel ».

C'est ce que le Christ en personne a dit : « Les puissances des cieux seront ébranlées». (Matth. XXIV, 29.) Mais pourquoi? « Et par le son de la trompette ». Nous voyons la même circonstance sur le Sinaï; nous y voyons aussi des anges. Mais maintenant, que signifie, dans ce passage : « La voix de l'archange? » Nous nous rappelons les paroles à propos des vierges : « Levez-vous, voici venir l'Epoux ». (Matth. XXV, 6.) Ou il exprime la même pensée, ou il prend une image de la cour impériale ; par analogie, les anges seront les ministres de la résurrection. Dieu, en effet, n'a qu'à dire : Que les morts ressuscitent, et la résurrection s'opère, non par la force des anges, mais parla seule énergie de sa parole. Comme si l'empereur donnait l'ordre de faire sortir des prisonniers que des ministres amèneraient, non en vertu de leur pouvoir propre, mais pour obéir à l'empereur. Le Christ dit ailleurs encore : « Il enverra ses anges, avec une trompette éclatante, et ils rassembleront les élus des quatre points du monde, depuis toutes les extrémités des cieux ». (Matth. XXIV, 31.) Et partout vous voyez les anges courant en tons sens. Quant à « l'archange », je crois que c'est celui qui commande les anges, et il leur crie : Faites que tous soient prêts, car voici le juge. Que signifie: « Par le sonde la dernière trompette? » C'est pour montrer qu'il y aura plusieurs trompettes, et que c'est au son de la dernière, que le juge descendra. « Et ceux qui seront morts en Jésus-Christ, ressusciteront d'abord; puis, nous autres, qui sommes vivants et qui aurons été réservés jusqu'alors, nous serons emportés avec eux dans les nuées, pour aller au-devant du Seigneur, au milieu de l'air; et ainsi nous serons pour jamais avec le Seigneur ». Consolez-vous donc les uns les autres par ces vérités. Mais si Dieu doit descendre, pourquoi serons-nous emportés? C'est pour rendre à Dieu les honneurs qui lui sont dus. Lorsque l'empereur fait son entrée dans une ville, les dignitaires vont à sa rencontre; mais ceux qui sont en jugement, demeurent dans l'intérieur de (221) la ville, attendant le juge. A l'arrivée d'un bon père, ses enfants, ses dignes enfants, montent sur un char, et vont au-devant de lui pour l'embrasser. Au contraire , les serviteurs, qui l'ont offensé, restent dans la maison. Eli bien, nous serons transportés sur le char de notre Père; c'est lui-même qui l'a mis dans les nuées, et nous serons emportés dans les nuées. Voyez quel Donneur pour nous : il descend , et nous allons à sa rencontre, et , bonheur suprême, ainsi nous serons avec lui. « Qui racontera les oeuvres de la puissance du Seigneur et qui fera entendre toutes ses louanges ? » (Psal. CV, 2.) De combien de faveurs il a honoré la race des hommes !

Les premiers morts ressuscitent , et c'est ainsi que se fait la rencontre universelle. Abel, le premier de tous les morts , ira alors au-devant de Dieu, avec tous ceux qui vivaient de son temps. Les anciens morts n'auront rien de plus que les autres; celui qui est mort depuis si longtemps, qui est resté tant d'années sur la terre, ira à la rencontre de Dieu, avec tous les morts de son temps, et tous les autres. Si ceux-là nous ont attendus pour nous voir couronnés, comme l'apôtre le dit ailleurs : « Dieu ayant voulu, par une faveur particulière qu'il nous a faite, qu'ils ne reçussent qu'avec nous l'accomplissement de leur « bonheur » (Hébr. XI, 40), à bien plus forte raison les attendrons-nous de notre côté; ou plutôt, ils nous auront attendus, mais nous, nous n'attendrons pas un instant. En effet, la résurrection sera l'affaire d'un moment, d'un clin d'oeil. Quant à ce que dit l'apôtre, qu'il se rassembleront, cela veut dire qu'ils ressusciteront de partout; ce sont les anges qui les rassembleront. La résurrection sera l'effet de la puissance de Dieu, ordonnant à la terre de rendre le dépôt qu'elle a reçu, et aucun serviteur n'en sera l'agent. C'est ainsi que, lorsqu'il appela Lazare, il n'eut qu'à lui dire : « Lazare, viens dehors ». (Jean, XI, 43.) Quant à «conduire auprès de Dieu», c'est ce qui se fait par le ministère des anges. Mais, si les anges les rassemblent et courent de différents côtés, comment les morts,sont-ils ravis jusqu'au ciel ? C'est après la descente des anges que les morts seront ainsi ravis; c'est après qu'ils auront été rassemblés; cela se fera d'une manière soudaine et à l'insu de tous. On verra d'abord la terre en mouvement, un mélange de poussière; et, en même temps, tous les corps se réveillant à la fois de toutes parts, et cela sans qu'aucun serviteur prête son ministère; un ordre pur et simple suffit pour que la terre, qui était pleine, devienne vide. Considérez cet immense événement : tous les morts , depuis Adam jusqu'au jour actuel, debout, ensemble, avec leurs femmes et leurs enfants; il faudra voir un tel tumulte pour le comprendre. Et de même que le monde a ignoré tout le mystère d'un Dieu fait homme, de même nul n'aura rien deviné de cette résurrection.

2. Eh bien donc, quand cet événement s'accomplira, alors on entendra la voix de l'archange, donnant ses ordres aux anges, faisant retentir ses cris, et l'on entendra aussi les trompettes, ou plutôt le son des trompettes. Quel sera le tremblement, quelle sera l'épouvante des vivants de la terre ? Car « l'une est prise, et l'autre renvoyée ; l'un est saisi, et l'autre renvoyé ». (Matth. XXIV, 40, 41 ; Luc, XVII, 34, 35.) Que ressentira-t-on quand on verra les autres enlevés dans les airs, et qu'on sera soi-même renvoyé ? Un tel spectacle n'inspirera-t-il pas plus de terreur que tous les enfers qu'on peut se représenter? Eli bien, supposons donc que le fait s'accomplit maintenant. Si une mort subite, ou, au milieu des villes, un tremblement de terre, si des menaces bouleversent, on le sait , nos âmes; quand nous verrons la terre en éclats, et partout tant de prodiges, quand nous entendrons les trompettes, quand nous entendrons la voix de l'archange plus retentissante que toutes les trompettes, quand nous verrons le ciel s'abaisser sur nous, quand nous le verrons lui-même, Lui, le Roi de l'univers, Dieu, que ressentirons-nous? Ah ! frémissons, je vous en prie, et soyons saisis d'épouvante, comme si le fait allait s'accomplir. Que l'ajournement ne soit pas, pour nous, une pensée qui nous rassure; puisqu'il faut absolument que le fait s'accomplisse, que pouvons-nous gagner à l'ajournement ? Quel tremblement alors ? Quelle épouvante? Avez-vous vu quelquefois des condamnés qu'on mène à la mort? Qu'éprouvent-ils, selon vous, quand ils font le chemin, jusqu'à la porte? Combien faudrait-il de morts pour égaler ce supplice? Que ne voudraient-ils pas et faire et endurer, pour être délivrés de cette sombre nuit qui les enveloppe? J'en ai beaucoup entendu, que la clémence de l'empereur avait rappelés du (222) supplice; ils disaient, au retour, avoir vu des hommes qui ne leur paraissaient pas des hommes; tel était le trouble, la stupeur, le bouleversement de leur âme.

Si la mort du corps produit en nous cette épouvante, quand viendra l'éternelle mort, que ressentirons- nous? Et que dis-je de ceux qu'on mène à la mort? La foule qui les entoure, se compose d'individus qui, pour la plupart, ne les connaissent pas. Supposez, clans cette foule, une personne dont les regards pussent lire au fond de leur âme; qui pourrait être assez dur, assez ferme pour ne pas se sentir abattu, frappé d'anéantissement, glacé par la terreur? Et maintenant, si cette mort, qui en saisit d'autres que nous, si cette mort qui ne diffère en rien du sommeil, produit une impression si profonde sur ceux qui n'ont pas à la subir; à l'heure où nous-mêmes nous tomberons dans un état plus effroyable, quel ne sera pas notre abattement, notre consternation? Non, non; il faut m'en croire, il n'est pas de discours, de paroles, qui égalent l'impression qui nous attend.

Sans doute, me répond-on ; mais Dieu est si bon pour les hommes, et rien de tout cela n'arrivera. Ainsi les Ecritures sont sans valeur? Non, me répond-on ; il n'y a là qu'une menace pour nous porter à la sagesse. Eh bien ! si nous ne nous conformons pas à la sagesse, si nous persévérons dans le mal, Dieu n'infligera-t-il pas le châtiment, répondez-moi? Et par conséquent il ne décernera pas, à la vertu, ses récompenses? Au contraire, me répond- on , récompenser est une conduite conforme à sa nature, et ses bienfaits dépassent nos mérites. Voilà donc votre conclusion pour les récompenses, la promesse est vraie et se réalisera d'une manière absolue; quant aux châtiments, il n'en est pas de même; il n'y a là qu'une menace pour nous épouvanter. Comment m'y prendre pour vous persuader? Je n'en sais rien. Si je dis que « leur ver ne mourra point, que leur feu ne s'éteindra point » (Marc IX, 45) ; si je dis qu'ils s'en iront dans le feu éternel; si je produis devant vous le riche déjà livré au supplice, pures menaces, me direz-vous. Comment m'y prendre pour vous persuader? Satanique pensée qui rend la grâce inutile et qui ne fait que des indolents. Comment l'extirper, cette pensée ? Tout ce que nous vous dirons pris des Ecritures, pures menaces, répondrez-vous; mais cette réponse, suppose qu'elle s'applique à l'avenir, si vous l'objectez à ce qui est arrivé, à ce qui est accompli, est sans valeur. Vous avez tous entendu parler du déluge. Direz-vous aussi, pure menace ? N'est-ce pas là un événement, un fait accompli? Vos discours ne sont que la repétition des discours d'autrefois; durant cent ans, employés à la construction de l'arche , pendant que l'on formait la charpente, pendant que le juste annonçait la vengeance à grands cris, nul ne l'en croyait. Mais aussi pour n'avoir pas cru les paroles de la menace , ils eurent à subir la réalité du châtiment; et c'est le sort qui nous attend, si nous ne voulons pas croire. Voilà pourquoi l'apôtre compare l'avènement du Seigneur aux jours de Noé. De même qu'on refusa de croire à l'ancien déluge, de même on ne veut pas croire au déluge de l'enfer. N'était-ce donc qu'une menace jadis? L'événement ne s'est-il pas accompli? Et celui qui infligea si soudainement le supplice alors, ne l'infligera-t-il pas, à bien plus forte raison, aujourd'hui encore? Les attentats des anciens âges ne dépassaient pas ceux d'aujourd'hui; qu'est-ce à dire? « Alors » , dit l'Ecriture, « les enfants de Dieu allèrent trouver les filles des hommes » (Gen. VI, 2) ; et le pêle-mêle était affreux ; et aujourd'hui quelle honte fait reculer? Croyez-vous, oui ou non, au déluge, oui le prenez-vous pour une fable ? Les montagnes où l'arche s'est arrêtée l'attestent, je parle des montagnes de l'Arménie.

3. Les exemples me viennent en foule; j'en prends un- singulièrement manifeste. Quelqu'un de vous a-t-il jamais voyagé en Palestine ? Ce ne sont plus des paroles, mais des choses que je dis. — Quoique, à dire vrai, mes preuves de tout à l'heure fussent plus convaincantes que des réalités. Car ce que dit l'Ecriture mérite plus notre foi, que ce que voient nos yeux. Eh bien donc, quelqu'un de vous a-t-il jamais voyagé en Palestine? je pense que quelqu'un a fait ce voyage. Eh bien, vous qui avez vu le pays, servez-moi donc de témoins auprès de ceux qui n'y ont pas été. Au-dessus d'Ascalon et de Gaza, à l'endroit où cesse le Jourdain, il y a un pays immense, fertile ; disons mieux, il était fertile, car aujourd'hui il ne l'est plus; c'était une contrée belle comme le paradis. « Loth vit», dit l'Ecriture, « tout le pays autour du Jourdain. et il était arrosé comme le paradis de Dieu ». (223) (Gen. XIII, 10.) Donc, c'était un pays tout en fleurs, rivalisant avec les plus belles contrées du monde, un pays dont la fertilité égalait celle du paradis de Dieu; et il n'est pas aujourd'hui de désert plus désert. On y voit des arbres, et qui portent du fruit; mais ce fruit est un monument de la colère de Dieu; on y voit des cours d'eau, et le bois, et le fruit, ont une belle apparence; et qui n'est pas prévenu se réjouit; mais, prenez-les dans vos mains, ces fruits, vous les brisez; pas de fruit, rien que de la poussière, rien que de la cendre à l'intérieur; et tout est de même, dans toute celte terre ; vous croyez voir une pierre et vous ne voyez que de la cendre. Et que parlé-je de pierres, de bois et de terre, là où l'air même et les eaux manifestent la même calamité ? De même qu'un corps, dévoré par le feu, conserve sa forme, sa figure, que c'est le même aspect, mais que la force en est détruite; de même, pour cette terre, elle n'a plus, rien de la terre; tout n'y est plus que cendre. Des arbres et des fruits qui ne sont plus. en rien, ni des arbres, ni des fruits ; de l'air et de l'eau, qui n'ont plus rien ni de l'air ni de l'eau; car ces éléments mêmes ne sont plus que de la cendre. Cependant comment de l'air peut-il être dévoré par le feu? — Comment l'eau peut-elle brûler, et rester de l'eau? Le bois et les pierres peuvent brûler, mais pour l'air et pour l'eau, c'est absolument impossible. Impossible pour nous; mais pour Celui qui les a faits, c'est un prodige possible. Cet air n'est donc plus qu'une fournaise; l'eau n'est plus qu'une fournaise; rien ne porte de fruit, rien n'engendre rien ; partout les traces, les images de la colère antique, les preuves de la colère à venir.

Sont-ce là des menaces en paroles? n'est-ce là qu'un bruit de paroles? Il est bien entendu que, pour moi, j'ajoute foi aux anciens exemples; j'ajoute foi, aussi bien à ce que ne voient pas, qu'à ce que voient mes yeux. Mais je parle à l'incrédule, et ce que je dis doit suflire pour le forcer à croire. Que celui qui ne croit pas à l'enfer médite sur Sodome, réfléchisse sur Gomorrhe, sur le châtiment qui s'est effectué, qui dure encore. Témoignage du supplice éternel, pensées difficiles à supporter; mais croyez-vous donc qu'il soit facile de supporter vos paroles qui soutiennent qu'il n'y a pas d'enfer; qu'il n'y a, de la part de Dieu, qu'une simple menace?

Que faites-vous, quand vous frappez ainsi de découragement le coeur du peuple? Vous me forcez à vous tenir de pareils discours, vous qui ne croyez pas. Si vous aviez ajouté foi aux paroles du Christ, je ne serais pas forcé d'avoir recours à la réalité, pour provoquer votre foi. Mais puisque vous n'avez pas voulu accepter d'autres preuves , bon gré malgré, il faudra bien que vous soyez persuadés, car enfin qu'avez-vous à dire de Sodome? Et voulez-vous savoir la cause de ce qui est arrivé alors? c'était un péché funeste, exécrable, mais enfin, ce n'était qu'un péché, une passion insensée pour les jeunes enfants, et voilà ce qui a motivé cette punition. Mais aujourd'hui on les compte par milliers, les désordres pareils, les égarements plus funestes que ceux des anciens hommes. Eh bien, celui qui, pour un seul péché, répandit les flots d'une si terrible colère, sans égard pour les prières d'Abraham, sans égard pour Loth, habitant de ce pays, lequel, pour honorer les serviteurs de Dieu, exposait ses propres filles aux outrages, Dieu, en présence de tant de crimes qui sont les nôtres, nous ferait grâce? Préjugé ridicule, frivolité, erreur, illusion du démon ! Voulez-vous un autre exemple ?

Vous connaissez suffisamment l'histoire de Pharaon, de ce roi des. Egyptiens: vous connaissez la punition qu'il a subie, ses chars, ses chevaux, son armée entière, précipités avec lui au fond de la mer Rouge. Vous faut-il encore d'autres preuves? car ce Pharaon était peut-être un impie ; je me trompe, il ne faut pas dire, peut-être; c'était réellement un impie. Eh bien, vous faut-il des exemples, pris de ceux qui croyaient en Dieu, qui s'attachaient à Dieu, mais qui ne pratiquaient pas la vertu ? Voulez-vous les voir punis? écoutez Paul : « Ne commettons point de fornication, comme quelques- uns d'entre eux commirent ce crime pour lequel vingt-trois mille furent frappés de mort en un seul jour; ne murmurons point comme murmurèrent quelques-uns d'entre eux qui furent frappés de mort par l'exterminateur; ne tentons point le Christ, comme le tentèrent quelques-uns d'entre eux qui furent tués par les serpents ». (I Cor. X, 8-40.) Si la fornication, si les murmures ont produit un tel effet, quel traitement ne nous attireront pas nos crimes ? que si Dieu ne réclame pas tout de suite la vengeance, n'en soyez pas surpris. Les hommes (224) d'autrefois ne connaissaient pas l'enfer, aussi étaient-ils frappés de châtiments soudains; mais vous, qui, quelles que soient vos fautes, n'êtes pas punis, vous les expierez toutes là-bas. Eh quoi ! Dieu a puni ceux qui, auprès de nous, n'étaient que des enfants, pour de moindres péchés, de tels supplices, et il nous épargnera? Ce discours ne peut se soutenir. Quand nos fautes égaleraient seulement les leurs, nous mériterions un plus rigoureux châtiment. Pourquoi? parce que nous avons reçu la grâce avec plus d'abondance. Et maintenant que nous sommes plus souvent et plus gravement coupables, à quelle vengeance ne devons-nous pas nous attendre? Ces anciens hommes, (n'allez pas croire que je sois surpris de leur supplice, que je veuille les absoudre, loin de moi cette pensée; quand Dieu punit, celui qui condamne le jugement de Dieu exprime une pensée qui lui vient du démon; donc je ne fais pas l'éloge des anciens hommes, je ne prétends pas les absoudre, je ne fais que montrer notre perversité), eh bien donc, ces hommes d'autrefois, s'ils murmuraient, c'est qu'ils arrivaient dans un désert; mais nous, nous avons une patrie, et c'est à l'abri de nos maisons que nous proférons des murmures; ces hommes d'autrefois encore, ils se livraient à la fornication, mais ils sortaient de l'Egypte, du sein d'un peuple corrompu, et c'est à peine s'ils étaient initiés à la loi; mais nous, qui avons reçu de n os pères des enseignements pour nous sauver, nous méritons un châtiment plus rigoureux.

Vous faut-il encore d'autres exemples de punition? Les châtiments soufferts dans la Palestine, les famines, les pestes, les guerres, les captivités; captivité sous les Babyloniens, captivité sous les Assyriens; les maux soufferts de la part, et des Macédoniens, et d'Adrien, et de Vespasien. Je veux, mon cher auditeur, vous raconter une histoire, mais ne faites pas un mouvement en arrière; ou plutôt, non , je vous dirai autre chose d'abord. Il y avait une fois une famine, dit l'Ecriture, et le roi se promenait sur le rempart : une femme s'approche de lui et lui dit : « Roi, voilà une femme qui m'a dit : Donnez votre fils, que nous le fassions cuire aujourd'hui et que nous le mangions; et demain, ce sera le mien ; et nous l'avons cuit, et nous l'avons mangé » (IV Rois, VI, 26, 29); celle-ci n'a pas encore donné le sien. Quoi de plus affreux que ce malheur? Dans un autre endroit le Prophète dit : « Les mains des femmes miséricordieuses ont fait cuire leurs enfants ». (Jérém. IV, 10.) Telle fut la punition des Juifs, et nous, n'en subirons-nous pas une bien plus terrible encore?

4. Voulez-vous connaître encore quelques autres de leurs malheurs? Lisez Josèphe, étudiez toute cette tragédie, nous vous persuaderons peut-être, par là, qu'il y a un enfer. Réfléchissez donc: s'ils ont été châtiés, pourquoi ne sommes-nous pas châtiés? Quelle vraisemblance que nous ne soyons pas châtiés aussi, nous qui sommes plus coupables? N'est-il pas évident que le châtiment est mis en réserve pour nous? Si vous voulez, je vais vous montrer qu'ils ont été châtiés aussi individuellement. Caïn a tué son frère. Crime affreux, c'est ni contestable; mais Caïn a subi sa peine, peine terrible, plus affreuse que mille morts; écoutez ses plaintes : « Vous me chassez aujourd'hui de dessus la terre, et j'irai me cacher de devant votre face, et quiconque me trouvera, me tuera». (Gen. IV, 14.) Eh bien, dites-moi, n'y a-t-il pas beaucoup d'hommes qui font aujourd'hui comme ce meurtrier ? Quand vous assassinez, non votre frère selon la chair, mais, votre frère spirituel, ne faites-vous pas comme Caïn? Qu'importe que ce ne soit pas avec une arme, mais d'une autre manière, quand, au lieu d'apaiser sa faim, ce due vous pourriez faire, vous l'abandonnez? Eh quoi ! est-il vrai de dire aujourd'hui que nul n'est envieux de son frère? Que nul ne jette son frère dans les dangers? Eh bien, ces méchants sur cette terre, n'ont pas subi leur peine, mais ils la subiront. Voyez donc encore : celui qui n'a entendu ni la loi écrite, ni les prophètes, qui n'a pas vu des signes éclatants, celui-là est frappé d'un châtiment rigoureux; et celui qui, sans être moins coupable, a eu tant d'avertissements pour le ramener au bien , celui-là demeurera impie? Où donc est la justice de Dieu? Qu'est devenue sa bonté?

Autre exemple : pour du bois ramassé le jour du sabbat, un malheureux a été lapidé (Nombr. XV,  32) : la défense pourtant n'était pas des plus importantes, ce n'était pas une prescription comme celle de la circoncision. Eh bien, pour du bois ramassé le jour du sabbat, lapidé; et ceux qui enfreignent mille fois la loi, seront impunis? S'il n'y a pas d'enfer, où donc est la justice, que devient ce (225) qu'on nous dit que Dieu ne fait point acception des personnes? Cependant les accusations ne manquent pas contre tous ceux qui n'observent pas le sabbat. Autre exemple encore, un fils de Chram, pour une offrande soustraite, lui et toute sa famille, lapidés. Eh quoi, depuis ces temps anciens, n'a-t-on plus commis de sacrilège ? Saül encore, pour avoir fait grâce contre la volonté de Dieu, a subi un châtiment sévère; depuis Saül, est-ce que personne n'a fait comme lui? Plût au ciel qu'il en fût ainsi, et qu'on ne nous vît pas, plus féroces que les bêtes féroces, nous manger les uns les autres, contre la volonté de Dieu, et qu'il n'y eût pas (le combattants renversés dans la mêlée ! Autre exemple encore, les fils d'Héli pour avoir mangé les victimes avant qu'on les eût brûlées en sacrifice, furent punis d'une mort terrible, et leur père avec eux. N'y a-t-il donc plus de pères qui négligent leurs enfants? N'y a-t-il plus d'enfants pervertis? Nous n'en voyons aucun de,puni. Quand donc le seront-ils, s'il n'y a pas d'enfer? D'autres exemples encore, il y en a des milliers. Ananie et Saphire, pour avoir soustrait une partie de leurs propres offrandes, n'ont-ils pas été punis sur-le-champ? Depuis ces temps anciens, personne n'a-t-il donc fait comme eux? Comment donc n'avons-nous pas vu, depuis, les mêmes châtiments? Comprenez-vous qu'il y a une géhenne, ou vous faut-il encore des exemples? Eh bien, nous les demanderons à ce qui n'est pas écrit, à ce qui se passe aujourd'hui, car il ne faut négliger aucun moyen de conviction, il ne faut pas, par une complaisance irréfléchie pour nous-mêmes, nous faire du tort à nous-mêmes.

Ne voyez-vous pas des malheureux, des mutilés sans nombre, en proie à mille maux? Pourquoi des meurtriers punis; d'autres, qui ne le sont pas. Ecoutez Paul : « Il y a des personnes dont les péchés sont connus avant le jugement; il yen à d'autres qui ne se découvrent qu'ensuite ». (I Tim. V, 24.) Combien y en a-t-il d'échappés parmi les meurtriers; combien, parmi les violateurs de sépultures? Mais laissons cela. Combien y en a-t-il que vous ne voyez pas rigoureusement punis? Les uns sont frappés d'une maladie cruelle ; d'autres, livrés à de perpétuelles tortures; d'autres encore, à des maux innombrables. Eh bien, quand vous voyez un homme coupable, comme ces malheureux, et beaucoup plus coupable encore, demeurer impuni , ne sentez-vous pas que, malgré vous, vous reconnaissez qu'il y a un enfer? Rassemblez ceux qui, sur cette terre, avant vous, ont subi un châtiment rigoureux, considérez que Dieu ne fait pas acception des personnes, que vous avez fait mille et mille actions mauvaises, que vous n'avez éprouvé aucun traitement qui ressemble au leur, et alors vous comprendrez l'enfer. Car Dieu nous en a mis la pensée dans l'âme, à tel point que jamais personne n'a pu l'ignorer. Poètes, philosophes, auteurs de fictions, en un mot, tous les hommes ont raisonné sur la rémunération dans une autre vie, et ont parlé de la foule de ceux qui subissent, dans les enfers, des châtiments. Si leurs récits sont des fables, il n'en est pas de même chez nous. Je n'ai pas voulu vous effrayer par ce discours, ni charger vos âmes d'un poids incommode, au contraire, je voudrais leur donner les ailes de la sagesse. Je voudrais bien, moi aussi, qu'il n'y eût pas de châtiment, je le voudrais, plus que vous tous, moi qui vous parle. Pourquoi? c'est que chacun de vous ne tremble que pour son âme à lui; ruais moi, j'aurai des comptes à rendre de mon administration, de sorte que c'est moi, plus que vous tous, qui aurai de la peine à y échapper. Mais il n'est pas possible qu'il n'y ait ni enfer ni supplice. Que ferai-je? Voici maintenant des doutes et des objections : où est donc la bonté de Dieu? Partout. Mais c'est un point que je développerai dans un autre temps; ne confondons pas, avec ces réflexions, ce que nous avons dit sur l'enfer. Quant à présent, gardons le profit que nous avons retiré de ces paroles; ce n'est pas un mince profit, que d'être convaincu qu'il existe un enfer. Le souvenir de pareil discours est un remède amer mais efficace pour nous purger de toute corruption, si nous savons le conserver dans notre esprit. Donc, il faut en user, purifions ainsi notre coeur, rendons-nous dignes de voir ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, les biens que n'a pas compris le coeur de l'homme; puissions-nous tous en jouir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

Haut du document

 

  Précédente Accueil Remonter Suivante