EPITRE
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AUX RELIGIEUX PERSECUTES ET PROSCRITS
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O France, qui bannis les amants de ta gloire,
Pourquoi désertes-tu le temple de mémoire,
Réservant ton amour, salaire des héros,
A de vils corrupteurs, leurs stupides bourreaux?
Pourquoi profanes-tu tant de chefs-d'uvres antiques,
Et, de ton Dieu jaloux dépouillant les autels,
Chasses-tu leurs gardiens dont les voix prophétiques
Réveillent dans les airs des échos immortels ?
Les saints formaient jadis ta phalange d'élite ;
Pourquoi leur reprocher l'éclat de leur mérite ;
Et, cessant d'admirer leurs sublimes vertus,
Assimiler encor Barabas à Jésus ?
Pourquoi répudier le rôle séculaire
Qui faisait resplendir ta beauté légendaire ?
O ma France, pourquoi bannis-tu de ton sein
Ceux qui t' aiment le mieux, le héros et le saint ?
Ton sol est tout fleuri d'insignes basiliques,
Dont le temps destructeur a bronzé les reliques,
Imprimant au granit un air de vétusté
Qui, loin de l'avilir, rehausse sa beauté.
Le moine cisela ces poèmes de pierre,
Demeures du vrai Dieu, temples de la prière,
Invitant les humains pour qu'ils adorent mieux,
A relever leur front vers la voûte des cieux.
Des vandales jadis, inaptes à construire,
Mais jaloux du passé, voulurent les détruire :
Le granit résista ! ... leur stupide fureur,
Même aux plus forcenés, inspirait de l'horreur !...
Et le temple resta, fier témoin des vieux âges,
Pour Attester sans fin que ces fous étaient sages
Qui. reconnaissant Dieu pour maître souverrain,
Regardaient vers le ciel d'un front calme et serein.
Autour du tabernacle on admirait le cloître
O recherchaient la paix de saints religieux...
Epris de cet amour, qui tous les lis fait croître,
Ils jetaient dans nos curs son germe précieux.
Ils vivaient de labeur au sein de la sagesse,
Expiant des mortels les multiples erreurs ;
Pour écarter de nous la foudre vengeresse,
Qui remplirait le monde et de trouble et d'horreurs.
Ils allaient au combat pour d'illustres conquêtes,
Heureux de succomber victimes de l'amour...
La croix, leur étendard, rayonnait sur leurs têtes,
Comme pour tous les yeux, quand viendra le grand jour.
De leurs gestes fameux remplissant notre histoire,
La science, les arts, nous les ont disputés ;
Les siècles écoulés proclament leur victoire ;
Et jamais leurs bienfaits ne furent discutés.
Même en nos jours troublés, astres d'or ils rayonnent
Et dans le ciel de Dieu brillent de mille feux !...
Ils nous donnent leur vie, avec joie ils la donnent :
C'est en faisant le bien qu'ils se disent heureux.
Et voilà ce que vous biffez d'un trait de plume,
Politiques étroits ! ... la gloire vous fait peur !...
Quand l'aveugle discorde et son flambeau qui fume
Aveugle votre esprit et ferme votre Cur.
France, lève ton front ! et, contre les sectaires,
Des chefs-d'uvre de l'art protège les trésors !
Des temples de granit et des âmes austères
Conserve les joyaux, les diamants, les ors !
Garde-toi d'écouter la rumeur mensongère !
Pour les hommes sans Dieu laisse ton engoûment !
Ou, tremble quand tes fils sur la terre étrangère,
Epris de liberté, portent leur dévoûment !
R. CHAMONAL.