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CHAPITRE PREMIER



LA SAINTE, PAR SA PROTECTION, SAUVE DIVERS MALADES,

QUELQUES-UNS MÊME ABSENTS.

ELLE EXPLIQUE DES LETTRES ÉCRITES PAR LA MAIN DIVINE.

- ELLE VISITE PLUSIEURS LOCALITÉS POUR LE SALUT DU PEUPLE.




38.  Une si puissante grâce de guérison émanait de la Bienheureuse vierge, que presque aucun malade ne s'approchait d'elle, sans qu'il fût immédiatement guéri. Ce qui paraîtra évident par les exemples suivants : Une noble jeune fille avait quitté les parents d'Hildegarde, sa maison et le monde, et s'était liée par vœu, à la direction de la pieuse mère sainte Hildegarde. Comme, depuis quelque temps, elle souffrait de fièvres tierces, et qu'elle ne pouvait être guérie par aucun remède, on lui conseilla de recourir à la vierge sainte. Celleci, selon la parole du Seigneur : Ils étendront les mains sur les malades et ils seront guéris (1), lui imposa les mains, en la bénissant, et elle fut délivrée de ses fièvres.  Dans un autre temps, le frère Roric, qui sous l'habit monastique faisait profession religieuse, était pareillement tourmenté de la fièvre tierce : Ayant entendu raconter le miracle accompli envers la sœur, il demanda dévotement et humblement d'être béni par la sainte, et la fièvre disparut.  Dans le même monastère, une servante du nom de Berthe, s'occupait assidûment de ses fonctions envers les sœurs, mais elle souffrait violemment d'une tumeur au cou et à la poitrine. Et ce mal avait fait de tels progrès, qu'elle ne pouvait prendre ni breuvage, ni nourriture, ni avaler la salive. Ayant été amenée à la servante de Dieu, elle lui demanda plutôt par signes que par paroles, le remède à ses maux, pour qu'elle fût préservée de la mort prochaine. Et la sainte la prenant en pitié, à cause de son assiduité au service, ayant fait le signe de la croix sur les parties malades, lui rendit la santé désirée.


39.  Un certain Suève, du village de Daleving, avait le corps enflé. Guidé par la renommée, après avoir parcouru un long chemin, il vint trouver la sainte, et ne fut pas frustré dans ses espérances. Elle le retint charitablement quelques jours avec elle, le soignant de ses propres mains et le bénissant ; et par la grâce de Dieu, elle lui restitua sa santé primitive. Un enfant de la ville de Rudenesheim (2), nommé Simon, né depuis sept semaines, était agité d'un mouvement inquiétant de tous ses membres Il fut apporté par sa nourrice, et avec l'aide de Dieu, en vertu des prières de la sainte, il fut guéri. Ce n'était pas seulement à ses voisins, mais aux personnes éloignées d'elle, qu'elle portait secours. Un certain Arnold, de Waceherneim, autrefois connu d'elle, souffrait à tel point de la gorge, qu'il ne respirait que péniblement. Ne pouvant venir la voir lui-même, il désirait dévotement le suffrage de ses prières. Confiante en la miséricorde de Dieu, elle bénit de l'eau et l'envoya à son ami, qui, l'ayant goûtée, fut guéri parla grâce de Dieu. Une femme de Bingen, avait une fille nommée Hazecha, qui était malade, et depuis trois jours ne parlait plus. La mère étant venue demander du secours pour sa fille, la vierge sainte ne lui donna rien autre chose que de l'eau bénite par elle ; et dès que la malade l'eut goûtée, elle recouvra aussitôt la voix et les forces.

Dans la même ville, un jeune homme était tellement malade, qu'il paraissait être à toute extrémité : la femme dont nous venons de parler, et qui avait obtenu la guérison de sa fille, lui donna à boire de l'eau qu'elle avait gardée encore, et lui en lava le visage ; et le malade ayant aussitôt recouvré ses forces, fut guéri.


40.  Dans le diocèse de Trèves, se trouvait une noble jeune fille, du nom de Lutgarde, qui dépérissait à cause d'un violent amour charnel pour un jeune homme d'une beauté remarquable, amour qu'elle ne pouvait satisfaire, par suite de la surveillance dont elle était l'objet. Les parents ayant su la cause de cette défaillance, demandèrent avec confiance, par message, le conseil et l'aide de la vierge sainte ; et à cause du désir de leur cœur, ils méritèrent d'être exaucés. Car la sainte, ayant commencé par prier Dieu, bénit du pain de sa table, en l'arrosant de ses larmes, et l'envoya à la jeune fille qui, après en avoir mangé, sentit se refroidir soudain le feu de son violent amour.

Elle délivra aussi d'une perte de sang, par l'envoi des lettres cidessous, une dame du nom de Sibylle, de la ville de Lausanne (3), au-delà des Alpes, laquelle avait imploré son secours par la voix d'un messager. Voici ces lettres : « Au nom de celui qui dirige justement toutes choses, tu placeras autour de la poitrine et de ton nombril, ces paroles : Du sang d'Adam est sortie la mort ; mais le sang du Christ a détruit la mort. Au nom du même sang du Christ, je te commande, ô sang, de retenir ton cours ». C'est ainsi, comme on l'affirme, que la dame sus-nommée, fut délivrée de son mal.


41. Il ne faut pas omettre que lorsque une parcelle de la chevelure ou des vêtements de la sainte était placée sur les malades, quels qu'ils fussent, ils revenaient à leur santé première. Enfin, comme on désespérait de sauver la femme du Préteur de Bingen, à la suite d'un douloureux enfantement, on courut en hâte au monastère de la vierge de Dieu, pour demander quelque secours à cet enfantement laborieux On offrit à la servante de la dame une tresse des cheveux de la sainte, en l'avertissant de l'appliquer sur la poitrine de la malade. Ce qui ayant été fait, l'enfantement se produisit heureusement, et la malade fut délivrée de la mort.

Deux autres dames furent pareillement délivrées du même mal, par les mêmes moyens. Il en fut de même de deux femmes de Sudernesheim qui, à cause de leur égarement d'esprit, avaient été conduites aux lieux saints, sans qu'une amélioration se produisit. On les ceignit de la même tresse que les femmes précédentes, et elles reçurent soudain la santé du corps et de l'esprit.


42.  Bien plus, ceux que la sainte avait recommandés en oraison, elle avait même le don de les prémunir, sous les aspects d'une vision (4). Un jeune homme, Rodolphe de Ederich, fut hospitalisé la nuit dans une petite maison de campagne : Comme, à l'heure du repos, il allait se mettre au lit, il demanda les suffrages de la vierge sainte. Chose étrange ! Elle lui apparut dans le même aspect et le même air qu'elle avait dans son corps, et lui dit qu'il était en péril de mort de la part de ses ennemis, s'il ne s'en allait aussitôt. Et le jeune homme s'étant retiré avec quelques-uns de ses compagnons, la troupe des ennemis accabla le matin ceux qui étaient restés, lesquels reconnurent qu'ils avaient agi sottement, en ne se retirant pas au moment de la vision.

Bien que ce soit miraculeux, il n'est pas impossible que la sainte, encore en sa chair, répandit en esprit ses bienfaits sur les hommes ; puisque pour manifester son mérite, le Christ daigna lui révéler en esprit, aussi bien les désirs des absents que ceux des présents.

En effet, comme aux environs d'Andernach (5), un soldat à toute extrémité était visité par ses amis, et qu'ils se consultaient sur ce qu'il fallait faire, il arriva qu'ayant entendu un appel, ils laissèrent une femme pour le garder, et se dirigèrent vers l'église. Alors le malade, environné de silence, se mit à prier Dieu avec des soupirs, et à lui demander instamment que par les mérites de la sainte, il lui rendît la santé. Et dès que sa prière fut terminée, il mérita d'être réjoui par cette vision : Il voyait la vierge vénérable s'approcher de lui, pour lui demander avec douceur s'il voulait être guéri. Ayant répondu qu'il le désirait vivement, la sainte lui imposant les mains sur la tète, prononça ces paroles : « Au nom de celui qui a dit : Ils imposeront leurs mains sur les malades, et ils seront guéris (6), que ce mal s'éloigne de toi et sois guéri ». Ce qu'ayant dit, la vision s'évanouit : et le malade, se levant de son lit, à l'admiration de tous ceux qui le connaissaient, fut guéri.


43.  Il n'est pas inutile de rapporter ce qui arriva à un prêtre, parce qu'on y voit se manifester certaines vertus de la sainte, et que ce fait miraculeux doit être confié à la mémoire, afin que, par un effet de la volonté de Dieu, celui qui vit négligemment se convertisse.

La chose se passe en Suève, dans le village de Rudesheim. Un soir, que la nuit tombait, ce prêtre rentrant dans l'Église afin d'allumer la lampe du sanctuaire, vit sur l'autel deux flambeaux ardents. Il avait avec lui un jeune écolier, qui l'aidait habituellement dans le service divin. Il lui demanda pourquoi il avait négligé d'éteindre les cierges, et l'enfant répondit qu'il les avait éteints. Alors le prêtre s'approchant pour les éteindre, trouva le corporal déployé sur l'autel, comme pour l'accomplissement des divins mystères. Saisi d'étonnement, le jeune homme, tombant à terre, s'écria dans l'extase : « Le glaive du Seigneur nous frappe » (7). Le prêtre, pensant qu'il était frappé, se hâta de le relever. Mais l'enfant n'ayant aucune blessure, prononça ce discours : « Si nous voyons les lettres qui sont placées sur le voile de l'autel, nous ne mourrons pas ». Le prêtre pensant qu'il disait cela par ignorance, àcause de sa frayeur, s'avança de nouveau de l'autel ; et à la place où s'accomplissent les saints mystères, il trouva sur le corporal (8), cinq lettres tracées en forme de croix, sans nulle intervention humaine, soit dans le sens de l'extension, A. P. H. (9) et dans le sens de l'érection, K. P. D. Ayant vu et noté ces choses diligemment, le jeune homme, reprenant ses forces, se leva. Le prêtre après avoir replié le corporal et éteint les cierges, revint chez lui, ne sachant que penser de ce qu'il venait de voir. Les lettres durèrent sept jours, le huitième et les jours suivants, elles ne reparurent pas. Et le prêtre étonné, soumit le fait aux religieux et aux savants. Mais nul ne put lui dire ce que cela signifiait, jusqu'à ce qu'enfin, après six ans, lorsque la renommée eut manifesté au monde la sainteté d'Hildegarde révélée par le SaintEsprit, il vint à elle, et mérita de connaître ce que signifiait ce grand oracle.

De même, en effet, que jadis Daniel put expliquer les lettres gravées sur la muraille, de même la sainte put lire les lettres tracées sur le corporal. Elles signifiaient (10) : K. kyrius ; P. prêtre ; D. se moque ; A. qu'il monte ; P. pénitent ; H. homme. Ayant entendu ces explications, le prêtre, tout saisi de crainte, accuse sa conscience pécheresse, se corrige, et devient moine, pour expier par la pénitence les fautes de sa vie passée ; et comme l'indiquaient les lettres expliquées par la sainte, montant vers les sommets d'une vie plus parfaite et plus austère, il se montre dans la sainteté de sa vie, un parfait serviteur de Dieu.


44. Il faut noter aussi ce que selon la volonté de Dieu, poussée et contrainte par le Saint Esprit, elle révéla au peuple et au clergé de Cologne, Trèves, Metz, Herbipolis, Babenberg, et aux monastères de St-Disibode, Siberg, Everbach, Hirsaugia, Zuifelden, Mulenbrunem, Rudenkyrchen, Kitzingen, Crutendal, Herde Werde, Andernach, à ceux de Ste-Marie d'Els et de Winkel, pour l'utilité des âmes, et d'après les révélations faites par Dieu. Un jour, comme elle longeait, sur une barque, le cours du Rhin, près du village de Rudesheim, et qu'elle se hâtait vers le saint monastère voisin, une femme tenant dans ses bras son petit enfant, aveugle, s'approcha de la barque et lui cria d'une voix lamentable : qu'elle daignât imposer ses mains sur lui. La sainte se souvenant, dans son amour, de celui qui a dit : Va à la source de Siloé et lavetoi (11), prend dans sa main gauche de l'eau du fleuve, et la bénit de la main droite ; et dès qu'elle l'a versée sur les yeux de l'enfant, par la faveur d'une grâce divine, il recouvre la vue.

Dans un autre temps, un homme qui souffrait violemment du mal caduc, vint supplier ardemment la sainte de le secourir. Et celleci lui accorda une bénédiction si salutaire, qu'à dater de ce jour et dans la suite, le même mal ne le tourmenta plus jamais. Et lorsqu'il eut annoncé à sa maison le miracle dont il était l'objet, ses serviteurs se réjouirent et rendirent grâces à Dieu.




(1) Super œgros manus imponent, et bene habebunt. (Marc XVII)

(2) Rudenesheim, sur la rive opposée du Rhin, près de Bingen.

(3) Ville Suisse, autrefois épiscopale possédée maintenant par les hérétiques. (Mig.)

(4) Elle se montrait à eux à la façon des purs esprits, qui sont parfois envoyés par Dieu aux hommes, pour leur transmettre un ordre, ou les préserver d'un mal. (Note du Trad.).

(5) Baudrand appelle cette ville Antenac, sur le Rhin de l'électorat dc Cologne. située sur les confins de l’électorat de Trèves, à quelques milles de Confluence. (Mig.)

(6) Super œgros manus imponent et bene habebunt. (Marc XVII)

(7) Gladius domini occidit nos.

(8) Linge sacré sur lequel le prêtre dépose la sainte hostie pendant la messe.

 

(9)             K.

             A. P. H.

                 D.

Il y a cinq lettres, bien que le P du milieu se lise deux fois.  

  

(10)

 

Le prêtre Kyrius se moque de son souverain Seigneur. Qu'il devienne un homme pénitent et quit gravisse le chemin de la perfection. (Note du Trad.)

 

(11) Vade ad natatoria Siloe et lava. (Jean. IX).