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CHAPITRE SECOND
LONGUE MALADIE DE SAINTE HILDEGARDE. UNE NOBLE
TOURMENTÉE PAR LE DÉMON ET CONDUITE EN DIVERS LIEUX SAINTS,
EST ENFIN DÉLIVRÉE DANS SON MONASTÈRE.
45. - Entre autres prodiges opérés par ses vertus, le Seigneur accorda à la vierge sainte la grâce de chasser le démon, comme la vénérable mère le décrit elle-même, à propos d'une noble jeune femme, lorsqu'elle dit : « Après que la vision m'eut révélé les maximes et les paroles de l'Évangile de Jean, je tombai malade dans mon lit, sans pouvoir me soustraire à l'accablement de mon mal. Ce mal vint d'un souffle du vent du Midi, et mon corps était accablé de si grandes douleurs, que mon âme pouvait à peine les supporter. Six mois s'étaient écoulés, lorsque le même souffle de vent pénétra tellement mon corps, que je fus en agonie, comme si l'âme devait se retirer de mon corps. Alors une autre douce haleine des vents pleine de fraîcheur, se mêla à cette chaleur, et ma chair en fut assez rafraîchie pour ne pas être entièrement consumée. Et je fus ainsi tourmentée durant une année entière ; mais je vis dans une vision véritable, que ma vie ne devait pas encore terminer son cours temporel, et qu'elle devait le poursuivre un peu. Pendant ce temps, il me fut rapporté que sur les rives éloignées du Rhin inférieur, une noble femme était tourmentée par le démon. Elle m'envoya souvent de nombreux messagers. Et je vis dans une vision véritable, que par la permission de Dieu, elle était affligée et obombrée par une forme diabolique noire et fumeuse, qui opprimait toute sa sensibilité d'âme raisonnable ; et ne lui permettait pas de s'élever dans les régions supérieures de l'intelligence, comme l'ombre corporelle et la fumée dissimulent et pénètrent les choses opposées ; d'où il arrivait que cette femme perdait la rectitude de ses sentiments et de ses actions, jetait des cris horribles et faisait souvent des choses inconvenantes (1). Mais lorsque par la permission de Dieu, ce mal était atténué, alors elle souffrait moins. Et moi, cherchant à pénétrer, comment une forme diabolique pouvait s'emparer de l'homme, je vis et j'entendis la réponse : Le démon en sa forme, tel qu'il est, n'entre pas dans l'homme ; mais avec l'ombre et la fumée de sa noirceur, il obscurcit et cache. Si en effet sa forme pénétrait dans l'homme, ses membres seraient plus vite dissous que la paille dispersée par le vent. C'est pourquoi Dieu ne permet pas qu'il pénètre dans l'homme en sa forme (2). Mais l'enveloppant comme il est dit, il le tourne vers des choses insensées et inconvenantes, il vocifère par lui comme par une fenêtre, il fait mouvoir ses membres extérieurement, bien qu'il ne soit pas en eux intérieurement par sa forme, l'âme étant comme endormie et ignorante de ce que fait la chair corporelle. »
46. - Je vis ensuite la troupe des mauvais esprits qui s'occupent à cet art pervers, et parcourent l'univers, cherchant où ils peuvent trouver ceux, par qui ils doivent accomplir les schismes et les divergences morales (3). dès l'origine des choses, quand ils furent créés, en face des anges justes, méprisèrent Dieu, en disant : Quel est celui, qui a une si grande puissance au dessus de nous ? (4) Ils disaient cela par haine et par envie, et ils persévèrent encore dans ces vices, et c'est par leur moyen qu'ils agissent, car ils furent la cause de leur erreur et de leur chute. Mais comme Dieu veut par eux (les mauvais esprits) corriger son peuple, ils troublent l'air en vertu de sa permission et de son ordre, et par les vapeurs de l'air ils engendrent les pestes, causent les inondations et leurs dangers, excitent les guerres, et sont cause de toutes les adversités et de tous les maux. Dieu permet que ces choses arrivent, lorsque les hommes, par leur arrogance, se livrent au crime et aux homicides. Mais lorsque Dieu a ainsi châtié son peuple, il jette dans la confusion les mêmes esprits, comme il advint pour la femme dont nous parlons. Lorsque, en effet, par la permission de Dieu, l'esprit mauvais en eut confondu plusieurs manifestement par cette femme, à cause de leurs mauvaises mœurs et des péchés qu'elle leur avait fait commettre, il se retira dans la confusion et l'épouvante, parce que ceux qu'il avait induits en erreur se repentirent. Car Dieu permet que ses amis soient affligés par les adversités et les infirmités, afin de les corriger de leurs fautes, et de confondre leurs ennemis en permettant, que les élus purifiés dans le creuset de la pénitence, deviennent devant ses yeux des pierres précieuses (5). Après que cette femme eut été conduite dans plusieurs lieux sanctifiés, l'esprit qui l'avait opprimée, vaincu par les mérites des saints et les vœux du peuple, s'écriait, que dans le Haut-Rhin il y avait une vieille femme, par le conseil de laquelle, il devait être chassé. Ce qu'ayant compris, par la volonté de Dieu, ses amis la conduisirent chez nous à la huitième année de son tourment.
47. - Il est d'une grande utilité, avant de pousser plus avant les paroles de la vierge d'insérer ici les lettres que l'abbé de Brunviller (6) lui écrivit, et celles qu'elle écrivit à l'abbé, au sujet de cette possession démoniaque, afin de faire comprendre ouvertement la perversité du démon et de louer abondamment les secrets et justes jugements de Dieu (7). Lorsqu'après sept années, la possédée fut amenée à Brunviller, pour être délivrée par les mérites de saint Nicolas, l'esprit mauvais conjuré, répondit, qu'il ne sortirait de sa demeure que par le conseil et le secours d'une certaine vieille femme que, par dérision, il appelait « Scrumpilgarde » et qui restait dans les régions supérieures du Rhin. C'est pourquoi ils émirent l'avis de lui envoyer des lettres de supplique ainsi conçues : « À Hildegarde, maîtresse et mère vénérable, épouse que le Christ doit aimer d'un amour ardent, fille du souverain Roi. G. proviseur du monastère de Brunviller, avec ses frères qui restent comme lui dans la vallée des larmes, et qui lui sont unis, autant qu'ils le peuvent, par les liens de l'affection et de la prière. Bien que, très aimée maîtresse, vous nous soyez inconnue de visage, cependant la renommée de vos vertus vous a rendue très célèbre ; et quoique nous soyons absents de corps, nous vous sommes cependant présents d'esprit ; et le maître de toute science connaît la grandeur de notre affection envers vous. Nous avons appris sur notre territoire, car la renommée s'en est emparée pour les célébrer, les merveilles que le Seigneur qui est puissant et dont le nom est saint, a accomplies en vous. Et le nombre et la grandeur des miracles, par lesquels la source des vives lumières resplendit en vous, sont manifestés par les faits, soit dans le clergé, soit dans le peuple. Car en vous se révèle non l'œuvre humaine mais l'œuvre divine, la grâce éminente, le don supérieur que l'humaine raison ne confère pas, et qui procède d'une source très pure. Mais qu'attendons-nous ? Nous avons plus de raison de nous lamenter que de discourir ! Que la douceur de votre sainteté, ô très pieuse maîtresse, ne répute pas téméraire ce que dans la simplicité de nos cœurs, mus par une impérieuse nécessité, nous avons présumé devoir vous découvrir, parce que nous ne doutons pas que nous recevrons de vous un conseil salutaire. Une noble femme obsédée du mauvais esprit depuis plusieurs années, conduite à nous par quelques-uns de ses amis, nous a été présentée, afin que, par le secours de saint Nicolas, sous le patronage duquel nous sommes, elle fût délivrée des assauts de son ennemi. Mais la malice et la méchanceté du plus rusé et du plus terrible adversaire, a induit en erreur et fait tomber dans le doute un tel nombre d'hommes, que nous craignons un grand dommage pour la sainte Église. Car avec un immense concours de peuple, nous avons tous travaillé pendant trois mois, pour la délivrance de cette femme, et ce que nous ne pouvons dire sans peine, nous n'avons abouti à rien, à cause de nos péchés. C'est pourquoi, après Dieu, tout notre espoir est en vous. Car le démon conjuré a répondu un jour, que la possédée devait être délivrée par la vertu de votre contemplation et la grandeur de votre révélation. Dieu a sans doute des desseins cachés sur cette grande délivrance. C'est pourquoi, la bonté ineffable de notre rédempteur daignera consommer pleinement par vous le labeur de notre peine et de nos douleurs, de notre joie et de notre triomphe ; afin que soient annihilées toute erreur et toute infidélité des hommes ; et que la servante de Dieu, qui est obsédée par le démon, soit délivrée ; pour que nous puissions dire avec le prophète : C'est le Seigneur qui a fait cela, et c'est chose admirable à nos yeux (8), et : Le lien a été rompu et nous sommes délivrés (9). Nous supplions avec instance et humilité, votre sainteté, de daigner nous manifester par lettre, ce que Dieu vous aura inspiré ou révélé par sa vision. »
48. - Lorsque la bienheureuse Hildegarde eut reçu ces lettres et les eut lues attentivement, dans sa compassion pour les suppliants, elle avertit ses sœurs d'insister humblement par des prières publiques et privées, pour cette nécessité présente ; et elle-même, par le secours de l'oraison, élevant les yeux de l'âme vers le Seigneur, selon ce qu'elle vit et entendit dans une vision véritable, elle écrivit cette réponse qui lui fut dictée par la Sagesse inépuisable :
RÉPONSE D'HILDEOARDE
à G., abbé de l'Église de Brunzillard.
Comme je suis accablée par les verges divines d'une longue et grave maladie, à peine puis-je répondre quelques lignes à votre lettre de demande, et je ne le fais pas de moi-même, mais au nom de Celui qui Est.- Il y a divers genres de mauvais esprits. Mais le démon dont vous vous informez, possède l'art de s'assimiler par les vices aux moeurs des hommes, ce qui le fait séjourner volontiers avec eux. C'est pourquoi la croix même du Seigneur, les reliques des saints et tout ce qui appartient au service divin, il les néglige, s'en moque, et ne les craint guère. Il n'aime certes pas ces choses, mais il ne daigne pas fuir, comme ferait un homme insensé et méprisable, qui ne se soucie guère des paroles et des menaces des sages. C'est pourquoi on le chasse plus difficilement que les autres démons. On ne peut le vaincre que par le jeûne, l'aumône, les mortifications, les oraisons, et l'ordre même de Dieu. Écoutez donc non la réponse qui vient de l'homme, mais celle de Celui qui vit. Choisissez sept prêtres de bonne réputation et d'une vie éprouvée, selon le nom et l'Ordre d'Abel, Noé, Abraham, Melchisedech (10), Jacob, Aaron, qui offrirent un sacrifice au Dieu vivant, le septième au nom du Christ qui s'offrit lui-même à Dieu son père, sur la croix ; et préparés par le jeûne, la pénitence, la prière, l'aumône et la célébration à la messe, qu'ils approchent de la patiente en toute humilité d'intention, en habit sacerdotal et en étole ; et se tenant autour d'elle, que chacun d'eux tienne dans sa main une verge comme celle dont Moyse frappa l'Égypte, la mer Rouge et le rocher, selon l'ordre de Dieu, afin que, comme en cette occasion par le moyen de la verge, Dieu accomplit des miracles, ainsi par le même moyen, le pire ennemi ayant été chassé, Dieu fasse que son nom soit glorifié. - Les sept prêtres figureront les sept dons du Saint-Esprit, afin que l'esprit de Dieu, qui au commencement était porté sur les eaux, et qui inspira sur la face de l'homme le souffle de vie, chasse de sa victime l'esprit immonde. Que le premier (prêtre) qui sera la figure d'Abel, tenant la verge en sa main dise : Écoute, esprit méchant et insensé qui habites en cet homme, écoute ces paroles non préméditées par l'Esprit humain, mais révélées par Celui qui vit et règne.
Lorsque la vierge sainte eut écrit ces lettres, en vertu de la révélation du Saint-Esprit, elle les envoya par l'intermédiaire du messager qui était venu les chercher secrètement, comme elle le dit dans son livre de « Scivias », au monastère où la femme était gardée, afin qu'elles fussent récitées humblement sur elle. Lorsque le lecteur fut parvenu à ces mots de la fin où il est écrit : « Et moi ignorante et pauvre forme féminine, ô moqueur esprit de blasphème, je te dis en vertu de cette vérité, par laquelle moi misérable et ignorante forme humaine, j'ai vu et entendu ces choses venant de la lumière de la sagesse, en vertu de cette Sagesse, je t'ordonne de sortir de cette femme, d'une manière durable et non dans le trouble de ton instabilité », le même esprit mauvais frémit épouvanté, et jeta de telles vociférations et de si horribles clameurs, qu'il frappa de stupeur les assistants. Et après une demi-heure de furie, comme il plut à Dieu, il abandonna le vase qu'il avait possédé si longtemps. Lorsque la femme sentit qu'elle était délivrée, elle tendit les mains aux assistants pour qu'ils l'aidassent à se lever, parce que les forces lui manquaient.
Alors elle se prosterna devant l'autel principal de saint Nicolas, et rendit grâces à Dieu pour sa libération, aux regards de la foule qui, selon sa coutume, manifestait bruyamment et louait le Seigneur, pendant que les frères chantaient le Te Deum laudamus. Hélas chose triste à dire, le même antique ennemi, par un secret jugement de Dieu, revint prendre possession du vase qu'il venait de quitter. Et la femme toute frissonnante se levant avec une clameur horrible, se mit à divaguer plus qu'auparavant. Et ceux qui étaient présents furent terrifiés et remplis de tristesse ; et comme on demandait au mauvais esprit pourquoi il avait osé reprendre possession de la créature de Dieu qu'il avait abandonnée, il répondit : « J'ai fui en dehors le signe du crucifié. Mais comme je ne savais où aller, j'ai repris possession du vase qui était vide et non scellé ». Lorsqu'on voulut le forcer à sortir, par les mêmes lettres et les mêmes conjurations de la vierge sainte, il répondit en rugissant, qu'il ne sortirait qu'en présence de la même (vieille femme). Alors ceux qui étaient de bon conseil persuadèrent aux amis et aux gardiens de la possédée, qu'ils la conduisissent à la bienheureuse vierge. Ayant donc reçu la bénédiction de l'abbé, avec des lettres recommandées, ils entreprirent le voyage. Les lettres étaient ainsi conçues : - À HILDEGARDE, vénérable mère digne de toute action de grâce. G. indigne abbé de Bronvillard qui désire avec ses frères vivre en avançant dans la vertu, mettant le monde sous ses pieds et faisant ce qui est le plus agréable à la servante du Christ. - Le monde entier sait que le Seigneur vous a regardée, et qu'il a infusé en vous sa grâce. Mais nous qui, jusqu'ici, avons parlé à votre sainteté, par nos messagers et par lettres, au sujet de la nécessité où se trouve une femme obsédée de l'esprit malin, nous vous répétons en vous l'envoyant en personne, dans la ferme espérance de sa guérison, en quelle grave nécessité se trouve la ville ; et nous ajoutons dévotement les prières aux supplications, afin que vous lui soyez d'autant plus favorable qu'elle vous est plus voisine de corps. Car le démon qui avait été conjuré par la vertu des lettres que, sous la dictée du Saint-Esprit, vous aviez envoyées, après avoir abandonné un instant le vase possédé, (nous ignorons par quel secret jugement de Dieu), a repris possession du vase abandonné, le tourmentant non moins violemment que par le passé. Et comme nous le conjurions, en insistant fortement de nouveau, il nous a enfin répondu, qu'il ne quitterait qu'en votre présence le corps de la possédée (11). C'est pourquoi nous l'envoyons à votre sainteté, afin que ce que nous n'avons pu obtenir à cause de nos péchés, Dieu l'accomplisse par vous ; et que par vous l'antique ennemi étant repoussé, le Tout-Puissant soit glorifié. Que votre maternelle dilection nous soit toujours favorable.
50. - Après avoir apprécié, comme il convient, ces lettres, il paraît convenable de ramener le discours au point, d'où il s'est écarté un peu ; et de voir comment Dieu, pour la glorification de sa vierge, a différé si longtemps la délivrance de la possédée. Le Tout-Puissant pouvait en effet par l'intercession d'autres saints, vers les reliques desquels cette femme fut conduite pendant tant d'années, accorder facilement ce qu'on lui demandait pour elle. Mais en transmettant la gloire de ce miracle à la bienheureuse vierge, il voulut évidemment manifester à tous la qualité de ses mérites. On pourra mieux apprécier son intervention en la faisant parler elle-même :
« À la venue de la dite femme, dit-elle, nous fûmes terrifiées. Comment voir et entendre celle, à propos de laquelle, un grand peuple était agité depuis si longtemps ? Mais Dieu fit pleuvoir sur nous la rosée de sa grâce ; et sans horreur ni crainte, nous fîmes loger la possédée dans les cellules des sœurs ; et dans la suite, ni à cause de l'horreur et de la confusion, dont le démon couvrit, en raison de leurs péchés, ceux qui venaient à elle ; ni à cause des moqueries et des turpitudes par lesquelles il voulut nous vaincre ; ni à cause du souffle immonde qu'il exhalait, nous ne lui cédâmes un instant. Et je vis que cette femme subit trois tortures : la première, lorsqu'elle fut conduite du lieu où elle était dans le temple saint ; la seconde, lorsque le peuple donna des aumônes à cause d'elle ; la troisième, lorsque par les supplications des âmes, il fut contraint avec la grâce de Dieu de s'en aller. C'est pourquoi de la Purification de la Sainte Marie jusqu'au samedi de Pâques, nous et nos provinciaux de l'un et l'autre sexe, nous travaillâmes pour elle par le jeûne et la prière, l'aumône et les pénitences corporelles. Pendant ce temps, contraint par la puissance de Dieu (12) l'esprit immonde, quoique malgré lui, proféra devant le peuple bien des choses sur le salut par le baptême, sur le sacrement du corps du Christ, sur le péril de l'excommunication, sur la perdition de la secte des Cathares (13), (les Purs ou Albigeois), et autres questions semblables, le tout à sa confusion et à la gloire du Christ ; et beaucoup furent affermis ainsi dans la foi, et sollicités à la contrition de leurs fautes. Mais, dès que je comprenais, en vertu d'une vision véritable, qu'il proférait des erreurs, je le reprenais ; et se taisant, il frémissait des dents contre moi ; mais je ne l'empêchais pas de parler, à cause du peuple, lorsqu'il disait la vérité. »
51.- « Enfin le Samedi Saint, au moment où les fonts baptismaux sont consacrés par le souffle que le prêtre exhale sur les fonts, avec les paroles que le Saint-Esprit inspire à la raison humaine, par la voix des docteurs de l'Église, paroles dans lesquelles il est dit, qu'à la première création l'Esprit de Dieu agita les eaux, comme il est écrit : L'esprit de Dieu était porté sur les eaux (14), la possédée qui était présente fut saisie d'une grande crainte, et s'agita d'une manière si violente qu'elle creusa la terre sous ses pieds, et elle émit souvent le souffle de l'horrible esprit qui la tourmentait. Bientôt je vis dans une vision véritable, et je compris que la puissance du Très-Haut qui ombrageait les fonts du baptême et qui l'ombrage toujours, dit à la forme diabolique qui fatiguait la femme possédée : « Retire-toi, Satan, de l'habitation du corps de cette femme, et donne en lui un tabernacle à l'Esprit Saint ». Alors l'esprit immonde sortit, avec un effort horrible, des lieux ténébreux qu'il habitait dans cette femme ; et à partir de ce moment, jusqu'à la fin de ses jours, elle resta saine de corps et d'esprit. Ce qui, après avoir été divulgué dans le peuple, faisait dire à tous, avec des actions de grâce et des cantiques de louange : Gloire à vous, Seigneur. - De même que Dieu permit à Satan, de remplir le corps de Job de l'horreur et de la pourriture des vers, et que, comme il n'avait pas rendu grâce à Dieu à cause de sa déception, le démon pensait pouvoir l'emporter sur lui ; Dieu se faisant le gardien de son âme, le démon ne put le toucher, parce que Job n'abandonna pas Dieu dans sa foi ; et il dut se retirer en laissant la victoire à Dieu, afin de montrer que nul ne peut l'emporter sur lui. De même Dieu ne permit pas, que l'âme de cette femme qui était livrée au malin esprit, pour en être tourmentée, fût vaincue dans sa foi ; et l'ennemi fut rempli de confusion à cause d'elle, parce qu'il ne put l'éloigner de la justice de Dieu. »
C'est par des paroles semblables, que la vierge de Dieu célébrait les œuvres de la divine miséricorde, accomplies par elle ou à cause d'elle. Ne s'attribuant rien, elle les racontait avec douceur et suavité, modestie et humilité, parce qu'elle fuyait l'ostentation des vertus, qui tient la place de la vraie vertu.
(1) Les ténèbres de l'âme viennent de la malice de Satan. Il fait tout, pour arracher à l'homme sa supériorité d'être raisonnable. Quand il est maître de lui, il le dégrade et le fait tomber au niveau de la bête. (Note du Trad.)
(2) Satan est l'ennemi naturel de Dieu, il s'efforce de le détruire. Il n'aime pas la lumière et se plaît dans les ténèbres Sa force destructive est immense. Mais sa puissance est assujettie à celle de Dieu. (Note du Trad.)
(3) Tamquam leo rugiens circuit quœrens quem devoret.
(4) Quis est iste qui tantam habet potestatem super nos
(5) Satan ne saurait l'emporter sur Dieu (Luis ut Deus). Ses victoires ne sont qu'éphémères ; et comme elles font ressortir le mérite des bons et l’injustice des mauvais, elles tournent toujours à sa confusion. (Note du Trad.)
(6) Bruwiler. Monastère de l’Ord. de St Benoît, à une heure de Cologne. L'abbé dont il est ici parlé doit être Geldophe, mort en 1177. (Mig., dc la Gaule Chrét.).
(7) L'homme ne saurait chasser le démon du corps des possédés. s'il lui donne asile dans son propre cœur par le péché. Il faut qu'il se délivre lui-même et qu'il devienne le tabernacle de l'Esprit Saint. (Note du trad.)
(8) A Domino factum est istud et est mirabile in oculis nostris. (Psal. CXVII, 23)
(9) Laqueus contritus est et nos liberati sumus. (Psal. CXXIII, 7).
(10) Tu es sacerdos in œternum secundum orclinem Melchisedech. - Les prêtres de la loi nouvelle doivent avoir une sainteté plus grande encore que ceux de l'ancienne loi, parce qu'ils sont les ministres d'un Dieu qui s'est rapproché de l'homme pour le sanctifier. Le sacerdoce antique n'était que la figure du sacerdoce éternel dont le premier prêtre est le Christ, fils du Dieu vivant In figuris prœsignatur, cum Isaac immolatur. (Note du Trad.)
(11) Chose remarquable ! Les autres saints semblent céder le pas à notre sainte qui, seule, parvient à chasser le démon du corps de la possédée. Et c'est le démon lui-même, qui malgré lui, est forcé par Dieu de dévoiler celle qui lui écrasera la tête. (Note du Trad.)
(12) Le démon contraint par une force irrésistible rend témoignage à la vérité, et Dieu se sert même de lui pour convertir les hommes. (Note du Trad.)
(13) Les Hérétiques Novatiens qui parurent au troisième siècle s'appelèrent d'un nom grec « Cathares », c'est-à-dire purs.
Mais ceux qui parurent au XIIe siècle, dans diverses provinces de l'Europe, sont bien différents Voir ce qu'a écrit Henschenius sur les Cathares des XIIe et XIIIe siècles, tome 3, Avril, page 679.
(14) Spiritus Domini ferebatur super aquas.