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VIE DE SAINTE HILDEGARDE

 

 

 

ÉPITRE

 

***

 

 

À MONSIEUR ÉMILE DUVAL



Sancta sanctis

Les choses saintes sont pour les saints.



Il n'appartient qu'aux saints, et à ceux qui visent à cet état de perfection relative où l'homme peut atteindre avec le secours de la grâce, de parler savamment des saints et d'écrire la Vie des héros du Christianisme qui seul initie ses fidèles au secret de la vraie grandeur.

C'est pourquoi, malgré votre invitation et vos encouragements, je me serais cru incapable de remplir une pareille tâche, si, à notre époque troublée où tant d'écrivains prostituent leur plume dans l'excitation des passions, je n'avais voulu faire œuvre utile, en ressuscitant aux yeux de nos contemporains deshabitués des choses divines, une de ces belles figures presque inconnues du douzième siècle, et qui apparut sous le ciel de Dieu, dans une de ces périodes critiques où le flambeau divin de la foi semblait s'éteindre dans les âmes.

Je veux parler de la Bienheureuse Vierge Hildegarde, qui atteignit les plus hauts sommets de la perfection chrétienne, et ceignit son front virginal de la triple auréole de Prophétesse, d'Apôtre, et de Martyre.

Elle fut Prophétesse, celle qui découvrit aux yeux des peuples étonnés les arcanes divins, et fut illustrée de visions béatifiques, comme Moyse qui, parlant familièrement avec Dieu, entrevit sa face dans le buisson ardent, (1), dans la colonne de nuée ou de flammes (2) et à travers les éclairs et le tonnerre du Sinai (3).

Elle fut Apôtre, celle qui convertit les incrédules par la vertu de sa parole et les ramena à la Vérité par le chemin de la mortification et de la prière.

Elle fut Martyre, celle qui poussa l'amour de Dieu et de ses frères jusqu'au sacrifice d'ellemême, et passa par le creuset de la tribulation, où s'épurent les âmes qui doivent devenir les temples de la divinité.

Nous verrons dans cette vie, comment une humble femme, incapable selon les idées du monde dont elle avait fui la vanité et l'orgueil, de s'élever audessus du vulgaire, put dépasser en science et en sainteté, ceux que nous exaltons comme des modeles vivants de toutes les vertus.

Je vous remercie, Monsieur, d'avoir encouragé ma plume hésitante, à retracer les vertus d'une sainte que vous admirez à juste titre. En reproduisant ses traits augustes burines par les historiens de son temps, je me suis proposé de vous la faire mieux connaître et mieux aimer. Et comme il est doux d'imiter ceux que l'on aime, vous n'aurez qu'à contempler le modèle que vous vous êtes proposé, pour en reproduire les grâces et la beauté divine.



Ô très douce Vierge Hildegarde,

Toute puissante dans les cieux,

Daigne sur nous jeter les yeux,

Et reste notre sauvegarde !


Contre l'éternel ennemi

Jadis tu gagnas la victoire ;

Mais son règne s'est affermi

Sur nous, qui n'aimons plus la gloire.


Excite nous aux bons combats,

Contre l'enfer qui nous harcèle ;

Préservenous de ses appâts,

Et soutiens celui qui chancelle,


Afin que le Christ triomphant

Possède le cœur de la France ;

Toi qu'il chérit comme un amant,

Sois notre dernière espérance.


Gloire au Père au sommet des cieux ;

Gloire au Christ dont je suis le frère ;

De l'Esprit qui nous régénère,

Publions la gloire en tous lieux.



(1) In flamma ignis de medio rubi. (Exod. cap. III).

(2) Dominus autem precedebat eos ad ostendendam viam per diem in columna nubis et per noctem in columna ignis ut dux esset itineris utroque tempore. (Exod. C. XIII. 21)

Le Seigneur les précédait pour leur montrer la voie, dans le jour par une colonne de nuée et dans la nuit par une colonne de flammes, pour être leur guide en tout temps.

(3) Totus mons Sinai fumabat eo quod descendisset Dominus super eum in igne. (Exod cap. XIX)