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PRÉFACE


Écrire une vie de saint à une époque où rien n'est moins compris que la sainteté, voilà certes une chose invraisemblable !


J'entends d'ici nos primaires, qui forment la pépinière de l'athéisme, et ne comprennent rien aux choses divines (parce que la demi science engendre la présomption et l'orgueil, et la vrai science l'humilité et la foi), narguer plaisamment le sot écrivain qui a pensé faire œuvre originale en traduisant la vie d'une thaumaturge du XIIe siècle, dans la langue d'un peuple qui, pour complaire à ses maîtres d'un jour, semble renier son passé de gloire, réservant l'insulte et le sarcasme pour le culte de ses pères, que pendant quatorze siècles il considéra comme sacré.

Mais le douzième siècle eut cela de commun avec le nôtre, que la bannière de Satan se leva contre les étendards du Christ ; (car rien n'est neuf sous le soleil ; et surtout rien n'est plus ancien que cette lutte de la créature contre le Créateur) : Elle fut engagée dans le ciel entre l'ange de lumière et l'ange des ténèbres, et se perpétue sur la terre entre les bons et les mauvais esprits qui se disputent la possession des âmes.

Mais malgré ce souffle d'irrévérence religieuse dont parle notre sainte, malgré le refroidissement de la foi qui faisait un peu oublier les leçons des apôtres, le XIIe siècle n'en était pas venu à ce dédain outrageant de la divinité, qui est le trait caractéristique de notre époque.

Il y avait de nobles âmes en ce temps de Croisades, où les Conrad, les Barberousse demandaient à notre sainte de leur expliquer l'avenir et se convertissaient à sa parole, au point de suivre l'élan de leurs peuples pour tenter la délivrance du tombeau du Sauveur. Il y avait de fiers amants du Christ à l'époque de St Bernard et de Ste Hildegarde, qui convertissaient les foules au souffle embrasé de leur parole d'apôtre, ou en vertu des merveilleuses révélations de l'Esprit de Sagesse qui avait fait de ce cœur de femme son tabernacle préféré. Et quand ces belles figures auréolées de sainteté, apparaissaient aux yeux des peuples étonnés, c'était un cri d'admiration universel ; on voyait se produire un immense mouvement ascensionnel des âmes vers Dieu ; la terre était trop étroite, on voulait contempler les horizons du ciel. Alors les cloîtres s'élevaient, s'élargissaient, débordaient sur le monde, et devenaient des stations du Paradis. Les temples, merveilleux poèmes de pierre, élevaient leurs flèches de granit vers le ciel. On voulait gravir les collines de la sainteté, monter plus haut, monter encore, monter toujours, jusqu'à ce sommet de gloire où Dieu se manifeste à ses, élus, dans les extases sans fin, qui ne sont que l'avantgoût des joies paradisiaques.

Ah l'heureux temps où l'on pouvait croire, sans faire pouffer de rire, de cyniques blasphémateurs qui ont perdu le sens de la beauté, de l'idéal !

Les Luther, les Calvin, favoris de princes sans scrupules, enivrés d'orgueil, et désireux de secouer le joug du Christ, n'avaient pas substitué aux dogmes de l'unité de l'Église et de l'Infaillibilité pontificale, ceux du libreexamen et de leur propre infaillibilité, enlevant du même coup à l'Épouse du Christ, de beaux joyaux de sa couronne et une partie de l'Europe.

Les Halle, les Kant n'avaient pas introduit dans le monde l'esprit de Rationalisme, qui donne à la raison humaine des droits enlevés à Dieu même.

Les Voltaire et Rousseau, semant à tous les vents du ciel leur doctrine empoisonnée de l'irreligion et de l'athéisme pratique, n'avaient pas fait rétrograder l'humanité jusqu'aux époques reculées où l'homme dégradé et barbare, n'ayant pas la connaissance du Dieu véritable et de son culte, adorait ses vices et s'adorait luimême, montrant jusqu'où peut aller l'aberration de l'esprit humain dans l'ignorance de la vérité et l'effervescence des passions.  La Révolution, « l'atroce mégère qui dévorait ses propres enfants », n'était pas venue avec sa manie de nivellement et de destruction de l'œuvre des siècles remplacer sur nos autels profanés le culte du Dieu de Clovis, de Charlemagne et de StLouis, par celui de la déesse raison ; et ruiner dans l'esprit des foules ignorantes, ce goût de l'Idéal qui ennoblit tous les actes des peuples, et leur fait accomplir des merveilles.

À l'exemple des princes et des rois, on pouvait venir s'agenouiller sur les dalles du sanctuaire, pour implorer la clémence d'un Dieu de miséricorde et d'amour, sans entrevoir derrière les colonnes du temple, la figure grimaçante de la trahison et du blasphème. On pouvait élever ses enfants dans la crainte de Dieu et leur apprendre à murmurer sur les genoux de leur mère, comme le fit Hildegarde, la prière suave du Pater, et l'invocation du poète :


Ô père qu'adore mon Père !

Toi, qu'on n'implore qu'à genoux !

Toi, dont le nom terrible et doux

Fait courber le front de ma mère !


Au milieu des misères de la vie, on conservait la foi qui anime les œuvres, crée les dévouements, et élève les âmes à des hauteurs insoupçonnées ; on conservait l'espérance qui console et cicatrise les plaies du cœur, empêchant la révolte des esprits ; la charité, cet amour de Dieu débordant sur l'humanité souffrante, et qui divinise  tous les actes humains.

Mais la parole de Dieu est éternelle ! Cœlum et terra transibunt, verba autem mea non prœteribunt.  Dieu aura toujours raison de Satan ! Il ne se laissera pas renverser du trône de gloire que les générations suppliantes lui ont élevé. La France, sur laquelle semble souffler un vent de folie, reviendra à ses traditions glorieuses ; et la poignée de sectaires qui vivent de la dégénérescence des peuples, et ont pris à cœur de ruiner notre patrimoine national, après un règne éphémère qui est toujours celui de Satan, s'évanouiront pour laisser la France poursuivre ses nobles destinées, dans une ère nouvelle d'abondance et de paix.

Plaise à Dieu, d'envoyer à notre Patrie bienaimée quelquesunes de ces femmes fortes, qui sur le modèle de la Bienheureuse Hildegarde, restaurent les sociétés décadentes, et font briller sur elles le soleil de justice !


LE TRADUCTEUR.


Paris, Juin 1907.