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NOTICE
SUR LA VIE ET LES ÉCRITS
DE SAINTE HILDEGARDE
par F –A. REUSS
professeur à Wircebourg (Wicemhourg)
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Sainte Hildegarde naquit à Becklheim, (sur la rive gauche du Naw), au commencement de l'année 1099, de parents nobles et honorés de la dignité de chevaliers. Son père s'appelait Hildebert et était vassal de Meginhart, comte de Spanheim, juste et craignant Dieu ; et sa mère s'appelait Mechtilde (ou Mathilde).
À sa huitième année, elle fut confiée aux soins de l'abbesse Jutte, du Mont Saint-Disibode, sœur du comte de Méginhart, et elle commença d'apprendre les exemples de la Sainte Écriture et à réciter les Psaumes (1). Elle y ajouta la lecture des vies des saints martyrs de la région, Berthe et Rupert, et parut, toute jeune, douée d'un esprit remarquable et portée à la paix de la vie monastique. Aussi, s'étant consacrée au Christ par un vœu solennel, avec Hiltrude, fille de Meginhart et d'autres jeunes filles de son son rang, elle embrassa la règle de Saint Benoît. Bientôt après, l'Abbesse Jutte, qui s'était montrée, parmi les vierges de son monastère, un illustre exemple d'une piétié candide et d'une doctrine subtile, étant morte, Hildegarde fut élue Abbesse, à l'unanimité des voix de ses religieuses. Dès sa première enfance, tourmentée par la maladie et l'infirmité, et fatiguée de maux affreux, comme elle avait le mépris et la haine de toutes les voluptés terrestres, elle fut illuminée de clartés célestes, par une faveur singulière et très excellente de Dieu, et commença à exposer les sciences inconnues des choses, ainsi que les dogmes de l'Église ; et la langue latine qu'elle n'avait jamais apprise de sa maîtresse, elle commença de la parler merveilleusement. Bien plus, elle interpréta, à l'étonnement des princes de son temps, les choses à venir, et elle guérit toutes les maladies et tous les vices corporels. En l'an 1148, avertie par un oracle divin, elle quitta le monastère de St Disibode, et avec dixhuit vierges elle alla sur le mont situé non loin de Bengen, près du Sépulcre de Ste Berthe et de St Rupert, où Henri, archevêque de Mayence, et les comtes de Spanheim et d'Hildenheim avaient fondé un monastère nouveau et plus vaste. En ce temps, St Bernard qui en ses pérégrinations avait reçu l'hospitalité de la part de Ste Hildegarde, célébra ses révélations, dans son délicieux langage, pendant le synode de Trèves, en présence du Pape Eugène III, qui ordonna d'en faire publiquement la lecture, et écrivit honorablement à Hildegarde :
LETTRE DU PAPE EUGÈNE III
À SAINTE HILDEGARDE
Eugène, serviteur des serviteurs de Dieu, à notre bien-aimée fille en Dieu, Hildegarde, abbesse du mont Rupert, salut et bénédiction apostolique.
Nous admirons, ô ma fille, et bien plus qu'on ne peut le croire, que Dieu ait accompli de nos jours de nouveaux miracles, en vous remplissant de son esprit ; de telle sorte que vous avez pu voir, comprendre et proférer plusieurs mystères. Nous avons appris, qu'il en était ainsi, de la part de personnes très dignes de foi, qui nous ont avoué vous avoir vue et entendue. Mais que pouvons nous dire sur ces choses, nous qui ayant la clef de la science, de telle sorte que nous pouvons ouvrir et fermer, négligeons cependant de faire ce qui serait un effet de notre prudence.
Cependant nous nous réjouissons avec vous de la grâce que Dieu vous a faite ; et nous vous glorifions de votre charité, vous avertissant de vous souvenir que Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles (2). Conservez donc cette grâce qui est en vous, et gardez-la de telle sorte, que ce que vous croirez dans votre esprit devoir manifester, vous le fassiez avec circonspection, comme si vous entendiez en vous ces paroles : Ouvre ta bouche et je la remplirai ? (3) Pour ce que vous nous insinuez touchant le lieu que vous avez prévu en esprit, (4) que cela se fasse avec notre bénédiction et celle de votre évêque ; afin que vous y viviez régulièrement avec vos sœurs, sous la clôture du même lieu et selon la règle de Saint Benoît.
Dès qu'elle eut reçu cette lettre, Sainte Hildegarde composa, dans une vision, la réponse qu'elle envoya, en toute liberté, au souverain Pontife.
Elle commençe ainsi :
Ô Père très clément, moi misérable femme, je vous écris ces choses dans une vision véritable, dans une inspiration mystique, et de la manière que Dieu a voulu m'instruire. Ô Père admirable, Dieu vous a prédestiné à venir sur notre terre pour découvrir la vérité concernant les écrits de mes visions véritables et la manière dont la lumière vivante m'a éclairée ; et vous avez pénétré cette lumière, avec tout le zèle de votre cœur. Maintenant est donc terminée cette partie des écrits. Mais la même lumière qui ne m'a pas abandonnée, brille en mon âme comme dès les premiers jours de mon enfance. C'est pourquoi je vous envoie ces lettres, comme un avertissement véritable de Dieu. Et mon âme désire que la Lumière des Lumières resplendisse en vous, pénètre votre regard, et élève votre esprit à la compréhension de ces écrits ; afin qu'il plaise à Dieu que votre âme soit couronnée à cause du mérite de cette œuvre ; parce que plusieurs sages de ce monde ont cru réfuter ces écrits dans les variations de leurs esprits, eu égard à la misère de cette forme (féminine) qui a été édifiée d'une côte de l'homme, et qui n'a aucune connaissance philosophique. Vous donc, ô père des pélerins (de ce monde) écoutez Celui qui est le Roi puissant, et qui habite dans son palais, et devant qui s'élèvent les majestueuses colonnes entourées de cercles d'or, ornées de pierres précieuses et de nombreuses perles. Mais il a plu ce Roi puissant, de toucher cette pauvre âme, pour qu'elle prit son vol dans les miracles ; et son souffle puissant l'a soutenue, afin qu'elle ne défaillit pas. Maintenant, Celui qui est la lumière vivante d'en haut, qui brille dans les abîmes et se cache dans le secret des cœurs qui écoutent, vous dit de nouveau : Découvre ces écrits à l'oreille de ceux qui m'écoutent, et rends-les d'un goût puissant et suave ; étends leur ramure et leur feuillage, pour servir de refuge contre Satan et tu vivras éternellement.
Après cela, Hildegarde ayant acquis une grande renommée, reçut des lettres de la part des personnages les plus célèbres de son temps, qui la consultaient sur les choses de la religion, ou lui demandaient de prier le Seigneur pour eux. Les Pontifes Romains : Anastase IV et Adrien IV, les empereurs Conrad III et Frédéric Barberousse, de nombreux évêques et prélats lui écrivirent. En l'an 1150, poussée par l'Esprit divin à instruire les nations de la vérité céleste, elle entreprit un voyage dans les diverses régions de la Germanie et de la Gaule. En 1165 elle fonda le monastère d'Erbengen. En 1173 elle vint à Paris. En 1174, de retour dans son monastère, ayant terminé les divers livres de ses révélations, devenue vieille et toujours consumée du désir de la vie éternelle, en la quatre-vingt-deuxième année de son âge, le jour du 17 septembre 1180 (1179), elle eut la fin qu'elle avait prédite ; et sa mort bienheureuse fut illustrée par des miracles. Ses reliques furent transférées du lieu de sa sépulture (le chœur de l'Église de St Rupert) brûlée pendant la guerre des Suédois, à l'Église d'Erbengen, dans laquelle elles sont maintenant gardées religieusement. Trois examens de canonisation furent institués, le premier par Grégoire IX, 1237 ; le second par Innocent IV, 1243, et le troisième par Jean XXII, 1317 ; mais ils furent imparfaits, parce que les miracles avaient cessé et les témoins faisaient défaut. Cependant le martyrologe commença à commémorer Ste Hildegarde, à partir du commencement du quinzième siècle, au 17 septembre.
Elle occupe une place insigne parmi les vierges illustres de ce temps, Elisabeth de Schonaugia, Gertrude, Brigitte, et les autres des siècles suivants, qui furent remarquables par les dons de prophétie. Celle qui se rapproche le plus d'Hildegarde, pour le temps comme pour le don des visions, est Elisabeth (11291165), abbesse de Schonau (ancienne Abbaye de femmes de l'ordre de Saint Benoît, fondée vers l'an 1124, dans le diocèse de Trèves (Allemagne), par Hildelin, fondateur et premier abbé de l'Abbaye d'hommes du même nom). Celle dont nous parlons, située dans le voisinage de l'autre, fut détruite entièrement par les Suédois. C'est là que fleurit au XIIe siècle la bienheureuse Elisabeth de Schonaugia, abbesse célèbre par ses révélations, ses extases, et le don de prophétie et des langues. On a publié quatre livres de ses révélations et un de ses lettres. (Cologne, 1628).
Ste Hildegarde diffère de Ste Elisabeth, en ce qu'elle eut ses révélations, comme elle le dit elle-même dans la préface de son livre de « Scivias », non en songe, ni pendant son sommeil, ni des yeux corporels, ni des oreilles extérieures de l'homme, ni dans des lieux retirés, mais en pleine veille, dans toute la clarté de son esprit, à découvert, des yeux et des oreilles de l'homme intérieur, selon qu'il plût à Dieu.
BIBLIOGRAPHIE
Nous avons sous le nom d'Hildegarde
1. Les Livres imprimés suivants :
Les trois livres des Visions inscrits sous le nom de « Scivias », œuvre maîtresse de notre vierge sainte. Il fut terminé en dix ans et commence par ces mots :
« Voici qu'en la quarante-troisième année de ma vie temporelle, comme, pleine d'hésitation et de crainte, j'étais plongée dans une vision céleste, je vis une clarté merveilleuse, etc. » Ils ont été édités à Paris, 1513, fol., par Jac. Fabre (Stapulensi), sous le titre : « Livre des trois hommes et des trois vierges spirituels ». Hermes, Lib. I. - Uguet, Lib. I. F. Robert, Lib. II. Hildegarde, Scivias, Lib. III. Elisabeth vierge, Lib. IV. — Mechtilde vierge, Lib. V.
Etude des âmes pieuses, b. Cologne, 1628, fol. sous le titre : Révélations des Vierges saintes : Hildegarde et Elisabeth de Schonaugia, de l'ordre de St Benoît.
2. Le Livre des Épîtres, édité sur l'archétype du monastère de St Robert, par Juste Blanckvralt, prêtre de Mayence. Cologne, 1566, 4°, chez les héritiers de J. Quentel et Gervin. On a ajouté pag. 275 la vie de Ste Hildegarde écrite par le moine Théodoric. La version Teutonique de sa vie à laquelle fait allusion Dahl dans son ouvrage, Die heil Hildegard, eine historische Abhandlung. Mainz, 1832, 8, pag. 51. Nous le devons à Ludovic Claire Briefe and Leben, der, heil, Hildegard., zum ersten Male verdeutscht. Regensbourg. 1854, 8°, 2 Baende.
3. La Vie de St Robert ou Rupert, confesseur, duc de Bingen, qui fleurit au neuvième siècle, publiée par Jean Busœ de Mayence. 1602, 4°, par Surius, 15 Mai, et avec les notes d'Henschen. Act. SS. Mai t. III p. 504.
4. La vie de St Disibode, évêque et confesseur, mort en 674, écrite en l'an 1170, chez le même Surius, 8 juillet et dans les Act. SS. tom. II Jul. 588.
5. Exposition de la Règle de Saint Benoît, pour la congrégation du monastère (Huniensis)
6. 38 Questions avec leurs solutions au moine Wibert de Gemblours.
7. Explication du Symbole de St Athanase, édité avec les deux précédents par Blanckvrald, avec les épîtres de Ste Hildegarde.
8. Le Livre des Œuvres divines, édité par Jean Maître du Mam, dans les suppléments aux Mélanges de Baluze t. II Edit. de Luce p. 335.
9. Les quatre livres de Physique, édités à Strasbourg, par J. Scott, année 1533. Edité par Migne d'après les manuscrits. Paris.
10. Choix de Prophéties dont quelques-unes sont regardées comme incertaines, sans I et A (:1500 :) 4°. Namhaffter offennbarungen zwo, aine sagt der abbt Joachim die annder die heylig fraw Hildegardis (sic) so jnen von gott geoffenbart ist wrorden, der propheceyen gar nahend sind.
11. 1527 Nurnberg 4°. Sant Hildegardten Weissagung uber die papisten und genanten geistiichen wilcher (sic) Erfullung zu unsen Zeiten hat angefangen und volzogen solverden. Ein Vorrede durch Andrean Osiander, Prediger zu Nurmberg.
12. 1526 Haganoae 8, par Jérome Gebuiler, maître de littér. de la jeunesse Hagan. Livre des prophéties de la divine Hildegarde, sur la présente tribulation des clercs et sur les événements des temps futurs.
13. 1620 S. I. 4° Prophetia oder Weissagung Hildegardis vor ungefœhr 450 Jahren von diesen unseru letzten, Zeiten also Kiar nod offenbarlich, von Georg. Bellamera Ubio.
14. Vision inconnue d'une vierge sainte, tirée d'un manuscrit. (A Vienne), in Anzeiger fuer Kunde d. deutsch Mittelalt von Mone VII613.
B. M. Chladen a écrit le Scrutin thélogique critique des visions. Witemberg 1716. 4°.
Nota. D'autres Visions se trouvent dans les tablettes manuscrites à Basle, S.Gal et Middlehill, au témoignage d'Henel dans le Catalogue des livres manuscrits.
Note. Le Livre de Scivias, dit son très savant éditeur dans le supplément à la Bibliothèque Fabr. T. III, page 263, et le livre des œuvres divines sont deux volumes parfaitement distincts entre eux, et, diton, sont tous les deux de la Vierge sainte.
Les livres de Scivias sont assez connus, la sainte les donna à la quarante-troisième année de son âge. Les livres des Œuvres divines, j'en ai le texte manuscrit insigne orné de merveilleuses gravures sur parchemin, infol., que j'entreprends de décrire un peu au long, comme étant peu connu. Il est composé de trois parties La première se termine à la quatrième vision et contient cent chapitres. La seconde partie commence avec la cinquième vision et arrive jusqu'à la sixième. Il comprend 49 chapitres. La sixième vision commence la troisième partie, qui se termine à la dixième vision, et comprend 38 chapitres. Elle entreprit d'écrire cet ouvrage, en l'année de son âge la soixante-cinquième, et en l'an mil cent soixante-trois de l'Incarnation du Seigneur, sous les instances du Siège Apostolique, au moment où l'Empereur Frédéric Barberousse persécutait le Pontificat Romain. Elle y rappelle ses autres visions sans passer sous silence ses divers écrits, lorsqu'elle dit : « Comme je l'ai dit au commencement des premières visions », et plus bas : « Parce que tout ce que j'avais écrit au commencement de mes visions ». Au commencement, elle y parle de la vision qu'elle eut, où il est dit que le firmament a une forme ovale (secundum similitudinem ovi), ce qu'elle avait déjà exprimé dans la troisième vision du livre de « Scivias » avant sa vingt-huitième année.
Le titre de tout l'ouvrage est : Liber divinorum operum simplicis hominis. Il contient beaucoup de choses curieuses, concernant le système du monde universel, sur la constitution physique de l'homme extérieur et intérieur, sur les changements atmosphériques, sur les maladies des hommes et autres choses semblables.
II. ŒUVRES NON ENCORE ÉDITÉES DES TEXTES MANUSCRITS
1. Le livre des Mérites de la Vie ;
2. Diverses Poésies ;
3. L'Hymne Céleste
4. La Langue inconnue avec la version latine (que J. Grimm a essayé d'expliquer dans Haupt. Zeitschrift fur deutsch Alterthum, VI321).
5. Le Traité du Sacrement de l'autel ;
6. Cinquantehuit Homélies sur les Évangiles ;
7. Les Livres de médecine par les simples et les composées.
Mais les prophéties sur les destinées de l'Ordre Séraphique et de la Société de Jésus, doivent être regardées comme incertaines et indignes de la bienheureuse vierge.
Le Révérend Ludovic Schneider, prêtre d'Eibinged, homme très versé dans la connaissance de Ste Hildegarde, et gardien de ses reliques, se propose de mettre au jour les Œuvres inédites de la sainte vierge, tirées des plus anciens parchemins qui sont gardés à Wiesbade.
(1) Elle apprit en peu dc temps le Psautier par cœur, et fit paraître la fidélité de sa mémoire, la fécondité de son imagination et la bonté de son jugement. F. Bachelart.
(2) Deus superbis resistit humilibus autem dat gratiam. (Jac. IV)
(3) Aperi os tuum et implebo illud. Ps. LXX.
(4) comme on le verra dans le récit détaillé des actes de sa vie, il s'agit ici du changement de monastère et du lieu choisi que Dieu lui indiqua dans une vision.