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Tableau naturel des rapports qui existent
entre Dieu, l'Homme et l'Univers.

L.C. de St Martin

par Louis-Claude de Saint-Martin

XVIII 

Pour mieux nous convaincre combien il était nécessaire qu'une Unité de vertus vint achever devant les hommes le tableau de leur Etre, qui n'avait été que légèrement tracé par les manifestations particulières, je vais dire quelque chose des Nombres : mais auparavant je dois prévenir que cette carrière est si vaste, que jamais l'homme, ni aucun Etre que Dieu lui-même ne pourra en connaître toute l'étendue. De plus elle est si respectable que je ne puis en parler qu'avec réserve, soit parce qu'il est impossible de le faire clairement et à découvert en langage vulgaire, soit parce qu'elle renferme des choses auxquelles on' ne doit pas prétendre sans préparation.

Cependant je ferai mes efforts pour que l'homme de désir me comprenne autant qu'il lui sera nécessaire, et je ne négligerai rien pour concilier son instruction avec la prudence.

Mais, s'il arrivait qu'il ne me comprît pas, je le prie pour son propre intérêt, de ne pas consulter sur ce que je lui confie, les Savants en titre et en crédit dans l'opinion humaine ; car ils ont desséché la Science et ne s'en sont point susbtantés ; ils n'en ont que le squelette décharné, et les sucs les plus nourrissants se sont évaporés devant eux, sans qu'ils aient eu la sagesse de les saisir.

La Science est libre ; ils ont prétendu lui fixer des lois, et interdire au genre humain l'espoir de la découvrir ailleurs que dans leurs décisions ; mais elle a fui devant eux, et ils marchent dans un vide obscur. Elle est incompressible comme l'eau ; ils ont voulu la comprimer : elle a brisé les entraves qu'ils lui avaient données, et ils sont restés dans l'aridité.

Que le Lecteur n'aille donc pas à eux pour lever ses doutes ; ils ne feraient que les augmenter, ou y substituer des mensonges. Si quelque chose l'embarrasse dans ce qu'il va lire, qu'il se replie sur lui-même; qu'il essaie par une activité intérieure de se rendre simple et naturel, qu'il ne s'irrite point si le succès se fait attendre :les suspensions qu'il éprouvera sont souvent les voies mêmes qui le préparent secrètement, et qui doivent l'y conduire.

Les nombres sont les enveloppes invisibles des Etres, comme les corps en sont les enveloppes sensibles.

On ne peut douter qu'il n'y ait pour tous les Etres une enveloppe invisible, parce qu'ils ont tous un Principe et une forme, et que ce Principe et cette forme étant aux deux extrêmes, sont à une trop grande distance de 1 autre pour pouvoir s'unir et se correspondre sans intermède ; or c'est l'enveloppe invisible, ou le nombre qui en tient lieu. C'est ainsi que dans les corps, la terre est l'enveloppe visible du feu, que l'eau est celle de la terre, et l'air celle de l'eau, quoique cet ordre soit fort différent dans les éléments non corporisés.

On ignore pas que les lois et les propriétés des Etres sont écrites sur leurs enveloppes sensibles, puisque toutes les apparences par lesquelles ils se communiquent à nos sens, ne sont autre chose que l'expression et l'action même de ces lois et de ces propriétés. On en peut dire autant de leurs enveloppes invisibles ; elles doivent contenir et porter sur elles les lois et les propriétés invisibles des Etres, comme leurs enveloppes sensibles indiquent leurs propriétés sensibles. Si elles y sont écrites, l'intelligence de l'homme doit donc pouvoir les y lire, comme ses sens lisent ou éprouvent les effets des propriétés sensibles tracées sur les corps ; et agissant par l'enveloppe sensible des Etres ; voilà ce due la connaissance des nombres peut promettre à celui qui ne les prenant pas pour de simples expressions arithmétiques, sait les contempler selon leur ordre naturel, et ne voir en eux que des principes coéternels à la vérité.

Il faut savoir en outre que les Etres étant infinis, et que les propriétés de ces Etres étant de plusieurs genres, il y a aussi une infinité de nombres.

Ainsi il y a des nombres pour la constitution fondamentale des Etres ; il y en a pour leur action, pour leur cours, de même que pour leur commencement et pour leur fin, quand ils sont sujets à l'un et à l'autre ; il y en a  même pour les différents degrés de la progression qui leur est fixée.

Et ce sont là comme autant de bornes où les rayons divins s'arrêtent, et où ils réfléchissent vers leur Principe, non seulement pour lui  présenter ses propres images, non seulement pour lui offrir les glorieux  témoignages de son exclusive supériorité et de son infinité, mais encore pour y puiser la vie, la mesure, le poids, la sanction de leurs rapports avec lui ; toutes choses que nous avons vues ne pouvoir exister que dans le premier Principe des Etres.

Il y aussi des nombres mixtes pour exprimer les différentes unions et compositions d'Etres, d'actions, de vertus ; il y a des nombres centraux, des nombres médians, des nombres circulaires, et des nombres de circonférences ; enfin, il y a des nombres impurs, faux et corrompus. Et répétons-le ; toutes ces choses ne font qu'indiquer les différents aspects sous lesquels on peut considérer les Etres, et les différentes propriétés, lois et actions, soit visibles, soit invisibles, dont nous ne pouvons douter qu'ils ne soient susceptibles, et peut-être la vraie cause pour laquelle les nombres ont paru si chimériques à la plupart des hommes, c'est cet usage où sont les Calculateurs de faire dériver du zéro tous les nombres : c'est-à-dire, de commencer dans leurs divisions géométriques, en comptant par zéro, avant de nombrer la première unité. Ils n'ont pas vu que cette unité visible et conventionnelle qui devient la première base de leurs mesures, n'est que la représentation de l'unité invisible, placée avant le premier degré de toutes ces mesures, puisqu'elle les engendre toutes, et que s'ils étaient forcés de la représenter par un zéro, ce n'était que pour nous peindre son inaccessible valeur, et non pas pour la regarder comme un néant, lorsqu'elle est la source de toutes les bases sur lesquelles l'homme peut opérer.

On voit ici qu'autant les nombres sont infinis, autant l'idée qu'on en doit prendre est simple et naturelle.

Elle se simplifiera bien encore quand on remarquera que cette immense multitude de nombres, qui se subdivisent et s'étendent à l'infini, remontent par une marche directe jusqu'à dix nombres simples, lesquels rentrent dans quatre autres nombres, et ceux-ci dans l'unité d'où tout est sorti.

Voilà pourquoi existant au milieu de tous les objets de la Nature, nous n'avons cependant que dix doigts, que quatre membres, et un seul corps, pour palper ces objets, pour en approcher, pour en disposer : car les doigts de nos pieds n'ont d'autre objet, que de nous donner la souplesse, l'élasticité, et la vitesse dans notre marche, ainsi que la solidité et la force quand nous sommes debout et de pied ferme ; et si à force d'habitude on a vu des hommes se servir avec succès des doigts de leurs pieds, l'exercice forcé qu'ils ont fait pour en venir là, et les tentatives inutiles de tant d'autres, prouvent assez que ces doigts ne nous ont pas été donnés par la Nature pour une semblable destination ; car s'ils portent le nombre dix, comme les doigts de nos mains, c'est que tout se répète, mais avec des qualités et des propriétés inférieures, selon l'infériorité des classes.

L'allégorie du Livre de dix feuilles dans l'Ouvrage déjà cité, offre clairement les différentes propriétés attachées aux dix nombres intellectuels ; il suffit d'ajouter de leurs différents assemblages et de leurs différentes combinaisons résulte l'expression de toutes les Lois et de toutes les actions des Etres quelconques, comme de la combinaison active des différents Eléments résulte la variété infinie de toutes les productions corporelles et des phénomènes élémentaires. Parmi les exemples que j'en pourrais citer, je me bornerai à un seul ; mais l'homme en sera l'objet, comme il est celui de cet ouvrage ; et par là on pourra apprendre à juger des exemples que je tairai, et des autres propriétés des nombres.

Les philosophes anciens nous ont transmis l'addition du nombre quatre, laquelle donnant dix pour résultat, offre un moyen naturel de lire à découvert l'immense vertu du quartenaire :les philosophes nouveaux se sont contentés de jeter du ridicule sur toutes ces idées numériques, sans les comprendre, ni les réfuter.

On a vu dans cet Ouvrage, quelle est la destination originelle de l'homme, qui devait être le signe et le Ministre de la Divinité, dans l'Univers ; on a vu aussi qu'il était marqué du sceau quaternaire.

Il est bien singulier que cette sublime destinée de l'homme se trouve écrite dans les expressions des anciens Philosophes. Car en portant le nombre quaternaire jusqu'au résultat de toutes les puissances qui le constituent, il rend deux nombres ou deux branches qui étant réunies, forment le nombre dix, en cette manière :

Or le nombre quatre se trouvant placé entre l'unité et le nombre dix, ne paraît-il pas avoir la fonction de faire communiquer l'unité jusqu'à la circonférence universelle, ou le zéro ? ou pour mieux dire, ne paraît-il pas être l'intermède placé entre la Sagesse suprême, représentée par l'unité, et l'Univers représenté le zéro ? En voici la figure naturelle :

Je trace ici cette figure par des caractères numériques primitifs, qui sont attribués aux arabes ; attendu qu'ils nous ont été transmis par eux, mais que les Savants de cette Nation reconnaissent appartenir à des peuples plus anciens.

Ces caractères qui, pour des yeux exercés, portent l'empreinte exacte des plus hauts secrets des Sciences naturelles et physiques, ne peuvent avoir été tracés au commun des hommes, par des Sages, et à ceux-ci par une main encore plus pure, que pour les aider à marcher d'un pas ferme dans la route des vérités.

On peut donc, par la loi des nombres, et par la figure que je viens de tracer, se convaincre de la première dignité de l'homme, qui correspondant du Principe de la lumière jusqu'aux Etres les plus éloignés d'elle, était destiné à leur en communiquer les vertus.

On trouvera également dans ces nombres la marche par laquelle l'homme a pu s'égarer.

Si au lieu de se tenir au centre de son poste éminent l'homme ou le quaternaire s'est éloigné de l'unité, et s'est approché de la circonférence figurée par le zéro, jusqu'à s'y confondre et s'y renfermer ; dès lors il est devenu matériel et ténébreux comme elle, et voici la nouvelle figure que son crime a produite  :

« Ne pourrions-nous pas même trouver des traces de cette union du quaternaire au zéro, dans le nombre des jours nécessaires pour que le fœtus de l'homme ait la vie ? Car les Physiologistes nous assurent qu'il en faut environ 40 ; et alors il serait difficile de douter que telle eût été la source, et la suite du crime de l'homme, puisque ce nombre se retrace sous nos yeux dans la reproduction de l'espèce humaine. »

« Observons néanmoins, pour soulager l'intelligence du Lecteur à qui ces vérités peuvent paraître très étrangères, qu'il ne faut pas appliquer ce nombre de 40 jours au crime de l'homme, comme nous le voyons régner aujourd'hui dans sa reproduction corporelle. Le nombre actuel de cette Loi n'est qu'une conséquence et une expiation du nombre faux qui a agi antérieurement.

Enfin nous trouvons encore dans cette figure simple une preuve évidente de tous les principes posés précédemment sur la nécessité de la communication des vertus supérieures jusque dans le malheureux séjour de l'homme :

Depuis un jusqu'à dix, il y a plusieurs différents nombres qui tiennent tous par quelque lien particulier au premier anneau de la chaîne, quoiqu'on ait le droit de les en séparer pour les considérer sous un aspect particulier. Si le quaternaire, ou l'homme était descendu jusqu'à l'extrémité inférieure de cette chaîne, ou jusqu'au zéro, et que cependant le Principe suprême l'eût choisi pour son signe représentatif, ne faudrait-il pas, pour qu'il pût recouvrer la connaissance de ce qu'il a perdu, que tous ces nombres, ou toutes ces vertus supérieures et intermédiaires entre un et dix, descendissent vers lui, jusque dans sa circonférence, puisqu'il n'a pas le pouvoir de franchir la borne qui lui est prescrite, pour remonter jusque vers elle. Et ce sont là toutes les puissances de subdivision dont j'ai déjà exposé la correspondance avec l'homme, appuyée sur toutes les traditions et allégories des Peuples.

Mais cela ne suffit point encore pour l'entière régénération de l'homme : si l'Unité n'avait pénétré jusque dans la circonférence qu'il habite, il n'aurait pu en recouvrer l'idée complète, et il serait resté au-dessous de sa loi. Il a fallu aussi que cette Unité fût précédée par tous les nombres intermédiaires, parce que l'ordre étant renversé par l'homme, il ne peut connaître la première Unité qu'il a abandonnée, qu'après avoir connu toutes les vertus qui l'en séparent.

Ceci répand un grand jour sur la nature de cette manifestation universelle dont nous avons reconnu la nécessité pour l'accomplissement des décrets suprêmes.

Car quel que soit l'Agent chargé de l'opérer, il est certain qu'il n'a pu être inférieur aux Agents particuliers, qui n'ont manifesté les facultés supérieures que dans leurs subdivisions ; et si les Agents particuliers quoique réduits à des vertus partielles, ont cependant représenté les puissances de la Sagesse, sans quoi ils auraient été inutiles à ses desseins, à bien plus forte raison l'Agent universel devait-il être dépositaire des mêmes droits et des mêmes pouvoirs.

Ainsi cette manifestation universelle des puissances Divines succédant aux lois rigoureuses de justice qui résultaient de la subdivision de ces puissances, a dû mettre le comble à tous les biens que l'homme pouvait attendre, en lui rendant la vue de ces vérités positives, parmi lesquelles il a pris son origine.

Convenons en même temps qu'il ne fallait rien moins qu'un Agent revêtu d'un tel pouvoir, pour relever l'homme de sa chute et l'aider à rétablir sa ressemblance et ses rapports avec l'Unité première.

Si c'est par le plus élevé des hommes que tous les maux de sa malheureuse postérité ont été engendrés, il était impossible qu'ils fussent réparés par aucun homme de cette postérité : car il faudrait supposer que des êtres dégradés, dénués de tous droits et de toutes vertus, seraient plus grands que celui qui était éclairé par la lumière même : il faudrait que la faiblesse fût au-dessus de la force. Or si tous les hommes sont dans cet état de faiblesse ; s'ils sont tous liés par les mêmes entraves, où trouver parmi eux un Etre en état de rompre et de délier leurs chaînes ? Et en quelque lieu que l'on choisisse cet homme, ne serait-il pas forcé d'attendre que l'on vienne briser les siennes?

Il est donc vrai que tous les hommes étant respectivement dans la même impuissance, et cependant étant tous appelés par leur nature, à un état de grandeur et de liberté, ils ne pourraient être rétablis dans cet état que par un Etre qui leur serait égal : ce qui prouve que l'Agent chargé de leur retracer l'unité Divine, doit être par lui-même plus que l'homme.

Mais si nous portons notre vue au-dessus des vertus de l'homme, nous ne pourrons trouver que les vertus de la Divinité ; puisque cet homme est émané d'elle directement, et sans le concours d'aucune Puissance intermédiaire. L'Agent dont nous parlons, ayant plus que les vertus de l'homme, ne peut donc avoir rien moins que les vertus de Dieu, puisqu'il n'y a rien entre Dieu et l'homme.

Il faut donc convenir que, si la Vertu divine ne s'était pas donnée elle-même, jamais l'homme n'en aurait pu recouvrer la connaissance : ainsi il ne lui eût jamais été possible de remonter au point de lumière et de grandeur où les droits de sa nature l'avaient appelé ; ainsi le sceau du grand Principe eût été imprimé en vain sur son âme ; ainsi ce grand Principe eût failli dans la plus belle de ses puissances, l'amour et la bonté, par lesquels il procure sans cesse à l'homme les moyens d'être heureux ; enfin ce grand Principe eût été déçu dans ses décrets, et dans la convention ineffaçable qui lie tous les Etres avec lui.

Quand j'annonce qu'il n'y a rien entre l'homme et Dieu, je le dis dans l'ordre de notre véritable nature, où vraiment nulle autre puissance que celle du grand Principe, ne devait nous dominer. Dans l'état actuel, il y a en effet quelque chose entre Dieu et nous : et c'est cette fausse manière d'être, c'est cette transposition des puissances, qui imprimant en nous le désordre universel, fait notre supplice, et l'horreur de notre situation passagère dans le temps.

Nouvelle raison pour que la Vertu divine se soit approchée de nous, afin de rétablir l'ordre général, en remettant toutes les puissances dans leur rang naturel ; en rétablissant l'Unité primitive ; en divisant la corruption qui s'était réunie dans le centre ; en distribuant les vertus du centre à tous les points de la circonférence, c'est-à-dire, en détruisant les différences.

Car c'est une vérité à la fois profonde et humiliante pour nous, qu'ici-bas les différences sont les seules sources de nos connaissances ; puisque si c'est de là que dérivent les rapports et les distinctions des Etres, ce sont ces mêmes différences qui nous dérobent la connaissance de l'Unité et nous empêchent de l'approcher.

Or l'on sent que si la Vertu divine n'eût fait les premiers pas, l'homme n'aurait jamais pu espérer de revenir à cet Unité. Car de deux vertus séparées, comment la plus faible, celle qui est absolument impuissante, remonterait-elle, seule et par elle-même, à son terme de réunion ?

Enfin, sans cet Agent universel, l'homme aurait bien su, par toutes les manifestations précédentes, qu'il y avait des puissances et des vertus spirituelles ; mais il n'aurait jamais su, par expérience, qu'il n'y avait que l'Unité de toutes ses vertus qui pût le lui faire connaître.

Ainsi reconnaissons avec confiance, que l'Agent dépositaire de l'unité de toutes les puissances, quelque nom qu'on lui donne, a dû posséder l'ensemble de toutes les vertus suprêmes, lesquelles avant lui n'avaient jamais été manifestées que dans leur subdivision : que cet Agent a dû porter avec lui le caractère de l'essence divine, et qu'en pénétrant jusqu'à l'âme des hommes, il a pu leur faire sentir ce que c'est que leur Dieu.

Et ici je rappellerai la figure précédente :

qui représente l'état de privation où nous languissons tous par la séparation où nous sommes de notre Principe ; on verra qu'en rapprochant ces caractères et en faisant pénétrer l'unité dans le quaternaire de l'homme, en cette sorte,

l'ordre universel est rétabli ; puisque ces trois caractères

se retrouvent dans leur progression et dans leur harmonie naturelle. Cet ordre existait sans doute lors même de la subdivision de ces types, puisqu'il est à jamais indestructible ; mais là il n'existait qu'horizontalement, ou en latitude, au lieu que dans la figure qui les réunit ici sous le même point et sous le même centre, cet ordre existe selon son vrai nombre et sa vrai loi, qui est la perpendiculaire.

Enfin, pour parler sans voile, ce n'est qu'à cet époque que le Grand Nom donné aux Hébreux put avoir toute son action. Sous la loi de justice, il n'avait agi qu'extérieurement : il fallait qu'il pénétrât jusqu'au centre pour opérer dans l'homme l'explosion générale dont son Etre intellectuel est susceptible, et pour le délivrer de l'état de concentration, où sa chute l'avait réduit.

D'après les idées profondes que nous présentent ces démonstrations, ne nous étonnons point des différentes opinions auxquelles les hommes se sont arrêtés sur l'Agent universel. Quelque idée qu'ils s'en soient formée, il n'est rien en fait de vertus, de dons et de pouvoir, qu'ils n'aient pu trouver en lui. Les uns ont dit que c'était un Prophète ; d'autres, un homme profond dans la connaissance de la Nature et des Agents spirituels ; d'autres, un Etre supérieur ; d'autres enfin, une Divinité ; tous ont eu raison, tous ont parlé conformément à la vérité ; et toutes ces variétés ne viennent que des différentes manières dont les hommes se sont placés pour contempler le même objet. Le tort qu'ont eu les premiers, c'est de vouloir rendre exclusif et général le point de vue particulier qui se présentait à eux ; les seconds, de ne pas se proportionner à la faiblesse de leurs Disciples, et de vouloir leur faire admettre, sans le concours de leur intelligence, les vérités les plus fécondes que l'esprit de l'homme puisse embrasser.

Les différents degrés de Science et de volonté sont donc les seules causes de la diversité des opinions qui règnent parmi les hommes sur ce grand objet car il en est pour qui cet Agent universel est venu, d'autres pour qui il vient, d'autres pour qui non seulement il n'est pas venu, mais même pour qui il ne vient pas encore.

Les mêmes principes qui ont été exposés, nous aideront à découvrir quelle a dû être l'époque convenable à la manifestation de cet Agent. Car s'il est préposé par la Sagesse suprême, pour la guérison des maux attachés à la sphère étrangère et ténébreuse que nous habitons, il en a dû suivre toutes les lois.

Selon l'ordre physique, une maladie ne se guérit i qu'après que le remède a pénétré jusqu'au siège même de la vie, jusqu'au centre de l'Etre ; ce qui se voit avec évidence dans la plupart des dérangements corporels, auxquels on ne remédie parfaitement que par la purification du sang.

Mais le sang est le centre des corps animaux : c'est leur principe corporel le plus intérieur, puisque étant environné des autres principes, il peut se considérer comme au centre de la circonférence animale, et que c'est de là qu'il envoie les émanations de sa propre vie aux subdivisions corporelles les plus extrêmes.

Il a donc fallu que l'Agent universel, chargé du grand œuvre de la régénération de toutes les Puissances, pénétrât les substances les plus intimes de tout être impur, qu'il communiquât ses pouvoirs au centre même de toutes les choses temporelles ; que pour cet effet, il parût au milieu du temps, comme au milieu de toutes les actions des êtres émanés, afin d'agir plus efficacement et à la fois, sur le centre et sur la vie de toutes les circonférences.

Si l'on désirait de connaître sur cette manifestation, une époque positive et déterminée, il serait très possible de la découvrir en rassemblant plusieurs notions éparses dans les Traditions des Hébreux. Il faudrait se rappeler ce que leurs Ecritures nous apprennent de la loi temporelle sénaire qui a dirigé la production des choses et sur la Loi sainte et septénaire qui en a fait le complément : il faudrait comprendre le sens de ce passage qui annonce que mille ans sont comme un jour devant Dieu : car ceux qui en ont fait usage dans leurs discours, et ceux qui l'ont combattu, ne paraissent pas l'avoir compris mieux les uns que les autres ; enfin il faudrait connaître le rapport de toutes ces expressions, soit avec le nombre ternaire et apparent des éléments corporels, soit avec le nombre réel de l'unité de leur Principe ; et l'on y verrait que les lois et les actions supérieures sont aussi clairement désignées dans les nombres ou enveloppes intellectuelles des Etres, que les lois matérielles le sont sur les corps.

Mais comme il faudrait au Lecteur des notions très détaillées sur ces matières, il serait inutile de lui en offrir des résultats qui resteraient nuls pour son instruction, jusqu'à ce qu'il s'en fût assuré lui-même. Je me contenterai de le mener sur la voie, en lui parlant encore de ce nombre quaternaire dont nous avons montré ci-dessus les propriétés.

L'homme, à qui le nombre quaternaire convient particulièrement, était émané pour occuper le centre intermédiaire entre la Divinité et l'Univers. Par sa chute il a été précipité dans une circonférence très inférieure à celle qu'il occupait précédemment ; mais sa nature n'ayant pas changé malgré sa dégradation, il a dû occuper le centre de cette nouvelle région, comme il avait occupé celui de l'ancienne, et cela parce qu'à quelque degré d'infériorité que les Etres descendent, leur caractère se conserve et se manifeste.

Si l'homme dans sa chute a encore occupé un centre, il a donc toujours porté en lui son nombre primitif quaternaire, quelque altération que ce nombre ait dû éprouver par l'opposition d'une région qui lui est si contraire.

Si l'homme, conservant son nombre quaternaire, occupe encore un centre dans le séjour même de la confusion qu'il habite, l'Agent universel, chargé de lui présenter son modèle, a dû le faire conformément à toutes ces lois : c'est-à-dire, qu'en paraissant au centre des temps, il a dû imprimer le nombre quaternaire jusque sur l'époque de sa manifestation temporelle ; c'est-à-dire enfin, que le quaternaire des temps et le centre des temps ne sont qu'une seule et même chose.

« En effet, le quaternaire qui dirige nécessairement le grand œuvre, doit en diriger les suites, comme il en a dirigé les différentes préparations ; car ce nombre qui tient à la fois à l'expiation et à la régénération, s'étend ou se resserre en raison de l'objet que les êtres ont à remplir. Le premier homme marcha par quarante pour obtenir la rémission de sa faute, et la réconciliation de sa postérité temporelle : Jacob marcha par quarante pour obtenir la réconciliation de sa postérité spirituelle : le Libérateur des Hébreux marcha par quarante pour obtenir la délivrance de son Peuple : le grand Régénérateur a préparé la réconciliation universelle par un quadruple cube démarre, parce qu'étant le pivot, le centre et le premier de tous les types, c'est à lui seul que convenait l'œuvre du milieu des temps, par laquelle il embrassait les deux extrêmes, comme étant dépositaire du complément de tous les nombres.

Depuis son avènement, ce nombre d'action quaternaire se simplifie et se simplifiera de plus en plus en raison des futures oppositions extrêmes pour lesquelles il faudra que l'homme puisse se régénérer en moins de temps que par le passé ; et cette progression ira en diminuant jusqu'à ce que le quaternaire agisse si rapidement, si instantanément, qu'il se confonde dans l'unité d'où il est sorti : et c'est alors que les choses temporelles finiront, et que l'amour et la paix régneront dans le cœur des hommes de désir.

Si l'on réfléchit, au nombre Sabbatique ou Septénaire qui a complété l'origine des choses, on connaîtra que ce même nombre doit en compléter la durée, et que quatre étant le centre des temps, est aussi le centre de sept ; mais gardons-nous de nombrer le cours temporel de la septième action, comme celui des six actions qui la précédent ; cette septième action ne tombant point exclusivement sur les corps, se dérobe à nos calculs, et il serait impossible à l'homme d'en fixer le terme, parce qu'elle est gouvernée par des nombres supérieurs dont il ne saurait disposer.

Il y a ici de quoi exercer l'intelligence, mais il y a aussi de quoi la dédommager des efforts qui lui restent à faire pour s'assurer de l'âge et de l'antiquité du monde ; et tout ce que je puis dire, c'est que pour calculer ce point avec justesse, il faut prendre pour échelle l'année terrestre.

Pourquoi, me demandera-t-on, prendre pour échelle l'année terrestre, plutôt que nos jours, nos semaines, nos mois, et même les révolutions d'une autre planète que la nôtre ?

C'est que le temps étant l'expression des six et une actions premières et constitutives de la Nature, il fallait qu'il eût, dans ses périodes et dans ses époques particulières, un rapport direct avec elle : il fallait qu'il nous présentât des tableaux réduits, mais complets, et proportionnés avec le grand tableau de l'origine de l'Univers, de sa durée totale et de sa destruction.

Or l'on sait que l'année terrestre est la période qui représente avec le plus de justesse ces grands traits du Principe des choses, puisqu'elle nous montre dans ce court espace, l'image de tout ce qui a été, de tout ce qui est et de tout ce qui sera : puisqu'elle est la seule dont le cours renferme pour nous la végétation, la production et la destruction universelle : ce qui est la vraie répétition de toutes les choses passées, présentes et futures ; enfin, puisqu'elle réunit, tous les types, toutes les époques, soit matérielles, soit immatérielles, qui ont été accordées à l'intelligence de l'homme pour le faire renaître, et lui aider à sortir de ses abîmes.

On sait, dis-je, que cette période est la même que celle de toutes les révolutions terrestres ; qu'elle est le vrai calcul de la terre, et que cette terre peint en action vivante dans sa période particulière tous les traits de la période générale. Il n'en faut pas davantage pour démontrer que l'année terrestre est le nombre symbolique de la période universelle, et que comme telle, elle devient la base de tous nos calculs.

C'est même là ce qui pourrait venger la terre du mépris qu'ont affecté pour elle des hommes ignorants, qui ont voulu trouver dans son peu d'étendue relativement à l'Univers, des motifs pour la dédaigner. Si la terre ne tenait pas de plus près qu'aucun autre Etre corporel, aux lois et aux Principes premiers qui ont dirigé et produit toutes choses, elle n'en porterait pas aussi clairement qu'elle le fait, le nombre et tous les caractères.