CHAPITRE IV
QUE SIGNIFIE LE NOM D'ANGES ?
ARGUMENT.
- 1. On enseigne que Dieu s'est communiqué aux créatures par bonté , et que toutes les créatures participent de Dieu.
- 2. Les anges sont appelés à une participation plus excellente, et chargés de transmettre aux étres inférieurs les secrets divins.
- 3. On établit que Dieu ne s'est jamais manifesté dans la pureté de son essence, niais toujours sous le voile de symboles créés ; que les êtres inférieurs vont à Dieu par le ministère d'étres supérieurs , et que toute hiérarchie renferme trois degrés distincts.
- 4. On fait voir que le mystère de l'incarnation fui d'abord annoncé par les autres, et que le Christ lui-même , dans sa vie mortelle, reçut les prescriptions de son Père par le moyen des saints anges.
I. Je crois avoir défini, comme il convient, ce que c' est qu'une hiérarchie. Il faut célébrer maintenant celle des anges, et contempler d'un il tout spiritualisé les fictions vénérables sous lesquelles ils nous apparaissent dans les
critures. Ainsi les mystérieux symboles nous élèveront à la hauteur de ces pures et célestes substances, et nous jouerons le principe de la science hiérarchique avec cette sainteté que sa majesté réclame, et ces actions de grces que la religion pratique.
Avant tout, on doit dire que Dieu, essence suprême, a fait acte d'amour en donnant à toutes choses leur essence propre, et en les élevant jusqu'à l'être: car Il n'appartient qu'à la cause absolue, et à la souveraine bonté d'appeler à la participation de son existence les créatures diverses, chacune au degré où elle en est naturellement capable. C'est pourquoi toutes, elles relèvent de la sollicitude providentielle de Dieu, cause universelle et sur-essentielle; même elles n'existeraient point, si l'essence nécessaire et le premier principe ne s'était communiqué. Ainsi par cela même qu'elles sont, les choses inanimées participent de Dieu, qui par la sublimité de son essence est l'être de tout; les choses vivantes participent de cette énergie naturellement vitale, si supérieure à toute vie; les êtres raisonnables et intelligents participent de cette sagesse, qui surpasse toute raison et intelligence , et qui est essentiellement et éternellement parfaite. Il est donc certain que les essences diverses sont d'autant plus proches de la divinité, qu'elles participent d'elle en plus de manières.
Il. Voilà pourquoi, dans cette libérale effusion de la nature divine, une plus large part dut échoir aux ordres de la hiérarchie céleste qu'aux créatures qui existent simplement, ou qui ont le sentiment sans la raison, ou même qui sont, comme nous, douées d'intelligence. Car s'essayant à imiter Dieu, et , parmi la contemplation transcendante de ce sublime exemplaire, saisis du désir de se, réformer à son image, les purs esprits obtiennent de plus abondants trésors de grce, assidus, généreux et invincibles dans les efforts de leur saint amour pour s'élever toujours plus haut; puisant à sa source la lumière pure et inaltérable par rapport à laquelle ils s'ordonnent, vivant d'une vie pleinement intellectuelle. Ainsi ce sont eux qui, en premier lieu, et à plusieurs titres, sont admis à la participation de la divinité , et expriment moins imparfaitement, et en plus de manières, le mystère de la nature infinie; de là vient qu'ils sont spécialement et par excellence honorés du nom d'anges, la splendeur divine leur étant départie tout d'abord , et la révélation des secrets surnaturels étant faite à l'homme par leur entremise. Ainsi les anges nous ont intimé la loi comme enseignent les saintes Lettres (1).
Ainsi, avant et après la loi, les anges conduisaient à Dieu nos illustres ancêtres, tantôt en leur prescrivant des règles de conduite, et les ramenant de l'erreur et d'une vie profane au droit chemin de la vérité (2), tantôt en leur manifestant la constitution de la hiérarchie céleste, ou leur donnant le spectacle mystérieux des choses surhumaines, ou leur expliquant, au nom du ciel, les événements futurs (3).
III. Si quelqu'un veut dire que Dieu s'est révélé immédiatement et par lui-même à de pieux personnages, que celui-là sache par les affirmations positives des
critures que personne sur terre n'a vu ni ne verra l'essence intime.de Dieu (4), mais que ces apparitions saintes se font, pour l'honneur de l'adorable majesté, sous le voile de symboles merveilleux que la nature humaine puisse supporter (5). Or, ces visions retraçant comme une image de la divinité, autant du moins que ce qui a forme petit ressembler à ce qui est sans forme, et par là élevant jusque vers Dieu ceux à qui elles sont accordées, la théologie, dans son langage plein de sagesse, les appelle théophanies; et ce nom leur convient, puisqu'elles communiquent à l'homme une divine lumière et une certaine science des choses divines.
Or, les Glorieux patriarches recevaient des esprits célestes l'intelligence de ces mystérieuses manifestations. Car les Ecritures n'enseignent-elles pas que Dieu donna lui-méme à Moïse ses ordonnances sacrées (6), pour nous faire savoir que cette loi n'était que la figure d'une autre sainte et divine économie? Et néanmoins nos maîtres affirment qu'elle nous fut transmise par les anges pour nous montrer qu'il est dans les exigences de l'ordre éternel que les choses inférieures s'élèvent à Dieu par le moyen des choses supérieures. Et cette règle n'atteint pas seulement les esprits qui soutiennent vis-à-vis l'un de l'autre des rapports de supériorité et d'infériorité, mais bien encore ceux qui sont au même rang, le souverain auteur de tout ordre voulant qu'en chaque hiérarchie il y eût des puissances constituées en premier, second et troisième lieu, afin que les plus élevées fussent guides et maîtresses des autres dans les travaux de l'expiation, de l'illumination et de la perfection.
IV. Aussi voyons-nous que le mystère de la charité du Seigneur fut d'abord révélé aux anges, et qu'ensuite, par leur médiation , la grce de cette connaissance descendit jusqu'à nous. Le prêtre Zacharie apprit de saint Gabriel que l'enfant qui lui viendrait des cieux, contre toute espérance, serait le prophète de l'opération divine que Jésus devait miséricordieusement manifester en sa chair pour le salut du monde (7).
Par le même messager divin, Marie sut comment se Consommerait en elle le miracle ineffable de l'Incarnation du Verbe (8).
Un autre envoyé informa Joseph de l'entier accomplissement des saintes promesses faites à David son aïeul. Ce fut encore un ange qui annonça la bonne nouvelle aux bergers purifiés par le repos et le silence de la solitude, tandis que les churs de l'armée céleste enseignaient aux hommes cet hymne de gloire tant répété dans l'univers. Mais, élevant les yeux vers des révélations plus sublimes encore, j'observe que le principe sur-essentiel des substances célestes, le Verbe, en prenant notre nature Sans altération de la sienne, ne dédaigna pas d'accepter l'ordre de choses établi pour l'humanité; même il se soumit docilement aux prescriptions que Dieu son Père lui intima par le ministère des esprits. Ainsi, c'est un ange qui fit connaitre à Joseph la volonté divine touchant la fuite en Egypte, et également sur le retour en Judée (9). Et toute la vie du Seigneur offre le spectacle de la même subordination; car vous connaissez trop bien la doctrine de nos traditions sacerdotales pour que j'aie besoin de vous rappeler qu'un ange fortifia Jésus agonisant (10), et que le Sauveur lui-même fut appelé ange du grand conseil (11), lorsque, pour opérer heureusement notre rédemption, il prit rang parmi les interprètes de la Divinité; car, comme il dit en cette qualité, tout ce qu'il avait appris du Père, il nous l'a manifesté.