CHAPITRE IX.
 
 
DE  LA DERNIÈRE HIÉRARCHIE CELESTE QUI COMPREND LES
PRINCIPAUTÉS, LES ARCHANGES  ET LES ANGES

Argument. - on expose,

1, Ce que signifie le nom des Principautés
2, Des Archanges et des Anges et quelles sont leurs fonctions respectives.
3, On prouve qu'il ne faut pas accuser les Anges du peu de profit que certaines âmes tirent de leur direction,ni eux,  ni Dieu ne faisant défaut à personne;
4, Que la Providence divine embrasse tous les peuples, quoique Israël ait été nommé la part spéciale du Seigneur.

   I. Il nous reste à considérer la dernière des hiérarchie célestes en laquelle brillent les saintes principautés les archanges et les anges. Mais je crois qu'il faut d'abord constater, comme nous pourrons, le sens de leurs nobles qualifications. Or, le nom des célestes principautés fait voir qu'elles ont le secret divin de commander avec ce bon ordre qui convient aux puissances supérieures; de se diriger invariablement elles-mêmes et de guider avec autorité les autres vers celui qui règne par-dessus tout; de se former, au degré où c'est possible, sur le modèle de sa principauté originale et de manifester enfin son autorité souveraine par la belle disposition de leurs propres forces.

  II. L'ordre des archanges appartient à la même division que les saintes principautés. Il est vrai toutefois comme j'ai dit ailleurs, qu'ils forment aussi une seule et même division avec les anges. Mais comme toute hiérarchie comprend de premières, de secondes et de troisièmes puissances, l'ordre sacré des archanges est un milieu hiérarchique où les extrêmes se trouvent harmonieusement réunis. En effet, il a quelque chose de commun avec les principautés et avec les anges tout ensemble. Comme les unes, il se tient éperdument tourné vers le principe sur-essentiel de toutes choses, et s'applique à lui devenir semblable, et mène les anges à l'unité par l'invisible ressort d'une autorité sage et régulière comme les autres, il remplit les fonctions d'ambassadeur, et, recevant des natures supérieures la lumière qui lui revient, il la transmet avec divine charité d'abord aux anges et ensuite par eux à l'humanité selon les dispositions propres de chaque initié. Car, comme on l'a déjà vu, les anges viennent compléter les différents ordres des esprits célestes, et ce n'est qu'en dernier lieu et après tous les autres que leur échoit la perfection angélique. Pour cette raison et eu égard à nous, le nom d'anges leur va mieux qu' aux premiers, les fonctions de leur ordre nous étant plus connues et touchant le monde de plus près. Effectivement il faut estimer que la hiérarchie supérieure et plus proche par son rang du sanctuaire de la divinité, gouverne la seconde par des moyens mystérieux et secrets; à son tour, la seconde, qui renferme les dominations, les vertus et les puissances, conduit la hiérarchie des principautés, des archanges et des anges d'une facon plus claire que ne fait la première, mais plus cachée aussi que ne fait la troisième; celle-ci enfin, qui nous est mieux connue, régit les hiérarchie humaines l'une par l'autre, afin que l'homme s'élève et se tourne vers Dieu, communie et s'unisse à lui , en suivant les mêmes degrés par lesquels, au moyen de la merveilleuse subordination des hiérarchies diverses, la divine bonté a fait descendre vers nous les saintes émanations des lumières éternelles. C'est pourquoi les théologiens assignent aux anges la présidence de nos hiérarchies, attribuant à Saint Michel le gouvernement du peuple juif et à d'autres le gouvernement d'autres peuples (2); car l'Eternel a posé les limites des nations en raison du nombre de ses anges (3).

III. Si l'on demande comment donc il s'est fait que les Hébreux seuls furent appelés à la connaissance de la vérité, nous répondrons qu'il ne faut pas imputer à l'administration des bons anges la chute universelle des peuples dans l'idolâtrie, mais que, de leur propre mouvement, les hommes eux-mêmes sont sortis de la voie qui mène à Dieu, entraînés par orgueil et perversité dans le culte honteux des divinités mensongères. Au reste, nous avons des preuves que les mêmes choses arrivèrent à Israël. Tu as rejeté la connaissance de Dieu, dit le prophète, et tu es allé après les désirs de ton cœur (3). Car ni la fatalité ne domine notre vie, ni la liberté des créatures ne saurait éteindre les lumières que leur envoie la divine Providence; seulement, à raison de l'inégalité que présentent les différents esprits, ou bien ils ne participent nullement, par suite d'une triste résistance, à l'effusion des splendeurs célestes, ou bien le rayon divin, malgré son unité, sa simplicité parfaite, son immutabilité et sa plénitude, leur est communiqué en des proportions diverses avec plus ou moins d'abondance, plus ou moins de clarté. Et effectivement,  les autres nations d'où nous avons nous-mêmes élevé les yeux vers cet immense océan de lumière à la participation de laquelle tous sont libéralement conviés, les autres nations n'étaient point régies par je ne sais quels dieux étrangers, mais bien par l'unique principe de tout ; et l'ange gardien de chacune d'elles entrainait vers la vérité souveraine les hommes de bonne volonté. Et ici rappelez-vous en preuve Melchisédech, cet homme si aimé des cieux, zélé pontife, non pas d'imaginaires divinités, mais du Très-Haut, qui est seul réellement Dieu (4). Or, les théologiens ne l'appellent pas seulement serviteur de l'Eternel, ils le nomment encore prêtre, pour montrer aux esprits clairvoyants que non-seulement il était resté fidèle à celui qui est , mais qu'il initiait aussi ses frères à la connaissance de la seule vraie divinité.

IV. Je veux rappeler encore à votre science sacerdotale que les soins providentiels et l'absolu pouvoir de Dieu furent manifestés en songe à Pharaon par l'ange des Egyptiens (5) et à Nabuchodonosor par l'ange de Babylone (6), et que Joseph et Daniel , serviteurs du vrai Dieu, et qui égalaient presque les anges en sainteté, furent préposés à ces peuples pour expliquer les visions figuratives dont la divinité leur avait à eux-mêmes appris le secret par le ministère des célestes esprits : car il n'y a qu'un seul principe de tout et une seule Providence. C'est pourquoi on ne doit pas s'imaginer qu'une sorte de hasard ait fait échoir à Dieu le gouvernement de la Judée, et qu'en dehors de son empire, les anges ses rivaux ou ses adversaires, ou même quelques autres dieux, président aux destinées du reste du monde. Certes, si on les comprend bien, nos Lettres sacrées ne veulent pas dire que Dieu ait partagé avec d'autres dieux ou avec les anges l'administration de l'univers, tellement qu'en cette division la nation hébraïque fût devenue son lot ; mais elles veulent dire qu'une même et universelle Providence ayant spécialement désigné certains anges, commit à leur garde le salut de tous les hommes, et que, parmi l'infidélité générale, les enfants de Jacob conservèrent presque seuls le trésor des saintes lumières et la connaissance du Très-Haut. De là vient que l'Ecriture, présentant Israël comme voué au culte du vrai Dieu: Il est devenu la portion du Seigneur, ajoute-t-elle (7). Et à dessein de montrer qu'à l'égal des autres peuples Israël avait été confié à l'un des anges, pour apprendre sous sa conduite à connaître le principe unique de toutes choses, elle rapporte que Saint Michel est le guide sacré des Juifs (8). Par là, elle nous fait entendre qu'il n'y a dans l'univers qu'une seule et même Providence infiniment élevée par sa nature au-dessus de toutes puissances visibles et invisibles; que l'ange préposé à chaque nation attire vers la divinité, comme vers leur propre principe, ceux qui le suivent de tout l'effort de leur bonne volonté.


(1) Dan., 10. - (2) Deuter., 32 .- (3)  Osée, 4. -(4) Gen., 14. - (5) Gen.,41. - (6) Dan., 2. - (7) Deuter., 32. - (8) Dan., 10.