CHAPITRE II

Plan de l'Eglise sous l'image d'un Temple



1 -En se représentant toute l'Eglise comme placée dans un Temple, dont les dimensions ne peuvent être mesurées que d'après la croix, par celui qui connaît tout, on peut se former l'idée suivante des distributions de ce temple.

2 - Dans la partie la plus intérieure du Saint des saints, près des sources célestes de la rédemption, siègent les prêtres de la régénération universelle ; le bonheur les y environne ; ils y sont comblés des dons de la grâce et de la nature, et ils brillent de toute la plénitude de cette lumière qui répand la vérité et la vie. Celui qui a dit à ses disciples : Je serai avec vous jusqu'à la consommation des siècles ; celui qui après sa résurrection leur apparut, les portes étant fermées ; et qui leur a dit : La paix soit avec vous ; qui mangea avec eux un morceau de poisson rôti, et un peu d'un rayon de miel qu'ils lui servirent, peut-être se manifeste-t-il toujours au petit nombre d'élus d'Eden ; peut-être les bénit-il encore et marche au milieu d'eux, en leur enseignant à opérer l'oeuvre de la régénération, qu'il leur a spécialement confiée.

3 - L'autre partie du Saint des saints est habitée par ceux qui ont achevé leur régénération. Ce sont ceux dans lesquels le dernier degré du feu de la croix a secrètement effacé le péché jusqu'à sa dernière tache ; ils sont les vases d'élection entièrement purifiés et abondamment remplis de l'esprit et de la vie de Jésus-Christ. Le sentiment de cette grâce, qui opère en eux toutes choses, est le seul par où ils connaissent leur existence ; et ils deviennent, par la grâce, ce que Jésus-Christ est par sa nature.

4 - Le Saint du temple renferme d'abord ceux qui intérieurement ont déjà été crucifiés avec Jésus-Christ ; qui, sans avoir, comme lui, déjà remis leur esprit entre les mains du Père, ne sont cependant plus sujets à tomber. Épître aux Galates V, v. 24. 25 ; 1 Jean III. 9.

Ce sont ces justes qui se tiennent devant le voile, lequel ferme le Saint des saints de même que ceux qui habitent son intérieur, qui sont les plus propres à l'apostolat sur la terre, pour imprimer l'image de Jésus-Christ dans l'âme des hommes.

5 - Ensuite viennent tous ceux qui avancent sans relâche dans les voies de la régénération en Jésus-Christ ; ils marchent dans la route de la croix par ses différents degrés et par tous les âges de cette vie ; mais ils ne sont pas tout à fait encore dépouillés du vieil homme, qui doit mourir sur la croix de l'abnégation, et être consumé par le feu de la purification.

Dans ce nombre peuvent se trouver aussi les instruments de l'apostolat, les prophètes, les opérateurs de prodiges, les écrivains inspirés, tous, conformément aux degrés des dons qu'ils ont reçus. Mais tant qu'ils n'ont pas achevé la rénovation de leur homme intérieur, leur être et leurs pensées, qui ne sont point encore crucifiés, ni parvenus à cet état de maturité parfaite que la vie pure de la croix exige, peuvent se livrer aux impressions qui leur sont propres, en infecter leurs oeuvres, leurs paroles et leurs écrits, et jeter l'obscurité, le mensonge et l'erreur jusque sur les vérités qui leur avaient été révélées, et qu'ils annonçaient eux-mêmes. Pour cet effet, on ne saurait être trop circonspect, ni trop prudent en examinant la vie, et en lisant les ouvrages de ceux-là même qui passent pour les plus éclairés.

6 - Le Parvis sera rempli de ceux qui ont été attirés par le Père. Comme ils ont la foi aux vérités révélées de l'Evangile, ils marchent dans la voie de la régénération, et travaillent avec soin à remplir la loi de la grâce.

L'on peut ranger également parmi ceux-là les hommes qui, ne connaissant pas la loi, accomplissent, par le secours de la grâce, ce que la loi ordonne. Lorsqu'une vie aussi vertueuse prépare dans leur coeur le chemin à Jésus-Christ, alors sa voie leur annonce intérieurement l'Evangile, et ils les agrège au nombre des siens.

7 - Dans le Vestibule du Temple sont ceux qui ressentent vivement la nécessité du salut, dont l'esprit est sérieusement occupé de la recherche de la vérité et qui commencent à sentir toute la vanité de ce monde. Plus on est pénétré de ce sentiment, plus on est près des portes du temple, lesquelles ne s'ouvrent qu'aux âmes qui sont dans la repentance, ont l'amour-propre en horreur, et marchent sincèrement et de toute leur force vers le bien.

Le nombre de ceux qui séjournent au Vestibule du Temple fournit en grande partie les faiseurs de systèmes subtils et les chefs des sectes fondées sur l'égarement de la raison humaine, laquelle ne parvient point à connaître les objets de l'esprit pur et divin, ni la route qui y conduit.

Les plus à plaindre d'entre ceux-ci sont les hommes qu'un amour intéressé attire à leur salut, c'est-à-dire qui cherchent le paradis à cause des jouissances qu'ils s'y promettent, et non par zèle d'atteindre à cette pureté, essentielle au paradis et dans laquelle seule Dieu se complaît. Se formant une idée mensongère des préceptes de la religion par la superstition, ils se livrent à une imagination exaltée, à la mortification de leur chair, aussi inutile que mal entendue, et à des martyres que la loi condamne. Ne s'attachant qu'aux formes et à l'extérieur, ils tombent dans l'idolâtrie, croyant servir le vrai Dieu.

Il arrive cependant qu'au milieu de ces fausses pratiques il perce un rayon de cette lumière, qui aime à éclairer tous les enfants d'Adam; et cet effet salutaire n'est dû qu'à cette grâce qui s'occupe partout et dans tous les temps de notre salut. Heureux dans le nombre de ces hommes, livrés à un faux travail spirituel, qui, à l'apparition de cette lumière, reconnaissent la vérité, et se tournent vers elle! Mais il n'arrive que trop souvent qu'ils restent là, extasiés de la lueur de cette vraie lumière.

8 - C'est ici le lieu de dire un mot des symboles et des cérémonies religieuses, que la plupart des hommes abandonnent aujourd'hui sans les entendre, ou dont ils abusent. Elles méritent cependant notre attention et nos égards tant par leur origine que par le but pour lequel elles ont été instituées.

Plusieurs symboles et cérémonies de l'ancien culte judaïque, et du culte extérieur du christianisme, représentent des mystères de la divinité, étant empruntés de l'idée des diverses opérations intérieures de Dieu sur l'âme de l'homme, sur le corps mystique de Jésus-Christ, qui est son église, et sur la nature physique elle-même ; ils sont faits pour en donner des connaissances à tous ceux qui ont des yeux pour voir. Un grand nombre de ces institutions et de ces formes, surtout dans la religion grecque, qui a plus conservé que les autres sa constitution primitive et respectable, peut nous préparer, comme il le doit, à l'adoration spirituelle, et disposer notre âme d'une manière plus réglée et plus efficace, à s'exercer dans le culte intérieur.

9 - C'est ainsi que l'observation de la religion extérieure devient un moyen pour entrer dans la vraie église de Jésus-Christ, qui est l'intérieure.

Quoique ce culte extérieur se soit écarté de sa source, et que l'esprit de lumière, qui le dirigeait, s'en soit retiré, il est toujours infiniment nécessaire, comme moyen ; et les chrétiens, dont les intentions sont pures, peuvent encore en tirer un grand avantage, surtout s'ils se fondent sur les vérités révélées de l'Evangile.

10 - Autour du temple, dont nous avons tracé l'image, errent en grande foule les esclaves de l'erreur, des passions et du vice, qui n'ont pas même le désir de s'affranchir de leur joug ; n'étant entraînés que par les vanités du monde, et par les convoitises de la chair, auxquelles ils se livrent tête baissée, ils ne cherchent pas les sentiers qui conduisent au temple ; ils ne connaissent point le bonheur que les adorateurs y trouvent et, s'ils en entendent parler, c'est pour s'en éloigner davantage.

On pourrait appeler ces hommes les adorateurs de l'idole de la chair et du monde. S'ils prêtent l'oreille à la voix de celui qui veut tout attirer au ciel, ils peuvent devenir prosélytes de l'église de Jésus-Christ, si au contraire ils repoussent la main que le Sauveur leur tend, ils tomberont, soit médiatement ou immédiatement, dans les filets de l'église de l'Antéchrist, tendus par celui qui rôde comme un lion, et qui cherche partout sa proie.