LA GENÈSE UNIVERSELLE II. - LA VÉRITÉ
Jésus nous dit : « je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est pour la vérité écoute ma voix ». Dans le monde, la vérité ne peut être connue que si une puissance mystérieuse ouvre le tombeau qui la renferme, L'épisode de la Magdeleine, la pécheresse repentie, arrivant au tombeau du Christ, est riche d'enseignements. La Lumière du Monde où l'éternelle Vérité s'offre à ses regards, mais elle ne peut la reconnaître de suite, parce qu'elle ne lui apparaît pas sous l'aspect qui lui était familier. Elle se désolait devant le sépulcre vide : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Croyant que c'était le jardinier, elle lui dit : « Seigneur, si tu l'as emporté, dis-moi où et je l'irai prendre ». Et Jésus lui dit seulement : « Marie ! »... « O Rabbi, mon maître ! » répondit-elle, le reconnaissant alors (1). Il faut comme à Marie, près du sépulcre, que la vérité elle-même parle à notre cur ; c'est alors seulement que nous pouvons la publier partout, puisque nous avons vu sa glorieuse résurrection. Avant l'apparition du Verbe incarné parmi nous, tout a été dit selon le mode de ce monde, mais la pierre du tombeau n'avait point encore été levée ; l'Amour, qui contient tout, était inconnu. Cette pierre pesante, c'est la lettre qui tue, la forme figée des hiéroglyphes, qu'ils se trouvent dans le livre de la Nature ou dans ceux des hommes. Seuil l'Amour peut animer cette forme et restituer aux signes leur vivante signification. Les anciens Sages le savaient ou le pressentaient. Chacun connaît l'allégorie de la vérité cachée au fond d'un puits. Elle est d'une incalculable antiquité. Aux époques patriarcales, le puits était une simple fosse creusée dans le sol et protégée du sable et des souillures par une grosse pierre qu'on roulait sur l'orifice et que le berger écartait seulement le soir pour désaltérer son troupeau. Si l'on rapproche le chapitre XXIX de la Genèse de certains épisodes de l'Évangile, comme la rencontre avec la Samaritaine et la parabole du bon pasteur, on peut en tirer des enseignements précieux sur l'allégorie du puits de la vérité et sur son mode de propagation. Il y a des heures (des périodes cycliques) où une nouvelle dispensation de la vérité, sous un voile plus léger, est offerte à tous. Hors de ces heures, c'est l'Amour, le Verbe seul, qui peut écarter la pierre qui masque le puits et désaltérer la « brebis » (2)avec l'eau précieuse qui étanche à jamais sa soif de savoir. De tout temps, les hommes ont reconnu que la porte de la vérité, qui est la vie, leur était fermée à différentes époques, ils ont soulevé le voile des mystères ; et tout ce que peut nous apprendre la science égyptienne, chaldéenne, indienne ou même chinoise, tout cela risque de nous conduire vers les ténèbres spirituelles si nous n'avons pas pour guide l'Amour de Dieu. Tous les moyens employés pour obtenir la clef de la Vie ou de la Vérité demeurent infructueux, si ce n'est pas le Christ qui nous remet cette clef. L'écorce, de la vérité, ce n'est pas seulement ce qui tombe sous nos sens, c'est aussi tout ce qui est soumis à notre intelligence ; ce n'est pas seulement ce que nous révèle (ou semble nous révéler) la lumière solaire, c'est aussi ce que nous révèle la lumière mentale. Notre entendement ne peut arriver qu'à l'« écorce », physique ou mentale, de la vraie Lumière spirituelle, car l'uvre de la Toute-Puissance ne peut être saisie par des facultés limitées et déchues. Tout n'est que voile en ce monde, tout n'est que zéro ou néant, dans l'univers, lorsque nous séparons l'objet contemplé de la cause première, source de toute réalité. Lorsque la lumière jaillit de sa source qui est le Ternaire saint, au centre de la création, cette lumière constitue la robe nuptiale de l'Épouse, de cette reine de l'universelle création, de cette vierge qui n'est qu'une avec son Époux le Verbe éternel ; mais pourpénétrer dans le système que nous avons choisi, il lui faut traverser les portes de notre prison, qui ne sont autres que les astres. Or, chacun est gardé par une sentinelle vigilante, placée par le Prince de ce monde, qui a pour mot d'ordre : chacun pour soi ; de sorte que les vertus, qualités et propriétés renfermées dans la lumière sont transformées selon la nature de celui qui commande et qui est Satan le justicier. Ces portes ou astres nous environnent, physiquement et métaphysiquement elles font partie de notre système. Lorsque la lumière est dépouillée de son principe primitif, elle devient fluide astral ou colérique, dont le rôle est de circonscrire tous les êtres et toutes les choses de ce monde ; et l'atmosphère qui nous entoure constitue la limite de cet ordre de choses dégradées. Les facultés humaines peuvent s'étendre jusqu'au monde des astres, où chacune a sa racine, et d'où elles s'élèvent et s'alimentent. L'intelligence qui n'est pas reliée par l'Amour à son divin principe peut atteindre, mais non dépasser, la lumière astrale, où se dévoilent les plus profonds mystères de la nature élémentaire. Mais les mystères divins en sont absents. Aussi, éclaire-t-elle de ses reflets lunaires toutes les idolâtries et toutes les images évoquées par les faux prophètes. Les limites ultimes de cette lumière astrale, sa partie la plus épurée, si l'on préfère, se confondent pour le regard inexpérimenté avec les derniers prolongements des rayons du monde de l'Esprit. Et cependant, entre ces deux mondes, un abîme, infranchissable pour celui qui n'est pas porté par les ailes de l'Amour, se creuse, menaçant. C'est vers ce gouffre attirant que se précipite l'intelligence affolée de sa propre splendeur et dont l'orgueil s'estime assez vaste pour remplir l'infini. Les anciens, qui connaissaient parfaitement l'astrologie, savaient que le fluide astral ou colérique n'agit jamais dans le but de donner l'être, mais dans celui de le détruire, en le dépouillant de son enveloppe, inséparable pour nous des conditions de l'être. Ce fluide astral est bien luciférien, il puise bien sa redoutable force dans les mêmes principes que l'arbre symbolique du bien et du mal. Comme le Saturne de la mythologie, il dévore ses enfants, mais ce mal n'est que la contre-partie d'un bien réel, l'être dépouillé tend à remonter vers sa source primordiale, selon l'axiome des Qabbalistes : « l'esprit se revêt pour descendre et se dépouille pour monter ». Notre intelligence, elle, désire la lumière, mais quand elle appelle « la » lumière « sa » lumière elle se ferme les portes des mondes supérieurs où l'égoïsme n'a point de place. Si elle s'entête à vouloir assujettir l'Infini à ses facultés bornées, si elle prétend lui imposer ses propres limites, elle n'enfante que des monstres. Nous oublions trop que l'homme du temps ne peut être ni céleste ni infernal, puisque toutes ses facultés, appartenant à l'animalité, ne peuvent s'élever au-dessus de ce règne. Si nous nous fions à elles pour l'uvre de régénération qui est la raison même de notre présence ici-bas, nous ne faisons que changer d'erreur, passer d'une erreur grossière à une erreur subtile, mais nous ne sortons pas du domaine de l'erreur. Tant que dure cette tenace illusion, toute connaissance réelle nous est inaccessible. La science humaine est la Babel de l'esprit, elle peut entasser ses spirales et monter toujours ; elle peut faire vaciller la Terre, elle ne touchera jamais au Ciel. Dieu ne peut être défini que par la Foi, il ne peut être atteint que par l'Amour. L'Homme qui désire connaître la vérité doit mettre toute sa confiance dans la divine Lumière, venue dans ce monde avec le Verbe éternel : Jésus-Christ. La vérité, éveillée de l'Esprit, son foyer intarissable, est accordée à tous sur la prière du Fils unique, mais il faut que cette Parole ressuscite en nous, et que ce soit elle-même qui lève la pierre du tombeau qui la cache ; c'est alors seulement que se déchire le voile, que les rochers se fendent, que les sépulcres, s'ouvrent et que les saints ressuscitent avec le Christ. Dieu est tout en tout. Dieu tout amour ne jouit de sa puissance, de sa gloire, de sa splendeur et de sa félicité sans bornes que dans ses créatures. Le Christ, le Verbe divin incarné, ainsi que tous les saints, tous ses disciples ne jouissent de leur victoire et de leur héritage céleste que dans leurs frères et par leurs frères. C'est l'Amour qui a conduit Jésus sur le Calvaire, pour y donner sa vie à tous ; c'est l'Amour qui fait que les saints sont toujours auprès de ceux qui souffrent et toujours prompts à les aider au moindre appel de leur part à la Miséricorde divine. Constamment le Maître et ses disciples sont sur la brèche ; où ils veillent, luttent et se sacrifient, donnant tout jusqu'à leur vie, pour que pas une créature humaine ne périsse : voilà la vérité !... Combien belle et simple est la prière du publicain : Seigneur je ne suis pas digne que tu viennes en ma maison, mais dis seulement une parole et mon « âme sera guérie. » Sur le Calvaire, le Christ d'Amour a ouvert la porte des Cieux au criminel repentant, lequel, tout en implorant le divin Crucifié, se présenta tel qu'il était ; tels que nous sommes tous dans le sein du vieil Adam. Cependant l'homme temporel, sous prétexte qu'il obéit à la loi extérieure, prend la place de l'enfant d'Amour, il en revendique l'héritage céleste, et, pour comble, c'est à Dieu lui-même qu'il veut prouver son droit, au moyen de ses prières intéressées tout disparaît à ses yeux d'aveugle ; sans le moi égoïste, la loi extérieure serait inutile, elle est liée à lui et lui à elle, jusqu'à l'heure où la vanité de ses efforts lui apparaît clairement. Pour retourner à l'unique Pasteur, il faut donc cesser de suivre les artisans de Babel, car nul ne remonte au Père que par le Fils, Son Verbe éternel. Nous sommes aux antipodes de l'Amour et rien de nous ne peut atteindre ce divin Principe de libération avant que lui-même nous appelle à lui. Quand les brebis entendent la voix du bon Pasteur, les hommes disent alors qu'elles ont « la Foi », terme bien vague sur leurs livres, car le fait qu'il exprime est hors de proportions avec les bornes de leurs facultés animales non régénérées par la Grâce. Les apôtres, les disciples du Sauveur ont reçu l'Esprit de consolation, d'affranchissement, envoyé par leur Maître, comme une puissance de renouvellement de la nature, comme un sanctificateur. En raison de leur renoncement complet à eux-mêmes pour le bonheur de tous, la Vie et la Lumière ont pu se manifester véritablement en eux, par une nouvelle naissance. Jésus nous dit : « Celui qui veut sauver sa vie (la vie de son Moi) la perdra. Celui qui consent à la perdre la sauvera. » Dès que l'homme reconnaît son néant, l'Amour agit librement en lui et quand il a tout transformé et régénéré, s'ouvre pour lui la septième période de la création divine : le triomphe de la paix, la béatitude, l'Éternité réalisée en lui, la Vérité expérimentée directement et manifestée selon son mode. Car, aux adorateurs de la lettre morte, aux esclaves de la loi écrite, s'adresse toujours la parole du Christ : « Cherchez la Vérité et la Vérité vous rendra libres ! »
Madame D...
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