*** ACTION ET RÉACTION
Le but de l'alliance intime que Dieu offre à l'homme par le moyen de son médiateur Jésus-Christ, c'est de guérir sa faiblesse, de l'épurer et de l'élever jusqu'à lui. Le Christ, héritier de tous les prophètes de la terre, qui annoncèrent le Verbe de Vérité, c'est le Dieu caché de l'Univers, qui respire par des millions d'âmes et anime les globes errants et les corps en travail ; si son Esprit n'était pas toujours présent parmi nous, la vie terrestre s'éteindrait ; il est la nourriture de notre âme et il est aussi notre médecin. C'est par Jésus que tous nous pouvons ascendre vers l'Esprit pur, vers le foyer de la Vie, pour devenir des ressuscités. L'Évangile est son Testament, monument de foi, d'amour et de sacrifice, qui renferme la légende de l'homme idéal incluse dans la réalité de la Divinité parfaite ; c'est le Verbe-Lumière qui démontre, dans son action parmi nous, la triple nature de la Cause des causes, sous son aspect le plus parfait et sous la seule forme qui nous soit immédiatement accessible, c'est-à-dire dans l'humanité du Fils de Dieu. Dans ce livre sacré, il faut, par-delà les faits historiques, rechercher les lumières divines. Tous les miracles de Jésus - à qui tout miracle était possible - sont aussi des symboles et des images de ce que peut faire la Parole divine dans l'homme terrestre, miracle aussi éclatant et aussi formidable, plus peut-être, que les miracles purement sensibles: rendre la vue à l'aveugle spirituel, ouvrir les oreilles du sourd volontaire, ressusciter ce mort qu'est l'homme terrestre ! La Parole divine, c'est le pain des anges, ce pain que nous voyons, dans l'Évangile, multiplié au commandement du Verbe incarné, pain qui ne manque et ne manquera jamais aux âmes de bonne volonté. Il importe de nous nourrir souvent de la Sainte Écriture, de communier fréquemment à cette divine table, à ce festin offert à tous, où se trouve le Verbe vivant et qui met notre esprit en communication avec le divin. Malheureusement, cette nourriture divine semble indigeste à l'homme terrestre, elle lui répugne. En conséquence, aussi longtemps que notre désir de la vérité ne sera pas assez ardent en nous pour que nous soyons prêts à lui sacrifier tout, aussi longtemps, l'influx providentiel, l'Esprit du livre sacré, se dérobera à nos vaines investigations. C'est donc en esprit de prière, d'humilité et de charité qu'il faut débuter dans la science divine ; c'est de l'Esprit que Jésus dit : « Toutest possible à celui qui croit ». Le chemin de la perfection consiste donc à dépouiller insensiblement le vieil homme et à se placer surtout au-dessus de ce don fatal du vieil Adam, de cet égoïsme, de cet amour de soi, qui doit changer d'objet et d'orientation en se, reportant sur le prochain et sur toute l'humanité et son Sauveur. S'il en coûte beaucoup à l'homme de se détacher des biens illusoires, il lui en coûte davantage d'abandonner son« moi » ; c'est cependant dans l'anéantissement de ce moi inférieur, animal, que l'homme véritable prend naissance. L'amour de la Vérité, le sacrifice de soi-même, l'aide au prochain, ce sont là les fondements de la victoire suprême, les conditions de la naissance du nouvel être, né de Dieu et non de la chair et dit sang ; car l'Amour, c'est l'éclair qui révèle la vérité, la flèche qui implante dans le cur la vraie foi, apportée par le divin Médiateur à ses disciples et au monde. Dans la nature inférieure, la vie est une flamme qui s'éteint si l'homme ne l'attise pas, ne l'alimente pas. C'est la raison qui en est le commutateur, qui établit ou interrompt le précieux courant, selon qu'elle se situe au-dessus de cette existence élémentaire ou qu'elle se laisse dominer par elle. Toute la fécondité de la partie inférieure de l'âme qui alimente la vie humaine vient de ses racines ; si elles plongent dans le fleuve mystérieux d'Éden, alors cette vie se couvre de feuilles, de fleurs et de fruits célestes, elle se manifeste comme « arbre de vie ». Tous les dons spirituels y sont attachés. Par la prévarication d'Adam, cet arbre est devenu l'arbre de la croix. Dès que l'âme a renoué le divin contact, dès qu'elle a commencé de s'alimenter à la source de vie, l'homme se sent déjà plus fort dans l'adversité, son cur se ranime et son esprit s'éclaire. La raison de cette revigoration c'est que l'homme, insensiblement, se place sous la Loi Universelle et commence de participer à ses rythmes. La Loi Universelle règne là où les êtres sont unis, là où le frère malade, affaibli, malheureux, reçoit rapidement du secours - non pas le secours ostentatoire qui distingue d'autant plus celui qui donne de celui qui reçoit, mais l'aide spontanée qui ne sait même pas quel est son « mérite » et ne tire pas de traites sur le prochain en escomptant de la « reconnaissance » ou sur Dieu,en escomptant une « récompense ». Cette loi divine se manifeste essentiellement par la bonté, l'amour, la justice : nous sommes tous les cellules, les organes, les appareils du corps de l'Humanité, tous nous nous tenons, sans discontinuité, les uns les autres, de sorte que le secours refusé à un frère est une mauvaise action qui retombe non seulement sur celui qui la commet, mais jette un germe d'anarchie et de division au sein de l'Humanité. Si, en effet, tout réagit sur tout, une impulsion mauvaise émanant d'un foyer volitif humain ne se borne pas à un seul acte contraire à la loi. Elle se réfléchit sur tous les foyers volitifs qui l'entourent, repoussée par les uns, imitée et invigorée par les autres, multipliée en échos nombreux dans le temps et l'espace, avant de retourner, aggravée de tous les actes analogues à elle et tirant d'elle leur réalisation, frapper celui qui l'a émise. Ainsi, celui qui tue se tue, celui qui prend le bien d'autrui se vole lui-même, puisque les autres sont en nous, comme nous sommes en eux, par l'âme universelle. Et selon la loi qui veut que tout retourne à son centre et que tout acte mauvais, provoqué par un acte antécédent, s'ajoute à celui-ci pour que le Vrai fauteur de trouble soit frappé, et non seulement le coupable occasionnel, on peut dire que celui qui tue une fois se tue cent fois, si son geste trouve des échos dans d'autres curs de meurtriers, qui auront pour excuse personnelle cette incitation extérieure à eux. Celui qui vole, de même, se vole cent fois au lieu d'une, pour la même raison. Si tant de riches s'ennuient sans remède, si le dégoût les ronge et si les soucis les torturent au milieu de leur opulence, c'est parce qu'il y a des pauvres qui manquent de pain : toutes les affres des puissants de la terre sont les angoisses des miséreux qui souffrent en eux, car, Dieu laisse la Loi d'Amour se venger par la force inéluctable de cette même loi. C'est avec raison qu'il est écrit : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume des Cieux. » L'Adam universel est figuré par l'arbre de vie, nous dit Éliphas Lévi, il s'étend au-dessus et au-dessous de la terre, en branches et en racines : le tronc c'est l'humanité et les individus sont les feuilles. Les indifférents, les égoïstes, les méchants sont les feuilles sèches et les écorces mortes de l'arbre lorsqu'en eux cesse la vie terrestre, l'étincelle céleste qui animait leur corps et qui aurait pu devenir une brillante planète reflétant la Vérité, cette étincelle telle un simple atome, retourne à la région éthérée ; et le corps de chair se désagrège pour retourner à l'arbre de vie par la racine. Les Kabbalistes comparent encore l'homme irrévocablement méchant aux excrétions de l'humanité : cet être subit la seconde mort et donne des fruits à la terre pour nourrir le corps ; c'est ainsi que la Mort retourne à la Vie, et que le Mal sert au renouvellement du Bien. *** |