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L'ESPRIT DE MENSONGE



     Lorsque les hommes concevront un Dieu bon, aimant, tel qu'il est, l'intelligence éclairera le monde : notre séparation d'avec le Créateur provient de notre confiance dans les choses et les puissances d'ici-bas, de sorte que notre salut est dans la résurrection, en nous, de la foi qui a Dieu pour objet.

     Les raisonneurs et les sages selon le monde cherchent en vain, dans les Évangiles, le secret de la puissance du Christianisme, mais la force des Évangiles n'est pas dans les miracles que rapporte ce Livre sacré, elle réside toute dans le VERBE « qui est la Lumière éclairant tout homme venant en ce monde ».

     Dès cette vie, tout est paix et joie pour celui qui se place sous la Loi du Sauveur ; et cette Loi est à la portée de tous : « j'ai une nourriture à prendre, que vous ne connaissez pas » adit le Christ à ses disciples ; puis il ajouta : « Jesuis la Voie, la Vérité et la Vie, celui qui me suit ne mourra point ! ».

     Mais, l'esprit de mensonge qui gouverne ce monde, enseigne que nous pouvons atteindre, par nos seules forces, à l'union avec l'Être Vivant quoiqu'en même temps il nous pousse à rechercher les biens illusoires et les honneurs terrestres. Le monde meuble la mémoire de l'homme, dès ses premières perceptions, mais il ne peut l'instruire sur la réalité, car il faut que chaque être s'attache lui-même à l'Esprit de vérité. Dieu se fait connaître à chacun selon son entendement. C'est en s'idéalisant (non en professant un vague idéalisme théorique mais en recherchant le Bien et le Vrai de toutes ses forces et de toute son âme), que l'homme peut concevoir la Divinité. L'esprit humain porte, comme « Celui qui est » sa terre avec lui, aussi la création est continuelle et le renouvellement est ininterrompu : telle est l'action du verbe humain ; mais c'est en étudiant la science divine que le verbe de l'homme transforme tout, en lui et hors de lui, produisant une « nouvelle terre et de nouveaux cieux » : J'ai mis mes paroles dans ta bouche et je t'ai mis ci couvert à l'ombre de ma main, afin d'établir les cieux et de fonder la terre » (Isaïe, XI, 16).

     Pour s'idéaliser, l'homme doit suivre Jésus, son divin modèle, afin d'arriver à embrasser la Vérité, sans être astreint nécessairement à fouiller au fond de toutes les grandes religions, où cette vérité se trouve, mais qu'il faut savoir dégager. Avec le Christ, la voie est tracée nettement et elle ne risque pas de nous égarer : les principes intellectuels et les facultés vivantes de l'âme, mis au contact des paroles de l'Évangile, reconnaissent bientôt la nourriture spirituelle du germe divin qui est en eux, lorsque le désir de s'unir au Créateur l'emporte, dans l'homme, Sur les autres désirs ; mais, constamment, Jésus-Christ est crucifié par les humains ; c'est l'égoïsme, cet horrible cancer, qui triomphe de l'amour, préparant aux hommes d'atroces souffrances : c'est à l'état de cadavre que se trouve, parmi nous, le Sauveur, mais n'est-il pas toujours prêt à ressusciter ?

     Lentement, mais sûrement, les saints préparent le triomphe de l'Amour sur la Colère, et bien sûr le Mal ! Tout est caché dans ce monde inférieur, les Ténèbres revêtent tout, depuis le corps le plus inerte, jusqu'à la plus sublime pensée, mais, après la destruction de cette existence infernale que les humains déterminent sur cette terre, les êtres et les choses se montreront sous leur vrai jour.

     « Sacrifier les autres pour soi ! » telle est la devise du vieux monde qui expire, mais l'idolâtrie s'en va et, avec le règne de l'Évangile, chacun vivra pour tous et tous pour chacun.

     Comme la vie du monde est une génération sans cesse renouvelée - car les germes de l'année qui meurt sont déposés dans la terre et préparent les richesses de l'année qui va naître - de même la Vigne du Père n'est jamais stérile, d'année en année, elle renouvelle ses fruits, sous le fantôme d'être qui nous cache la réalité ; tout existe en même temps dans l'éternité. L'amour nous montre Dieu tout et en tout, toujours bon, parfait et infini, mais ses œuvres sont des sanctuaires qui cachent sa gloire et sa magnificence à tout ce qui se détourne de Lui. Les œuvres du Créateur sont immuables, rien ne peut cesser d'être ; et les chaînes et les remparts n'existent que pour l'homme terrestre relativement à son moi, à son esclavage que seule la Loi Universelle peut faire cesser, en chassant de lui l'égoïsme et toutes ses furies qui sont, sous différentes formes, toujours cet horrible moi.

     La Genèse de Moïse n'est pas seulement l'histoire de la formation du monde, elle est aussi l'exposé des lois éternelles qui procèdent à la création incessante et toujours renouvelée des êtres ; mais les facultés de ce monde, en saisissant le texte des Livres sacrés, nous fournissent des descriptions ridicules, qui nous donnent la mort au lieu de la vie que renferme la Parole divine.

     L'esprit de mensonge expose au monde la beauté, la bonté des morales enfantées par les cerveaux humains, pour les enfants de la terre ; or, on peut juger de leur efficacité par leurs fruits identiques chez tous les peuples. Les hommes terrestres ne connaissent qu'eux et ne vivent que pour eux, contrairement à la loi d'amour ; c'est pour cette raison que la magnificence et la perfection de la création sont invisibles pour eux ; et, plutôt que de modifier et d'élever leur nature inférieure, ils trouvent plus simple de nier les choses divines, quand ce sont eux qui sont morts à elles ; seule la matière qui le voile de la création retient leur attention. Les savants de ce monde reconnaissent bien que tous les corps portent avec eux leur cause productrice, mais c'est la lettre qu'ils ont lue et trop éloignés de la vérité par l'esprit d'erreur qu'ils épousent, ils ne peuvent en saisir le Principe. De partout la vérité est écrite, mais dès que le savant matérialiste s'en empare, sa beauté disparaît, car ses facultés, les instruments dont il se sert sont un don de la nature inférieure, lors de son entrée dans ce monde d'erreur et d'illusion ; alors ces facultés sont incapables de servir à l'homme dans la sphère de l'esprit, sans être dépouillées, au préalable, de leur imperfection.

     Le Christ en venant parmi nous a brisé la porte de notre prison ; il nous a apporté le feu de la vie, mais pour que ce germe prospère, il faut entrer dans les mérites de son immolation ; c'est là le fondement de toute la création, par laquelle tout arrive dans les régions célestes. Jamais l'homme ne sortira de l'erreur s'il ne naît de nouveau en Dieu qui est amour. Toutes les puissances de ce vieux monde nient la Rédemption car c'est le sacrifice du moi, la destruction de la source qui empoisonne l'humanité qu'elle exige. Ce vieux monde est un centre où rien n'existe ; tout son système se réduit à zéro, car pour jouir du Vrai, il faut avoir la Vie, cet arbre mystérieux enlevé à l'homme terrestre à l'Adam primitif au moment de sa chute, Jésus seul peut nous le rendre. Le Christ nous donne sa vie en échange de notre mort, de cet amour de soi, cause de la vie infernale de ce monde qui expire. Dans cette impuissance à saisir la vie par nous-mêmes, on peut voir encore la manifestation de l'amour de Dieu pour les hommes ; sans la divine bonté, de temporaire, cette vie affreuse, que supporte l'humanité, serait devenue éternelle, sans espoir. C'est par l'illusion de notre ordre profane et le néant du moi que le mal prendra fin, dès que nous nous livrerons tels que nous sommes sous la direction du divin Médiateur, en nous détournant des voies fausses et en devenant le sacrificateur de cet encombrant « simulacre d'être », du moi.

     L'homme terrestre, comme l'univers visible, n'est rien, cependant il renferme tout, par la présence en lui du Verbe éternel ; mais ce germe ne peut produire son fruit qu'après la destruction de l'enveloppe, du pépin qui est le moi, par lequel le germe divin est enchaîné : il faut que l'égoïsme meure pour que l'amour triomphe ; alors seulementles chaînes de notre esclavage se brisent et s'ouvre le sépulcre qui enchaîne la vie. C'est pour nous une véritable résurrection par le Verbe, qui nous conduit à la source d'eau vive où se trouve la Réalité et la joie éternelle.
 
 

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