Il y a un jugement terrible prononcé sur l'espèce humaine, et voici ce jugement :
Les hommes ne peuvent pas devenir heureux tant qu'ils ne seront pas sages.
II
Depuis l'homme le plus élevé en dignité jusqu'au plus humble et au plus obscur, le devoir est égal pour tous : corriger et améliorer sa personne, ou se perfectionner soi-même, est la base fondamentale de tout progrès et de tout développement moral.
III
Sache que la science s'obtient en honorant, en interrogeant, en servant les sages; ces sages qui voient la vérité sont ceux qui t'enseigneront la science.
IV
L'homme supérieur ne demande rien qu'à lui-même; l'homme vulgaire et sans mérites demande
tout aux autres.
V
Souviens toi sans cesse que tu es homme, que la nature humaine est fragile, que tu peux succomber, et tu ne succomberas jamais.
VI
Que celui qui veut savoir les secrets sache d'abord garder secrètement les secrets; qu'en scellant, il scelle.
VII
L'homme devrait agir comme s'il pouvait tout et se résigner comme s'il ne pouvait rien.
VIII
Ce ne sont pas les méchants qu'il faut haïr, c'est la méchanceté.
IX
Donner à manger à un seul homme de bien est infiniment plus méritoire que de s'occuper aux questions sur le ciel et la, terre, les esprits et les démons, qui occupent ordinairement les hommes.
X
II faut, vis-à-vis des violents, parler ainsi : je ne veux pas être le chef, mais l'étranger; je n'ose ni monter d'un pouce, ni descendre d'un pied. Ainsi, commander sans paraître commander; ne pas disputer; gagner sans violence. Il faut commencer une chose sans éclat et doucement. Commencer doucement, c'est le mécanisme qui est notre trésor; celui qui agit ainsi est plus fort que les armées. Beaucoup penser donne le succès.
XI
Nous ne pouvons nous flatter d'avoir compris une vérité que lorsqu'il nous est impossible de ne pas y conformer notre vie.
XII
Ce que peut la vertu d'un homme ne doit pas se mesurer par ses efforts, mais par son ordinaire.
XIII
Il faut être droit, et non redressé.
XIV
C'est par le gouvernement et l'éducation de lui-même que l'homme est grand.
XV
Le plus grand bonheur auquel puisse atteindre l'homme sur terre, c'est d'avoir une noble affection au coeur et une puissante occupation de l'esprit.
XVI
Le plus haut phénomène de l'amour, c'est l'intronisation de la paix dans deux âmes. Aimer, c'est s'épanouir en autrui qui s'épanouit en vous.
XVII
Ceux qui vivent dans la même pensée et dans le même amour ne peuvent jamais être séparés.
XVIII
L'amour seul peut enchaîner l'une à l'autre deux âmes libres, et l'homme qui retient captive la femme qui ne l'aime pas attache une vipère sur son coeur.
XIX
La femme symbolique est toute divine parce qu'elle est tout amour; elle n'a pas de responsabilité personnelle; son salut, c'est d'aimer, et elle accompagne celui qu'elle aime soit dans le ciel, soit dans l'enfer.
XX
Partout où les femmes sont honorées, les divinités sont satisfaites ; mais lorsqu'on ne les honore pas, tous les actes pieux sont stériles.
XXI
La femme est une fleur qui ne donne son parfum qu'à l'ombre.
XXII
Les maris doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s'aime lui-même. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux seront une seule chair.
XXIII
Dans toute famille où le mari se plaît avec sa femme et la femme avec son mari, le bonheur est assuré pour jamais.
XXIV
Une femme qui aime la paix donnera le bonheur à sa famille.
XXV
Si un mariage dans l'esprit est chaste et tient de la sainteté du mariage, il est chaste aussi quand il est à son complet dans le corps; et pareillement, si un mariage dans l'esprit est inchaste, il est inchaste aussi dans le corps.
XXVI
L'obscénité est un blasphème contre la vie.
XXVII
Les animaux sont mâles et femelles et s'accouplent au hasard; tout homme qui change de femme est un animal; toute femme qui admet plusieurs hommes est une femelle.
XXVIII
Une famille divisée, c'est une nichée de singes ou de serpents.
X XIX
Quand un être que vous prétendez aimer ne vous aime pas, c'est que vous ne savez pas l'aimer.
XXX
Plus nous exigeons des autres, moins ils nous doivent.
XXXI
Malheur à celui qui est seul, parce qu'étant tombé il n'aura personne pour le relever.
XXXII
Il ne faut point s'attacher aux êtres qui peuvent mourir, mais à leurs qualités immortelles.
XXXIII
Deux esprits peuvent se rencontrer; il n'y a que les coeurs qui se pénètrent.
XXXIV
Celui qui mène l'homme à Dieu, quel que soit le chemin, est la plus noble des créatures. Celui qui éloigne l'homme de Dieu, quel que soit le motif, est la plus infâme des créatures.
XXXV
Pour le salut du monde, je m'en remettrai avec confiance au Créateur du monde, et je m'occuperai un peu de mon propre salut, pour lequel je suis plus compétent.
XXXVI
Tous les vrais hommes qui vivent ou qui ont jamais vécu sont des soldats de la, même armée, enrôlés sous la capitainerie du Ciel, pour livrer bataille au même ennemi, l'empire des Ténèbres et du Mal. Pourquoi nous méconnaîtrions nous l'un l'autre, combattrions nous non contre l'ennemi, mais contre nous-mêmes, pour la simple différence d'uniformes ? Tous les uniformes sont bons, pourvu qu'ils contiennent de vrais vaillants hommes.
XXXVII
On ne se mettrait peut-être jamais en colère contre quelqu'un si on connaissait d'avance le jour où il ne sera plus qu'une poignée de poussière.
XXXVIII
L'homme qui se plaint d'une ingratitude ne doit s'en prendre qu'à lui-même, car il n'a pas su se rendre utile puisqu'il n'a pas su se faire aimer.
XXXIX
Il faut être fou pour discuter avec un fou ; chercher à le convaincre, c'est vouloir blanchir un nègre; on ne persuade jamais ceux qui ne veulent pas être persuadés. Il y a des gens assez naïfs pour croire qu'on va les écouter parce qu'ils diront la vérité, comme si les hommes s'éloignaient de la vérité seulement par ignorance, et non par mauvaise volonté. Toutes les vérités sont connues et dédaignées. La vérité ennuie les hommes; il faut des mensonges pour leur plaire et les amuser. Il faut dire aux fous les mensonges qui leur plaisent et non les vérités qui les irritent.
XL
Quiconque hait son frère est un meurtrier.
XLI
Les hommes mêmes qui passent pour s'occuper spécialement de philosophie, ressemblent presque toujours à ces enfants qui jouent à se proposer entre eux des énigmes, et qui s'empressent de mettre hors du jeu celui qui sait le mot d'avance, de peur
que celui-là ne les empêche de jouer, en ôtant tout son intérêt à l'embarras de leurs questions.
XLII
Pour bien jouir des avantages de la, société, il faut apprendre à vivre seul, et pour n'avoir jamais à se plaindre trop amèrement des hommes, il faut savoir se passer d'eux. Il faut mettre sa joie dans ce qu'on donne et non dans ce qu'on reçoit des autres. Disposé à donner tout, il faut tout accepter, mais il ne faut jamais rien exiger ni attendre.
XLIII
Une chaîne de fer est plus facile à briser qu'une chaîne de fleurs.
XLIV
Conserver sa raison au milieu des fous, sa foi au milieu des superstitions, sa dignité au milieu des caractères amoindris, et son indépendance au milieu des moutons de Panurge, c'est, de tous, le miracle le plus rare, le plus beau et aussi le plus difficile à accomplir.
XLV
Pour être en paix avec tout le monde, il faut cacher sa vie et réserver ses pensées, n'avoir pas trop d'esprit devant les sots, ni trop de raison devant les hommes passionnés; il faut de plus s'armer d'une patience à toute épreuve.
XLVI
Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs.
XLVII
Le plus court chemin pour disposer les hommes au bien est de les attirer par l'exemple de ceux qui les gouvernent.
XLVIII
Si l'on choisit des sages pour gouverner dans le monde, on peut espérer que les peuples seront heureux; si l'on choisit des téméraires ou des imprudents, la ruine des États s'ensuivra infailliblement.
XLIX
C'est une marche fausse que de chercher le bien en faisant le mal. Un système qui veut qu'on fasse souffrir d'autres êtres n'est pas un système religieux.
L
L'humanité n'a qu'un corps et qu'une âme ; elle vit partout où elle se sent travailler et souffrir. Or, un membre qui n'est plus sensible au bien-être ou à la douleur des autres membres est mort et doit être bientôt retranché.
LI
Ce qui n'est pas utile à l'essaim n'est pas utile à l'abeille.