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Le livre du Tabernacle spirituel

CHAPITRE LXXXV



DE LA FIENTE DES VICTIMES.


   En même temps que tout le reste, on devait brûler la fiente des victimes, figure des instincts mauvais et désordonnés, qui sont en nous par nature, ou acquis par l'habitude. II nous faut les immoler en nous-mêmes et en triompher, pour l'honneur de Dieu, si secrètement que personne ne puisse apercevoir notre misère. De cette façon cela même devient matière à offrande pour Dieu. Le lieu pur, où s'accomplit cette offrande, c'est notre conscience, qui doit donc être purifiée par avance de tout péché, devant les yeux de Dieu, par contrition et confession sincère. C'est alors un vrai sacrifice pour le péché.


CHAPITRE LXXXVI


DU DEUXIÈME SACRIFICE.

   Aaron et ses fils amenèrent ensuite un jeune bélier de l'année ; ils lui imposèrent les mains et l'offrirent à Dieu devant la porte du tabernacle. Moïse immola ce bélier versa son sang sur l'autel et mit en pièces toute la chair. Puis les intestins et les pieds ayant été lavés, il les plaça sur la chair coupée et sur la tête, et il offrit la victime en holocauste sur l'autel. Cette offrande faite à Dieu était de la plus agréable odeur qu'on pût lui présenter.

   Voici maintenant comment il faut entendre cette figure : ainsi qu'il a été dit plus haut, nous devons offrir à Dieu notre corps, par la pénitence et en résistant à toute affection désordonnée : de cette façon se fait l'immolation du jeune taureau, c'est-à-dire de la vie animale. Ainsi notre nature devient-elle douce, patiente et innocente comme l'agneau. Revêtus de cette innocence, nous venons devant la porte du tabernacle, c'est-à-dire en présence de Dieu, nous imposant à nous-mêmes les mains, pour marquer la totale liberté de volonté et d'âme, avec laquelle nous souhaitons nous offrir à Dieu tout entiers, comme un holocauste dans le feu de son amour. Alors le Christ, pontife suprême, immolera notre offrande et en versera le sang sur l'autel de Dieu : ce qui veut dire que, par sa vertu et son secours, nous triompherons de notre propre sang et immolerons notre nature, si bien qu'en tous ses dons et en toutes nos pratiques, nous ne recherchions et n'ayons en vue autre chose que de brûler entièrement dans le feu de son amour. Car si nous nous recherchions nous-mêmes, pour y trouver consolation et satisfaction, ce serait vivre selon la nature.

   Voilà pourquoi l'agneau du sacrifice devait être d'un an : tant qu'on poursuit, en effet, sa consolation et son plaisir en autre chose que Dieu seul, on demeure trop jeune et l'on est incapable de s'offrir entièrement à Dieu dans le feu de l'amour.

   D'autre part la victime était un bélier sans tache : ce qui signifie que lorsqu'on est pur de péché mortel et que l'on s'offre à Dieu, avec une âme affranchie, pour brûler entièrement dans son amour, c'est une œuvre virile et une racine féconde d'amour et de toute vertu, sous la motion de Dieu et de notre propre liberté. C'est pourquoi nous devons sans cesse et pour toujours être consumés et renouvelés, sans jamais demeurer oisifs.

   Notre offrande sera encore divisée, comme l'était la victime, car le Christ nous confère et nous fait connaître la diversité dans les exercices intérieurs, de maintes façons. Et lorsque l'intime de notre conscience aura été purifié de tout défaut, ainsi que notre désir de tout désordre, le Christ les joindra aux vertus intérieures, représentées par les pièces de la victime, et à la bonne volonté affranchie, figurée par la tête. Du tout il fera un holocauste, qu'il offrira avec nous au feu de l'amour divin. Ce sera une offrande à Dieu de l'odeur la plus suave qui puisse être.


CHAPITRE LXXXVII


DU TROISIÈME SACRIFICE.


   Nous apprenons encore, de ce qui était figuré dans l'ancienne loi, qu'Aaron et ses fils durent amener de nouveau un bélier devant la porte du tabernacle. C'était par excellence le sacrifice de la consécration, par lequel ils devaient être eux-mêmes consacrés et sanctifiés en vue de l'office sacerdotal. Ils imposèrent les mains sur la tête de la victime et l'offrirent à Dieu : Moïse l'immola et prenant de son sang, il en marqua la partie inférieure de l'oreille droite d'Aaron et de ses fils, ainsi que le pouce de leur main droite et de leur pied droit. Il versa le reste du sang au-dessus et tout autour de l'autel ; puis, ayant divisé le bélier, il en prit toute la graisse intérieure, la queue et les reins, avec les rognons, l'épaule droite et y ajouta trois pains sans levain. Le premier pain était pétri avec de l'huile et cuit au four ; le second cuit à l'eau, puis recuit dans l'huile ; le troisième pétri avec de l'huile et rôti sur un gril, desséché au feu et durci comme un tesson. Moïse remit toutes ces choses ensemble à Aaron et à ses fils, qui les élevèrent dans leurs mains. Puis il plaça sur le tout la poitrine du bélier, pour être élevée vers Dieu avec le reste. Aaron et ses fils tenaient ces choses sous les yeux de Dieu, pour les lui offrir ; puis ils les remirent à Moïse, qui les consuma toutes sur l'autel de Dieu, parce que c'était un sacrifice de consécration.
Puis il prit de l'onguent sacré, dont nous avons parlé plus haut, et du sang qui avait été répandu sur l'autel ; il en aspergea Aaron et ses fils, ainsi que leurs vêtements, et ils furent ainsi sanctifiés. Tout ce qui restait de la chair du bélier fut cuit devant la porte du tabernacle et consommé par eux avec les pains sans levain, qui étaient demeurés dans la corbeille et offerts ainsi à Dieu. Enfin tout ce qui restait de la victime le lendemain fut brûlé dans le feu. Moïse renouvela avec eux ces rites durant six jours et pendant tout ce temps ils gardèrent les vêtements sacrés et ne sortirent pas des parvis du tabernacle.

   C'est donc ainsi que furent consacrés les prêtres, dans l'ancienne loi, selon le commandement qu'en avait donné le Seigneur. Mais, nous l'avons vu, avant de recevoir cette sanctification, ils devaient sacrifier à Dieu un jeune taureau pour leurs péchés et un bélier, et les offrir en holocauste pour l'honneur de Dieu. De même, pour être sanctifiés, ce qui est l'ornement le plus digne pour un prêtre, devons-nous offrir à Dieu, en esprit de pénitence, nos sens et toute notre nature inférieure, renoncer à toute consolation venant du monde et vaincre tout désir désordonné de la chair, comme il a été dit plus haut. C'est l'ornement extérieur des vertus morales. De plus il nous faut offrir en sacrifice à Dieu nos puissances intérieures et notre nature spirituelle, comme un holocauste à consumer dans le feu de son amour. Il y a dès lors pour nous adhésion continuelle à Dieu par amour et possession bienheureuse en unité ; et ainsi pouvons-nous vaincre et dépasser toute satisfaction de créature qui mettrait un obstacle intérieurement entre nous et Dieu. C'est là offrir le bélier immaculé de notre vie intérieure, en odeur d'éternelle suavité.

   Mais il y a encore le bélier de consécration, que nous avons mentionné, et dont il faut expliquer la figure. Lorsque l'amour nous soulève, nous embrasse avec lui en unité et nous pénètre de douceur, il se fait en nous un silence caché de parfaite obéissance et nous nous offrons à Dieu comme un doux agneau, en nous abandonnant nous-mêmes, pour qu'il fasse en nous sa libre volonté, tant ici-bas que dans l'éternité. Vient alors le Christ, souverain prêtre, figuré par Moïse ; il immole notre offrande et il en répand le sang au-dessus de l'autel de Dieu. Cette effusion du sang et cette immolation représentent le dépouillement de notre volonté propre et une continuelle mortification de tout esprit propre en la libre volonté de Dieu, et c'est là le fondement le plus profond et le plus intime de toute sainteté. Notre face intérieure y reçoit la lumière de la vérité, en laquelle Dieu se fait comprendre et où nous devenons dégagés et dépouillés de toute image. Cette lumière nous affranchit et nous donne intérieurement un regard en avant, qui nous fait apercevoir l'attrait de Dieu et nous donne pour lui une telle complaisance, que nous mourons à nous-mêmes en lui et devenons incapables de plus jamais regarder en arrière, dans un sentiment de complaisance personnelle. C'est la mort suprême dont parlent les Écritures, et qui s'accomplissait autrefois d'une façon figurative.

   Voilà pourquoi on devait répandre le sang de ce sacrifice au-dessus de l'autel et tout autour ; tandis que le sang des victimes immolées pour le péché devait être répandu à la base de l'autel, tout près de terre ; ce qui veut dire qu'il nous faut toujours faire pénitence de nos péchés et demeurer abaissés et humiliés jusqu'à terre.

   Le sang des autres victimes, offertes en holocauste, pour l'honneur de Dieu, devait être répandu le long des parois verticales de l'autel, afin de signifier que nous devons toujours nous consumer d'amour et nous tenir debout en l'honneur de Dieu.

   Mais le sang de la consécration, dont nous voulons parler spécialement, était répandu sur la partie supérieure de l'autel ; car, dès que nous mourons à notre amour-propre et que la volonté de Dieu devient la nôtre, nous sommes vraiment les disciples de Dieu et les imitateurs de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et unis à lui, nous devenons affranchis et nous pouvons crier : « Abba, c'est-à-dire Père, nous remettons entre vos mains toutes-puissantes et nous-mêmes et toutes choses. » Lorsque nous devenons ainsi simples et un seul esprit avec Dieu, nous aimons sa justice, nous nous livrons à son bon plaisir et mourons à tout esprit de propriété.

   Alors intervient le Christ, notre pontife suprême ; il prend de ce sang, dont nous avons parlé et, comme Moïse le fit pour Aaron et ses fils, lorsqu'ils reçurent la consécration sacerdotale, il en humecte la partie inférieure de notre oreille droite, ainsi que le pouce droit de la main et du pied, afin de nous sanctifier nous-mêmes. Ce qui signifie que l'amour de Dieu devenant en nous assez puissant pour immoler toute volonté propre et nous attacher au seul vouloir de Dieu, le sang de cette victime, qui est notre volonté immolée, adhère au doigt de Dieu, c'est-à-dire à l'Esprit du Seigneur. Nous en sommes touchés intérieurement du côté droit et cette motion ou touche divine nous sanctifie et nous rend aptes à entendre la vérité qui s'écoule d'en haut, de Dieu même, de la désirer et d'y conformer nos actes.

   Telle est la sanctification spirituelle qui nous est donnée ; et si le reste du sang était répandu par Moïse au-dessus de l'autel et tout autour, c'est que l'offrande ou immolation de notre propre volonté en la volonté divine est tout ce que nous pouvons présenter de plus élevé à Dieu et faire offrir par le Christ de notre part à son Père céleste.


CHAPITRE LXXXVIII


DE LA DIVISION DE L'OFFRANDE.


   Lors donc que chez nous la volonté propre a été ainsi mortifiée, il nous reste à vivre selon la très chère volonté de Dieu ; et c'est ce que nous enseigne encore la figure, où nous avons vu Moïse diviser l'offrande, séparer du bélier toute la graisse intérieure, puis certaines parties, comme la queue, les reins avec le rognon, et l'épaule droite, présenter de plus trois pains sans levain et remettre le tout aux mains d'Aaron et de ses fils. Puis la poitrine du bélier ayant été placée par-dessus l'offrande, celle-ci fut tout entière élevée vers Dieu, et enfin rendue à Moïse pour qu'il en fît un holocauste sur l'autel du Seigneur, parce que c'était un sacrifice de consécration.

   Apprenons de ces diverses figures que les mêmes élé-ments, qui donnent à une vie spirituelle noblesse et liberté, sont pour la vie naturelle cause d'abaissement et d'esclavage. Tout homme, en effet, dont la condition est servile, parce qu'il est né d'une esclave, ne s'appartient pas à lui-même, mais appartient à son maître qui en dispose comme de son bien. De sorte que, par sa naissance même, il est esclave et de condition vile, selon la nature. Mais tout homme juste qui, par amour, se renonce lui-même et abandonne sa volonté propre entre les mains de la volonté de Dieu et de celle de son supérieur, pour l'honneur de Dieu, devient un avec Dieu et avec tous les saints, et sa vie ainsi que ses œuvres naissent de l'Esprit de Dieu. Par le fait même il est noble et affranchi, il possède toutes choses et sa vie est un sacrifice simple et parfait à l'honneur de Dieu.

   De même aussi que Moïse divisa le bélier, qui était offert à Dieu, en trois parties, de même le Christ, qui vit dans l'homme, fait-il trois parts de la vie de l'homme juste : la plus intime et la plus délicate est pour Dieu seul, la seconde part est pour le supérieur et la troisième pour cet homme lui-même, qui est devenu offrande volontaire à Dieu, afin qu'il s'en serve pour sa propre utilité.

   Comprenez bien maintenant que l'homme, qui est devenu ainsi un sacrifice de consécration ou de sanctification, est lui-même voué à Dieu et uni au Christ. Ce qu'il y a de plus intime en lui est brûlé par le Christ sur l'autel des sacrifices, c'est-à-dire dans l'unité même de son cœur.

   C'est là comme une graisse très intime et cachée, qui naît et grandit en l'homme, pour le temps et l'éternité, dès qu'il reçoit de Dieu le témoignage que Dieu est à lui et que lui est à Dieu. Et elle se renouvelle et croît en lui aussi souvent que, par amour, il meurt à lui-même, pour trépasser tout entier en la liberté superessentielle de Dieu. Qu'il en ressente des délices, ou qu'il demeure dans la désolation, peu importe, le feu brûlant de son amour grandit ; et si le Christ ne consumait aussitôt cette graisse intérieure, l'homme se complairait en soi et se croirait de grande sainteté, orgueil spirituel plus redoutable que tout.

   Voyez, lorsque, sous l'action du feu de l'amour, il y a fusion de la graisse intérieure, elle devient comme un onguent pénétrant qui cicatrise et guérit toutes les blessures des péchés. Elle est aussi comme un condiment ou assaisonnement qui donne bon goût à tout ce que l'on doit supporter ou souffrir, pour l'honneur de Dieu, maintenant et à tout jamais. Mais si, chez l'homme parfait, elle devient toute brûlante, la chaleur et la tempête d'amour sont telles, qu'il ne voit plus ni soi, ni Dieu, ni autre chose, ne connaissant plus que l'amour seul, auquel il est uni et qui le pénètre entièrement. La tempête apaisée, il revient à soi dans une calme tranquillité ; les yeux de son intelligence s'éclairent et s'ouvrent si bien, qu'il peut reconnaître les voies parfaites de la vie intérieure : c'est-à-dire la libre montée vers la sublimité divine, jointe à la louange éternelle ; l'humble descente du renoncement à la volonté propre sous l'empire divin ; la sortie vertueuse à la rencontre de tous, pratiquée avec une commune fidélité et générosité, sous l'action des riches libéralités divines ; enfin l'entrée simple, avec l'oubli de toutes choses, dans l'embrassement de l'unité divine. En ces quatre voies, l'homme expérimente la plénitude et la richesse de tous les exercices spirituels. Quant à la richesse sans fond, où ces quatre voies trouvent leur terme comme leur point de départ, nulle créature n'en peut parler, ni la comprendre, ni l'approfondir. Et c'est pourquoi celui qui la ressent se réjouit en tout exercice spirituel et en toute vertu ; et il lui plaît encore davantage de trépasser de lui-même et de toute vertu à cette richesse superessentielle de Dieu qu'il ressent.

   Voyez, ce double appétit de Dieu et de toutes les vertus pénètre l'âme et le corps, et il est naturel et surnaturel. Il est représenté par les reins intérieurs de la victime, que Dieu ordonne de brûler entièrement dans le feu de son amour, ainsi que les rognons, figure des sens et des puissances sensibles avec leurs œuvres, qui doivent toujours adhérer à l'esprit et à ses œuvres. La graisse intérieure qui recouvre les reins, c'est la consolation et la joie, avec le goût abondant de douceur spirituelle, que l'homme ressent et qui le rendent tout brûlant de désir. Lors donc que le Christ touche ce désir ardent et l'attise de sa grâce, la chaleur d'amour devient si grande qu'elle dévore et consume tout ce qui auparavant était aimé et désiré distinctement ; et l'homme devient si simple en amour qu'il ne sait et ne peut que porter et ressentir l'amour.


CHAPITRE LXXXIX


DE LA QUEUE DU BÉLIER.


   Le Seigneur avait ordonné à Moïse, selon la figure, de brûler sur son autel la queue du bélier. De même ordonne-t-il maintenant à tous ceux qui lui sont consacrés de se tourner si parfaitement vers lui, par intention et amour, que tout ce que nature et raison pourraient rechercher et souhaiter dans l'exercice des bonnes œuvres soit entièrement consumé dans le feu de l'amour. De cette façon l'amour pourra prendre en sa richesse et en sa générosité de quoi pratiquer toutes vertus, sans attente de récom-pense quelconque, dans le temps et dans l'éternité, de la même manière qu'une source vive fait jaillir toujours une eau nouvelle, sans retour en arrière, chaque jet poussant l'autre comme provenant du vif de la fontaine.

   De même devons-nous puiser au vif fond d'amour, que nous possédons en Dieu, le moyen d'aimer et de servir Dieu pour Dieu seul, afin de pouvoir le faire éternellement : ce sera brûler la queue du bélier, c'est-à-dire consumer dans le feu de l'amour divin toute autre intention d'action.


CHAPITRE XC


DE L'ÉPAULE DROITE DU BÉLIER ET DES TROIS PAINS.


   Nous savons que chaque prêtre devait offrir à Dieu trois pains sans levain, puis l'épaule droite de la victime, destinée au grand-prêtre, ainsi qu'Aaron avait fait lui-même en figure. Par l'épaule droite nous entendons l'humble obéissance que nous devons au supérieur, comme tenant la place de Dieu. Quant aux trois pains, ils représentent le pain vivant du ciel, qui nous est donné de trois façons, et que nous devons offrir de même à Dieu. Ce pain vivant du ciel, c'est le Fils de Dieu, qui nous est donné pour partager notre nature, pour être notre nourriture dans le sacrement, et pour nous délivrer par sa mort. Le premier pain, le Fils de Dieu dans notre nature, est donné à tous communément ; le second, qui est le sacrement, est pour les justes et nul autre ne peut y goûter ; le troisième pain, celui de la rédemption, est commun à tous les élus et à eux seuls.


CHAPITRE XCI


DU PREMIER PAIN.


   Le premier pain offert par Aaron, selon la figure, était pétri dans l'huile et cuit au four. De même notre premier pain, selon la réalité ; car le Père céleste nous a donné l'huile de sa miséricorde en son Fils, dont le nom est une huile répandue, comme dit l'Épouse au Cantique (1). La pure fleur du froment a été donnée par Marie, et le Saint-Esprit a pétri ensemble l'huile et la fleur de farine, et il a formé et cuit pour nous le pain le plus délicieux qui fût jamais, nourriture des anges et des hommes. Ce pain a été cuit au four, c'est-à-dire préparé au sein de la très pure Vierge Marie, toute brûlante du feu de la charité.



CHAPITRE XCII


DU DEUXIÈME PAIN.


   Le deuxième pain d'Aaron était pétri et cuit dans l'huile. De même le Christ, dans le sacrement de l'autel, a-t-il uni à l'huile la fleur de farine ; car il a trempé sa nature humaine, reçue de Marie, dans l'huile de sa grâce et de sa gloire, et il nous donne chaque jour un pain vivant cuit dans l'huile de sa charité ; et l'inhabitation mutuelle de charité, où tous les fidèles sont unis au Christ dans un embrassement d'amour, c'est le vase plein d'huile, l'embrassement unique d'amour, où est cuit notre pain. Le désir que le Christ a de notre salut et celui que nous avons de sa gloire attisent ensemble le feu, sur lequel s'échauffe l'huile où le pain est cuit. Ce pain, nous devons l'offrir à Dieu tout chaud et tout chaud le manger, car autrement il serait sans goût. C'est aussi ce que faisaient les juifs en figure.


CHAPITRE XCIII


DU TROISIÈME PAIN.


   Le troisième pain offert à Dieu par Aaron était pétri à l'huile, rôti au gril, calciné et desséché comme la croûte, ou comme un tesson. Et tout cela s'est réalisé en Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est notre pain vivant. Car l'huile de la miséricorde était si fortement unie à son humanité, qu'il les offrit ensemble sur le gril de la croix. Le feu de l'amour et de la souffrance était si vif et si brûlant, que notre pain fut calciné et desséché comme un tesson, le corps très digne de Notre-Seigneur demeurant sans une goutte de liquide. C'est là un pain céleste de si grande douceur, que nous devrions mettre notre gloire, par-dessus toutes choses, en l'amour et l'obéissance qui ont cuit et rôti ce pain.

   Nous devons donc méditer amoureusement sur ces trois pains et les offrir à Dieu ; et ainsi seront-ils notre nourriture spirituelle et notre vie, comme les juifs nous l'ont appris d'une façon figurative. Car ils prenaient trois pains dans la corbeille pleine et les offraient en holocauste, tous les autres leur restant comme nourriture.

   Nos pains, comme ceux des juifs, sont azymes et non fermentés. Car en la naissance, la vie et la mort de Notre-Seigneur, nous ne trouvons que simple et humble résignation, plus que nous ne pouvons imaginer ni comprendre, la réalité répondant parfaitement à la figure.

   Lorsque à l'origine de la synagogue et de la loi juive, le bélier de consécration fut offert à Dieu avec les trois pains, Aaron fut consacré avec ses fils par Moïse son frère, qui était chef suprême de ce temps et ministre de Dieu comme pontife des juifs. De même au commencement de l'Église et de la loi chrétienne, lorsque furent offertes à Dieu les vertus, que représentaient les figures de l'ancienne loi, les apôtres reçurent la consécration de Jésus-Christ leur frère, chef et pontife du monde entier, toute puissance lui ayant été donnée au ciel et sur la terre, et pour l'éternité.

   Or, tout prêtre qui, s'étant renoncé lui-même et offert à Dieu, porte en son cœur avec dévotion les mystères de la naissance, de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur, est consacré à Dieu et uni au Christ, appelé et élu comme Aaron ; car avec le Christ, il est mort en Dieu et ressuscité. Et c'est pourquoi il vit de Dieu, né à nouveau de l'Esprit-Saint, et le Christ lui donne sa puissance, pour qu'avec lui il porte les péchés du monde et en obtienne le pardon. Et le Christ lui met sur les mains l'offrande, par laquelle il est consacré à Dieu, lui faisant sentir et comprendre qu'il n'appartient plus à lui-même, mais qu'il est pour Dieu une offrande éternelle. Par la puissance de Notre-Seigneur, qui est en lui, le prêtre s'élève, recherche et goûte les choses éternelles, et il se donne à nouveau aux mains de Notre-Seigneur Jésus-Christ car, sans le Christ, aucune offrande n'est agréable au Père céleste. Et le Christ reçoit l'offrande, et il la consume, en union avec lui, dans le feu de l'amour divin.

   Telle est la leçon que nous tirons de la figure car les offrandes du bélier de consécration présentées à Dieu par Aaron et ses fils, les premiers prêtres de la loi ancienne, furent reçues par Moïse, figure du Christ, et Moïse les leur remit entre les mains. Par là il leur conférait la puissance, au-dessus de tous, de recevoir les offrandes du peuple, de les présenter à Dieu et aussi d'en vivre. Ainsi étaient-ils, pour les sacrifices et les prières, des intermédiaires entre Dieu et son peuple. Ils élevaient les offrandes devant Dieu, puis les rendaient à Moïse, qui les consumait sur l'autel des sacrifices, en l'honneur de Dieu.


CHAPITRE XCIV


DE LA POITRINE DU BÉLIER, APPELÉE DE L'ÉLÉVATION.


   Alors qu'Aaron élevait l'offrande, remarquons que Moïse la faisait surmonter de la poitrine du bélier, appelée pour cela la poitrine de l'élévation. C'est pour nous le signe que le cœur de tout prêtre, qui monte vers Dieu, au-dessus de toute chose, est rempli de la sagesse divine ; car ce que nous pouvons offrir à Dieu de plus élevé et de plus noble, pour être tout entiers consumés dans son amour, c'est un cœur haut et libre, où règne la sagesse de Dieu.

   Voyez aussi comment Moïse fit cette consécration, comme pontife, au nom de Dieu, ayant ainsi droit à l'épaule et à la poitrine de la victime, droit qu'il transmit à Aaron et à ses fils. Mais, comme il s'agissait du sacrifice de leur consécration, ils ne pouvaient le conserver, mais devaient le remettre à Moïse, pour qu'il l'offrît tout entier en holocauste, en l'honneur de Dieu. Nous apprenons en cela que toute puissance, tout honneur et toute sainteté viennent premièrement de Dieu, par l'intermédiaire du Christ et des hauts ministres de la sainte Église. C'est pourquoi le Christ, prince suprême, disait que sa doctrine n'était pas la sienne, mais la doctrine de celui qui l'avait envoyé. Et aussi pria-t-il son Père de sanctifier ses disciples, alors qu'il était Dieu lui-même et possédait toute puissance. Il voulait ainsi que ceux qui sont élevés en dignité dans l'Église, n'en tirent ni complaisance ni orgueil.


CHAPITRE XCV


DE L'ASPERSION DES PRÊTRES ET DE LEURS
VÊTEMENTS AVEC LE SANG DES VICTIMES.


   C'est pourquoi aussitôt après, Moïse prit le sang de la victime, versé sur l'autel et l'huile sainte, dont j'ai parlé plus haut ; il en aspergea Aaron, ses fils et leurs vêtements, et de cette façon ils furent consacrés et sanctifiés en la présence de Dieu.

   La réalisation de cette figure s'aperçoit en tout bon prêtre qui, renonçant à sa volonté, a immolé à Dieu son propre sang sur l'autel. Là intervient le Christ, notre pontife suprême, qui prend pour l'unir à ses mérites et à son sang précieux, figurés par le chrême et l'huile, la volonté immolée, tel le sang de la victime, en y ajoutant l'eau de sa grâce et les mérites multiples de tous les saints. Il en asperge la vie intérieure du prêtre, en sorte que les vêtements de ses bonnes œuvres en soient tout pénétrés. Car le prêtre vertueux est un instrument vivant et docile de Dieu, et la sainteté intérieure qu'il reçoit de lui le pénètre et se manifeste dans ses paroles et ses œuvres, et dans toute sa conduite, afin qu'à son contact chacun devienne meilleur. La sainteté du prêtre, en effet, ne doit pas seulement l'embraser intérieurement, elle doit aussi briller à l'extérieur. C'est pourquoi le Seigneur ordonne que les prêtres demeurent dans le tabernacle et dans le parvis, c'est-à-dire dans les saintes pratiques, jointes à la bonne tenue extérieure. Le Seigneur avait aussi ordonné de cuire tout ce qui restait de la chair du bélier et de la manger avec des pains azymes, devant les portes du tabernacle ; s'il en restait encore le lendemain, on devait le brûler.

   Par là nous apprenons que le bon prêtre, qui s'est offert à Dieu, est toujours docile dans l'accomplissement des bonnes œuvres et prêt à tout souffrir en vue de la gloire de Dieu. Car il porte en lui un désir ardent de pratiquer toute justice et, dans ce feu ardent sont apprêtées toutes les bonnes œuvres, dont il fait sa nourriture pour la vie éternelle. Il y ajoute le pain azyme, c'est-à-dire la vie humble de Notre-Seigneur Jésus-Christ et son entière obéissance jusqu'à la mort. C'est ainsi qu'il prend sa nourriture devant la présence divine. Quant aux bonnes œuvres qu'il ne peut accomplir ni par lui-même, ni par les autres, nonobstant son ardent désir, il les saisira pour les brûler dans sa bonne volonté. Là chaque nouvelle motion divine est comme un jour nouveau avec de nouveaux sacrifices. Nous devons, en effet, changer et renouveler le sacrifice des vertus pendant sept jours, c'est-à-dire autant que nous vivons ; mais nous devons garder les saints vêtements des vertus jusqu'au huitième jour, c'est-à-dire jusqu'au jour de notre béatitude, où nous montons au ciel.

   En agissant ainsi, nous accomplissons, dans la réalité et la vraie sainteté, la figure juive que Dieu lui-même avait ordonnée à Moïse et selon laquelle les prêtres de l'ancienne loi furent consacrés et sanctifiés.


CHAPITRE XCVI


DU SACRIFICE QUE LE PRÊTRE OFFRE
POUR LUI-MÊME.


   Ensuite la figure nous enseigne quels sacrifices les prêtres offraient pour le peuple juif ; et ainsi apprenons-nous quel est celui que nos prêtres doivent offrir pour le peuple chrétien et pour le monde entier.

   Quand les sept jours furent passés et que la consécration d'Aaron et de ses fils fut achevée, le huitième jour, Moïse réunit les anciens du peuple et décida de célébrer une fête, où les prêtres consacrés devaient commencer à offrir le sacrifice pour eux-mêmes et pour tout le peuple. Car jusque-là Moïse lui-même avait fait le sacrifice, tandis que Aaron et ses fils le lui présentaient. Lors donc que le peuple fut réuni, Aaron prit un jeune taureau, qu'il immola et offrit pour ses péchés ; en agissant ainsi, il faisait en toutes manières comme Moïse avait coutume de faire, lorsqu'il accomplissait son ministère de la part de Dieu, en immolant le jeune taureau pour le péché, ainsi que je l'ai dit. Ensuite Aaron offrit un chevreau sans tache en holocauste à la gloire de Dieu, en se servant encore du même rite dont j'ai parlé plus haut et que je vous ai expliqué ; quelques saints, en effet, que soient les prêtres, ils doivent toujours se reconnaître et s'avouer pécheurs et infirmes, et vivre en esprit de pénitence. Ils doivent aussi brûler d'amour de Dieu et être pleins de zèle pour les exercices de sainteté. Et c'est là ce que signifie la figure précédente.


CHAPITRE XCVII


DES CINQ SACRIFICES OFFERTS POUR LE PEUPLE.


   Puis Moïse ordonna d'enlever de l'autel tout le feu dont on s'était servi jusqu'à ce jour, parce que Dieu devait se manifester dans sa gloire. Ensuite Aaron prit cinq victimes (selon que l'indique le Maître dans son histoire (2) et que le marque le texte sacré, encore qu'il ne parle ici que de trois victimes) et ces offrandes étaient fournies aux frais de tout le peuple. La première victime était un jeune taureau offert pour les péchés de tous ; la deuxième, un bouc, pour les péchés du chef du peuple ; la troisième, un agneau pour les péchés de chaque âme, c'est-à-dire de chaque membre de la nation ; la quatrième, un taureau offert en holocauste ; la cinquième, un chevreau, pour faire régner en toutes choses la paix et la concorde entre Dieu et son peuple. Ainsi nous voyons en cette figure ce que nous devons à Dieu, à nos supérieurs, à nous-mêmes et à notre prochain.

   La racine et le principe de toutes les vertus, c'est la connaissance de nous-mêmes. C'est pourquoi nous devons nous reconnaître toujours pécheurs et infirmes et, en mettant à mort et dominant la chair et le sang, nous offrir à Dieu par la pénitence. Lorsque la synagogue des juifs offrait à Dieu, à frais communs, un jeune taureau pour tous leurs péchés, c'était suffisant pour tous ; car chacun n'eût pas été capable de se procurer un jeune taureau, pas plus qu'on n'eût pu les consumer tous. C'est de même que la sainte Église offre maintenant à Dieu une vie pénitente et mortifiée vis-à-vis du péché, et tous, sans exception, y sont obligés, pape et évêques, moines et clercs, savants et ignorants ; car quiconque vit sans faire pénitence et sans mortifier sa nature, n'est pas un membre vivant de la sainte Église. Et comme le sacrifice pour les péchés était offert pour toute la multitude, et appartenait aux prêtres et à tout le peuple, à cause de la dignité du pontife et des prêtres, Aaron porta le sang de la victime commune dans le tabernacle, y trempa le doigt et en aspergea sept fois les rideaux en la présence divine. De ce sang il enduisit les quatre cornes de l'autel d'or, afin que le sang de la victime commune pût obtenir le pardon pour les péchés du peuple : de la même manière la pénitence commune de la sainte Église possède un grand pouvoir auprès de Dieu.

   Quant à la graisse, la chair, la peau et les excréments, nous devons les offrir en holocauste de la façon que je vous ai dite et expliquée plus haut.


CHAPITRE XCVIII


DU DEUXIÈME SACRIFICE OFFERT POUR LE PEUPLE.


   Le deuxième sacrifice était celui d'un bouc offert pour les péchés du prince. Aaron l'accomplit, puis il trempa le doigt dans le sang de la victime et il en marqua les cornes de l'autel des holocaustes. Enfin il répandit le reste du sang à la base de l'autel : si son vêtement en était souillé, il devait le laver, ou bien le purifier par le feu. Toute la chair lui appartenait comme étant sacrée et personne d'autre n'en pouvait manger que les seuls prêtres consacrés, et au jour même : ce qui en restait au lendemain devait être brûlé.

Au sens spirituel, c'est la volonté libre qui, à la manière d'un prince, commande toute notre vie et toutes nos œuvres. Si donc nous avons commis le péché mortel avec une volonté libre et par ignorance, comme dit la lettre du texte (3) - car tout péché rend aveugle - dès que nous nous trouvons et reconnaissons coupables de ce péché, nous devons offrir à Dieu un bouc. Cet animal est ardent, impur, fétide, et il porte une longue barbe : sa fougue lui donne une vue perçante et pénétrante. De même notre homme intérieur, lorsqu'il a été infidèle à Dieu et à lui-même, doit-il devenir un objet de mépris et de dégoût à nos propres yeux ; puis avec la même ardeur et le même empressement que nous avons apportés au péché, nous devons, parla grâce de Dieu et notre bonne volonté, nous exciter intérieurement au service de Dieu et aux bonnes œuvres.

    Animés de ces sentiments ardents, nous nous présenterons devant Dieu et devant le prêtre, qui tient sa place, et sortant librement de nous-mêmes, nous nous offrirons     entre les mains du prêtre, disposés à faire et à supporter     tout ce qui est utile à notre salut. Et dans cette mort et cet     abandon de nous-mêmes, le prêtre trouvera le moyen de     tremper le doigt dans notre sang et d'en asperger les
    cornes de notre autel ; car c'est alors que notre pénitence est sanctifiée et devient comme un sacrifice devant Dieu. Le sang du bouc, fraîchement répandu et encore chaud, a la vertu de dissoudre le diamant, cette petite     pierre dure qu'aucune autre force ne peut briser ni amollir :     or, de même, lorsque le pécheur reconnaît et confesse ses     péchés, en se remettant volontiers et spontanément aux     mains de Dieu et de son prêtre, celui-ci trempe le doigt     dans le sang chaud et fraîchement répandu, pour en amollir     le diamant, qui est le jugement de la justice divine. Dieu     alors se laisse fléchir et change en miséricorde ce jugement, que rien n'eût pu briser ni adoucir.

   Le reste du sang sera répandu par le prêtre à la base de l'autel, ce qui signifie que l'homme, en toute sa vie, doit obéir et se soumettre à la sainte Église. L'homme intérieur doit se faire remarquer par la discrétion et la prudence en toutes les vertus, et il aura, comme le bouc, une vue claire et perçante, qu'il portera, moyennant son amour et ses désirs ardents, vers les choses divines. Toutes les délices intérieures, figurées par la graisse de la victime, doivent être offertes à Dieu en holocauste, comme je vous l'ai dit et expliqué plus haut. Si toutefois, au cours du sacrifice, le vêtement du prêtre était souillé de notre sang, du fait que par ignorance il nous imposât une pénitence trop minime ou trop considérable, ou bien qu'à l'égard du pénitent il restât en défaut de quelque autre manière, l'eau de la grâce divine, moyennant sa bonne volonté, laverait cette tache, de même que le feu de son amour pour Dieu et son désir de notre salut enlèveraient ces souillures du vêtement de ses bonnes œuvres. Toute la chair du sacrifice lui appartient, car celui qui aide le pécheur à se convertir le gagne pour Dieu, comme dit le Seigneur (4). Et de cette chair personne ne peut manger si ce n'est les prêtres, qui seuls ont le pouvoir de lier et de délier le pécheur au nom de Dieu, en vertu du mandat reçu de Dieu et de la sainte Église. Tout ce qui reste de la chair jusqu'au lendemain, doit être brûlé, c'est-à-dire que, si le prêtre aide et corrige le pécheur selon son pouvoir et comme il l'entend, et s'il reste quelque chose, il doit le confier au feu, c'est-à-dire à l'amour divin. Alors il demeurera libre de cœur et sans inquiétude. Ceci lui permettra d'offrir de nouveaux sacrifices, toutes les fois que Dieu lui envoie un pécheur, et d'aider et de corriger selon son pouvoir tous ceux qui lui sont confiés.

   De cette manière le bouc est immolé et offert à Dieu pour les péchés, qui ont été commis volontairement, mais par ignorance aveugle.


CHAPITRE XCIX


DU TROISIÈME SACRIFICE OFFERT POUR LE PEUPLE.


   Ensuite la synagogue offrait un agneau pour les péchés des âmes, car selon la loi divine, cet agneau était dû pour chaque âme pécheresse, à moins qu'on ne fût assez riche pour se procurer une chèvre. Pour remplacer ce sacrifice, la sainte Église offre la mortification des sens et de la nature, à laquelle tous nous sommes tenus, étant tous pécheurs. Voulons-nous offrir à Dieu ce qui tient lieu d'un agneau, il nous faut alors être simples et dociles, écouter la voix de notre Mère la sainte Église, qui nous appelle à la pénitence et veut nous nourrir de son lait, c'est-à-dire des sacrements, de la foi et de la sainte Écriture. Si nous goûtons ce lait, nous reconnaissons la voix de notre Mère, parmi tous ceux qui cherchent à nous tromper ; elle aussi saura reconnaître notre voix parmi tous les agneaux qui, en s'écartant de la loi de Dieu et de la sainte Église, ne lui appartiennent pas. Ainsi pouvons-nous de même offrir, pour nos péchés, ce qui est représenté par la chèvre, c'est-à-dire une âme aimante, brûlante de zèle pour Dieu et pour toutes les vertus : car c'est dans la mesure et selon le mode de son péché que chacun doit faire pénitence. Que la partie raisonnable de notre âme méprise donc et foule aux pieds les désirs désordonnés des sens, car si nous vivons selon la chair, nous mourrons, comme dit l'Apôtre, mais si par l'esprit nous mortifions les œuvres de la chair, nous vivrons (5). Et le Seigneur dit lui-même : « Celui qui aime son âme la perdra (6) » c'est-à-dire que celui qui aime sa vie selon les désirs de la chair et des sens, la perdra dans le tourment éternel de l'enfer. Celui, au contraire, qui vit dans la pénitence et maîtrise tout désir désordonné, en n'accordant rien à la chair, garde son âme pour la vie éternelle.

   Toute la graisse de la victime, c'est-à-dire toutes les consolations et délices que Dieu nous accorde, et que la pratique des vertus produit en nous, doivent servir d'holocauste, que nous devons consumer de nouveau dans l'amour divin, ainsi qu'on l'a montré plus haut. Quant au prêtre, qui nous a acquis et offerts à Dieu, et qui, pour la pénitence, est l'intermédiaire entre nous et Dieu, notre chair lui appartient. Cela signifie que nous devons nous abandonner à lui et faire pénitence comme il voudra et jugera bon ; de même les bonnes œuvres qu'il a obtenues en nous, au moyen de la grâce divine, lui seront un aliment de vie, dont il se réjouira dans le temps et dans l'éternité.


CHAPITRE C


DU SACRIFICE DES PAUVRES.


   Vous devez savoir que si, dans la loi ancienne, le pécheur était si pauvre qu'il ne pouvait se procurer ni chèvre ni agneau, il devait offrir pour ses péchés deux tourterelles ou deux jeunes colombes. Nous pouvons aussi faire quelque chose de semblable : lorsque notre nature sensible lutte contre l'esprit et lui est contraire, nous ne sommes plus capables de nous offrir à Dieu avec la patience, la simplicité et l'ardent désir pour Dieu qu'il faudrait ; et ainsi sommes-nous pauvres et sans pouvoir sur notre sensibilité. Cette pauvreté provient parfois de la négligence dans la conduite, ou encore de vieilles habitudes de péché ; parfois aussi de grandes tentations de l'ennemi ou d'un penchant impur inné, que certains ont par nature. Celui qui sent en lui la violence de cet aiguillon doit fuir autant que possible le monde, éviter toute occasion prochaine de péché, et par-dessus tout les pensées mauvaises et les images impures, qui surgissent en lui. Car la femme, Ève, figure du désir sensible, tient en main la pomme qu'elle présente à Adam, c'est-à-dire à la partie raisonnable : mais la servante reçoit-elle licence de régner, c'est la femme libre qui est opprimée. C'est pourquoi ceux dont nous venons de parler doivent fuir à l'intérieur et chercher les tourterelles sur les cimes des montagnes dans le désert, là où elles ont coutume d'habiter : car pour trouver et prendre des tourterelles, il faut s'élever sur les hautes montagnes, au-dessus de tous les cieux, jusqu'en présence de Dieu. C'est là le désert où demeurent les saints solitaires, qui ont abandonné toute chose pour suivre Dieu jusqu'à la plus haute perfection possible. La première tourterelle est un regard raisonnable éclairé par Dieu et un amour de toute justice ; la seconde, un regard sans images et la consommation dans l'unité par le feu de l'amour. Ces deux tourterelles sont offertes à Dieu et au prêtre, qui tient sa place : la première est pour les péchés de l'âme, la seconde est un sacrifice pour le salut offert en holocauste à la gloire de Dieu.

   De la première tourterelle, qui est offerte pour les péchés, le prêtre brisera le cou et les ailes ; cependant il n'en arrachera pas la tête, mais il l'inclinera en arrière pour la poser sous les ailes brisées. À la fracture du cou il déchirera de ses ongles la peau pour en faire jaillir le sang sur les parois de l'autel. Le reste du sang sera répandu à la base de l'autel, parce que c'est un sacrifice pour le péché. Les plumes et le jabot seront jetés du côté de l'orient, avec les cendres prises de l'autel. Quant à la chair, elle appartient au prêtre, parce qu'il doit prier pour les péchés de l'âme. Mais la manière d'offrir l'autre tourterelle ne se trouve pas décrite ; aussi bien la manière dont l'esprit contemplatif devient un avec Dieu, dans le feu de l'amour, dépasse la raison ; on ne peut l'exprimer ni la décrire.

   La tourterelle offerte pour les péchés aura donc le cou brisé, comme nous l'apprennent et la loi juive et saint Paul lui-même. Car, lorsqu'il fut ravi jusqu'aux cimes des montagnes célestes, dans le paradis vivant, en la présence de Dieu, il y saisit ces deux tourterelles, c'est-à-dire la contemplation sans images, avec la consommation dans le feu de l'amour, et l'illumination de la raison, avec l'amour de toute justice. Néanmoins il fut encore fortement tenté par la chair et par l'ennemi. Cette expérience lui faisait reconnaître sa petitesse et sa pauvreté, comme il l'écrit aux Romains : « Le bien que je veux, je ne le fais pas ; mais le mal que je ne veux pas, je le commets (7). » Et il ajoute : « Lorsque je me délecte dans la loi divine, selon l'homme intérieur, j'aperçois dans ma chair une autre loi qui combat la loi de la raison supérieure et me retient captif dans la loi du péché, laquelle règne dans mes membres. C'est ainsi que je sers la loi divine, selon l'homme intérieur, et la loi du péché, selon la chair. Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce divine par Notre-Seigneur Jésus-Christ (8). »

   Voyez comment alors le saint Apôtre n'avait pas la maîtrise de son corps, impuissant qu'il était à détruire et à mettre en fuite les inclinations désordonnées de la chair. Il s'avouait donc pauvre et, se présentant devant Dieu et devant la sainte Église, il confessait avec gémissements son impuissance à offrir sa nature sensible comme un agneau immaculé, ou comme la chèvre, qui figurait l'affection ardente pour Dieu. Il était donc pauvre, mais malgré lui, car volontiers il eût offert le sacrifice des riches. Aussi ne voulant pas offrir de tourterelles, il pria le Seigneur de le délivrer de ses tentations. Le Seigneur répondit que sa grâce lui suffisait, parce que c'est dans l'infirmité de la tentation que la vertu s'achève. Dès qu'il entendit cette parole, il offrit ses deux tourterelles en s'abandonnant entre les mains du Seigneur. Il se fit volontairement pauvre et, par la soumission de ses désirs, il inclina le cou de ses tourterelles sous la main de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la sainte Église. Le Christ alors brisa le cou et les ailes des tourterelles, de sorte que l'Apôtre devint comme impuissant à souhaiter autre chose que la volonté divine, ou à prendre son vol vers un objet choisi par lui. Le Christ posa aussi la tête, c'est-à-dire la volonté mortifiée et devenue comme impuissante, sous les ailes brisées, et la tourterelle était toute prête à être rôtie, ce qui fit dire au saint Apôtre : « C'est maintenant que je me glorifie volontiers dans mes infirmités, afin que la vertu du Christ habite en moi (9). »

   De fait, les tourterelles chantent aussi bien la nuit que le jour ; de même les pauvres volontaires se réjouissent également dans les ténèbres et dans la lumière, c'est-à-dire dans la joie et dans la douleur, dans la prospérité et dans l'adversité, et dans toutes les choses que Dieu leur envoie. Et parce qu'on offre les tourterelles joyeusement dans le feu de l'amour, le Christ vient déchirer la peau du cou à l'endroit de la fracture et asperge du sang les parois de l'autel ; mais, parce que ce sang est répandu pour les péchés, il doit descendre aussi jusqu'à la base de l'autel. Les plumes, qui ornent la tourterelle, sont les bonnes œuvres, et le jabot, par lequel elle se nourrit, les dons divins. Ensemble ils sont offerts en sacrifice à Dieu, et on doit les jeter du côté de l'orient, avec les restes, c'est-à-dire les cendres sorties de l'autel de Dieu. C'est au prêtre qui, au nom du Christ, offre le sacrifice, que revient la chair, afin qu'il prie pour les péchés des âmes. En effet, de même que les prêtres juifs se nourrissaient corporellement du sacrifice extérieur de la synagogue, de même les bons prêtres aujourd'hui sont nourris spirituellement du sacrifice intérieur de la sainte Église. La synagogue offrait des taureaux, des chèvres, des brebis et des colombes, par l'intermédiaire des prêtres, qui les recevaient pour les offrir à Dieu ; la sainte Église offre son tour la pénitence, la dévotion intérieure, l'innocence, l'abstinence, le mépris du monde, l'amour et la justice, par le ministère des prêtres qui, au nom du Christ, sont les intermédiaires entre Dieu et son peuple : tel est l'aliment spirituel des prêtres de la nouvelle alliance. Car, bien que dans la sainte Église et dans le parvis céleste, tous les hommes de bien et chacun en particulier offrent à Dieu et lui servent ses propres mets, cependant la charge de présenter au Roi céleste tous ces mets, revient au prêtre, dont la fonction n'admet pas d'intermédiaire entre lui et Dieu ; c'est à lui, au contraire, de faire œuvre d'intermédiaire entre Dieu et tous les fidèles, au moyen de ses offrandes. Le prêtre, en effet, offre Jésus-Christ, l'agneau innocent, humble, obéissant et patient, qui a souffert, qui a versé son sang et qui est mort par amour, pour effacer les péchés du monde. Or, ce sacrifice réunit en soi toute la vie de la sainte Église, et au-dessus de ce sacrifice il n'y a rien que Dieu, car le Christ est Dieu avec Dieu, et avec tous les siens il vit de Dieu et retourne vers Dieu. Lors donc que nous faisons de cette offrande un sacrifice pour les péchés, tous les dons, toutes les vertus et toute la sainteté sont renouvelés, et chacun reçoit ce qui lui revient. Si, au contraire, nous en faisons un holocauste, c'est-à-dire une hostie pour le salut, nous devons tout brûler, le feu de l'amour étant alors si simple et si intense, que rien ne lui échappe, mais que tout est dévoré et consumé par lui dans l'unité.

   L'oblation de ce sacrifice est pour les bons prêtres vie et nourriture intérieure ; et il embrasse tous ceux qui plaisent à Dieu, tandis que ceux qui n'entrent pas dans ce sacrifice restent en dehors de la grâce divine. Que chacun donc s'éprouve soi-même et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice (10), car quiconque offre ce sacrifice de façon purement extérieure ou mange et boit sans goût intérieur, n'atteint pas non plus à la réalité.


CHAPITRE CI


DES DEUX JEUNES COLOMBES.


   Songeant à toutes les conditions diverses, j'ai dû prévoir encore que nombre de pécheurs, tout en reconnaissant leurs péchés, seraient trop pauvres pour offrir à Dieu une chèvre ou une brebis, ainsi que je vous l'ai dit. D'autre part, on ne trouve que peu de tourterelles dans ces contrées, c'est-à-dire que beaucoup d'hommes subissent de fortes tentations de la chair et de l'ennemi, et bien qu'ils soient de bonne volonté, ils ne peuvent gravir les hauteurs désertes du ciel, où l'on prend ces oiseaux. Aussi la loi divine leur permet-elle d'offrir deux colombes, l'une pour les péchés, l'autre en holocauste à la gloire divine. La première colombe que l'on doit offrir pour les péchés, signifie le mépris et la haine du mal ; l'autre le désir et l'amour des vertus. Ces deux colombes doivent être d'intention simple et pure envers Dieu, patientes dans la souffrance, et sans fiel, c'est-à-dire ne voulant ni blesser ni affliger personne. Lorsqu'elles s'envolent aux champs avec la multitude des autres, elles doivent choisir les bons grains pour s'en nourrir, c'est-à-dire que les pécheurs pauvres doivent toujours vivre en compagnie des hommes de vertu, dont ils peuvent entendre ou voir quelque bien apte à les corriger.

   Les colombes se tiennent près des rivières et des eaux limpides, afin que, si quelque oiseau de proie descendait pour les prendre et les dévorer, elles apercevraient son image dans l'eau et pourraient se mettre à l'abri. Cette eau limpide, c'est la sainte Écriture, la vie des saints et la grâce divine, où nous devons nous mirer, lorsque nous sommes tentés personne alors ne pourra nous nuire.

   Les colombes sont d'une nature ardente et prolifique ; de même, chaque fois que pour l'honneur divin et notre salut nous considérons le péché avec indignation et haine, et la vertu avec amour, nous produisons des vertus nouvelles. Nous devons offrir les deux colombes aux mains du prêtre pour être immolées, comme il a été ordonné dans la loi divine mais pour faire cette offrande, il faut être pauvre. Or, ceux qui préfèrent leur bon plaisir et leur volonté propre à la volonté de leur supérieur ne sont pas des pauvres volontaires. Ils sont incapables encore d'abandonner complètement le péché, car ils en aiment la racine, c'est-à-dire leur volonté propre, à laquelle ils devraient renoncer à bon droit. Telle fut la cause de la chute de l'ange au ciel et de l'homme au paradis ; et c'est encore la volonté propre qui cause la chute de tous ceux qui défaillent : il leur manque, en effet, la première colombe, qui devait être offerte pour les péchés. Car, au lieu d'être doux et sans fiel, ils sont mauvais, récalcitrants et remplis intérieurement d'amertume et de venin, au point de se perdre eux-mêmes et de nuire parfois aux autres.

   La seconde colombe est la pratique de l'amour divin au-dessus des autres vertus, qui découlent toutes de cet amour. C'est pourquoi il nous est bon d'être offerts à Dieu par les mains du prêtre, afin qu'il nous brise le cou de l'orgueil et les ailes de l'énergie propre ; de façon que nous soyons à lui et à Dieu, tandis que les plumes et le jabot, qui signifient les œuvres et la vie, soient offertes à Dieu. Le prêtre doit déchirer le cou de la colombe, et cette effusion de sang signifie que, soumis à un supérieur, nous renonçons pour la gloire de Dieu et la rémission de tous nos péchés, à tout ce qui est personnel.

   Nous devons aussi nous appliquer à Dieu, plus par la charité que par les autres vertus, pour devenir devant Dieu un sacrifice de salut, et de même, par l'oubli fréquent de nous-mêmes, un holocauste d'amour. Telle est l'offrande de la seconde colombe.


CHAPITRE CII


D'UN AUTRE SACRIFICE QUE PEUVENT OFFRIR LES PAUVRES.


   Ceux qui étaient si pauvres, disait la loi, qu'ils ne pouvaient même pas se procurer des colombes, devaient offrir, pour les péchés, la dixième partie d'un ephi de farine (11). L'ephi est une mesure qui contient trois muids, chaque muid étant de vingt-deux setiers, et chaque setier de deux livres, ce qui fait en tout cent trente-deux livres. La dixième partie équivaut donc à treize livres et deux dixièmes.

   Comprenez maintenant ce que cette figure nous enseigne. L'ephi, la grande mesure, contient trois muids, et chaque muid a vingt-deux setiers, ce qui fait quelque chose de complet ; car modius peut signifier un mode achevé et parfait. Lorsque Dieu créa le ciel et la terre, il accomplit vingt-deux œuvres distinctes, en six jours, après quoi toutes choses étaient parfaites. L'on compte encore vingt-deux générations depuis Adam jusqu'au patriarche Jacob, l'ancêtre de tout le peuple d'Israël. L'Ancien Testament comprend aussi vingt-deux livres jusqu'à Esther, et c'est en vingt-deux caractères que toutes les saintes Écritures sont contenues. C'est enfin à cause de la dignité de ce nombre et de la dignité de la Loi que Moïse composa ses muids de vingt-deux setiers : et c'est en trois muids, c'est-à-dire en trois modes parfaits que, depuis le commencement du monde jusqu'à la fin, toute la loi a été comprise.

   Le premier mode fut inauguré par Adam : c'était la loi de nature, parfaite en elle-même. Le deuxième mode, inauguré par Moïse, était la loi des sacrifices, qui elle aussi était parfaite en son temps. Le troisième mode est la loi des Évangiles, inaugurée par le Christ, et qui achève le nombre de trois muids, complétant ainsi la mesure qu'on appelle ephi.

   Chaque pécheur, quelque pauvre qu'il soit, doit donc offrir, pour ses péchés, la dixième partie de cette mesure de farine. La dixième partie de toute la loi et de toutes les Écritures, c'est la foi, l'espérance et la charité, que chaque pécheur, quelque pauvre qu'il soit, doit offrir à Dieu et à la sainte Église, sous peine de ne pas recevoir la rémission de ses péchés. Ainsi nous trouvons les treize livres et la dixième partie de deux livres. Les douze articles de la foi, unis à une confiance parfaite en Dieu, font treize livres. Or, chaque livre contient douze onces, car bien que chaque article soit parfait en lui-même et dans son concept, cependant tous les autres doivent s'y joindre pour que la foi soit parfaite. Ainsi donc chaque article comprend douze onces, puisqu'il se contient lui-même et attire à soi tous les autres dans une foi véritable : là où un seul fait défaut, aucun autre n'est dans la vérité. La vraie espérance dépend de cette foi et vaut également une livre tout ce que nous croyons, en effet, nous espérons l'obtenir, et chacun en particulier selon la mesure de sa foi.

  Encore y faut-il ajouter la dixième partie de deux livres de farine, pour que la balance soit égale et le poids exact. Par là nous entendons l'amour divin, quelque minime qu'en soit le poids, puisque c'est l'amour qui parachève ce poids.

   Il nous reste encore à chercher pourquoi ces choses sont appelées farine dans la sainte Écriture. La raison en est que toute la nature doit céder devant la foi et l'amour divin, puisque, comme dit le prophète, Dieu ne méprise point un cœur contrit et humilie (12). C'est pourquoi je dis, que, lorsque le cœur du pécheur est mû quelque peu par la contrition et par l'amour divin, le prêtre reçoit de lui une poignée de farine, c'est-à-dire le bon propos du cœur, qu'il doit brûler sur l'autel de Dieu pour la rémission du péché. À cette farine il ne mêlera ni encens ni huile, n'offrant pas un sacrifice de louange ou d'allégresse, mais de honte et de tristesse. Le reste de la farine appartient au prêtre et à la sainte Église, c'est-à-dire que la sainte Église vit de la foi, se nourrit de l'espérance et de la confiance en Dieu, et qu'elle est unie à Dieu au moyen de l'amour : c'est ainsi que sa vie sera bienheureuse pour l'éternité. Et tel est le dernier sacrifice à offrir pour les péchés, que nous tous, pauvres pécheurs, sommes obligés de payer si nous voulons être sauvés.


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   Voilà donc comment tous les fidèles doivent humilier leur âme et l'offrir à Dieu, versant le sang par la pénitence, refrénant leur nature, et mortifiant leur volonté, avant de pouvoir s'offrir en holocauste d'amour. Car c'est de l'humble abaissement que provient une digne ascension vers Dieu en louange et amour. Marie, la Mère de Dieu, nous l'apprend. Car, lorsqu'elle eut dit à l'ange : « Voici la servante du Seigneur ; qu'il me soit fait selon votre parole (13) », ce fut là un humble abaissement. Lorsqu’aussitôt après, elle dit : « Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit s'est réjoui en Dieu, mon salut (14). », ce fut une digne ascension et un holocauste salutaire d'amour.

   Ainsi, chez les juifs, le sacrifice pour le péché devait toujours précéder l'holocauste, sacrifice pour le salut, que le feu devait consumer tout entier. Le Seigneur, en effet, ne permettait pas qu'on offrît sur son autel du froment ou du miel. Le froment ce sont les cœurs vivants que le regret des péchés n'a pas encore broyés ; le miel, les âmes dispersées, qui vivent sans frein selon les désirs des sens et les jouissances du corps. Ces deux choses ne peuvent être offertes à Dieu en sacrifice, mais le prêtre en recevra pour ses besoins, ce qu'il y a de premier et de meilleur, et qu'on appelle prémices : celui-ci cependant ne pourra les mettre sur l'autel.

   La première chose que le pécheur doit donner au prêtre, c'est son inclination naturelle innée à la vertu et aux bonnes œuvres. Mais tant que l'amour de Dieu n'a pas expulsé le péché, ce sera toujours du froment non moulu. Les prémices du miel ce sont la connaissance intérieure et le remords des péchés, et l'espoir que garde le pécheur de se convertir encore. Ce sont là les choses que le pécheur doit montrer et donner aux prêtres, afin qu'ils prient pour lui ; et alors même qu'il serait tout submergé dans le péché, les prêtres cependant espèrent en la grâce divine, et c'est là leur nourriture. Pourtant ils ne peuvent pas offrir à Dieu ce pécheur, puisqu'il est encore froment et miel.

   Mais quant à ceux qui n'ont pas de prémices à offrir aux prêtres, vivant sans connaissance et sans crainte, sans inclination aux bonnes œuvres et sans estime pour les prières des hommes de bien, il y a lieu de craindre beaucoup pour eux, parce qu'ils semblent pécher contre le Saint-Esprit, pour leur mort éternelle. Néanmoins, puisque le jugement de Dieu nous est caché, nous devons tout abandonner à sa bonté, qui est infiniment plus puissante que tout ce que nous comprenons. Cela doit nous suffire et que rien ne trouble notre paix.


CHAPITRE CIII


DU QUATRIÈME SACRIFICE QU'OFFRAIT LE PEUPLE.


   L'histoire figurative continue ainsi : Lorsque la synagogue des juifs avait offert le sacrifice pour les péchés, on offrait à frais communs un taureau en holocauste à la gloire divine. Ce devait être un bœuf âgé d'un an, sans tache, sain, et sans défaut de corps ou de membres ; mâle aussi et fécond, bien qu'on l'appelât un bœuf. Les princes et les anciens du peuple lui imposaient les mains, et l'offraient à Dieu devant la porte du tabernacle. Aaron immolait le taureau, en répandait le sang sur l'autel, et coupait la chair en morceaux. Après avoir ensuite lavé les intestins et les pieds du taureau, Aaron les posait sur la chair dépecée et sur la tête, offrant le tout en holocauste sur l'autel, sauf la peau seule qui lui appartenait de par le droit sacerdotal.

   Par ce taureau que la synagogue offrait en holocauste à la gloire divine, nous entendons l'universalité de la sainte Église, s'élevant vers Dieu dans une louange éternelle. Car de même que la sainte Église s'abaisse par l'humilité et la pénitence, à cause des péchés, de même elle s'élève vers Dieu par l'amour et la louange éternelle. L'humble abaissement toutefois de la pénitence doit précéder, car quiconque s'abaisse sera élevé, dit le Seigneur (15). Aussi devons-nous nous appliquer volontiers à l'humble abaissement, afin de pouvoir expérimenter une libre ascension vers Dieu par l'amour. Dans cette libre ascension, c'est tout le corps de la sainte Église qui est offert en holocauste d'amour. Ce sacrifice est offert par les princes et les anciens du peuple, c'est-à-dire les hommes sages et d'expérience. Cependant nous sommes tous un avec cette oblation, lorsque librement nous nous offrons à Dieu, tant par les mains du prêtre, dans le service de la sainte Église, que par les pratiques cachées des saints. Nous devons aussi avoir la maturité de la foi chrétienne, ce qui est signifié par l'âge d'un an ; être sans tache de péché mortel ; sains et intègres de membres, c'est-à-dire parfaits dans les articles de la foi ; virils et féconds en une charité qui se répand, tandis que, par la docilité à l'Esprit divin, nous nous mortifions nous-mêmes et aimons Dieu pour lui-même, sans autre motif.

   Lorsqu’ainsi nous répandons notre propre sang sur l'autel de Dieu et mourons entre les mains du prêtre, celui-ci, dans son sacrifice, nous offre au Père céleste, immolés avec le Seigneur et unis à sa mort. De là provient une adhésion amoureuse, par laquelle tout ce qui est en nous est purifié de tout défaut ; et les pieds de nos désirs sont lavés lorsque nous nous élevons au ciel, par un amour et un désir de Dieu, purs d'images et de figures. La chair du sacrifice est partagée en nombreux morceaux, lorsque nous considérons chacun des multiples dons départis à la sainte Église et à chaque homme de bien en particulier : et c'est une merveille devoir comment chacun à sa manière répond à la motion divine tant extérieurement qu'intérieurement. De nous-mêmes et de toutes ces choses que nous avons contemplées, chacune en particulier, nous ferons un seul sacrifice pour Dieu, en nous offrant à lui dans l'unité de notre cour, qui est son autel. Puis nous attendrons qu'il nous consume tout entiers en son amour, à l'exception toutefois de la peau qui couvre notre sacrifice, c'est-à-dire des bonnes œuvres extérieures, qui appartiennent aux prêtres. Car nous devons demeurer sous l'autorité des prêtres, jeûner et observer les fêtes, selon les ordres qu'ils nous donnent de la part de Dieu, et être soumis à la sainte Église, aux sacrements et à toutes les bonnes coutumes de la sainte chrétienté. Nul, en effet, ne peut atteindre une contemplation et un amour si sublimes, qu'il puisse se diriger selon sa propre raison, sans obéir à ses supérieurs, à sa règle, à ses vœux, et à toutes les choses auxquelles l'honnêteté et la vertu l'obligent. La figure suivante nous l'apprend.


CHAPITRE CIV


DU CINQUIÈME SACRIFICE OFFERT PAR LA SYNAGOGUE.


   Aussitôt après les juifs offraient un chevreau, qu'on appelait une hostie pacifique, et Aaron le pontife en faisait trois parts conformément au précepte divin. Toute la graisse intérieure, les reins avec le rognon et la graisse qui les couvrait, la queue et le réticule du foie, appartenaient à Dieu ; l'épaule droite et la poitrine aux prêtres, tandis que le peuple, qui avait offert le sacrifice, se nourrissait du reste de la chair. Or, c'est ainsi que nous devons nous offrir à Dieu tout entiers, comme un agneau innocent ; car nous devons appartenir à Dieu selon tout nous-mêmes. Alors il sera fait de nous comme trois parts, dont chacun reçoit ce qui lui appartient ; et de ce sacrifice procède la paix du Seigneur, que le monde ne peut donner, ni ravir, ni recevoir, ne pouvant offrir ce sacrifice.

   Voici donc comment il faut entendre la réalisation de cette figure : Dieu veut avoir toute la graisse intérieure, c'est-à-dire tout ce que nous aimons naturellement ou surnaturellement (car tout ce que nous aimons vit en nous et nous est intérieur). Nous devons l'aimer, en effet, pour Dieu et à cause de Dieu, c'est-à-dire, comme moyen de le servir et non pas pour en jouir, selon notre commodité ou l'inclination innée de la nature. Car, au lieu de jouir de son père, de sa mère, de sa femme et de ses enfants, de sa propre âme et de son propre corps, il faut les aimer et s'en servir pour le service de Dieu, selon l'ordonnance de la sainte Église et le commandement divin ; réprimer toujours et refréner les inclinations de la chair et les désirs de la nature ; ainsi flous pouvons posséder ces choses sans sollicitude, et les conserver comme si elles ne nous appartenaient pas.

   Mais le monde ne peut en faire autant, ne s'étant pas offert à Dieu : aussi n'est-il pas élevé au-dessus du sensible jusqu'en la paix du Seigneur, qui dépasse tous les sens et que Dieu accorde aux amis qui lui sont unis.


CHAPITRE CV


DU RÉTICULE DU FOIE.


   De cette paix provient un goût spirituel signifié par la graisse intérieure, et cette graisse le Seigneur l'appelle le réticule du foie, parce qu'elle enveloppe tout l'intérieur de l'homme, et en particulier la puissance aimante, signifiée par le foie. Et tant que par l'amour nous sommes élevés au-dessus des images sensibles, nous nous trouvons captifs dans le filet du goût spirituel. Mais ce filet ou réticule nous devons également l'offrir en holocauste à l'amour divin ; car, si nous n'en faisions pas un holocauste à son amour, nous y mettrions une complaisance naturelle, ce qui est illicite. Aussi devons-nous donner à Dieu la graisse, tandis que lui nous donne le feu : et lorsque le feu et la graisse brûlent ensemble sur l'autel de Dieu, c'est-à-dire dans notre cœur amené à l'unité, nous ressentons la paix et la concorde entre nous et Dieu. Notre justice et la paix du Seigneur se sont donné le baiser, et se sont rencontrées, comme nous l'enseigne le prophète (16).


CHAPITRE CVI


DE LA FAÇON D'OFFRIR LES REINS ET LES ROGNONS.


   Afin que cette paix soit durable et non troublée, Dieu veut que nous lui donnions les reins, c'est-à-dire l'amour sensible, que nous ne devons exercer qu'à son égard. Pourtant c'est en son feu que cet amour doit brûler, car s'il n'était recouvert de la charité, par nature nous nous rechercherions nous-mêmes, en poursuivant en Dieu nos délices et notre bien-être. Et pour que nous lui appartenions entièrement, il veut que nous lui donnions aussi les rognons et la graisse qui les enveloppe, c'est-à-dire que nous évitions et fuyions, aussi bien en nous-mêmes qu'en toute créature, toute pratique et toute occasion capable de nous attirer ou exciter à l'amour impur. Mais c'est à la divinité et à l'humanité de Notre-Seigneur qu'il faut donner l'amour de cœur et l'affection sensible, avec tout ce qui peut y être utile ou profitable : tels sont les rognons qu'il faut offrir en holocauste à l'amour divin. De la graisse également, c'est-à-dire du goût et de fa joie qui en résultent, il faut faire un holocauste d'amour : car quiconque vit plus pour la chair et le plaisir que pour Dieu, est divisé et a perdu l'unité, comme aussi la paix entre lui et Dieu. En ce sens le Seigneur dit dans l'Évangile de saint Luc de se ceindre les reins, par la chasteté, et de porter en main des lampes allumées, dans l'attente de Notre-Seigneur et Époux, qui viendra nous juger à l'heure de la mort (17). Que chacun donc veille sur lui-même et garde sa règle, son ordre et ses vœux : la voie de la vie éternelle est étroite et le jugement de Dieu est proche (18).

  Quant à ceux qui se sont unis légitimement devant la sainte Église, ils peuvent accomplir ce que Dieu et la sainte Église leur permettent, dans la mesure où la raison et l'honnêteté naturelle les y autorise : car toute notre vie et toutes nos œuvres doivent être ordonnées à Dieu, dans quelque état que nous soyons. Si le Seigneur voulait que les juifs lui offrissent la queue de l'agneau, c'est que par-dessus tout nous devons désirer appartenir à Dieu et vivre pour lui, de sorte qu'il soit la fin dernière de toute notre vie et de toutes nos œuvres, et que notre amour et nos œuvres soient ordonnés à lui et l'aient pour fin unique.

   Voyez comment de cet holocauste d'amour nous provient la paix stable que le Christ donna à ses disciples ; car le désir enflammé d'appartenir à Dieu comme celui de vivre pour lui sont comme deux mamelles qui allaitent et nourrissent le Christ, et entre lesquelles il veut demeurer, comme dit l'Épouse dans le Cantique (19).


CHAPITRE CVII


COMMENT ON OFFRE L'ÉPAULE DROITE ET LA POITRINE.


   Dieu ordonnait encore de donner aux prêtres l'épaule droite et la poitrine de la victime. Par l'épaule droite nous entendons l'obéissance que tous les hommes doivent à leurs supérieurs. Aussi saint Paul enseigne-t-il que Dieu envoya son Fils, né d'une femme, établi sous la loi, afin de racheter tous ceux qui étaient sous la loi (20). Car bien que selon la naissance éternelle, comme aussi selon la naissance spirituelle, il fût Seigneur et législateur, selon la naissance corporelle de Marie, sa Mère, il voulut se soumettre à la loi, nous enseignant ainsi que toute chair et tout sang, nés d'un homme et d'une femme, doivent nécessairement obéir et être soumis à la loi divine et à la sainte Église. Mais en ceux que l'amour élève et qui sont nés de l'Esprit divin, l'activité et la vie intérieures sont au-dessus de la loi, sans lui être contraires. De même donc que l'amour élève l'homme et le rend libre, de même l'établit-il dans l'obéissance de sorte que les plus élevés sont les plus humbles et les plus humbles les plus élevés.

   Jamais cependant nous ne devons obéir en matière de péché ni contre les préceptes divins : mais il faut honorer et révérer la puissance que Dieu a donnée aux prêtres et aux prélats. Ainsi nous obéissons toujours plus à Dieu qu'aux hommes, à qui nous devons être soumis pour Dieu et à cause de son nom. Pour cette raison le Christ, le Fils de Dieu, qui était libre par-dessus tout, et de plus la liberté même, a voulu obéir à Caïphe et à Pilate, qui à ce moment représentaient l'autorité de la loi juive. Or, Dieu permit que le Christ fût condamné par eux à la mort ; et le Christ, obéissant et se soumettant à leur volonté, leur présenta l'épaule droite sur laquelle fut posée la lourde croix en elle il porta les péchés de nous tous qui serons sauvés. Par là il nous enseigne que nul ne peut plaire à Dieu, s'il n'obéit pas à ses supérieurs dans les choses bonnes et honnêtes, préférant être son propre maître et agir selon sa propre raison, quelque élevées que soient sa vie et sa contemplation.

   Le Seigneur ordonnait en outre de donner aux prêtres la poitrine, ce qui signifie qu'il faut renoncer à soi et vivre simplement selon leur conseil, non pas selon sa propre sagesse ou son propre jugement. Nous devons au contraire faire nôtres la volonté et le sentiment des supérieurs, afin, qu'au-dessus de toutes nos œuvres, ils puissent offrir à Dieu notre humble renoncement. Alors grâce à leur prière et à leur ministère, et moyennant notre simplicité, nous serons remplis de la sagesse divine.

   C'est donc de la sorte qu'il faut faire pour obtenir la paix et la concorde avec Dieu et avec nos supérieurs.


CHAPITRE CVIII


DE L'USAGE QU'ON FERA DE CE QUI RESTE DE LA VICTIME.


   Si encore il était ordonné, selon la figure, de cuire ce qui restait de la victime, et de le manger ensemble dans le lieu saint, c'est que le Seigneur veut que nous demeurions unis dans l'unité de la foi chrétienne, par la fidélité mutuelle, la charité, l'honnêteté des mœurs, les saintes pratiques et l'accomplissement des préceptes divins : ce sera là notre vie et notre nourriture jusqu'au jugement de Dieu. La figure ajoute que si nous voulons conserver et posséder cette paix, il nous faut offrir tantôt une victime mâle, tantôt une femelle. Cela signifie que si nous avons la paix extérieure et intérieure, il ne faut pourtant pas demeurer oisif, mais remercier Dieu et le louer sans cesse de ses dons passés, présents et à venir ; puis, par une mâle piété nous appliquer à Dieu et nous mettre au service de tous les hommes dans les choses qui regardent l'honneur de Dieu et l'utilité ou le salut de chacun : voilà la victime mâle. Si, au contraire, c'est la souffrance qui nous vient de l'extérieur ou de l'intérieur, en quelque manière que ce soit, il nous faut être doux et patient, nous soumettant à Dieu en toutes choses : cette résignation c'est la victime femelle, parfois plus méritoire et plus agréable à Dieu que l'ardeur de l'action. C'est en exerçant chacune de ces deux choses en son temps, qu'on mène la vie de justice.




(1) CANT., I, 2.
(2) Il s'agit de l'Historia scolastica, de Pierre Comestor.
(3) LEV., IV, 2.
(4) MATTH., XVIII, 15.
(5) ROM., VIII, 13.
(6) JOA., XII, 25.
(7) ROM., VII, 19.
(8) Ibid., 22-25.
(9) II Cor., XII, 9.
(10) I COR., XI, 28.
(11) Lev., V, II.
(12) Ps. 50, 19.,
(13) Luc., 38.
(14) Ibid., I, 46-47.
(15) Luc., XIV, II.
(16) PS. LXXXIV, II.
(17) Luc., XII, 35-36.
(18) MATTH., VII, 24.
(19) CANT., I, 12.
(20) GAL., IV, 4-5.



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