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PREMIER SERMON POUR LE JOUR DE L'ASCENSION. Sur l'Evangile du jour.
1. « Jésus apparut aux onze apôtres lorsqu'ils étaient à table (Marc. XVI, 14). » On peut bien dire qu'alors apparurent la bonté de notre Sauveur et son amour pour les hommes (Tit. III, 4). En effet, quelle confiance ne nous donne-t-il point qu'il viendra au milieu de nous, lorsque nous serons en prières, quand nous le voyons arriver parmi ses disciples au moment même où ils sont à table? Oui, dis-je, on a vu apparaître alors la bonté de celui qui connaît le limon dont nous sommes pétris et qui, bien loin de dédaigner nos misères, en a plutôt pitié si nous ne prenons de notre corps que le soin que la nécessité, non la concupiscence de la chair, veut que nous en prenions. C'est dans cette pensée que l'Apôtre disait : « Soit que nous mangions, soit que nous buvions, ou que nous fassions toute autre chose, faisons tout pour la gloire de Dieu (I Cor. X, 31). » Peut-être pourrait-on dire aussi que si le Sauveur leur apparut pendant qu'ils étaient à la table, c'est parce que, dans une circonstance, les Juifs avaient critiqué la conduite des apôtres qui ne jeûnaient point. Le Seigneur avait répondu : «Les amis de l'Époux ne peuvent être dans le deuil pendant que l'Épouse est avec eux (Matt. IX, 15). » L'Évangéliste continue : « Il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur coeur, parce qu'ils n'avait point ajouté foi aux paroles de ceux qui l'avaient vu ressusciter (Marc. XIV, 14). » Vous l'entendez, le Christ reprend ses apôtres, que dis-je, le mot de l'Évangile est plus énergique encore, il leur adresse des reproches, et cela, à un moment a où il semble qu'il aurait dû se montrer moins sévère, puisqu'il était sur le point de les priver pour toujours de la vue de sa présence corporelle. Ne vous fâchez donc point désormais, vous-mêmes, mes frères, s'il arrive que le vicaire de, Jésus-Christ vous adresse aussi quelques
a Le pape saint Grégoire le Grand exprimé la même pensée dans sa vingt-neuvième homélie sur l'Évangile, quoique, d'après saint Luc, le reproche que Jésus adressa à sec apôtres fut de plusieurs jours antérieur à son ascension (Luc. XXIV). Voir les interprètes.
reproches, c'est ce que nous dit la conduite que nous voyons Jésus lui-même tenir envers ses apôtres, au moment où il allait les quitter pour remonter au ciel. Mais pourquoi leur reproche-t-il « de n'avoir pas ajouté foi aux paroles de ceux qui l'avaient vu ressusciter?» Qui sont, en effet, ceux qui ont eu le bonheur de voir de leurs propre yeux le miracle de la résurrection du Seigneur ? Car, on ne lit point dans l'Évangile, et on ne dit nulle part que quelqu'un eut ce bonheur. C'est donc des anges qu'il voulait parler, et, en effet, malgré le témoignage qu'ils rendaient de la résurrection du Sauveur, les apôtres hésitaient à croire aux anges mêmes. 2. Mais, pour que ces paroles du Psalmiste: « Enseignez-moi la bonté, la discipline et la science (Psal. CXVIII, 66), » trouvent leur accomplissement, il faut que la grâce que le Sauveur fait à ses apôtres en les visitant, que son blâme et ses reproches soient suivis d'un enseignement doctrinal, et qu'il leur dise : « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé (Marc. XVI, 16). » Que dirons-nous, mes frères, en entendant ce langage ? Ne donne-t-il pas aux gens du monde une confiance excellente, et n'y a-t-il pas lieu de craindre qu'ils n'en abusent pour choyer la chair, et ne comptent outre mesure sur la foi et le baptême, indépendamment des bonnes couvres; mais, avant de le penser, écoutons ce qui suit : « Or, voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru (Ibid. 17). » Peut-être, ces paroles ne semblent-elles pas moins propres à jeter le découragement parmi les religieux que les premières à inspirer un excès de confiance aux gens du monde. En effet, qui est-ce qui fait les miracles de foi dont il est parlé ici? Or, sans la foi, nul ne saurait être sauvé, car il est écrit « Celui quine croira pas, sera condamné (Ibid. 16).» Et encore : « Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu (Hebr. XI, 6). » Or, je vous le demande, où sont ceux qui chassent les démons, qui parlent de nouvelles langues, qui prennent des serpents dans les mains, sans qu'ils leur fassent du mal? Eh quoi! s'il n'y a personne, ou du moins, s'il n'y a presque personne qui fasse ces sortes de miracles de nos jours, n'y aura-t-il donc personne de sauvé, ou du moins, n'y aura-t-il que ceux qui peuvent se glorifier de ce pouvoir miraculeux qui, après tout, est beaucoup moins un mérite que la conséquence du mérite, puisque, au jugement dernier, ceux qui diront : « Seigneur, n'avons-nous pas chassé les démons en votre nom, et, toujours en votre nom, n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles (Matt. VII, 22) ? » entendront cette réponse du souverain juge : « Je ne vous connais point, retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquités (Ibid. 23)? » Où serait. d'ailleurs, ce que disait l'Apôtre en parlant du juste juge : « Il rendra à chacun selon ses oeuvres (Rom. II, 6). » Si, ce qu'à Dieu ne plaise, si, dis-je, au jugement dernier, il était tenu plus de compte des miracles que de bonnes oeuvres ? 3. Il y des signes plus certains et des miracles plus salutaires que ceux-là, ce sont les mérites. Et je ne crois pas qu'il soit difficile de savoir en quel sens on doit entendre les miracles dont il est parlé en cet endroit, pour qu'ils soient des signes certains de foi, et par conséquent de salut. En effet, la première oeuvre de la foi, opérant par la charité, c'est la componction de l'âme, car elle chasse évidemment les démons, en déracinant les péchés de notre coeur. Quant aux langues nouvelles que doivent parler les hommes, qui croient en Jésus-Christ, cela a lieu, lorsque le langage du vieil homme cesse de se trouver sur nos lèvres, et que nous ne parlons plus la langue antique de nos premiers parents, qui cherchaient dans des paroles pleines de malice à s'excuser de leurs péchés (Psal. CXL, 4). Dès que par la componction du coeur et la confession de la bouche, nos premiers péchés sont effacés, en sorte que nous ne retombons plus dans nos anciennes fautes qui rendaient notre état pire qu'il n'était auparavant, alors nous sommes arrivés au point de prendre les serpents dans nos mains sans qu'ils nous nuisent, c'est-à-dire, nous savons étouffer dans notre coeur les suggestions envenimées du malin esprit. Mais, qu'arrivera-t-il néanmoins si quelque rejeton mauvais vient à pousser des racines qu'il ne nous soit pas possible d'arracher à l'instant même, c'est-à-dire si la concupiscence de la chair assaille notre âme? Il arrivera infailliblement que u le breuvage mortel que nous aurons pu avaler ne nous fera aucun mal (Marc XVI, 18) ; » car, à l'exemple du Sauveur, à peine en aurons-nous approché les lèvres que nous ne voudrons point y goûter davantage; non, ce breuvage de mort ne nous fera point de mal; car, il n'y a plus de damnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ : le sentiment de la concupiscence n'est absolument rien sans l'assentiment de notre âme. Mais quoi? La lutte que nous avons à soutenir contre cette affection morbide et corrompue n'en est pas moins pénible et pleine de périls; mais a ceux qui croiront, imposeront les mains sur les malades et les malades seront guéris (Ibid. 18), » c'est-à-dire, ils couvriront ces affections morbides de l'appareil des bonnes uvres, et ils les guériront par ce remède.
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