LETTRE CCXLIV
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCXLIV.

 

Saint Augustin écrit pour empêcher un chrétien de se désoler outre mesure de la perte de choses temporelles.

 

AUGUSTIN A SON SEIGNEUR JUSTEMENT ET VÉRITABLEMENT TRÈS-CHER, A SON HONORABLE FRÈRE CHRISIME, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. On me dit (et Dieu fasse que ce ne soit qu'un bruit), que votre esprit est bouleversé; je m'étonne qu'un sage et un chrétien comme vous pense si peu que les choses de la terre ne sont pas à comparer avec celles du ciel, où nous devons placer notre cœur et notre espérance. Homme de bon sens que vous êtes, vous aviez donc mis tout votre bonheur dans ce que vous paraissez perdre? ou bien était-ce pour vous quelque chose de si grand que, cela de moins, votre esprit s'obscurcît par un excès de tristesse, comme si ce n'était pas Dieu mais la terre qui fût sa lumière? J'entends dire (et, je le répète, plaise à Dieu due ce ne soit pas vrai !), que vous auriez voulu attenter à vos ,jours; je ne crois pas qu'une telle pensée soit jamais entrée dans votre cœur ni sortie de votre bouche. Mais cependant votre trouble  (98) a été assez profond pour qu'on ait pu vous prêter un pareil dessein; j'en suis affligé et j'ai voulu vous adresser ces mots de consolation. Je ne doute pas cependant que le Seigneur notre Dieu n'ait déjà fait entendre de meilleures choses à l'oreille de votre coeur, car je sais avec quel zèle pieux vous avez toujours écouté sa parole.

2. Relevez-vous donc, mon cher frère dans le Christ; notre Dieu n'est jamais perdu pour ceux qui lui appartiennent et Dieu ne perdra pas les siens; mais il veut nous avertir de la fragilité et de l'incertitude des biens humains dont on est trop épris, afin que nous brisions les chaînes de la cupidité par lesquelles ces biens nous entraînent, et que nous accoutumions notre amour à courir tout entier vers Celui que rien ne pourra nous ravir. Il vous parle lui-même par ma bouche; songez avec toute l'énergie de votre âme que voies êtes un chrétien fidèle, et racheté au prix du sang d'un Dieu. Ce n'est pas seulement par sa sagesse éternelle, c'est encore par la présence de son humanité, sur la terre, qu'il nous a appris à mépriser par la tempérance les prospérités de ce monde, et à en supporter avec force les adversités, nous promettant pour récompense une félicité que personne ne peut nous enlever.

J'écris aussi à l'honorable comte; vous ferez de cette lettre l'usage que vous voudrez. Dieu aidant, je ne doute pas que vous ne trouviez quelqu'un pour la lui remettre, évêque, prêtre, ou tout autre quel qu'il soit.

 

 

 

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