LETTRE CCLXI
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCLXI.

 

Saint Augustin repousse les éloges qu'on lui adresse ; il propose à Audax de lire ses ouvrages ou de venir le voir : c'est la seul moyen de répondre au désir que celui-ci témoigne de s'instruire.

 

AUGUSTIN A SON BIEN-AIMÉ ET ILLUSTRE SEIGNEUR DANS LE CHRIST, A SON TRÈS-DÉSIRABLE FRÈRE AUDAX, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. Ce n'est point avec regret, c'est avec plaisir que j'ai reçu votre courte lettre , si pleine d'un ardent désir de recevoir une longue réponse de moi. Il me serait bien difficile le satisfaire a votre pieuse avidité, mais pourtant je félicite votre charité; quoique vous ne le demandiez pas à qui il faudrait, ce que vous demandez est bon. Le temps me manque plus que tout le reste pour écrire une longue lettre; les soins ecclésiastiques ne me laissent que de rares instants de loisir, et je consacre ces loisirs rapides soit à quelques méditations, soit aux travaux les plus urgents, ou à ce qui me paraît pouvoir être profitable à beaucoup de monde : il faut donner aussi à mon corps le repos dont il a besoin, pour entretenir les forces nécessaires à l'accomplissement de mes devoirs. Ce ne sont pas les paroles qui me manqueraient pour une lettre étendue; mais nulle réponse de moi ne pourrait remplir tous vos désirs. Vous me dites que vous soupirez après les trésors de sagesse et que vous avez reçu bien moins que vous n'auriez voulu; mais moi, dans mes prières de tous les jours, je suis comme un mendiant qui implore quelque obole de ces divins trésors de sagesse, et c'est à peine si je l'obtiens.

2. Comment suis-je « l'oracle de la loi, » moi qui ignore, sur ses vastes et profonds mystères, beaucoup plus de choses que je n'en sais, moi qui ne puis, comme je le voudrais, pénétrer l'obscurité de tant de replis et de secrets détours? Je sais seulement que je ne suis pas digne d'aller plus avant dans cette lumière ! Comment suis-je « le consécrateur de la justice, » moi pour qui c'est déjà beaucoup de lui être consacré? Vous m'appelez a le restaurateur de la gloire spirituelle; » permettez-moi de vous le dire, vous connaissez mal celui à qui vous parlez : je me restaure si peu moi-même dans cette gloire, que j'ignore, je vous l'avoue, non-seulement combien je m'en approche de jour en jour, mais encore si je m'en approche quelque peu. Oui, je suis « dispensateur du salut éternel, » mais je le suis comme d'autres en très-grand nombre. Si je le fais volontiers, j'en aurai la récompense; si je le fais à regret, je ne serai que le dispensateur de ce salut, car il ne suffit pas de l'être par la parole et les sacrements pour y avoir part. S'il n'y avait pas de bons dispensateurs, l'Apôtre ne dirait pas: «Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ (1); » et s'il n'y avait pas de mauvais dispensateurs, le Seigneur ne dirait pas : « Faites ce qu'ils disent; ne faites pas ce qu'ils font; car ils disent et ne  font pas (2). » Il y a donc beaucoup de dispensateurs par le ministère desquels on arrive su

 

1. I Cor, IV, 16. — 2. Matth, XXIII, 3.

 

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salut éternel; mais il s'agit de savoir lequel parmi eux sera trouvé fidèle (1); même parmi les fidèles, et puissé-je être compté au nombre de ceux-ci par ce Dieu qu'on ne trompe pas (2) !  l'un l'est d'une manière, l'autre d'une autre, selon la mesure de foi que Dieu a accordée à chacun (3).

3. Mon cher et doux frère, que ce soit donc plutôt le Seigneur lui-même qui vous nourrisse des fleurs de la sagesse et vous abreuve à la source d'eau vive. Si vous croyez que, par mon humble et faible moyen, votre piété studieuse puisse recevoir quelque chose, car je connais votre intelligence et votre désir de vous instruire, mieux vaudrait lire mes ouvrages, déjà bien nombreux, que d'espérer pouvoir, par mes lettres, satisfaire ce désir. Ou bien, venez auprès de moi; vous prendrez dans nos entretiens tout ce que je pourrai vous donner; je pense que si vous n'êtes pas ici, c'est que vous ne le voulez pas. Dieu aidant, est-il très-difficile à un homme libre de toute fonction locale de venir ici, soit pour rester longtemps avec nous, soit pour y passer au moins un peu de temps?

4. Mais peu s'en faut que ce que vous dites dans le troisième de vos vers ne se trouve accompli, et que vous n'ayez de moi une lettre plus remplie de paroles que d'éloquence. Votre cinquième et dernier vers a sept pieds; je ne sais si votre oreille a été trompée, ou si vous avez voulu mettre à l'épreuve mes anciens souvenirs d'études; et d'ailleurs, ceux qui s'étaient le plus appliqués à ces choses, les oublient aisément lorsqu'ils ont beaucoup avancé dans les saintes lettres.

5. Je n'ai pas la traduction des psaumes faite par saint Jérôme sur l'hébreu. Quant à moi je ne les ai pas traduits; j'ai seulement corrigé sur les exemplaires grecs beaucoup de fautes des exemplaires latins. C'est peut-être mieux que cela n'était, mais ce n'est pas tout ce qu'il faudrait. Maintenant encore, il m'arrive de corriger des fautes qui m'avaient précédemment échappé. Je cherche donc aussi avec vous quelque chose de parfait à cet égard.

 

1. I Cor. IV, 1. — 2. Ibid. VII, 7. — 3. Rom. XII, 3.

 

 

 

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