R. DE CONFÉRENCE
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RÉSUMÉ d'une conférence avec les Donatistes.

  Oeuvres complètes de saint Augustin traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1869, Tome XIII, p. 566-595

CONFÉRENCE DU PREMIER JOUR.

CONFÉRENCE DU SECOND JOUR.

CONFÉRENCE DU TROISIÈME JOUR.

 

 

 

CONFÉRENCE DU PREMIER JOUR.

 

PRÉFACE.

 

L’empereur Honorius avait ordonné aux évêques catholiques et aux chefs du donatisme de se réunir en conférence pour discuter les questions en litige. Cette conférence se tint en effet en présence du tribun et du notaire Marcellinus ; on dressa ensuite de cette séance un compte rendu d'une prolixité et d'une longueur effrayantes. Les Donatistes sentant bien que leur cause était mauvaise, firent tous leurs efforts pour empêcher cette conférence et soustraire leurs erreurs à la discussion. Obligés de subir cette cruelle nécessité, ils obtinrent du moins que le rapport en fût si long que la lecture en devint extrêmement difficile. J'ai donc cru à propos d'en faire un résumé succinct; j'ai même numéroté chaque article afin d'en faciliter la lecture et de faire mieux comprendre chacune des circonstances qui se sont produites ou des idées qui furent développées.

I. Quand les représentants des deux partis furent réunis, on donna d'abord lecture du rescrit impérial qui prescrivait aux évêques catholiques de réfuter, par des raisons solides et manifestes, l'erreur de Donat.

II. On lut ensuite l'édit du procureur en vertu duquel il convoquait à Carthage, pour le jour des calendes de janvier, les évêques

des deux partis, et d'ouvrir entre eux une conférence sur les points en litige. Dans cet édit, sans en avoir reçu l'ordre de l'empereur, et uniquement dans le but d'exciter les Donatistes par l'espérance des récompenses, il promettait de leur rendre, s'ils assistaient à la conférence, les basiliques dont ils avaient été dépouillés. Enfin, il leur permettait de lui adjoindre pour juge celui qui leur plairait; de son côté, il s'obligeait par serment de conformer sa sentence à la pure vérité. En dehors de ces points principaux, cet édit ne renfermait que des exhortations à prendre part à la conférence.

III. On lut ensuite un second édit du même procureur, dans lequel il fixait, aux évêques présents à Carthage, le lieu et le mode de la conférence; rappelait le jour qui lui avait été assigné, et demandait à tous les membres de lui faire connaître s'ils acceptaient ces dispositions.

IV. Comme les évêques donatistes exigeaient que leurs adversaires leur proposassent les matières qui devaient être traitées, le procureur s'y refusa pour le moment, par la raison qu'il fallait, avant tout, reprendre par ordre tout ce qui s'était passé jusqu'au jour de la conférence. On donna donc lecture d'une note dans laquelle les Donatistes se plaignaient de l'article du décret qui statuait (567) qu'il n'y aurait, pour prendre part à la conférence, que ceux des évêques qui auraient été délégués à cet effet par leurs collègues, en tout trente-six, dix-huit d'un parti et dix-huit de l'autre parti. De ces dix-huit, sept seulement devaient soutenir la discussion , sept autres seraient appelés à délibérer, si besoin était, et les quatre derniers présideraient à la garde et à la transcription de tout ce qui devait se faire. Ils demandèrent donc pour tous les évêques présents le pouvoir d'assister à la conférence, voulant par là en imposer par leur nombre et convaincre de mensonge leurs adversaires qui avaient soutenu qu'ils n'étaient que peu nombreux. Ils ajoutèrent que tous s'étaient fait un devoir de répondre à l'appel. qui leur était fait, même les vieillards, en sorte qu'il n'y avait que les malades qui ne fussent pas présents. Cette même note renfermait encore d'autres détails moins importants.

V. Ensuite, on donna lecture des lettres que les catholiques adressèrent au procureur, et dans lesquelles ils déclaraient consentir à la teneur du décret. Ils s'engageaient en même temps, dans le cas où la vérité serait du côté de Donat, à faire abnégation des honneurs épiscopaux et de ne consulter alors que le soin de leur salut. Mais dans le cas où la vérité serait pour eux, ils promettaient de ne pas refuser à leurs adversaires les honneurs de l'épiscopat, disant qu'ils en agiraient ainsi pour le bien de la paix, et afin de prouver que si les catholiques abhorrent l'erreur humaine, ils savent toujours respecter la consécration chrétienne. Que si les peuples ne voulaient plus souffrir deux évêques dans une seule église, les évêques actuels donneraient leur démission, il en serait choisi un pour chaque église, et les élus seraient consacrés par les évêques qui auraient continué à rester dans leur diocèse. Ces, lettres rappelaient aussi la cause des Maximianistes. Quelques-uns d'entre eux, après avoir subi la honte d'une condamnation de la part des Donatistes, avaient été par eux, pour le bien de la paix, réintégrés dans les honneurs, sans toutefois annuler le baptême qui leur avait été conféré au sein d'un schisme sacrilège. D'autres choses encore étaient formulées dans ces lettres.

VI. On lut ensuite un autre édit dans lequel le procureur faisait part au peuple des observations qui lui avaient été adressées par les Donatistes dans la note dont il a été parlé, et par les catholiques dans la lettre dont nous avons donné l'analyse.

VII. Puis on donna lecture des lettres adressées au procureur par les catholiques en réponse à la note des Donatistes. Ils y accédaient aux demandes formulées par leurs adversaires, et donnaient pleine et entière autorisation à tous les évêques du parti de Donat, présents à Carthage, de prendre part à la conférence, tandis que du côté des catholiques il n'y avait d'évêques présents que ceux qui avaient été nominativement désignés par le procureur. Ils ajoutaient que si quelque tumulte venait à se produire, et c'était là surtout ce qu'ils redoutaient, on ne devrait pas l'imputer à ceux qui ne formaient que le petit nombre, mais plutôt à ceux qui avaient voulu se présenter dans toute leur multitude. Dans ces mêmes lettres se trouvait un résumé des arguments qui prouvaient que l'Église catholique n'était pas du côté de Donat, mais se confondait avec cette société qui, en commençant à Jérusalem, allait se répandant et fructifiant dans toutes les parties de la terre (1). Il y était dit que l'on ne peut nullement préjuger en sa défaveur, du mélange que l'on remarquait en elle des bons et des méchants, puisque la séparation éternelle devait s'opérer au jugement dernier; que leurs pères n'avaient rien pu alléguer de décisif contre Cécilianus, dont l'innocence avait été constatée et prononcée par le jugement solennel de l'Eglise et surtout par décision de l'empereur, auprès de qui ils l'avaient accusé. D'un autre côté, comme ils se montrent toujours extrêmement jaloux de toutes les faveurs accordées par les empereurs à l'Église, on rappelait que, d'après l'Écriture, des rois avaient décrété, dans leur propre royaume, des peines très-sévères contre ceux qui se seraient rendus coupables de blasphème contre la Divinité (2). On rappelait de nouveau la cause des Maximianistes, qu'ils avaient accusés publiquement devant les tribunaux et qu'ils avaient ensuite réintégrés dans les honneurs, sans annuler le baptême qui leur avait été conféré au sein du schisme; ils avaient soutenu également qu'en communiquant ainsi avec les Maximianistes, ils n'avaient été nullement souillés par la contagion. D'autres détails encore étaient contenus dans ces lettres. Du reste, toutes ces

 

1. Luc, XXIV, 47. — 2. Dan. III, 96.

 

568

 

idées étaient rappelées dans ces pièces, afin de faire ouvrir les yeux aux Donatistes, de leur faire comprendre combien leur causé était mauvaise et de les inviter à la paix et à l'unité, avant même qu'ils entrassent. dans le lieu de la conférence.

VIII. Le procureur demanda ensuite si les Donatistes avaient choisi ceux qui parmi eux devaient soutenir la discussion, car il voyait que les catholiques avaient déjà .rempli cette formalité. Les Donatistes répondirent que la cause était jugée par les catholiques, avant .même de déterminer les combattants; ils en donnaient pour preuve ces lettres des catholiques où toute l'affaire était déjà jugée. Ils insistèrent ensuite pour que l'on voulût bien préciser le temps, le règlement, la personne, la cause, en un mot tous les détails du procès avant de le commencer. Le procureur répondit que jusque-là rien n’avait été changé dans la cause ; puis il demanda de nouveau si l'on était fixé sur le nombre des combattants, car ils devaient seuls su porter les charges et le poids de la lutte. Les Donatistes se mirent alors à arguer sur la question du jour; puisque le jour était passé, la cause ne devait point se débattre. En effet, dès le quatorzième jour des calendes de juin avaient été accomplis les quatre mois fixés par le procureur, dans son édit adressé à toutes les provinces; c'est dans ce sens du reste que l'officialité consultée avait répondu. Donc, puisque c'était dans le délai de quatre mois que l'empereur avait ordonné de terminer cette affaire, ils concluaient que le jour était passé, et que l'on devait condamner les catholiques, comme contumaces ; comme si, vraiment, les catholiques eussent été absents, et que pendant leur absence les Donatistes se fussent présentés pour soutenir l'accusation. Le but évident qu'ils se proposaient dans ces tergiversations et ces calomnies qui sont repoussées par tout tribunal sérieux, c'était d'empêcher les débats de se produire. Mais le procureur leur répondit qu'à l'époque des calendes de juin, les deux partis avaient consenti, sans que personne se fût présenté, à remettre à deux mois la conférence, et que l'empereur avait autorisé ce délai. .

IX. Le procureur avait dit précédemment que la détermination du temps, pour que la cause né s'agitât pas, n'était qu'une objection de forum et non épiscopale. Les Donatistes

saisirent cette occasion pour s'écrier qu'on ne devait donc pas traiter avec eux sur le terrain du droit public, mais uniquement sur les témoignages de l'Ecriture. Le procureur demanda alors quelle était l’opinion des deux partis. Les catholiques: répondirent qu'ils demandaient qu'il plût au président d'ordonner la lecture du règlement d'un Concile catholique, en vertu duquel il n'y a que les députés élus qui aient le droit de fixer l'ordre de la discussion ; qu'en ce point du reste, il leur paraissait plus convenable de laisser de côté les tergiversations du barreau et de s'occuper uniquement des témoignages, de la révélation. La discussion devint un instant très-vive, parce que les catholiques, malgré les dénégations des Donatistes, insistaient pour que l'on donnât lecture du règlement. Tout rentra enfin, dans l'ordre quand le procureur eut prescrit cette, lecture.

X. On lut donc le règlement d'un concile catholique. En conséquence des évêques turent choisis pour soutenir la discussion qui avait pour but de justifier l'Eglise catholique des accusations formulées contre elle par les Donatistes. A l'instar des lettres précédentes, ce règlement offrait un aperçu général et complet de toutes les matières à débattre la cause de l'Eglise qui est répandue sur toute la terre, selon la promesse qui lui en a été faite, était si clairement séparée de la cause de Cécilianus, qu'il était évident que si, pour le bien de la paix, on tolérait, ici-bas le mélange des bons et des méchants, ce mélange n'était ni une justification pour les méchants, ni une condamnation ,pour les bons. On invoquait en preuve les paraboles- de l'Evangile, l'exemple des Prophètes, de Jésus-Christ, des Apôtres et des évêques, et la conduite même des Donatistes à l'égard des Maximianistes. Ensuite on devait prouver que la cause de Cécilianus n'était pas mauvaise, et appuyé sur les mêmes documents authentiques, on constaterait l'innocence de Félix d'Aptonge , le consécrateur de Cécilianus et qu'ils avaient criminellement accusé dans leur conciliabule. Ce même règlement renfermait aussi diverses prescriptions soit à l'égard du. baptême, soit au sujet de la persécution que les Donatistes reprochent sans cesse aux catholiques. On ajouta aussi que si dans le but peut-être de suspendre les débats ils s'obstinaient à lancer contre les, évêques catholiques des accusations

plus ou moins criminelles, ces accusations ne seraient discutées qu'à la fin, et qu'on s'occuperait tout d'abord de la cause principale que l'on devait avoir hâte de terminer. En affectant de concentrer toute la matière du-débat dans les lettres précédentes et dans ce règlement, les évêques catholiques se proposaient d'écarter par avance toutes les chicanes que les Donatistes ne manqueraient pas de soulever pour retarder le débat; du moins le bruit public leur supposait déjà cette ruse; on voulait aussi les mettre en demeure de ne pas quitter la conférence. De cette manière, la cause de l'Église catholique serait traitée rapidement; on pourrait en lire la teneur dans la transcription des débats, et c'était là précisément ce que redoutaient les Donatistes. et ce qui les poussait à se refuser à la conférence.

XI. Le procureur fit ensuite remarquer que d'après le règlement des catholiques, les principes d'argumentation devaient être empruntés à la révélation plutôt qu'aux moyens oratoires du barreau, puis il ordonna de donner lecture de toutes les signatures. Alors s'éleva un conflit qui prit certaines proportions, parce que les Donatistes exigèrent la présence de tous ceux qui avaient signé le règlement. Ils donnaient pour raison que rien ne prouvait que tous les signataires fussent réellement des évêques, qu'on avait fort bien pu en augmenter le nombre, afin de mieux tromper le procureur. De leur côté, les catholiques. s'opposaient à ce que l'on requît la présence de tous leurs frères dans l'épiscopat, car ils craignaient que l’on ne profitât du grand nombre pour soulever un tumulte et empêcher la conférence d'avoir lieu. Comment en effet ne pas voir que les Donatistes y mettaient obstacle de tout leur pouvoir, surtout quand on les entendait alléguer que le temps fixé par l’empereur était passé, et qu'il n'y avait plus lieu à .engager le débat ? Du reste, si ce tumulte n'était point encore survenu, c'est qu'il était trop évident que s'il éclatait, il serait impossible d'en attribuer la cause. aux catholiques, en raison même de leur petit nombre, mais plutôt à ceux qui formaient là une véritable multitude. Enfin, les catholiques crurent devoir céder à leurs exigences et consentirent à ce que tous les évêques qui avaient signé se présentassent à la conférence. On reconnut par la suite que les Donatistes avaient porté jusque-là leurs prétentions, parce qu'ils supposaient qu'il n'y avait pas à Carthage autant d'évêques que l'on comptait de signatures. Cette erreur venait de ce que les évêques catholiques, en entrant dans la ville, n'avaient pas déployé autant de pompe que les Donatistes,voilà pourquoi on supposait qu'ils n'étaient qu'en fort petit nombre.

XII. Les évêques catholiques dont on réclamait la présence furent alors introduits; on en fit l'appel nominal, et quand ils furent au milieu de l'enceinte, les Donatistes purent les reconnaître soit pour leurs voisins, soit comme habitant la même ville avec eux . Toutes les fois, que l'on prononçait le nom d'un évêque catholique qui avait son siège dans des localités où il n'y avait point de donatiste, ceux-ci .pouvaient conclure qu'ils n'avaient pas des partisans partout où il y avait des évêques catholiques qu'ils connaissaient ou qu'ils savaient être dans leur voisinage: Ils purent se convaincre également qu'il n'était plus possible de douter de la présence d'aucun des évêques dont on avait proclamé la signature. Quand on prononça le nom de l'évêque catholique Victorianus de Mustitanumn, celui-ci s'avança au sein de l'assemblée et s'écria qu'il avait deux adversaires : Félicianus dans la ville de Mustitanumn, et Donat dans le village de Turr. Alors les catholiques exigèrent qu'il fût constaté dans les actes publics que Félicianus appartenait à la communion de Primianus, car il avait été compris dans la même condamnation que Maximianus, auquel il avait conféré l'ordination en même temps qu'il se faisait le condamnateur de Primianus, ce qui n'avait pas empêché que dans la suite il ne fût réintégré dans tous les honneurs, sans que pour cela ils eussent annulé le baptême, qu'il avait conféré pendant qu'il appartenait au schisme de Maximianus. Les Donatistes éludèrent cette question en répondant que c'était porter trop loin les exigences à leur égard. Comme on insistait de nouveau, ils dirent qu'il s'agissait là d'une action purement intérieure. Le procureur, cédant à leurs réclamations, ordonna de continuer l'opération commencée, sauf, si besoin était, de revenir plus tard sur l'objet de la demande. Or, dans ce même diocèse de Mustitanum, on trouva que les Donatistes avaient ajouté en plus un autre évêque d'un siège antique, uniquement par jalousie contre les (570) catholiques; on reconnut plus tard qu'ils avaient agi de même dans plusieurs autres localités.

XIII. Quand on eut ainsi constaté la présence de tous les évêques catholiques, qui avaient signé, le procureur émit le désir que l'on délibérât assis plutôt que debout. Mais les Donatistes s'y refusèrent, tout en se montrant reconnaissants de la délicatesse dont on faisait preuve à l'égard des vieillards et en mêlant à leur refus les éloges les plus flatteurs pour le président, sans s'épargner eux-mêmes. On peut lire les détails de cet incident dans le compte rendu général. Quoi de plus intéressant, en effet, que de les entendre gratifier du titre de très-honoré, de juste, de révérend, de bienveillant, celui en présence duquel ils refusaient néanmoins de discuter une cause pour laquelle un si grand nombre d'évêques se trouvaient assemblés ?

XIV. On lut ensuite le règlement dressé par les Donatistes ; avec une concision extrême il chargeait les députés élus de soutenir la lutte contre ces apostats qui étaient en même temps leurs persécuteurs. Sur la demande des catholiques, on déclina le nom de chacun des Donatistes, afin que l'on pût s'assurer que tous ceux qui avaient signé étaient réellement présents à Carthage. On ne saurait douter que si les Donatistes avaient les premiers réclamé cette mesure auprès du procureur, c'était dans l'intention bien arrêtée de faire parade de leur nombre, et d'y trouver un puissant moyen d'en imposer. Cette lecture prouva clairement que plusieurs d'entre eux s'étaient permis de signer pour des absents. On remarqua aussi qu'au moment où l'on déclinait le nom d'un des signataires, personne ne se trouvait là pour répondre; mais ses coréligionnaires répondirent qu'il était mort en chemin. Naturellement les catholiques demandèrent comment il avait pu signer à Carthage, puisqu'il était mort en chemin ; cette question les embarrassa très-fort, et ils hésitèrent un instant, ne sachant que répondre. Ils dirent d'abord que ce n'était pas du défunt qu'ils parlaient, mais d'un autre. A cela, les catholiques crurent qu'il s'agissait d'un clerc qui aurait pu signer à la place du défunt, et alors ils demandèrent si le clerc avait signé son propre nom ou celui du mort. Mais ils répondirent que c'était l'évêque lui-même qui avait signé de sa propre main, ce qu'il pouvait très-bien faire puisque le règlement avait été rédigé la veille des calendes de juin; à cette époque il se trouvait à Carthage, mais il était déjà malade, et mourut pendant qu'il retournait à son siège. A ces paroles, les catholiques demandèrent une seconde lecture du règlement afin de rendre la contradiction plus évidente. On ne pouvait la rendre plus manifeste ; aussi le procureur demanda qu'on lui attestât, sous la foi du serment, que cet évêque se trouvait à Carthage quand l'ordre fut lancé à tous les évêques présents de signer le décret. Cet ordre les jeta dans le trouble le plus profond ; ils répondirent : « Peut-être qu'un autre a signé à sa place ». Laissant à Dieu le soin de punir une semblable fausseté, le président ordonna de continuer la lecture. Quand elle fut terminée, il demanda quel était, des deux côtés, le nombre des évêques. Le ministère public répondit que les évêques Donatistes étaient inscrits au nombre de deux cent soixante dix-neuf, en y comprenant les évêques dont on avait emprunté la signature pendant leur absence, et même celui qui était mort. Quant aux évêques catholiques tous présents, ils étaient au nombre de deux cent quatre-vingt-six. Vingt n'avaient pas signé, quoiqu'ils fussent présents; et en effet, ils s'avancèrent au milieu de l'assemblée; cette abstention avait pour cause la maladie qui leur était survenue depuis leur séjour à Carthage, et du reste ils y avaient suppléé en déclarant par gestes qu'ils étaient entièrement consentants. Ainsi, dans les thermes Gargiliens qui servaient de lieu de conférence, se trouvaient réunis tous les évêques catholiques qui avaient signé, ou donné leur consentement par signes, à l'exception de ceux qui étaient retenus à Carthage même par la faiblesse de leur santé. Les Donatistes avaient fait grand bruit de leur nombre jusqu'au moment où il fut prouvé que Carthage renfermait encore plus d'évêques catholiques; que dut-il arriver, quand les catholiques affirmèrent que cent vingt autres évêques n'avaient pu venir à Carthage, retenus qu'ils étaient, les uns par la vieillesse, ceux-ci par la maladie, ceux-là pour d'autres nécessités ? Les Donatistes s'empressèrent de répliquer que parmi eux il y en avait encore un bien plus grand nombre qui n'étaient pas venus à Carthage, et que d'un autre côté une multitude de sièges étaient alors vacants. Ils oubliaient que dans la note qu'ils avaient remise au procureur, (571) ils déclaraient formellement que tous s'étaient fait un tel devoir de se rendre à Carthage, qu'il n'y avait d'absents que ceux qui étaient retenus par la maladie ou par les infirmités, mais que les vieillards eux-mêmes s'étaient fait un devoir de braver les fatigues de la route. Quant aux siéges vacants, les catholiques leur répondirent qu'ils s'élevaient pour eux au nombre de soixante, par la seule raison que les successeurs n'avaient pu recevoir encore l'ordination. Si donc nous nous en tenons aux signatures elles-mêmes, il nous est facile de nous convaincre que dans le nombre de celles des Donatistes, plusieurs étaient fausses, ce qui diminuait d'autant le nombre des évêques. Il est certain en effet qu'il n'y avait que les malades qui n'étaient pas venus à Carthage, et l'on avait signé à leur place; or, en comptant ceux qui étaient présents et ceux dont on avait simulé la signature, on ne trouve que deux cent soixante dix-neuf souscriptions. D'un autre côté, il est impossible d'admettre qu'il y ait eu cent vingt évêques, c'est-à-dire le tiers d'entre eux, restés malades dans leurs demeures, et conséquemment absents de Carthage.

XV. Tous ceux dont la présence à l'assemblée n'était pas requise, sortirent de la séance, et il ne resta que ceux qui des deux côtés avaient été choisis pour prendre part aux débats. Tous convinrent alors que la conférence serait remise au surlendemain, parce que le jour présent touchait déjà à sa fin.

 

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CONFÉRENCE DU SECOND JOUR.

 

I. Le surlendemain, comme on en était convenu, les évêques se réunirent à l'endroit fixé. Dès le début de la séance le procureur invita de nouveau les assistants à s'asseoir, il ajouta même la prière à cette invitation. Aussitôt les catholiques s'assirent, mais les Donatistes s'y refusèrent. Ils alléguèrent , pour motif de leur refus, l'application qu'ils se faisaient à eux-mêmes d'un passage de l'Ecriture qui leur défendait de s'asseoir avec de tels hommes (1). Dans la crainte de retarder de nouveau les débats, les catholiques gardèrent le silence et se promirent, pour répondre, une circonstance plus favorable pour le troisième jour. Quant au procureur, il leur déclara qu'en restant debout, il voulait uniquement se faire reconnaître au sein de la foule.

II. On lut ensuite une note déposée la veille par les Donatistes, et dans laquelle ils demandaient qu'on voulût bien leur remettre le règlement tracé par les catholiques, afin qu'ils

 

1. Ps. XXV, 4.

 

pussent en prendre connaissance et préparer leur réponse pour le jour fixé, car, autrement, les greffiers ne pourraient suffire à la transcription des actes. A cette note était jointe la réponse du procureur, dans laquelle il faisait droit à cette demande.

III. Le procureur demanda ensuite ce que les assistants avaient à répondre au sujet des souscriptions, c'est-à-dire s'ils consentaient, comme il l'avait proposé dans son édit, à obliger chacun designer ses propositions. Les catholiques répondirent qu'ils avaient déjà exprimé leur consentement dans les lettres précédentes; mais les Donatistes déclarèrent que cette mesure les avait fortement émus, parce qu'elle était contraire aux habitudes. Le procureur demanda ensuite s'il leur paraissait convenable, pour la sûreté de la transcription des débats, de s'en remettre absolument à la vigilance des gardiens qui avaient été choisis des deux côtés. Les Donatistes demandèrent un sursis qui leur permit de prendre connaissance (572) de ce qui était écrit; alors seulement ils répondraient. Ce fut là l'occasion d'un long conflit dans lequel on leur rappela, à plusieurs reprises, qu'ils avaient consenti à commencer la discussion le jour même. Ils n'en mettaient que plus d'instance à soutenir qu'ils n'avaient pas connaissance des notes, et qu'on devait leur donner communication des écritures. En conséquence, le procureur ordonna de leur donner lecture de ce que les notaires avaient recueilli en parcourant les pièces gardées sous le sceau de l'assemblée ; ils ne voulaient pas que l'ombre même de la violence pesât sur leur démarche. Ils n'en continuaient pas moins à incriminer la rédaction dès faits, sous prétexte que les greffiers n'avaient pu y prendre part. On leur répondit que, dans leur dernière note, ils avaient demandé qu'on leur remît le règlement des catholiques afin qu'ils pussent en prendre une connaissance suffisante avant la présente réunion, puisque les greffiers n'avaient pu suffire à la rédaction des faits. Ne sachant que répondre à cette objection, ils essayèrent de remettre en question la fixation du jour, sur laquelle pourtant ils avaient déjà reçu des réponses péremptoires, et dont la discussion avait occupé la première séance presque tout entière. Les Catholiques répondirent que non-seulement dans le décret du procureur; des calendes de juin, ils avaient pu prendre connaissance du jour fixé, vrais encore que le jour même de l'Octave des calendes de juin, ils avaient tracé leur règlement, sans se laisser arrêter par cette considération que le jour fixé pour les débats était passé et qu'on n'était plus au quatorzième jour des calendes de juin. On ajouta ensuite que Primianus avait promis de se présenter aux calendes de juin. Si les catholiques insistèrent sur ces détails, c'est qu'ils avaient appris que les Donatistes s'en servaient pour souffler la haine et la jalousie au sein des populations. Mais malgré toutes ces raisons; ces derniers ne montraient que plus de véhémence pour obtenir un sursis. Enfin, voyant qu'ils ne pouvaient rien obtenir et que les discussions se prolongeaient de plus en plus, les catholiques prièrent le procureur de leur accorder le sursis qu'ils réclamaient. Sur la réponse faite par les greffiers, il fut accordé un sursis de six jours, parce que ce temps était nécessaire à la rédaction des pièces; mais en même temps ils s'engagèrent, quand cette rédaction serait terminée, à signer leur travail.

 

 

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CONFÉRENCE DU TROISIÈME JOUR.

 

I. Le troisième jour de la conférence, c'est-à-dire le six des ides de juin, dès que l'assemblée fut réunie, le procureur demanda si les comptes rendus étaient terminés. Le ministère publie répondit qu'il les avait distribués avant même le jour fixé; il invoquait comme preuve le témoignage des cautions des deux partis. Ces cautions furent entendues et il fut prouvé que les catholiques avaient reçu les pièces le huitième jour avant les ides de juin, à la cinquième heure, et les Donatistes aussi, le même jour, à la troisième heure.

II. Le procureur prescrivit ensuite de proposer le principal sujet du débat. Les catholiques répondirent que depuis longtemps ils désiraient engager la discussion sur ce sujet principal; à leurs yeux il s'agissait avant tout, de la part des Donatistes, de prouver l'existence de tous ces crimes dont ils accusaient l’Eglise catholique répandue sur toute la terre. De leur (573)  côté, les Donatistes demandèrent que l'on traitât d'abord la question des personnes, prétendant que d'ordinaire, dans les débats de ce genre, on étudiait d'abord les combattants. Cette proposition souleva un long débat : les catholiques se refusaient à cette mesure, ils souffraient de toutes ces tergiversations et avaient hâte d'entrer au coeur même de la discussion, tandis que les Donatistes s'obstinaient à réclamer la question des personnes, et voulaient due l'on sût d'abord quels étaient ceux qui avaient demandé à l’empereur d'ordonner cette conférence. Ils voulaient que l'on constatât que les catholiques étaient les demandeurs, et alors, en vertu des lois du barreau, ils pourraient discuter les personnes. Ne savaient-ils donc pas que dans la première réunion on avait donné lecture du règlement des catholiques, dans lequel ils montraient clairement qu'ils n'étaient pas les demandeurs, et qu'ils se proposaient uniquement de justifier leur communion de tous les crimes dont on l'accusait? Eu effet, ils demandaient que la cause de l'Église fût traitée, non point à l'aide des formules du barreau, mais seulement des témoignages de la sainte Écriture. Après la lecture de ce règlement, les Donatistes avaient avoué qu'en effet les catholiques ne voulaient s'appuyer que sur l'Écriture, et de leur côté ils avaient pris l'engagement de se renfermer dans le cercle de la révélation. Mais en ce moment, oubliant ce qu'ils avaient exigé et ce qu'ils avaient promis, parce que les catholiques demandaient que l'on s'occupât de la justification de l'Église, ils voulaient que l'on traitât la question des demandeurs, afin de pouvoir user des formes du barreau. Les catholiques s'y refusaient énergiquement pour couper court à ces retards que l'on préparait à dessein, et ils continuaient à demander que l'on traitât la question de l'Église. Le débat engagé devint si vif que l'on crut devoir donner de nouveau lecture du décret, par lequel l'empereur convoquait lia conférence c'était l'unique moyen d'éclairer cette question de la personne des demandeurs; car le procureur lui-même inclinait à se ranger du côté des Donatistes et à réclamer. les formules du barreau pour traiter cette question des personnes. Après la lecture du décret impérial, on fut convaincu que les catholiques avaient demandé la réunion de la conférence, et. qu'elle leur avait été accordée. Alors les Donatistes demandèrent qu'on leur donnât lecture des lettres dans lesquelles les catholiques demandaient la conférence. Le procureur leur répondit qu'on n'avait pas coutume de joindre les lettres de 'demande au rescrit Impérial. Déboutés de ce côté, ils demandèrent qu'on leur communiquât le mandat que les catholiques avaient confié pour solliciter une conférence de l'empereur et le nom des députés qui avaient été chargés de porter la supplique. Ils ajoutaient que c'était pour eux un devoir de discuter ces mandats, dans lesquels ils pourraient trouver quel langage avait été tenu contre eux par les catholiques à l’empereur. Ceux-ci comprirent parfaitement qu'on ne cherchait que l'occasion de nouveaux retards, et répondirent que ces instances n'avaient aucune relation avec la cause qu'il s'agissait de traiter, car en accordant la conférence qui lui avait été demandée, l'empereur manifestait la volonté formelle de discuter sérieusement la superstition dont il s'agissait. lis insistaient donc énergiquement pour que l'on coupât court à ces retards et à ces tergiversations, et que l'on s'occupât immédiatement du sujet pour lequel l'empereur avait décrété la conférence qu'ils lui avaient demandée.

III. Il fut alors question de la dénomination de catholique ; on discuta quelque temps pour savoir à qui elle devait être appliquée , mais on conclut que l'on devait plutôt examiner la cause principale. Un instant après, les Donatistes qui venaient de prononcer le mot de catholique, soutinrent que c'étaient eux qui formaient la véritable Eglise catholique. Le procureur répliqua que sans préjuger en rien la question il ne pouvait donner le nom de catholiques qu'à ceux qui l'avaient reçu dans les lettres de l'empereur, de qui il tenait tous ses pouvoirs. Il ajouta que plus ils insisteraient pour se faire donner le titre de catholiques, plus ils devaient se montrer empressés d'engager la discussion dans laquelle ils pourraient prouver qu'ils méritaient réellement cette dénomination. Jusqu'ici le procureur les avait interrompus et interpellés très-souvent, avait réclamé que l'on engageât la discussion générale, avait attesté que les personnes députées, ou le mandat qui leur avait été confié, ne touchaient en rien à la cause principale, et que du reste il n'avait reçu aucun ordre, de faire une enquête à ce sujet. A cela les Donatistes répondirent que (574) si, dans tout ce qui regardait les ambassadeurs ou le mandat qui leur avait été confié, les catholiques avaient refusé d'obéir au jugement rendu, ils devaient du moins déclarer s'ils remplissaient le rôle de demandeurs. On peut supposer l'étonnement qui se saisit des catholiques, quand ils entendirent les Donatistes leur reprocher de ne pas obéir à ce qui avait été jugé au sujet de la publication du mandat confié aux ambassadeurs; le procureur lui-même, à différentes reprises, n'avait-il pas réfuté ce reproche ? Les catholiques demandèrent donc à quelles choses jugées ils avaient refusé d'obéir. Comme leurs adversaires gardaient le silence, le procureur pria les catholiques de s'expliquer sur ce qu'ils exigeaient des Donatistes. Ils répondirent qu'ils voulaient la preuve ou la réfutation des crimes dont les Donatistes accusaient leur communion, et aussi la justification ou la condamnation du schisme consommé par eux. Les Donatistes, sommés de répondre, dirent que les Africains, qui s'attribuaient le nom de catholiques en voulant traiter la cause de l'Église universelle, s'occupaient d'une matière qui leur était étrangère, qu'ils n'avaient pas à s'en mêler; qu'ils n'avaient de solution à attendre que de l'Église du continent, que dès lors ceux qui auraient remporté la victoire seraient proclamés membres de cette Eglise et porteraient le nom mérité de catholiques. La discussion commençait ainsi à s'engager, mais à la fin de leur proposition ils demandèrent de nouveau que l'on s'expliquât sur la personne du demandeur. En quelques mots, les catholiques répondirent que la question de personnes avait été jugée dans les deux premières réunions; et que, quant à l'Église répandue sur toute la terre et appuyée sur les témoignages de l'Écriture, ce n'étaient pas les Donatistes, mais eux, qui en étaient les membres et qu'à ce titre ils méritaient seuls le nom de catholiques. Les Donatistes répliquèrent que le nom de catholique n'était pas fondé sur une plus ou moins grande extension locale, mais sur la plénitude des sacrements: ils demandèrent ensuite comment les catholiques pourraient prouver qu'ils sont en communion avec toutes les nations de la terre. Les catholiques acceptèrent le défi avec plaisir et demandèrent à s'expliquer. Mais les Donatistes remirent de. nouveau sur le tapis la question du mandat confié aux ambassadeurs et désertèrent ainsi la discussion qui commençait à s'engager sur l'Église pour revenir à ces détails tant de fois jugés, le mandat, et la personne du demandeur.

IV. Quant au procureur, sans doute, il comprenait que les Donatistes n'avaient aucun droit de demander le mandat qui avait été remis aux députés, puisqu'il suffisait que l'on fût certain que la conférence avait été demandée et accordée; mais il ne voyait pas où pouvait être l'injustice de leur part à demander que l'on traitât la question de personnes. Mais il était évident pour les catholiques et d'après ce qu'ils avaient appris et d'après les intentions qui se révélaient de plus en plus, que les Donatistes n'insistaient si fort sur la question de personnes que pour trouver matière à de nouveaux retards et à de nouvelles tergiversations; s'ils ne voulaient pas attaquer le sujet au fond, c'est parce qu'ils sentaient bien. qu'ils n'avaient rien à répondre, comme la suite l'a fait voir. Les catholiques déclarèrent en conséquence qu'ils refusaient d'engager la question de personnes, qu'ils n'accusaient leurs adversaires d'aucun crime, et qu'ils ne voulaient que se justifier eux-mêmes de ceux qu'on leur imputait. Quand, disaient-ils, notre justification sera clairement établie, on verra ce que sont nos adversaires et quelle iniquité a été leur séparation de l'unité. Les Donatistes répliquaient que les catholiques seraient parfaitement libres de tenter leur justification, mais qu'un point restait solidement établi, c'est qu'ils jouaient le rôle de demandeurs. Les catholiques répondaient que s'ils avaient provoqué la conférence, ce n'était pas pour s'y poser en accusateurs, mais pour se justifier des crimes qu'on leur imputait. Est-ce que ce n'étaient pas les Donatistes qui avaient formulé un mandat contre les apostats et les persécuteurs ? Et quand les catholiques furent tombés d'accord pour la réunion de la conférence, n'est-ce pas des lèvres et de la plume de Primianus que sortirent ces paroles, véritable accusation : « Ce serait une indignité pour les fils des martyrs de se réunir avec les descendants des apostats ? » Primianus refusait alors de prendre part à la conférence, et plus tard il manifestait la volonté de parler et de discuter au tribunal des préfets.

V. Alors, le procureur ordonna aux (575) Donatistes de prouver les crimes dont ils accusaient leurs adversaires, et défendit de proposer désormais la question de personnes, puisqu'il était certain que des deux côtés on avait demandé la conférence. Les Donatistes n'en demandèrent pas moins de nouveau que l'on se prononçât sur la question de personnes. Le procureur se prononça en disant que, du moment que les deux parties avaient demandé la conférence, le rôle de demandeur serait attribué à celui qui se poserait comme accusateur de son adversaire. Les Donatistes sommèrent alors les catholiques de prouver que des deux côtés on avait demandé la conférence. Oui, ajouta le procureur, « les catholiques devront fournir cette preuve ». A cette parole il s'éleva un long tumulte au sujet du nom de catholique à appliquer aux Donatistes et aux Cécilianistes. Ensuite, les catholiques, pour prouver que les Donatistes avaient aussi demandé la conférence, s'offrirent à fournir le compte rendu de ce qui s'était passé au jugement de la préfecture. Le procureur en ordonna aussitôt la lecture; mais sur-le-champ les Donatistes remirent en question tout ce qui avait déjà été résolu, demandèrent au procureur de se prononcer sur les matières qu'il avait déjà tranchées, c'est-à-dire sur la personne et le mandat des députés, réclamant de nouveau qu'on leur livrât ce mandat. Il était facile de comprendre qu'en agissant ainsi ils voulaient empêcher qu'on lût les actes préfectoraux, dans lesquels ils avaient gravement compromis leur propre cause, par certaines réponses inconsidérées et téméraires. Il s'éleva donc une longue contestation entre eux et le procureur; ils demandaient qu'on leur livrât le mandat donné aux députés ou qu'il prononçât que leur demande était superflue. Quant au procureur, il répondit qu'il s'était prononcé sur tout ce qui était de sa compétence, et que le jugement, qui s'agitait à l'heure présente, était entièrement étranger à ce que pouvaient contenir les lettres impériales, dans ce qui avait été demandé et concédé. Cependant , sur son ordre, on se mit en mesure de lire les actes préfectoraux. On avait à peine rappelé le jour et le nom des consuls, que les Donatistes provoquèrent une nouvelle interruption et revinrent de nouveau sur le passé. Le procureur répliqua qu'on devait donner lecture de ces actes, si l'on voulait résoudre la question du demandeur; à cela les Donatistes répliquèrent qu'il y avait des actes plus anciens, et qu'on devait les lire avant tout autre. Les catholiques répondirent que la seule conclusion à tirer de tout cela, c'est que, si leurs adversaires s'opposaient à la lecture des actes préfectoraux, c'est parce qu'ils craignaient de trouver leur condamnation dans leurs propres aveux.

VI. Les Donatistes présentèrent donc les actes du proconsulat et de la vice-préfecture, dans lesquels les catholiques demandaient des ordres de la municipalité, pour provoquer une conférence entre les deux partis, et dans laquelle on arracherait jusqu'aux dernières racines de l'erreur. Or, n'était-il pas évident que cette demande avait été faite longtemps avant que fût adressée la même supplique à l'empereur? Ces actes prouvaient aussi, suivant eux, que les catholiques devaient jouer le rôle de demandeurs, puisqu'ils n'avaient pas craint d'accuser leurs adversaires d'hérésie et de crimes contre les lois divines et humaines. Les catholiques répondaient, qu'en demandant alors cette conférence, ils se proposaient de justifier l'Eglise de toutes les accusations que l'on faisait peser sur elle. Ils demandèrent donc avec instance que, si on donnait lecture d'actes de beaucoup antérieurs, on lût aussi les réquisitoires que les Donatistes, par l'intermédiaire du proconsul Anulinus, adressèrent à l'empereur Constantin, dans l'affaire de l'évêque Cécilianus. On prit connaissance de ces pièces, mais on n'acheva pas la lecture, déjà commencée, des actes préfectoraux. Il s'éleva alors un conflit. D'après les catholiques, puisque les actes produits par les Donatistes avaient obtenu la préférence à cause de leur antériorité, sur ceux qu'ils présentaient eux-mêmes, on devait du moins, après en avoir pris connaissance, donner aussi lecture des pièces encore plus antérieures dans lesquelles on verrait clairement que, dans toute cette affaire, les Donatistes s'étaient posés les premiers en accusateurs, dans la mission qu'ils confièrent au proconsul auprès de l'empereur. Mais l'opposition que les Donatistes avaient faite à la lecture des actes préfectoraux, ils la renouvelèrent avec plus de véhémence encore quand il s'agit de ces dernières pièces. Or, pendant cette altercation ils revenaient souvent sur les questions tant de fois résolues et repoussées par les répliques du procureur, la (576) question du mandat, et celle de savoir si les catholiques voulaient s'en tenir aux témoignages de la loi, ou invoquer les actes publics. Ils ajoutaient qu'en se renfermant exclusivement dans le cercle de la loi, les catholiques feraient mépris de toute la législation et de tous les actes publics ; tandis qu'en faisant de ceux-ci le champ du débat, ils laisseraient de côté les témoignages de la révélation. Toutefois supposé que les catholiques adoptassent ce dernier parti, les Donatistes se promettaient de leur défendre de donner lecture des pièces qu'ils présentaient; il leur suffirait, pour cela, d'invoquer en leur faveur le bénéfice d'une légitime prescription, puisque les catholiques et le procureur lui-même avaient plusieurs fois proclamé. qu'on ne devait pas revenir sur une cause résolue, d'autant plus que les quatre mois fixés étaient déjà révolus. Evidemment ils redoutaient avec effroi la lecture des pièces qui prouveraient que la première accusation avait été portée à l'empereur, par leurs ancêtres, contre l'évêque Cécilianus, ce qui n'avait pas empêché que ce dernier fût déclaré innocent et par jugement ecclésiastique et par jugement impérial. En un mot, ils craignaient d'entendre rappeler les débats qui étaient le but de la réunion, car ils sentaient qu'ils seraient évidemment vaincus. Leur frayeur était telle, qu'ils étaient forcés d'avouer qu'insensiblement et peu à peu on les amènerait sur la question, on les forcerait à l'envisager sous toutes ses faces. N'est-ce pas là au contraire ce qu'ils devaient désirer, s'ils pouvaient réellement compter, non pas sur des prescriptions vaines et dilatoires, mais sur la vérité de leur propre cause?

VII. Tout ce que les catholiques désiraient, c'était d'engager immédiatement la discussion sur le fond même du débat; et plus ils voyaient d'opposition sur ce point, de la part de leurs adversaires, plus ils se faisaient un devoir de répondre sans cesse à des incidents plusieurs fois résolus. Deux points surtout étaient en présence : donneraient-ils communication du mandat imposé aux députés ; et ensuite était-ce sur le terrain de la révélation, ou sur celui des actes publics qu'ils établiraient la discussion. Quant au mandat, ils déclarèrent qu'ils n'en donneraient aucune communication, car il n'avait que faire dans le débat. De son côté, le procureur affirma ce qu'il avait déjà dit si souvent, qu'il ne pouvait discuter ni sur la personne des députés, ni sur le mandat qu'ils avaient reçu, car il n'avait pour cela aucune mission. Il suffisait de voir que la cause à traiter avait été déterminée par les lettres impériales qui le constituaient le président de l'assemblée. Quant à savoir si c'était dans la révélation ou dans les actes publics que l'on concentrerait le débat, les catholiques répondirent que si les Donatistes, au lieu d'incriminer comme ils le faisaient et de frapper leurs adversaires de l'épithète honteuse d'apostats, consentaient à chercher uniquement de quel côté était la véritable Eglise, on ne ferait aucune mention des actes publics, on s'en rapporterait uniquement aux témoignages de 1a révélation. Au contraire, s'ils persistaient dans leurs accusations, comme il était évident qu'on ne pouvait les réfuter que par les actes publics, alors les catholiques déclaraient qu'ils se serviraient de ce moyen légitime de défense. N'est-ce pas ces actes seuls qui pouvaient servir de base à l'attaque et à la justification ? C'est là ce que répétèrent à différentes reprises les catholiques et le procureur lui-même, tandis que, de leur côté, les Donatistes revenaient sans cesse à la charge, pour empêcher qu'on étudiât la question, et qu'on donnât lecture des pièces qu'ils voyaient entre les mains de leurs adversaires. Enfin, le procureur déjoua ces longues obstinations et ordonna la lecture des actes que présentaient les catholiques. Alors seulement on commença à traiter la cause pour laquelle s'était faite cette nombreuse réunion d'évêques. Ce qu'il y eut d'étonnant, c'est que ce fut précisément la question de personne qui amena subitement la discussion de la cause, tandis que les Donatistes ne la soulevaient que pour empêcher qu'on traitât le fond du débat.

VIII. Voici donc la troisième partie de la séance. On donna lecture du message d'Anulinus à l'empereur Constantin. Aussitôt les Donatistes de demander à quelle source on avait puisé cette pièce. Dans les archives du proconsul , répondirent les catholiques , et pour s'en assurer, on pouvait aller les consulter. Il résultait évidemment de cette relation, qu'ils avaient adressé à l'empereur, par le moyen de ce proconsul, un réquisitoire en règle, énonçant tous les crimes dont ils accusaient Cécilianus. Après cette lecture, les (577) Donatistes prièrent les catholiques de leur désigner celui qu'ils reconnaissaient pour père. Ceux-ci donnèrent pour réponse cette parole de l'Évangile : « Sur la terre vous n'appellerez personne du nom de père, car vous n'avez qu'un seul père qui est Dieu (1) ». Malgré cette réponse, ils leur demandèrent si Cécilianus était leur père ou leur mère. Les catholiques répondirent qu'il n'était ni leur père ni leur mère ; qu'il n'était que leur frère, bon frère s'il était bon, mauvais frère s'il était mauvais, car fût-il mauvais il était toujours leur frère à raison de la communauté des sacrements. L'insistance des Donatistes à répéter leur question et des catholiques à répéter leur réponse, produisit une sorte de conflit. Les Donatistes opposaient ces paroles de l'Apôtre: « Vous pouvez avoir plusieurs maîtres en Jésus-Christ, mais non plusieurs pères, car c'est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l'Évangile (2) ». Les catholiques répondirent qu'il ne s'agissait là que d'une distinction honorifique , fondée sur le ministère apostolique, que remplissait l'Apôtre. En effet, dans tout ce qui regarde la foi et le salut éternel, Dieu seul est notre père. Le Sauveur avait dit : « N'appelez personne votre père sur la terre, vous n'avez qu'un seul père qui est Dieu » ; l'Apôtre pouvait-il se mettre en contradiction avec ces paroles, et dire qu'il était le père de ceux auxquels il annonçait l'Évangile ? Il faut donc établir une différence entre la grâce divine et ce qui n'est l'effet que d'une distinction purement honorifique.

IX. Ils demandèrent aussi quel évêque avait ordonné Augustin ; et sans doute que sur ce point ils méditaient je ne sais quelles calomnies. Il répondit courageusement qu'il avait été ordonné par Mégalius, alors primat des évêques de l'Église catholique en Numidie ; et il les invita à formuler toutes leurs attaques, afin qu'il fût bien prouvé qu'ils jouaient le rôle de calomniateurs. Mais ils changèrent la question et revinrent à Cécilianus, disant que la cause de l'Église n'était nullement compromise lors même que ses crimes seraient reconnus véritables ; ils ajoutaient toutefois que cette démonstration était impossible.

X. Les Donatistes présentèrent ensuite des lettres qu'ils disaient avoir reçues de leur assemblée générale, et qui répondaient au

 

1. Matt. XXIII, 9. — 2. I Cor. IV, 15.

 

règlement proposé par les catholiques, dès le premier jour de la conférence. Ils rappelaient aussi que le jour suivant, ils avaient demandé qu'on leur donnât connaissance de ce règlement, afin de pouvoir, le troisième jour, se présenter à la conférence en pleine connaissance de cause. C'était aussi afin de donner à la composition de ces lettres tout le soin possible que dans la seconde réunion ils avaient demandé un répit, et que six jours leur avaient été accordés. Après ces explications, on donna lecture de ces lettres dans lesquelles les Donatistes essayèrent de répondre au règlement des catholiques, tel qu'il a été publié dans les actes de la première réunion. En confrontant le règlement et là réponse ii est facile de voir que leur réfutation n'est d'aucune valeur. En effet, c'est surtout d'après les témoignages de la loi, des Prophètes, des psaumes, des évangiles et des lettres apostoliques, que l'on démontre que l'Église catholique est répandue sur toute la terre; qu'après avoir débuté à Jérusalem elle a pénétré de proche en proche jusque sur les rivages de l'Afrique ; que, malgré cette diffusion dans tous les lieux et dans toutes les cités, toutes ces Eglises particulières ne forment qu'une seule et même Eglise, qu'elles ont toutes été fondées au prix des sueurs apostoliques, et qu'il est évident que les Donatistes n'ont avec cette Eglise aucune communion réelle. Or, ils se sont bien gardés de traiter ainsi la question, et malgré la prolixité de leur lettre, de citer un seul témoignage de l'Écriture pour prouver que la véritable Eglise prédite et annoncée se trouvait du côté de Donat. Au contraire, les catholiques faisaient un long appel à ces mêmes passages pour prouver que l'Église dont ils étaient membres était l'Église universelle, sortie de Jérusalem pour se répandre sur toute la terre. Au lieu donc d'envisager la question sous ce point de vue, au lieu de répondre directement aux catholiques en invoquant d'autres témoignages, ils passèrent tout cela sous silence et n'essayèrent de l'Écriture que pour prouver que nulle part il n'avait été prédit que l'Église sur la terre serait formée du mélange des bons et des méchants. Toutefois, arrivés à cette parabole de l'Évangile, déjà citée dans le règlement des catholiques, il fallut parler de ces filets que le Sauveur ordonne de jeter à la mer et dans lesquels se trouvent renfermés des poissons de toute sorte, (578) dont le triage ne doit se faire que sur le rivage, c'est-à-dire à la fin des siècles. Alors pourtant ils avouèrent que l'Eglise pouvait renfermer des pécheurs occultes. Quant à la zizanie mêlée au bon grain, ils prétendirent que ce mélange n'avait pas lieu dans l'Eglise, mais dans le monde, puisque le Sauveur a dit : « Le champ, c'est ce monde (1) ». Quant à l'aire dans laquelle la paille est renfermée avec le bon grain jusqu'à la séparation qui en est faite par le van, sans doute qu'ils ont conclu que cette figure n'était pas dans l'Evangile, car ils n'en firent aucune mention. Supposant donc que c'était là une pure invention des catholiques, ils se contentèrent de citer en réponse cette parole de Jérémie : « Pourquoi la paille avec le froment (2) ? » sans se demander le sens de cette parole. Ce n'est pas de l'Eglise que parlait le Prophète, mais des visions divines des Prophètes, et des songes humains, et c'était défendre d'établir sur ce point aucune comparaison. Les catholiques avaient également emprunté à l'Evangile la parabole des brebis et des boucs qui paissent ensemble en attendant la séparation dernière (3) ; les Donatistes n'y faisaient pas même allusion. Et en effet ils n'auraient pu dire que les pasteurs paissaient les boucs sans les connaître, comme ils avaient dit que les pêcheurs renfermaient dans leurs filets les mauvais poissons, sans les voir.

XI. Pour prouver que dans l'Eglise les méchants sont tolérés par les bons, et que les bons ne sont pas souillés par le contact des méchants, les catholiques avaient invoqué l'exemple des Prophètes, de Jésus-Christ, des Apôtres, et, plus tard, des bons évêques ; ils avaient même cité le jugement des Donatistes qui soutenaient, en parlant du schisme de Maximien , que quelques-uns des leurs, devenus victimes de ce schisme, n'avaient pas été souillés par le crime contagieux de Maximien. Nos adversaires , dans leur lettre , essayèrent de présenter une réponse telle quelle, au sujet du fait allégué, des Prophètes, de Jésus-Christ, et des Apôtres ; mais quant aux évêques et aux Maximianistes, ils gardèrent le plus complet silence. En ce qui concernait les évêques, ils se sentaient écrasés sous le poids de l'autorité de Cyprien, dont les propres paroles avaient été citées dans

 

1. Matt. XVII, 47-50. — 2. Jérém. XXIII, 28. — 3. Matt. XXV, 32, 33.

 

l'ordonnance des catholiques. Ce passage, en effet, prouvait clairement que Cyprien avait commandé, pour le bien de l'unité, de tolérer les méchants dans l'Eglise, et de ne pas quitter l'Eglise sous prétexte de les éviter (1) ; et ensuite qu'il avait lui-même toléré dans sa communion, des hommes dont les moeurs dépravées lui inspiraient la plus profonde horreur; il les tolérait, mais n'hésitait pas à signaler leurs crimes (2). Si donc, après avoir parlé des Prophètes, de Jésus-Christ et des Apôtres, les Donatistes passèrent sous silence les évêques, il faut le dire ouvertement, l'autorité de Cyprien les écrasait, quand il s'agissait pour eux de soutenir que les méchants ne doivent pas être tolérés dans l'Eglise. Et cependant, au sujet du traître Judas et de ceux que l'Apôtre a tolérés et qui n'annonçaient Jésus-Christ que par jalousie, Cyprien s'exprima d'une manière absolument conforme à ce que les catholiques avaient formulé dans leur ordonnance. Il déclarait que le Sauveur avait supporté Judas pour enseigner, par son exemple, que l'on doit tolérer les méchants dans l'Eglise (3). Quant à ceux dont parle l'Apôtre, il les toléra, non pas en dehors, mais dans le sein de l'Eglise (4). Quant aux Maximianistes, que pouvaient-ils en dire, puisqu'ils vivaient encore et qu'il était si facile de se faire une conviction à cet égard ? Les catholiques avaient dit, dans leur mémoire, que ces mêmes Maximianistes avaient été condamnés en séance publique et chassés de leurs basiliques par les Donatistes; ceux-ci répondirent que l'accusation intentée par eux ne portait sur aucun crime, qu'ils ne forçaient personne à entrer dans leur communion, et que leur unique préoccupation était « de traiter toujours avec convenance leurs propres affaires et celles de leurs partisans ». Ils oubliaient ce mot que Primianus ordonna d'inscrire dans les actes publics: « Ceux-là prennent le bien d'autrui, nous, au contraire, nous refusons ce qui nous est offert ». Le mémoire des catholiques rappelait aussi que les Donatistes, après avoir condamné les Maximianistes, les avaient ensuite réintégrés dans tous les honneurs, qu'ils avaient nié que les adeptes de Maximien eussent été souillés par son contact, et enfin qu'ils avaient donné leur approbation

 

1. Lettre à Maxime.

2. Discours sur les Tombés.

3. Jean, VI, 71, 72. — 4. Phil. 1, 15-18.

 

579

 

au baptême conféré par eux dans le schisme, puisqu'ils avaient refusé de le réitérer. A cela nos adversaires ne firent absolument aucune réponse, et n'en parlèrent pas plus que s'il n'en avait jamais été question.

XII. Au sujet de ce même baptême les catholiques, dans leur règlement, avaient cru pouvoir faire l'application de ce mot de l'Apôtre . « Ils retiennent la vérité captive dans l'iniquité (1) », afin de prouver que dans une iniquité que l'on doit chercher à détruire, il peut se trouver enfouie une vérité que l'on doit conserver. Or, ils ne comprirent pas cette application ou, s'ils la comprirent, ils cherchèrent à l'obscurcir par leurs paroles, afin que les autres ne la comprissent pas. Ils soutenaient donc que l'Apôtre parlait alors des erreurs païennes, comme si vraiment il importait quelque peu de savoir de quelles erreurs il parlait, quand il affirmait d'une manière générale que la vérité peut être retenue captive dans l'iniquité. La seule conséquence à tirer de cette parole, c'est que l'on doit partout approuver la vérité et corriger l'iniquité. C'est là aussi ce que fait le catholique quand il reconnaît et embrasse dans les Donatistes la vérité du sacrement, tandis qu'il déteste l'iniquité de leur hérésie et s'efforce de la corriger. Les catholiques ajoutaient qu'on ne doit jamais détruire le baptême de Jésus-Christ, lors même qu'il serait conféré par les hérétiques, de même qu'on ne doit pas renier Jésus-Christ par haine pour les démons qui le confessent. Ici encore, ou bien nos adversaires ne comprirent pas, ou bien ils eurent recours à toutes les obscurités possibles et répondirent que les catholiques avaient parlé contre les martyrs, sans dire cependant ce qu'ils entendaient, eux, par martyrs. Ils ajoutèrent que les catholiques voulaient se mettre en communion avec les démons, comme si c'était se mettre en communion avec les hérétiques quand on lance l'anathème contre leur iniquité, lors même qu'on respecterait en eux le baptême véritable qu'ils ont reçu ; il en est de même à l'égard des démons, on peut fort bien anathématiser leur iniquité sans se condamner par là à nier le nom de Jésus-Christ, par cette seule raison qu'ils le confessent.

XIII. Les persécutions dont les Donatistes prétendaient avoir été les victimes, occupaient également une large place dans leur écrit.

 

1. Rom. I, 18.

 

Cependant ils évitèrent de répondre au reproche que leur adressaient les catholiques, d'avoir, les premiers, accusé Cécilianus auprès de l'empereur Constantin, d'incriminer les lois des empereurs, d'exagérer tout en haine des catholiques , de leur attribuer soit la mort dont les Circoncellions se frappent eux-mêmes, soit les actes de cruauté auxquels ils se livrent, non pas précisément parce qu'ils sont dans la communion de Donat, mais parce qu'ils mènent une vie criminelle qui leur attire justement les vengeances des lois et de la police. Ils rappelèrent même ce qui s'était passé dans le bourg de Vagaitanum, où ils se rendirent coupables de crimes si nombreux qu'ils n'expièrent que par des châtiments trop disproportionnés.

XIV. Le mémoire des catholiques n'avait pas omis de rappeler la justification éclatante de Cécilianus et de Félix d'Aptonge, dont les crimes supposés étaient pour nos adversaires un moyen si habilement employé pour soulever la haine et la jalousie contre les catholiques. C'était là en quelque sorte le sujet principal de la conférence, et cependant il n'en était fait aucune mention dans la longue lettre des Donatistes. La seule chose qu'ils essayaient, c'était d'établir par l'Ecriture qu'on ne devait pas tolérer les méchants dans l'Eglise , mais les fuir avec horreur pour se soustraire à la contagion du péché. Tels étaient leurs principes; cependant ils avouaient qu'on ne peut être souillé par les péchés des autres, quand ces péchés sont ignorés. C'est la proposition qu'ils avaient déjà émise en parlant des poissons qui avaient dû échapper aux regards des pêcheurs, quoiqu'ils fussent déjà renfermés dans les plis du filet. Il en est de même des pécheurs secrets dans l'Eglise ; les prêtres ne les connaissent pas, et dès lors ils ne peuvent contracter par eux aucune souillure. Ainsi, malgré l'étendue de leur lettre, malgré le long intervalle de temps qui s'écoula entre les deux réunions, ils ne purent répondre à ce défi des catholiques qui leur demandaient (et c'était le point le moins important) de prouver la réalité des crimes reprochés à Cécilianus, et surtout la réalité de ceux dont ils accusaient l'Eglise répandue sur toute la terre, en y ajoutant comme conséquence que l'on est toujours souillé en communiquant avec les pécheurs connus publiquement comme tels.

 

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XV. Après la lecture de la lettre des Donatistes, le procureur ordonna de lire les pièces présentées par les catholiques. Mais les Donatistes demandèrent aussitôt que l'on répondît à ce qu'ils avaient écrit. C'était aussi ce que désiraient les catholiques, car ils ne voulaient pas qu'il fût dit qu'on n'avait pu répondre à cette lettre. Ils commencèrent donc leur réplique; mais aussitôt les Donatistes soulevèrent des interruptions, car ils ne voulaient pas que le discours en réponse à leur lettre jouît du privilège qu'avait eu leur lettre elle-même, celui de ne pas être interrompu. Les catholiques invoquèrent immédiatement les témoignages de la sainte Ecriture , d'abord ceux qu'ils avaient cités dans leur mémoire, et ensuite ceux qu'avaient allégués les Donatistes; avant tout il fallait en donner l'explication naturelle et montrer qu'il ne pouvait y avoir entre eux aucune contradiction, puisqu'ils faisaient tous partie de la révélation divine. La discussion s'engagea tout d'abord sur la parabole de l'aire. Mais aussitôt les Donatistes se récrièrent et dirent que cette parabole ne se trouvait pas dans l'Evangile. On leur précisa l'Evangile dans lequel elle se trouvait et le passage où on pouvait la lire; ils répondirent qu'il ne pouvait y être question que des pécheurs occultes figurés par la paille que. le van doit séparer. Ensuite, malgré le tumulte et les interruptions, on étudia la parabole de la zizanie et du froment, en s'attachant surtout à cette expression: « le monde », dans laquelle les Donatistes refusaient de voir l'Eglise, puisqu'il était dit : « Le champ, c'est ce monde ». Ils citèrent donc un grand nombre de passages dans lesquels le monde désignait les pécheurs ; par exemple : « Celui qui aime le monde, la charité du Père n'est pas en lui (1) », et autres passages semblables qu'ils alléguèrent pour montrer que le monde ne désignait jamais l'Eglise. De leur côté, les catholiques citèrent un grand nombre de versets dans lesquels cette expression : le monde, était prise dans un sens favorable; par exemple: « Dieu était en Jésus-Christ se réconciliant le monde (2) », et autres versets semblables dans lesquels l'Eglise nous est montrée se réconciliant avec Dieu par Jésus-Christ. Mais alors se produisait un véritable tumulte; les catholiques voulaient user de leur droit de réplique, tandis que les Donatistes s'y opposaient

 

1. I Jean, II, 15. — 2. II Cor. V, 19.

 

énergiquement et oubliaient que leur lettre avait été lue sans qu'on soulevât aucune interruption. Ce qu'ils voulaient, c'était d'empêcher à tout prix la suite de la discussion.

XVI. Les catholiques demandèrent donc le silence, et ce ne. fut qu'après un grand nombre d'interpellations de la part. du procureur qu'ils purent l'obtenir. Alléguant aussitôt un grand nombre de passages de la sainte Ecriture, ils prouvèrent qu'il était dans la condition actuelle de l'Eglise, que les méchants y fussent mêlés aux bons; que si, dans sa vigilance, et pour sauver les règles de la discipline, elle devait travailler à leur conversion, non-seulement par la parole, mais aussi par l'excommunication et la dégradation, elle était obligée, pour le bien de la paix, de tolérer dans son sein, non-seulement les pécheurs secrets, mais aussi les pécheurs publics. Toutefois, ils faisaient remarquer que cet état de choses n'était que pour le temps présent, auquel s'appliquaient tous les passages où il était parlé du mélange des bons et des méchants, tandis que ceux qui excluaient ce mélange, ne s'appliquaient qu'au siècle futur, c'est-à-dire à l'éternité. De même, on dit maintenant de l'Eglise qu'elle est mortelle, c'est-à-dire formée d'hommes condamnés à mourir, tandis qu'alors elle sera immortelle , parce que la mort n'y exercera plus son empire. De même encore, au point de vue du temps présent, Jésus-Christ était mortel, mais après sa résurrection, il ne meurt plus, la mort n'exercera plus sur lui aucun empire (1); c'est aussi le privilège dont jouira l'Eglise à la fin des siècles. Ces deux époques de l'Eglise sont figurées par les deux pêches miraculeuses ; l'une s'accomplit avant la résurrection, Jésus-Christ ordonne simplement de jeter les filets sans désigner si c'est à droite ou à gauche (2) ; nous, enseignant ainsi que dans les filets de ses sacrements il n'y aurait pas que des méchants à l'exclusion des bons, ou des bons à l'exclusion des méchants, mais des méchants mêlés aux bons. Au contraire, après la résurrection, le Sauveur ordonne de jeter les filets à droite 1, pour nous faire entendre qu'après notre résurrection, il n'y aura plus que les bons dans l'Eglise, on n'y verra plus ni de ces hérésies, ni de ces schismes qui menacent aujourd'hui de rompre les filets. En effet, l'Évangile, en parlant de la première pêche, nous

 

1. Rom. VI, 9. — 2. Luc, V, 4-10. — 3. Jean, XXI, 6-11.

 

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fait remarquer lui-même que les filets se rompaient; tandis qu'en parlant de la dernière pêche, il nous dit formellement : « Quoique les poissons fussent si gros, les filets ne se rompaient pas ». Il a été dit de cette Eglise que l'incirconcis et l'homme impur n'entreront pas dans son sein (1). Ces hommes impurs désignent les séparations schismatiques qui auront cessé dans l'autre vie, car alors les filets n'y seront pas rompus. On peut donner la même signification figurée à ce passage, qui nous apprend que le corbeau, oiseau impur, sortit de l'arche pour ne plus y rentrer: Quoique le corbeau en fût sorti, l'arche renfermait cependant encore d'autres animaux immondes, qui restèrent ainsi confondus avec les animaux purs, jusqu'à la fin du déluge, comme dans l'Eglise les bons et les méchants restent mêlés jusqu'à la fin de ce siècle. Or, de même que ce n'est pas avec des animaux immondes, mais avec des animaux purs que Noé offrit son sacrifice; de même dans l'Eglise, ce ne sont pas les méchants, mais uniquement les bons qui parviennent jusqu'à Dieu.

XVII. A l'occasion des Prophètes, les Donatistes avaient dit dans leur lettre qu'ils n'étaient pas en communion avec ceux contre lesquels ils se croyaient obligés de tenir un langage si sévère. Les catholiques répondirent qu'il n'y avait jamais eu qu'un temple pour le peuple tout entier, et qu'aucun des Prophètes, quel qu'eût été son langage contre les méchants, n'avait jamais construit un autre temple, offert d'autres sacrifices, consacré d'autres prêtres. Les Donatistes avaient également cité certains passages de l'Ecriture, pour prouver que les péchés des parents souillent quelquefois les enfants. Les catholiques firent d'abord remarquer que ces passages doivent être interprétés en ce sens qu'il n'est question que des enfants qui imitent les crimes de leurs pères. Ils ajoutèrent que malgré les reproches si violents lancés contre ce peuple par la sainte Ecriture, et rapportés dans leur lettre, à tel point qu'on serait tenté de conclure qu'il n'y avait plus un seul juste parmi ce peuple, cependant on y trouvait encore, non-seulement les Prophètes, dont la sainteté est hors de doute, mais certains autres personnages dont le Sauveur, après sa venue sur la terre, loue la justice et la vertu; tels furent Zacharie, Elisabeth , et Jean leur fils; tels

 

1. Isaïe, LII, 1.

 

furent aussi le vieillard Siméon et Anne la veuve (1). C'est donc une impiété et une horrible calomnie de reprocher aux catholiques répandus sur toute la terre, les prétendus crimes de Céciranus, quand nous ne voyons pas qu'on eût reproché à Siméon, à Anne et autres saints personnages les crimes du peuple au sein duquel ils étaient nés, et dont les sacrements avaient servi à leur propre sanctification ; et cependant, les crimes dont il s'agit, ce n'est point par une opinion purement humaine qu'ils nous sont attestés, mais par la parole même de Dieu. Où rappela ensuite ce passage de la prophétie; où ceux qui gémissaient à la vue des crimes commis autour d'eux, furent marqués d'un signe qui, devait les soustraire à la ruine générale (2) ; et cependant ils ne furent pas corporellement séparés des coupables.

XVIII. Les catholiques expliquèrent ensuite quelle espèce de séparation il devait y avoir, en ce monde, entre les bons et les méchants, pour éviter toute participation avec les péchés des autres. Ce qu'il faut, c'est une séparation de coeur, fondée sur la différence de conduite et de moeurs. Et tel est le sens de ces paroles : « Sortez du milieu d'eux, éloignez-vous, et ne touchez pas ce qui est impur (3) » ; en d'autres termes, distinguez-vous; en menant une vie meilleure, et ne consentez pas à l'iniquité. Il ne pouvait se présenter une occasion plus favorable, pour adresser aux Donatistes une autre réponse. A plusieurs reprises, le procureur les avait invités à s'asseoir, et ils avaient toujours refusé, en alléguant un passage de l'Ecriture qui, disaient-ils, leur défendait de s'asseoir avec de tels hommes. Les catholiques répondirent que c'était forcer le texte que de soutenir qu'il devait y avoir, dès ce monde, une telle séparation entre les bons et les méchants, que les bons ne devaient pas même s'asseoir avec les méchants, et c'est ce qu'ils prétendaient faire cri appuyant leur refus de s'asseoir, sur cette parole: « Je ne me suis pas assis dans l'assemblée des impies ». Mais puisque les Donatistes regardaient comme impies leurs adversaires, ne devaient-ils pas obéir jusqu'au bout à toutes les défenses formulées dans ce même endroit du psaume? A la suite des précédentes, nous lisons en effet : « Et je n'entrerai pas avec ceux qui font le mal (4) ». Puis donc qu'ils sont entrés avec

 

1. Luc, I et II. — 2. Ezéch. IX, 4. — 3. Isaïe, Lu, 11. — 4. Ps. XXV, 4.

 

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ceux qu'ils regardent comme des impies, pourquoi refuser de s'asseoir? N'est-il donc pas évident que ce n'est pas dans un sens corporel, mais spirituel, que l'on doit interpréter ces expressions : entrer et s'asseoir? Enfin les catholiques rappelèrent encore la cause tant de fois citée des Maximianistes, en faisant observer que les Donatistes, après avoir frappé d'une même condamnation les Maximianistes et les disciples de Primianus, avaient déclaré qu'ils n'avaient point été souillés par leurs relations avec ce dernier, tandis qu'ils prétendaient que l'univers chrétien, jusqu'aux extrémités de la terre, avait péri, souillé par les crimes de Cécilianus.

XIX. A ces témoignages tirés de la sainte Ecriture, que pouvaient répondre les Donatistes ? Que répondre encore quand on leur objectait leur propre conduite à l'égard des Maximianistes?Aussi ne virent-ils d'autre parti à prendre que de revenir sur le passé et de soutenir que l'Eglise n'était point désignée sous le nom de monde dans la parabole du froment et de la zizanie. Est-ce donc que les catholiques n'avaient pas prouvé, par des témoignages authentiques, qu'on pouvait aussi prendre le monde dans une signification favorable, et que dans ce sens il ne pouvait désigner que l'Eglise? N'avaient-ils pas montré que, dans quelque sens qu'on interprétât ce mot, du moment que ces deux semences y croissaient simultanément, on ne devait pas, à cause de la zizanie, renoncer au bon grain? Tout cela avait été dit ; cette question avait été parfaitement résolue; mais les Donatistes étaient tellement à bout de raisons, qu'ils remirent la même question sur le tapis, et demandèrent comment le démon avait pu semer la zizanie dans l'Eglise. Puis ils appelèrent à leur aide la calomnie, et soutinrent que les catholiques avaient admis l'existence de deux Eglises, l'une dans laquelle les méchants sont maintenant mêlés avec les bons; l'autre qui, après la résurrection, exclura absolument les méchants, comme si vraiment ces justes que nous voyons aujourd'hui vivre dans la sainteté et tolérer au milieu d'eux les méchants, ne devaient pas eux-mêmes régner un jour avec Jésus-Christ.

XX. A cela les catholiques répondirent que leurs adversaires avaient eux-mêmes avoué qu'il y a maintenant dans l'Eglise des pécheurs occultes, et demandèrent à leur tour comment le démon avait pu les semer dans l'Eglise, car ils prétendaient qu'il n'avait pu y semer la zizanie. Les catholiques rappelèrent également le témoignage de Cyprien, déclarant ouvertement que cette même parabole évangélique n'avait qu'une seule interprétation possible, qui consistait à admettre dans l'Eglise l'existence de la zizanie, non pas cachée, mais visible (1). A ce témoignage, les Donatistes n'avaient osé faire aucune réponse, car ils avaient un respect d'autant plus grand pour l'autorité de Cyprien, que c'est sur lui qu'ils s'appuyaient pour soutenir leur erreur, quant à la réitération du baptême. Quant aux deux Eglises, les catholiques réfutèrent cette calomnie , en montrant qu'ils n'avaient parlé que d'une seule et même Eglise, dont la condition présente est de voir dans son sein les méchants mêlés aux bons, tandis que dans le royaume de Dieu elle sera entièrement purifiée de la présence des méchants; ce n'est qu'une seule Eglise, mais dans des conditions différentes; elle est maintenant mêlée aux méchants, comme maintenant aussi elle est mortelle, parce qu'elle est formée d'hommes mortels, tandis qu'alors elle sera immortelle, parce que l'empire de la mort sera détruit: dira-t-on qu'il y a deux Jésus-Christ, parce que d'abord il s'est soumis à la mort, et qu'ensuite il ne meurt plus ? Ne distingue-t-on pas également l'homme extérieur et l'homme intérieur? ce sont là deux choses différentes, mais qui cependant ne constituent pas deux hommes distincts. Combien moins peut-on admettre l'existence de deux Eglises, puisque les justes qui aujourd'hui tolèrent leur mélange avec les méchants, meurent pour ressusciter, mais alors ils ne seront plus mêlés aux méchants et ne mourront plus ? D'un autre côté , les Donatistes , s'appuyant sur l'Ecriture , avaient fait sonner bien haut qu'ils n'admettaient qu'une seule Eglise, contrairement aux catholiques, qui en affirmaient deux. Ceux-ci répondirent que les Ecritures parlaient de plusieurs Eglises : saint Jean en nomme sept (2); mais toutes ces églises particulières ne sont que les membres d'une seule et même Eglise. Comment donc ose-t-on les accuser d'admettre deux Eglises, quand ils ne parlent que d'une seule, qui subit seulement, en ce monde, une condition accidentellement différente de celle

 

1. Epitre à Maxime.

2. Apoc. I.

 

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qui lui est réservée dans le ciel, tandis que les lettres apostoliques nous parlent de plusieurs églises qui ne doivent en former qu'une seule? Les Donatistes, plutôt que de garder le silence, accusèrent de nouveau les catholiques d'avoir dit de l'Eglise, qu'elle est mortelle. Non, disaient-ils, elle n'est point mortelle, car c'est par la grâce de la Trinité qu'elle a été consacrée, et la Trinité est immortelle ; d'ailleurs Jésus-Christ est mort pour elle afin da la rendre immortelle. Ne dirait-on pas que les catholiques avaient nié que l'Eglise eût été rendue immortelle par la grâce de Dieu et par l'effusion du sang du Sauveur? Ne s'étaient-ils pas contentés de distinguer les époques, l'époque présente, pendant laquelle les saints eux-mêmes sont condamnés à mourir, comme Jésus-Christ s'y est condamné en personne, et l'époque future, pendant laquelle ils ressusciteront et vivront, pour ne plus mourir, avec Celui qui s'est ressuscité lui-même?

XXI. Telles étaient les questions engagées, et les Donatistes ne répondaient que par des superfluités aux preuves solides et concluantes qui leur étaient présentées. Le procureur interrompit les débats en disant qu'il était suffisamment éclairé sur ce qui avait été dit, qu'il se prononcerait à ce sujet dans la sentence générale, et qu'il désirait que l'on discutât ce qui faisait l'objet propre de la réunion. Les Donatistes demandèrent qu'il jugeât tout d'abord ce qu'il venait d'entendre. Les catholiques se rangèrent de cet avis, mais le procureur maintint sa proposition, et ordonna de traiter ce qui avait été la première cause du conflit. Alors les catholiques demandèrent qu'on donnât lecture des pièces qu'ils présentaient. Le procureur y consentit, mais les Donatistes s'y opposèrent, et résumant ce qui s'était passé, ils exigèrent que l'on portât un jugement sur ce qui était déjà connu. Du reste, ils s'opposaient formellement à ce qu'il se prononçât sur la cause qui devait s'engager après la lecture des pièces que présentaient les catholiques; car, disaient-ils, cette cause ne peut être jugée que par Jésus-Christ; et conséquemment ils reprochaient aux catholiques d'avoir confié cette affaire au simple jugement d'un homme, ce qui leur donna occasion de renouveler leurs plaintes au sujet des persécutions dont ils voulaient faire croire qu'ils étaient les victimes. Les catholiques répondirent qu'il n'y avait pas lieu de leur reprocher d'avoir choisi un homme pour juge, puisqu'eux- mêmes s'étaient posés comme juges souverains dans l'affaire des Maximianistes, au lieu d'en remettre le jugement à Jésus-Christ. Quant à la cause même de Cécilianus, n'est-ce pas eux qui tout d'abord l'avaient accusé au tribunal de l'empereur Constantin ? Par rapport aux persécutions auxquelles certains empereurs les avaient soumis pour favoriser l'Eglise, oubliaient-ils donc les crimes horribles dont leurs Circoncellions se rendaient coupables, sous la conduite de certains clercs? A cela les Donatistes répondirent que cette affaire ne concernait aucunement les prêtres, puisque, de leur propre aveu, c'étaient des clercs qui étaient les instigateurs de ces crimes.

XXII. Les catholiques leur reprochèrent ensuite d'avoir poussé la barbarie jusqu'à jeter dans les yeux de leurs victimes de la chaux et du vinaigre, et dirent qu'en cela ils avaient montré plus de cruauté que n'avait fait le démon lui-même qui s'était abstenu de traitements aussi inhumains à l'égard du corps de cet homme juste, qu'il avait le pouvoir de tourmenter à son gré. A ce sujet les Donatistes demandèrent lesquels étaient de préférence les enfants du démon, ou ceux qui infligeaient ces mauvais traitements, ou ceux qui les subissaient; comme si les catholiques avaient parlé d'autres choses que des souffrances horribles infligées par les clercs et les Circoncellions. Toutefois c'était l'occasion toute naturelle de leur objecter les Maximianistes; et les catholiques ne la négligèrent pas. Ils répondirent donc qu'en s'appuyant sur le principe qu'ils venaient de formuler, on devait conclure que la préférence était en faveur des Maximianistes qu'ils avaient persécutés au tribunal de trois proconsuls, si ce n'est plus. En effet, ce sont les Maximianistes qui ont subi ces mauvais traitements, et les Donatistes qui les leur ont infligés, parce qu'ils étaient les plus forts. Les catholiques allaient plus loin et demandaient si parmi ceux qu'ils avaient condamnés et persécutés ne se trouvait pas Félix qu'ils avaient depuis accueilli et qui faisait maintenant partie de leur collège. Sur ce point comme sur tant d'autres ils gardèrent le plus profond silence, et pour se disculper reprochèrent aux catholiques d'avoir pris la défense du démon, parce qu'ils avaient dit (584) de lui qu'il épargna Job et se laissa vaincre en cruauté par de simples hommes. Ils dressèrent donc un réquisitoire contre le démon qu'ils supposaient défendu par les catholiques et déclarèrent que, si le démon avait épargné les yeux de Job, c'était pour le rendre capable de contempler l'horrible spectacle que présentait sols corps devenu une plaie hideuse. En vérité, j'admire ce moyen de défense qui ne tend à rien moins qu'à me faire conclure qu'en brûlant les yeux de leurs victimes avec de la chaux et du vinaigre, c'était dans le pieux motif de leur épargner le cruel spectacle que présentait leur corps tout couvert de blessures.

XXIII. Les Donatistes insistèrent sur les persécutions qu'ils avaient eu à subir, et entraînés par le besoin d'exagération ils rappelèrent que quelques-uns d'entre eux avaient été mis à mort dans le bourg de Bagaïum. Les catholiques répondirent que s'ils avaient été frappés, c'est au moment où l'on se crut obligé de résister à la violence dont ils usaient à l'égard du juge lui-même. Ils rappelèrent aussi qu'ils avaient. commis des crimes horribles dans ce bourg, qu'ils avaient réduit en cendres la basilique elle-même et jeté dans les flammes les livres sacrés. Ils étaient donc eux-mêmes la première cause de leur malheur, par l'habitude qu'ils avaient de soulever le danger et de s'y précipiter. Les Donatistes insistèrent de nouveau, exagérèrent les persécutions dont ils étaient les victimes, conclurent que ces mauvais fruits de la part de leurs adversaires prouvaient qu'ils étaient de mauvais arbres et demandèrent de nouveau que l'on jugeât ce qui avait été dit du champ, de la zizanie, de l'Eglise une et immortelle. De leur côté, les catholiques leur attribuaient, comme étant leurs propres fruits, les schismes, la réitération du baptême, et l'accusation portée par leurs pères au tribunal de l'empereur. Un temps assez long se passa dans cet échange d'incriminations réciproques. Enfin le procureur, pour couper court à ces personnalités, promit de se prononcer sur ces matières dans la sentence générale. Il ordonna donc de reprendre la lecture plusieurs fois interrompue des pièces présentées par les catholiques. C'était le seul moyen de traiter à fond la cause de l'Eglise que les catholiques tenaient, essentiellement à séparer de celle de Cécilianus. En effet, pouvait-on rendre l'Eglise responsable des crimes prétendus d'un seul homme, quand pour réfuter toutes les incriminations humaines il lui suffisait de montrer tous les témoignages sur lesquels repose sa divinité ? Ce ne fut donc qu'après avoir débattu la question de l'Eglise que l'on traita la cause de Cécilianus.

XXIV. Voici ce qui se passa en cinquième lieu. On donna lecture des deux relations du proconsul Anulinus à l'empereur Constantin. L'une, dont nous avons parlé plus haut, prouvait que les ancêtres des Donatistes, ou ceux qui appartenaient au parti de Majorin, avaient dressé un réquisitoire contre Cécilianus , avaient demandé qu'il fût adressé à l'empereur, et le lui avaient adressé eux-mêmes. L'autre rappelait que, par ordre de l'empereur, deux hommes de chaque parti avaient été désignés pour traiter cette affaire et dresser aussitôt le résultat de leur délibération. On lut ensuite la lettre adressée par ce même empereur aux évêques, et leur prescrivant d'étudier la cause de Cécilianus. Puis on prit connaissance du jugement épiscopal de l'évêque de Rome, Melchiade, et des autres évêques Gaulois et Italiens. Ce jugement avait été rendu à Rome même par ces évêques assemblés. Dans la première partie, c'est-à-dire dans la relation des actes du premier jour, il était parlé des accusateurs de Cécilianus, envoyés par ses adversaires, et qui furent contraints d'avouer qu'ils ne pouvaient prouver aucune de leurs incriminations. Dans la même assemblée, on avait acquis la conviction qu'à l'époque même où Cécilianus n'était encore que diacre, Donat avait déjà formé le schisme à Carthage, car c'est à partir de ce schisme de Carthage que Donat eut son parti et ses adeptes. Les ennemis de Cécilianus s'étaient engagés à reparaître le lendemain à l'assemblée, car on les accusait d'avoir soustrait certains documents nécessaires à la cause; mais ils se parjurèrent et ne parurent plus à l'assemblée. Telle était la première partie de ce jugement. On commençait à donner lecture de la seconde, quand les Donatistes. soulevèrent de violentes interruptions,, prétendant qu'an devait d'abord prendre connaissance des pièces qu'ils présentaient, car, disaient-ils, il n'était pas dans l'ordre de commencer par lire. la justification de Cécilianus avant de connaître l'accusation. Ils insistèrent assez longtemps sur ce point. Les catholiques (585) soutenaient qu'il n'y avait pas lieu d'interrompre la lecture commencée, et qu'on devait épuiser ainsi les pièces du jugement. De leur côté, les Donatistes affirmaient qu'on devait interrompre cette lecture, puisqu'elle n'aurait a pas dû être commencée, car il n'est pas naturel , de présenter la défense d'un homme avant son accusation. Les catholiques répondaient que le procureur avait demandé que l'on instruisît la cause du schisme , et que l'on donnât lecture des pièces qu'ils présentaient quand il s'agissait de la personne du demandeur. Il se proposait donc un double résultat prouver d'abord que les Donatistes avaient requis les premiers le jugement d'un homme, eux qui reprochaient si amèrement aux catholiques, à l'occasion de l'assemblée actuelle, d'avoir demandé l'assistance d'un laïque; il voulait aussi résoudre la question de la personne du demandeur. Dès lors, puisque la lecture était commencée, il n'y avait pas, lieu de l'interrompre, on devait la continuer. Dans le principe, le procureur était d'accord avec les catholiques et voulait qu'on achevât la lecture; mais à la fin il se laissa gagner par les Donatistes et leur permit de suspendre la première lecture pour donner connaissance des pièces qu'ils présentaient.

XXV. Dans un court préambule ils soutinrent que Mensurius, le prédécesseur de Cécilianus sur le siège de l’Eglise de Carthage, avait, à l'époque de la persécution, livré les saintes Ecritures aux persécuteurs. Pour le prouver, ils lurent la lettre adressée à Secundus de Tigisit, primat des évêques de Numidie. Dans cette lettre Mensurius paraissait faire l'aveu de son crime , et cependant il avait écrit lui-même que loin de livrer les manuscrits sacrés, il les avait cachés pour les soustraire aux recherches. Il ajoutait qu'afin de mieux jouer son rôle, il avait abandonné dans la basilique tous les écrits pervers des nouveaux hérétiques; les persécuteurs s'en emparèrent et ne poussèrent pas plus loin leurs exigences à son égard; qu'ensuite certains Carthaginois vinrent raconter. au proconsul la ruse dont avaient été victimes ceux qui avaient été envoyés à Carthage pour enlever et brûler les Ecritures des chrétiens, puisqu'ils n'avaient trouvé que des volumes qui ne leur appartenaient pas, tandis que les Ecritures véritables- étaient gardées dans le palais de l'évêque et qu'on devait les en arracher et les livrer aux flammes ; mais que le proconsul s'opposa à cette mesure. La lecture de cette lettre apprit aussi que Mensurius s'était montré mécontent de ceux qui s'étaient offerts d'eux-mêmes. à la persécution sans avoir été saisis, et qui avaient déclaré, avant toute demande à eux adressée, qu'ils possédaient les saintes Ecritures, mais qu'ils refuseraient de les livrer; Mensurius avait même défendu aux chrétiens de rendre à ces téméraires les honneurs dus à leur rang. Cette lettre reprochait aussi à des criminels, et à certains débiteurs du fisc d'avoir voulu profiter de la persécution poux se décharger de leurs dettes, se laver de leurs crimes, ou plutôt pour gagner de l'argent et jouir dans la prison des offrandes généreuses des chrétiens. Toutefois les Donatistes ne reprochaient à Mensurius d'autre crime que d'avoir livré les manuscrits; du moins ils lui reprochaient de s'être rendu coupable de mensonge en substituant d'autres manuscrits aux véritables, et d'avoir voulu déguiser sa faute ; c'est de cette feinte elle-même qu'ils lui faisaient un crime. Ils donnèrent aussi lecture de la lettre pacifique adressée par Secundus de Tigisit à ce même Mensurius, et dans laquelle il rappelait aussi les tristes suites de la persécution en Numidie. Il disait que ceux qui en furent victimes et qui refusèrent de livrer les saintes Ecritures subirent les plus affreux tourments et la mort la plus cruelle ; qu'on leur rendait les mêmes honneurs qu'aux martyrs, et qu'on les louait hautement d'avoir refusé de livrer les saintes Ecritures, à l'exemple de cette femme de Jéricho qui refusa de livrer à leurs bourreaux les deux espions, qui figuraient les deux Testaments, l'Ancien et le Nouveau (1). Interprété dans ce sens, cet exemple plaidait plutôt en faveur de Mensurius. Celui-ci, en effet, réprimandait dans ses lettres ceux qui s'étaient dits possesseurs des saintes Ecritures, quoiqu'ils eussent l'intention de ne pas les livrer. Un tel aveu n'avait pas été fait par la femme de Jéricho. Car interrogée si elle avait chez elle les deux: espions, elle le nia d'une manière formelle. Secundus ajoutait que , sommé par un centurion et un bénéficier de livrer les saintes Ecritures, il avait courageusement répondu: « Je suis chrétien et évêque, et non traître ». Ils auraient voulu: recevoir de lui, ne fût-ce que quelques pièces

 

1. Josué, II.

 

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inutiles, quoi que ce fût; mais il le leur avait refusé à l'exemple d'Eléazar Macchabée, qui n'avait pas même consenti à feindre la manducation de la viande de porc, afin de ne pas être pour les autres un exemple ou une occasion de prévarication (1). Les catholiques écoutèrent en silence la lecture de ces deux lettres de Mensurius et de Secundus ; ils se contentèrent d'observer que c'étaient des lettres intimes, et qu'elles ne concernaient en rien la cause de l'Église.

XXVI. Le procureur, après avoir invité les Donatistes à se montrer aussi patients que les catholiques, ordonna de reprendre la lecture des pièces présentées par ces derniers. Les Donatistes demandèrent aussitôt qu'on lût d'abord ce qui concernait la cause de Cécilianus. Les catholiques le permirent sans aucune difficulté et invitèrent leurs adversaires à les payer en retour de la même patience qu'ils leur témoignaient. Alors le procureur accéda à la demande des Donatistes. Ceux-ci donnèrent connaissance des actes du concile tenu à Carthage par soixante-dix évêques contre Cécilianus, qui y fut condamné par contumace. On lui reprochait de s'être laissé ordonner par des apostats, et, n'étant encore que diacre, d'avoir, disait-on , empêché d'apporter des aliments aux martyrs retenus dans les fers. On déclina aussi le nom d'un certain nombre de collègues de Cécilianus, accusés de trahison par les actes publics, dont cependant on ne donna point lecture. De ce nombre, celui sur qui pesaient les plus graves accusations, était Félix d'Aptonge, que l'on regardait comme la source de tous les maux. On donna ensuite connaissance de la sentence portée par chacun de ces évêques, à commencer par Secundus de Tigisit, leur chef, et ensuite par tous les autres, et dans laquelle tous déclaraient qu'ils n'avaient aucune communion ni avec Cécilianus, ni avec ses collègues. Quand on eut donné connaissance de toutes les pièces relatives à ce concile, les catholiques répondirent qu'en s'adressant réciproquement leurs lettres, Mensurius et Secundus avaient clairement prouvé leurs dispositions pacifiques ; que par la suite, Mensurius n'avait été en fait accusé ni jugé coupable d'aucun crime; que le concile dont on venait de lire les délibérations contre Cécilianus, ne désignait ni sous quel consul, ni quel jour il s'était réuni; omission

 

1. II Mach. VI, 21-28.

 

qui sans doute ne constituait pas un crime et provenait de la négligence plutôt que de la fraude.

XXVII. Les catholiques mentionnèrent un autre concile tenu sous la présidence de ce même évêque de Tigisit, dans la ville de Cirté, et avec désignation du consul et du jour de son assemblée. Les Donatistes répliquèrent que de semblables décrets ne portaient pas d'ordinaire la désignation ni du consul ni du jour. Les catholiques firent observer que cette coutume était suivie par les conciles afin de dissiper toute apparence de fausseté, et que tous les conciles catholiques ne s'en étaient jamais départis. On donna donc lecture des pièces de ce concile, fournies par les catholiques. Il y était dit que Secundus soumettait à un interrogatoire tous ceux qui avaient été soupçonnés d'apostasie, et quand ils étaient convaincus de ce crime, il leur refusait l'honneur de siéger. Quand on eut pris connaissance de la confession des apostats au concile de Cirté, on emprunta au concile de Carthage le nom de celui qui avait été condamné comme traître dans l'affaire de Cécilianus. On examina ensuite le crime dont Secundus de Tigisit était accusé par Purpurius de Lima; Secundus, de son côté, avait accusé Purpurius d'avoir mis à mort les enfants de sa soeur dans la prison de Milé ; Purpurius à son tour accusait son adversaire du crime de trahison, prétendant que le questeur l'avait jeté en prison pour le contraindre à livrer les Ecritures, et qu'il n'avait recouvré sa liberté qu'en consentant à en livrer certaines parties. Quant à ce dernier fait, Secundus en faisait à peu près l'aveu dans la lettre qu'il écrivit à Mensurins, et dans laquelle il déclarait que le questeur lui avait adressé un centurion et un bénéficier, pour réclamer de lui les Écritures ou au moins quelques fragments inutiles. Il ajoutait qu'il n'avait, rien livré. Mensurius lui avait répliqué qu'il ne comprenait rien à cette conduite, et comme preuve il lui citait un grand nombre de martyrs qui avaient payé de leur vie le refus qu'ils faisaient de livrer les Écritures, tandis que lui, Secundus, retenu d'abord dans les fers parce qu'il se refusait à cet acte de trahison, avait, par la suite, recouvré pleine et entière liberté sans avoir rien livré. Cette objection de Mensurius resta sans réponse, aussi bien que l'accusation formulée par Purpurius.

 

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Car Secundus n'avait pas dit au centurion qu'il n'avait pas les Ecritures, mais seulement qu'il refusait de les livrer. Après une telle réponse, il est difficile de s'expliquer comment il avait pu échapper à la mort, surtout que Secundus avouait lui-même que, pour avoir répondu en ce sens à leurs persécuteurs, des chrétiens, non-seulement du dernier rang, mais même des pères de famille avaient cruellement subi toutes les horreurs de la mort. Toutefois les catholiques évitèrent de faire à Secundus un crime de sa délivrance; ils se contentèrent de relever l'accusation portée contre lui par Purpurins, c'est-à-dire les relations d'amitié qu'il ne cessa d'entretenir avec les apostats, sous prétexte de conserver la paix et de ne pas produire de schisme. Du reste, le but que se proposaient les catholiques en exigeant la lecture de ces pièces, c'était seulement de montrer ce qu'étaient ces hommes qui avaient condamné Cécilianus sans l'entendre.

XXVIII. Après cette lecture, les catholiques demandèrent qu'on réparât les omissions faites précédemment au sujet du concile de Carthage, dont les actes déjà lus constataient qu'un grand nombre d'évêques avaient condamné Cécilianus pendant son absence. Par rapport à ce même concile, les catholiques avaient déjà donné connaissance de la mission accomplie par le proconsul Anulinus et dans laquelle il avait transmis à l'empereur Constantin le réquisitoire dressé contre Cécilianus. Les Donatistes avaient confirmé ce point essentiel en avouant que leurs ancêtres avaient réellement accusé Cécilianus au tribunal de l'empereur. Les catholiques répondirent que ce concile de Carthage n'avait pas plus le droit de préjuger la cause de Cécilianus pendant son absence, que leur concile ne se l'était attribué contre Primianus pendant son absence, quoique cependant ils l'eussent condamné dans la cause de Maximien. En effet, les Donatistes prirent plus tard parti pour Primianus, quoiqu'il eût été précédemment condamné par l'autorité de ce concile. Pourquoi donc ne pas agir de même dans la cause de Cécilianus et ne point considérer ce qui s'est passé par la suite ? Les Donatistes, que cette affaire de Maximien jetait dans un grand embarras, répondirent : « La cause ne préjuge pas la cause, et la personne ne préjuge pas la personne». C'est aussi la maxime que les catholiques ne cessaient de répéter quand les Donatistes, pour justifier leur séparation, alléguaient tels ou tels crimes commis par telle ou telle personne, et faisaient même retomber sur l'univers chrétien tout entier je ne sais quels crimes commis par des Africains. Du reste, le but que les catholiques se proposaient dans cette conférence, n'était-il pas de séparer la cause de l'Eglise de celle de Cécilianus? et pour cela ils n'hésitaient pas à dire que dans l'Eglise les bons sont mêlés avec les méchants, sans que pour cela ils soient aucunement souillés par leurs péchés. Pouvaient-ils mieux pratiquer cet axiome: La cause ne préjuge pas la cause, et la personne ne préjuge pas la personne, axiome qu'avaient proclamé leurs adversaires dans une affaire différente ? Le procureur demanda ensuite ce que les catholiques avaient à objecter contre le concile de Carthage; ils répondirent qu'on ne devait pas négliger la ressemblance que présentait la cause de Primianus, avec la cause actuellement débattue, car le Sauveur cherchait souvent dans les actions mêmes des Juifs des arguments pour les amener à la vérité.

XXIX. Les Donatistes se livrèrent ensuite à de longs développements pour prouver qu'on devait confirmer la condamnation de Cécilianus sur l'autorité même du concile de Carthage, d'autant plus qu'il avait refusé de se présenter à une assemblée composée d'un si grand nombre de prêtres. Oubliaient-ils donc que Primianus en avait agi de même à l'égard de ceux dont il connaissait les intentions hostiles et par qui il fut en effet condamné après avoir refusé de comparaître à leur tribunal ? Quant au reproche qu'ils formulaient encore contre Cécilianus de ne pas avoir demandé l'ordination à un évêque du même rang que lui, ignoraient-ils que dans les habitudes de l'Eglise catholique, ce n'étaient pas les évêques de Numidie, mais les évêques du voisinage qui consacraient l'évêque de Carthage; de même que quand il s'agit de consacrer l'évêque de Rome, on ne charge de cet honneur aucun évêque métropolitain, mais uniquement l'évêque d'Ostie, comme étant le plus rapproché? Quand donc ils alléguaient leur prétendue coutume, établie je ne sais à quelle époque, ne prétendaient-ils pas préjuger l'Eglise catholique? Et puis si cette coutume eût été aussi antique qu'ils le disaient, ils n'auraient pas omis d'en (588) faire un crime à Cécilianus quand ils le condamnèrent par contumace. Les Donatistes ajoutèrent qu'Optat avait recueilli de la bouche même de Cécilianus cette parole qu'il avait aussitôt consignée : « Si je n'ai été ordonné que par des traditeurs, qu'ils viennent donc eux-mêmes et me confèrent l'ordination ». En admettant la réalité de cette parole, n'était-elle pas une véritable plaisanterie qu'il se permettait à leur égard ? car il était certain que les prélats qui l'avaient consacré, n'étaient pas des traditeurs? Remarquons en effet qu'au lieu de la forme absolue : Puisqu'ils sont des traditeurs, il emploie la forme dubitative : S'ils sont des traditeurs. Par là il montrait que leur innocence restait à prouver, puisqu'elle pouvait être prouvée.

XXX. A cette prolixité de développements, les catholiques répondirent en quelques mots qu'il n'avait donc pas suffi du concile de Carthage pour juger la cause de Cécilianus , puisqu'ils avaient cru devoir se faire eux-mêmes ses juges et adresser contre lui un réquisitoire à l'empereur. Ils concluaient que c'était un devoir pour eux d'attendre la sentence impériale , puisqu'ils l'avaient eux-mêmes provoquée. Les catholiques se proposaient, par ce moyen, de dissiper tous les prétextes d'hésitation et de retard, et de donner immédiatement connaissance des pièces qui avaient autrefois mis fin à ce débat, et prouvé d'une manière si évidente l'innocence de Cécilianus. Mais les Donatistes s'opposaient à cette lecture et inventaient mille subterfuges pour la faire écarter. En effet, le procureur demanda si le concile de Carthage avait tenu sa réunion avant qu'on portât devant l'empereur la cause de Cécilianus. Les catholiques répondirent qu'il était difficile de résoudre cette difficulté, puisque ce Concile ne précisait ni le nom du consul ni le jour de l'ouverture; que du reste, si le recours à l'empereur avait précédé le concile, il fallait attendre la sentence impériale pour clore le débat; que si le recours avait eu lieu après le concile, il fallait encore attendre ce jugemeut suprême, puisque les Donatistes eux-mêmes l'avaient provoqué après s'être prononcés sur cette matière. Les Donatistes soulevèrent alors une multitude d'observations sur le nom du consul et sur le jour de l'ouverture; ils soutenaient que cette double indication n'avait pas été mise en tête du concile, afin qu'on ne pût les accuser de fausseté; ils affirmaient ensuite que, dans les décrets épiscopaux, on n'avait pas l'habitude d'indiquer le nom du consul ou la date du jour; ils demandaient, comme preuve, qu'on leur permît de lire le concile de Cyprien; et par cette mesure ils ne voulaient qu'une chose, provoquer de nouveaux retards. D'un autre côté, les catholiques n'avaient voulu soulever aucune discussion sur ce point, puisqu'ils avaient répondu qu'il importait peu de savoir si c'était avant ou après le message impérial que s'était tenu le concile de Carthage, contre Cécilianus; et sur leurs propres instances, le procureur ordonna de prendre connaissance des pièces qui avaient été négligées jusque-là.

XXXI. Les Donatistes soulevèrent alors une question dont la solution aurait entraîné de longs retards, mais qui les aurait beaucoup aidés, s'ils avaient pu la résoudre. Il s'agissait de prouver la fausseté du concile de Cirté, dont les pièces déjà lues contenaient l'aveu de traditeurs qui se pardonnaient réciproquement pour éviter le schisme; on sait d'ailleurs que ces traditeurs siégeaient au nombre de ceux qui ont condamné Cécilianus pendant son absence. Ils se livrèrent donc à de longs développements pour prouver que ce concile n'avait pas eu lieu. Parmi ces développements, plusieurs avaient assez peu d'importance ; deux points cependant méritaient attention et ils les appuyèrent fortement. D'abord, c'est contrairement à toutes les habitudes ecclésiastiques que ce concile de Cirté aurait désigné le nom du consul et le jour de sa réunion; ensuite il est certain que dans un temps de persécution, un concile ne pourrait pas se rassembler. Ils sommaient donc les catholiques de citer d'anciens conciles où fussent désignés le nom du consul et le jour de leur célébration, ou de montrer dans les Ecritures quelques vestiges de cet usage. Les catholiques comprirent aussitôt que de telles questions , futiles en elles-mêmes, allaient nécessiter des retards étonnants. A qui donc persuaderait-on qu'un concile doit être faux précisément parce qu'il a précisé toutes les circonstances de temps et de lieu, qui d'ordinaire sont des garanties presque certaines de la vérité, ou du moins aident puissamment à la découvrir? Qui croirait qu'ils auraient mis en demeure de collationner les anciens conciles, pour y trouver des traces de cette (589) habitude de désigner le consul et le jour ? Qui aurait le loisir de compulser les archives ecclésiastiques depuis les temps les plus reculés? Toutefois les catholiques montrèrent, preuves en main, que le concile du pape Melchiade désignait le nom du consul et le jour de sa célébration; puis ouvrant les saintes Ecritures, ils prouvèrent que certains prophètes, dès les temps les plus reculés, avaient précisé l'année, le mois, et quelquefois même le jour où la parole du Seigneur s'était fait entendre à eux. Le procureur comprit qu'on ne devait attacher aucune importance à cette objection tirée de la désignation du consul et du jour. Il ordonna donc de continuer la lecture des actes du concile de Melchiade. On put s'y convaincre avec la dernière évidence que Cécilianus avait été absous et justifié par la sentence unanime de tous les évêques présents et de Melchiade lui-même, tandis que Donat, qui avait assisté à la première séance , y fut solennellement condamné; nous parlons de ce Donat de Cases-Noires, dont la présence à cette assemblée put alors être constatée.

XXXII. Les Donatistes, battus de ce côté, revinrent au concile de Cirté et s'attachèrent à prouver qu'il n'avait pas eu lieu, par la raison qu'un concile ne peut pas se tenir dans un temps de persécution. Le procureur prit au sérieux cette difficulté, et demanda aux catholiques ce qu'ils avaient à répondre, et comment surtout on pourrait prouver que c'était alors un moment de persécution. Les Donatistes présentèrent les actes des martyrs où l'on pouvait lire le récit de leur profession de foi et de leurs tourments. Alors le procureur ordonna de compulser les pièces officielles, afin d'y vérifier la désignation qui était faite des consuls et des jours, en tête du concile de Cirté et des actes des martyrs. Cette enquête avait été provoquée par une déclaration des catholiques, dans laquelle ils affirmaient que, depuis la mort des martyrs, ce qui prouvait une époque de persécution , jusqu'au concile de Cirté, il s'était écoulé une année. Or, le ministère consulté répondit que l'intervalle n'avait été que d'un mois. Après unetelle déclaration, les catholiques voulaient que l'on effaçât des tablettes la proposition qu'ils avaient formulée pour qu'on s'en tint uniquement à la réponse du ministère, auquel ils voulaient bien donner la plus entière croyance. Mais les Donatistes s'y opposèrent, et les catholiques n'insistèrent pas, car on n'y voyait que mieux apparaître l'esprit hostile et calomniateur de leurs adversaires. En fait, cependant, c'étaient les catholiques qui étaient dans le vrai ; dans la computation des dates officielles, il s'était glissé une erreur qu'un examen plus attentif découvrit plus tard, comme on peut facilement s'en convaincre, pourvu qu'on prenne la peine de lire et de comparer. En effet, quant aux actes des martyrs, qui prouvaient une époque de persécution, ils furent rédigés sous le neuvième consulat de Dioclétien et le huitième de Maximien, la veille des ides de février; quant aux actes épiscopaux du concile de Cirté, ils le furent le troisième jour des nones de mars, après leur Consulat; d'où il suit que l'intervalle avait été réellement de treize mois au lieu de onze, comme les catholiques l'avaient soutenu tout d'abord et par erreur. L'erreur du ministère venait de ce qu'il n'avait pas remarqué que le mois de mars désigné par le concile était celui qui suivit le consulat, ce qui supposait une année d'intervalle. Quoi qu'il en soit, et à s'en tenir à la réponse du ministère, qu'ils croyaient véritable, les catholiques se voyaient dans la nécessité de prouver que, même dans un temps de persécution, onze ou douze évêques avaient pu se réunir dans une maison particulière; surtout que les Donatistes les sommaient de donner des exemples d'anciens conciles qui se fussent réunis dans un temps de persécution. Une telle recherche devenait impossible; comment en un instant compulser dans ce but les anciennes chartes renfermées dans les archives ecclésiastiques? Il était bien plus facile de répondre que douze hommes avaient pu se réunir dans une maison particulière, puisque, dans les moments de la plus active persécution, de grandes assemblées de peuples avaient pu se réunir, comme le prouvent les actes des martyrs où nous lisons que la foule se réunissait et célébrait le jour du Seigneur. Du reste, c'était la réponse que les catholiques avaient déjà faite avant la réponse du ministère. Les catholiques ajoutèrent que ces actes épiscopaux du concile de Cirté, conservés, du reste, avec le plus grand soin par les Pères, devaient être traités comme l'étaient ces lettres de Mensurius et de Secundus, dont les Donatistes avaient donné lecture. En effet, (590) le concile de Carthage, où soixante-dix évêques condamnèrent Cécilianus par contumace, se trouve mentionné dans le concile de Melchiade, où Cécilianus fut déclaré innocent. Quant à ces lettres de Mensurius et de Secundus, il n'en était fait mention nulle part ailleurs, elles ne reposaient sur aucun autre témoignage, et cependant les catholiques étaient loin d'en contester l'authenticité. Cette réflexion des catholiques plaçait les Donatistes dans la nécessité de prouver que, dans un temps de persécution, des évêques avaient pu entretenir des correspondances réciproques, comme on en voyait la preuve dans la personne de Mensurius et de Secundus. Toutefois les catholiques ne soutenaient nullement que ces lettres fussent supposées ; car, vraies ou fausses, elles n'étaient pour rien dans le débat engagé. Seulement ils voulaient faire comprendre aux Donatistes que c'était pure chicane de leur part de forcer les catholiques de citer des faits de conciles réunis dans un temps de persécution. En rétorquant l'argument contre ses auteurs, ne pouvait-on pas leur dire : Donnez des exemples de lettres ainsi écrites et envoyées dans un temps de persécution, des exemples qui prouvent qu'au moment même où l'on exigeait l'exhibition des manuscrits sacrés, où un questeur, un centurion et un bénéficier prescrivaient cette mesure, tel évêque, comme Secundus, a pu s'y refuser et sortir impuni du sein de la tourmente ? Trouveraient-ils sur-le-champ d'autres lettres semblables écrites par des évêques à d'autres évêques et à la condition de parcourir des distances aussi grandes?

XXXIII. La discussion fut longue. Les Donatistes ne cessaient de répéter que dans un temps de persécution un concile n'avait pu se réunir pour ordonner un évêque, parce que le monde était tombé dans l'apostasie, parce qu'il n'y avait pas d'évêques capables de faire cette ordination, et autres choses semblables. De leur côté, les catholiques répliquaient que les évêques pouvaient se réunir en nombre si modeste que cette assemblée ne pouvait porter le nom de concile, quand il se faisait des assemblées populaires, telles que celles dont parlent les actes des martyrs; n'étaient-ce pas des évêques qui haranguaient ces foules assemblées? comment donc soutenir qu'il n'y en avait point pour faire une ordination ? Telles furent les provocations et les réponses qui s'échangèrent pendant quelque temps. Les catholiques insistèrent en particulier sur la possibilité pour les évêques de disposer d'une maison privée, même dans un temps de persécution; on en trouvait la preuve dans les Actes des martyrs. Quoi que pussent opposer sur ce point les Donatistes, quelqu'incroyables qu'ils aient essayé de rendre de semblables événements, quelque chose de plus étonnant encore, n'était-ce pas le dévouement que déployaient, sous le feu même de la persécution, ces évêques qui pénétraient jusque dans l'obscurité des prisons pour porter la parole évangélique aux martyrs et leur conférer les sacrements à eux qui n'étaient retenus dans les fers que pour leur attachement aux sacrements ?

XXXIV. De temps à autre cependant le procureur prenait la parole et avouait que les évêques pouvaient encore s'assembler, puisque la foule du peuple se réunissait. Enfin il ordonna aux Donatistes de déclarer ce qu'ils avaient à opposer au concile et au jugement de Melchiade, c'est-à-dire à la sentence qui avait proclamé l'innocence de Cécilianus ; il ajouta que ce concile, plutôt que celui de Cirté, formait actuellement le point essentiel du débat. Alors les Donatistes accusèrent Melchiade lui-même d'avoir été traditeur et ne craignirent pas d'ajouter que ce fut précisément parce qu'ils le regardèrent comme traditeur que leurs ancêtres refusèrent d'accepter sa sentence. Ils oubliaient donc qu'ils assistèrent à ce jugement, sinon en personne, du moins par leurs représentants, et qu'ils répondirent qu'ils n'avaient aucun crime à reprocher à Cécilianus. Cependant le président paraissait très-désireux de voir si cette accusation lancée contre Melchiade serait confirmée par quelque jugement public ou ecclésiastique; de leur côté, les catholiques demandaient énergiquement qu'on leur fournît cette preuve. C'est alors que les Donatistes donnèrent lecture de certains actes d'une prolixité effrayante, rédigés sous la présidence d'un certain préfet dont on n'indiquait ni le nom ni la résidence. Ces actes, malgré la longueur de leur rédaction, faisaient entendre avec une sorte de complaisance, que beaucoup d'évêques avaient livré les manuscrits sacrés et trahi leurs fonctions ecclésiastiques, mais il n'y était fait aucune mention de Melchiade lui-même. Le procureur parut irrité de voir qu'on avait promis une chose et qu'on en (591) isait d'autres ; mais les Donatistes le supplièrent de prendre patience et lurent d'autres pièces, où il était dit que Melchiade avait remis à des diacres une lettre de l'empereur Maxence et du préfet du prétoire, et les avait envoyés porter ces lettres au préfet de la ville, en les chargeant de recevoir de sa main tous les objets qui avaient été enlevés pendant la persécution et que l'empereur ordonnait de rendre aux chrétiens. Ni le procureur ni les catholiques ne trouvèrent dans ce fait la matière d'aucun crime à reprocher à Melchiade. Aussi les Donatistes s'empressèrent d'ajouter que les actes, dont précédemment on avait donné connaissance, affirmaient l'apostasie de l'un de ses diacres, Straton, député avec les autres par Melchiade pour rentrer en possession des domaines ecclésiastiques. Ils en concluaient que Melchiade lui-même devait être accusé du même crime de tradition pour avoir requis le ministère de ce diacre sans l'avoir dégradé. Dans le cours de la discussion ils avancèrent que Melchiade était le troisième successeur de celui sous le pontificat duquel cette tradition s'était accomplie. Le procureur demanda si du moins dans les actes qui rapportaient cette tradition , Straton portait le nom de diacre. Les Donatistes répondirent qu'il y était désigné sous le titre de « Fauteur de la très-vaine superstition », titre qui lui est commun avec tous ceux qui apostasiaient; mais que ce titre était toujours donné par les persécuteurs païens aux diacres et aux prêtres, en haine de la religion.

XXXV. Les catholiques répondirent que c'était chose très-commune dans le monde, de trouver deux et même plusieurs personnes portant le même nom. Il a donc pu se faire que ce Straton traditeur fût prêtre, mais différent de cet autre qui n'était que diacre. Les Donatistes avaient ajouté que les païens désignaient les diacres et les prêtres sous le titre de fauteurs d'une très-vaine superstition ; est-ce qu'ils n'ont pas pu désigner sous ce nom tous les clercs en général, ce qui rendrait très-incertaine toute détermination de l'ordre auquel pouvait être élevé ce clerc apostat? Mais en admettant que l'on pût prouver qu'il était diacre, qu'y aurait-il là d'incroyable ou d'étonnant, puisque peu de temps auparavant il y avait à Rome deux diacres du nom de Pierre. Les catholiques ajoutèrent que lors même que l'on démontrerait, ce qui n'était nullement démontré, que le diacre Straton traditeur était le même que celui qui plus tard fut chargé par Melchiade, avec d'autres diacres, de rentrer en possession des édifices ecclésiastiques, de quel droit pourrait-on conclure que Melchiade était lui-même entaché de ce crime? Straton ne pouvait-il pas, au moment de sa faute, être dans un pays très-éloigné, en sorte qu'on ne pût rien savoir à Rome et qu'on le regardât comme parfaitement innocent, puisque personne ne se présentait pour prouver sa culpabilité? A tous ces raisonnements les Donatistes n'eurent d'autre réponse à faire que de répéter toujours les mêmes accusations.

XXXVI. Sans doute qu'après la conférence ils calomnièrent également Cassianus qui se trouvait également au nombre des diacres que Melchiade députa vers le préfet et dont il était fait mention dans les actes qui relataient les circonstances de la tradition. S'ils eussent tenu ce langage au sein de la conférence, les catholiques auraient pu facilement leur répondre, que dans cette multitude de clercs romains il n'était pas étonnant qu'il s'en trouvât deux ou plusieurs qui portassent le nom de Straton et de Cassianus. Les Apôtres n'étaient que douze et cependant deux d'entre eux portaient le nom de Jacques et deux celui de Judas. Est-ce qu'eux-mêmes n'avaient pas distingué deux Donat différents l'un de l'autre, celui de Cases et celui de Carthage, parce qu'ils craignirent que l'auteur de leur secte, Donat de Carthage, ne fût regardé comme étant celui que Melchiade avait frappé d'une condamnation solennelle ? Et dans une si grande multitude de clercs romains il ne serait pas permis aux catholiques d'admettre que plusieurs pouvaient porter le même nom ? Les Donatistes tiraient donc une conclusion radicalement fausse, quand ils disaient que tout se rapportait parfaitement, les personnes, les lieux, les contrées. Ce qui pouvait sembler d'accord dans ces actes qu'ils citaient , ce n'étaient ni les lieux, ni les contrées, ni la dignité des personnes, mais uniquement les noms, quand il n'est rien de si commun que de rencontrer plusieurs personnes qui portent le même nom.

XXXVII. Le procureur fut saisi d'un profond mépris pour toutes ces allégations incertaines, et demanda qu'on produisît contre ces actes (592) des documents plus certains, et en particulier le jugement de Constantin dont il avait déjà été parlé. On donna lecture de ce jugement. L'empereur, après avoir pris connaissance du dossier des deux parties adverses, avait écrit à Eumalius, vicaire d'Afrique, qu'il regardait Cécilianus comme innocent et ses adversaires comme d'insignes calomniateurs. Il rappelait aussi le jugement épiscopal formulé dans la ville d'Arles en faveur de Cécilianus, et auquel un grand nombre s'étaient ouvertement ralliés, tandis que les autres restaient victimes des dissensions et de la discorde. De cette manière, le débat se résumait tout entier et réclamait un jugement. Après la lecture de ces lettres impériales, le procureur demanda aux Donatistes ce qu'ils avaient à répondre. Ceux-ci essayèrent de revenir à l'odieuse inculpation dont ils avaient chargé Melchiade ; mais le procureur les arrêta subitement et leur ordonna de déclarer ce qu'ils avaient à opposer au jugement rendu par Melchiade et à la sentence impériale. Ils répondirent que l'empereur lui-même s'était laissé influencer par de coupables suggestions. Le procureur répliqua que le jugement porté sur les deux parties avait été pesé avec la plus scrupuleuse attention. Les Donatistes demandèrent qu'on en donnât lecture, afin que l'on pût se convaincre que l'empereur s'était prononcé sur les deux parties. Sur l'ordre du procureur, on donna connaissance de cette pièce, et comme les Donatistes. n'avaient rien à répondre sur ce point, ils reprochèrent à la lettre impériale de ne porter aucune désignation de consul. Un conflit s'engagea sur ce point, et les Donatistes de répéter sans cesse que le concile épiscopal portait le titre d'un consul, tandis que la lettre impériale n'en avait point. Les catholiques répondaient que là n'était pas la question. De son côté, le procureur déclara que, d'après la teneur des lois; les constitutions impériales sont reconnues authentiques, lors même qu'elles ne porteraient le nom d'aucun consul. Enfin les catholiques pressaient vivement leurs adversaires de déclarer clairement si cette lettre leur paraissait supposée, car alors on consulterait les archives.

XXXVIII. Vaincus de ce côté, les Donatistes se crurent assurés du triomphe en demandant, comme ils l'avaient déjà fait précédemment, qu'on prît connaissance de la pièce composée par Optat. On y trouverait, disaient-ils, la preuve invincible que Cécilianus avait été condamné par l'empereur ; cette lecture, du reste, leur avait été promise, mais toujours différée. Mais auparavant le procureur voulait savoir s'ils oseraient révoquer en doute D'authenticité des lettres impériales. Ils n'osaient aller jusque-là; cependant ils reprochaient vivement l'omission du nom d'un consul; mais surtout, ce qu'ils réclamaient à grands cris, c'était la lecture d'Optat. Pendant ce débat, on trouva la désignation du consul sur un autre exemplaire de là lettre impériale. A cette vue, les Donatistes s'écrièrent : « Certainement elle n'a pas dû porter le nom d'un consul ». Or, jamais il n'avait été dit qu'elle ne devait pas porter ce titre; on s'était contenté de soutenir que lors même qu'elle ne porterait le nom d'aucun consul, ce n'était pas une raison pour douter de l'authenticité de la lettre. C'est ce que leur affirma de nouveau le procureur; on lut ensuite Optat. On arriva bientôt à ce passage: «En ce temps-là, ce même Donat demanda qu'il lui fût permis de retourner, mais qu'il n'entrerait pas à Carthage; alors son avocat Philomenus suggéra à l'empereur de retenir Cécilianus à Brixia, pour le bien de la paix ; et c'est ce qui eut lieu (1) ». Ces paroles, évidemment, ne renfermaient aucune condamnation de Cécilianus, et malgré toutes leurs promesses, les Donatistes ne pouvaient prouver le contraire. Le procureur ordonna la lecture de toute la page, afin que, par les antécédents et les conséquents, il fût plus facile de saisir la pensée de l'auteur. Bientôt on lut : « Cécilianus fut déclaré innocent de toutes les accusations précédemment portées contre lui ». Les Donatistes répondirent que ce n'était pas de ces paroles qu'ils avaient demandé la lecture, et ils entrèrent en fureur contre toute l'assemblée, qui avait été prise d'un violent éclat de rire, en voyant que cette page, depuis si longtemps demandée par eux, était la condamnation manifeste de toutes leurs erreurs. Pour se justifier, ils répondirent que par ces paroles qu'ils avaient lues, Optat avait voulu atténuer la condamnation de Cécilianus, et n'avait pas même voulu la rapporter d'une manière formelle. On leur demanda alors de fournir la preuve manifeste de cette atténuation dont ils parlaient. Mais ils durent avouer de nouveau leur impuissance; puis, après de

 

1. Optat, livre I.

 

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longues hésitations, ils soutinrent que ce Donat, qui s'était présenté comme accusateur de Cécilianus au tribunal de Melchiade, n'était point Donat de Carthage, mais Donat de Cases-Neuves. Les catholiques y consentirent, et on passa outre.

XXXIX. La lettre de Constantin prouvait que l'empereur avait entendu les deux parties et qu'il avait jugé en faveur de Cécilianus contre les Donatistes. Le procureur leur demanda donc s'ils avaient des observations à faire sur ce point. Ils demandèrent qu'on donnât lecture du libelle qui, disaient-ils, avait été remis à Constantin par leurs prédécesseurs. Or, ce libelle prouva clairement que tout ce qu'ils avaient dit de la condamnation de Cécilianus à Brixia, n'était qu'un tissu de mensonges; il prouvait aussi que Constantin avait hautement condamné leurs coupables machinations. En effet, ils déclaraient dans ce libelle « qu'ils ne voulaient avoir aucune « communion avec son prélat imposteur n, et qu'ils étaient prêts à subir tous les traitements qui leur seraient infligés. Celui qu'ils désignaient sous ce titre de prélat imposteur de Constantin, c'était évidemment Cécilianus. Comment donc osaient-ils appeler prélat de Constantin celui qu'ils avaient accusé au tribunal de Constantin lui-même, et avec lequel ils ne voulaient pas communiquer, s'ils l'avaient réellement convaincu de crime devant ce tribunal suprême, s'ils avaient même obtenu contre lui, à Brixia, une condamnation solennelle ?

XL. Les catholiques firent observer que cet écrit se retournait contre les Donatistes, qui cependant en avaient demandé la lecture. Le procureur émit le même avis. Cependant les Donatistes, poussés par leur haine aveugle, produisirent une autre pièce qui allait de nouveau les convaincre de fausseté. C'était une lettre de Constantin à son vicaire Vérinus, et dans laquelle l'empereur les abandonnait à leur libre arbitre, insinuant ainsi qu'il leur permettait de sortir de l'exil. Dans cette lettre, Constantin témoigne pour eux un tel dégoût, que cette indulgence qu'il leur accorde est tout ce qu'on peut supposer de plus ignominieux. Or, loin de les accuser aussi cruellement, ne les aurait-il pas comblés d'éloges, s'il avait reconnu la justice de leur cause contre Cécilianus, et si, en conséquence de leur triomphe, il eût prononcé contre ce dernier, à Brixia, une condamnation solennelle ?

Tout ce qu'ils lisaient se retournait donc contre eux, et ils prouvaient, les pièces en main, que le jugement impérial avait proclamé Cécilianus vainqueur de toutes les attaques dressées contre lui. D'un autre côté, ils montraient qu'en affirmant qu'il avait été condamné, ils n'étaient que d'insignes menteurs. De même, tout en affirmant que les catholiques étaient les fauteurs de la persécution, tandis qu'ils se glorifiaient d'en être euxmêmes les victimes, ils se vantaient d'avoir poursuivi Cécilianus de leurs accusations, jusqu'au tribunal de l'empereur,. et d'avoir obtenu sa condamnation. Donc, après la lecture de toutes ces pièces, les catholiques firent observer, et le procureur lui-même l'avait déjà remarqué, que tous ces documents plaidaient en faveur de Cécilianus contre les Donatistes. Ceux-ci répondirent: « Quant au libre arbitre, votre puissance n'en dit rien ». Ces paroles étaient empruntées à la lettre de Constantin: les Donatistes croyaient donc que le procureur allait les leur appliquer, et dans ce but ils pensaient qu'on allait la lire encore, toute contraire qu'elle leur fût. Le président répondit qu'il avait reçu d'autres ordres de l'empereur actuel; ils invoquèrent alors un autre témoignage qui, dans leurs propres mains, devint contre eux une arme des plus terribles.

XLI. Ils donnèrent donc communication d'une autre lettre adressée aussi par l'empereur Constantin au proconsul Probianus. Or, cette lettre ne faisait aucune mention du consul. Toutefois les catholiques ne voulurent pas relever cette nouvelle contradiction dans laquelle se mettaient leurs adversaires, qui avaient reproché aux catholiques de lire une lettre sans aucune désignation du consul; il s'agissait alors du jugement dans lequel Constautin proclamait l'innocence de Cécilianus; cette pièce ne parlait pas du consul, mais dans un autre exemplaire le nom du consul était exprimé. Quant à cette lettre adressée à Probianus, elle renfermait un ordre formel de l'empereur de lui envoyer Ingentius, dont la déclaration au tribunal du proconsul Elianus avait justifié du crime d'apostasie Félix d'Aptonge , le prélat consécrateur de Cécilianus. En donnant communication de cette pièce, les Donatistes se proposaient uniquement de montrer que la cause de Cécilianus était restée indécise et en suspens, même après (594) le jugement par lequel Constantin déclarait avoir terminé le débat. Au contraire, cette lettre adressée à Probianus prouvait clairement, disaient-ils, que la cause était en suspens, puisque l'empereur ordonnait de lui envoyer Ingentius. On se demande, en vérité, quel devait être leur aveuglement pour oser lire des pièces qui étaient contre eux une véritable condamnation. En effet, Constantin déclarait que le proconsul Elianus avait donné l'audience demandée, que Félix avait été déclaré innocent du crime qu'on lui reprochait, d'avoir brûlé les manuscrits sacrés ; qu'on devait charger de tous les mépris ceux qui ne cessaient jour et nuit de l'incriminer à ce sujet, et leur faire comprendre enfin qu'on n'était pas dupe de leur jalousie contre Cécilianus, ni des violences qu'ils se permettaient à son égard. C'est ainsi que les Donatistes eux-mêmes apprirent au monde que Félix, aussi bien que Cécilianus, avait été déclaré innocent, et qu'ils n'étaient eux-mêmes que d'indignes persécuteurs de la vertu.

XLII. C'était pour les catholiques l'occasion favorable de donner communication de la relation adressée par le proconsul Elianus à l'empereur Constantin , et dans laquelle il déclarait avoir entendu et jugé la cause de Félix. Ils présentèrent également les actes proconsulaires qui déclaraient Félix absous et reconnu parfaitement innocent du crime d'apostasie, sur la déposition de toutes les personnes dont le témoignage avait été jugé nécessaire. Après cette lecture, le procureur demanda aux Donatistes ce qu'ils avaient à répondre. Ceux-ci, au lieu de répondre directement, revinrent sur des détails déjà épuisés, et demandèrent si, conformément aux ordres de l'empereur, Ingentius s'était présenté à son tribunal et ce qui avait pu se passer depuis ; tout cela, disaient-ils, devait prouver jusqu'à quel point les catholiques avaient porté l'exigence. Ils essayèrent ensuite, comme ils purent, de réfuter les actes proconsulaires dans lesquels Félix avait été déclaré absous ; ils alléguèrent les indignes complaisances d'un juge gagné par avance, la présence de témoins subornés, et enfin tous les subterfuges auxquels ont recours d'ordinaire tous ceux qui s'attaquent à des actes qui les ont condamnés. Ils ajoutaient que Félix ne devait pas être déclaré absous pendant son absence. Les catholiques répondirent que tout ce qui avait été lu tournait évidemment à la justification de Cécilianus et de Félix. Si donc les Donatistes pensaient que la comparution d'Ingentius devant l'empereur leur donnait gain de cause, et que le jugement dans lequel Constantin déclarait Cécilianus innocent et ses adversaires des calomniateurs, avait été changé et modifié en leur faveur, la seule chose qu'ils avaient à faire, c'était de fournir les preuves à l'appui de leur assertion. Or, les catholiques ne tenaient ce langage qu'en raison de l'impossibilité où ils se trouvaient de consulter la liste des consuls ; quiconque voudra la parcourir attentivement, pourra facilement se convaincre que la sentence d'absolution portée par Constantin en faveur de Cécilianus, était postérieure à la justification prononcée par le proconsul Elianus en faveur de Félix. Ensuite, ce n'est que plusieurs années après, que Constantin adressa au vicaire Nerinus la lettre dont les Donatistes avaient donné lecture, et dans laquelle ils affirmaient que l'empereur leur avait rendu pleine et entière liberté, quand cependant il flétrissait hautement leur perversité et les déclarait les ennemis de la paix chrétienne. Est-ce ainsi qu'il aurait agi et parlé s'il leur eût donné gain de cause contre Cécilianus, après la mission d'Ingentius ? Le procureur déclara donc que des documents d'une telle valeur et déjà sanctionnés par le temps, ne pouvaient perdre de leur importance qu'autant qu'ils seraient formellement contredits par des pièces postérieures et authentiques. Les catholiques ajoutèrent, quant à la justification de Félix, qu'elle avait été d'autant plus libre et impartiale, qu'il était lui-même absent, car s'il eût été présent, il serait moins difficile de supposer que la sentence avait été influencée.

XLIII. Le procureur somma donc les Donatistes de produire toutes les pièces postérieures qu'ils pouvaient avoir à fournir contre la justification de Cécilianus et de Félix. Mais ils ne purent que revenir sur les détails exposés dès le commencement et sur lesquels les catholiques leur avaient donné des explications claires et précises. Le procureur leur fit observer qu'ils devraient rougir de répéter toujours les mêmes choses, de revenir sans cesse sur des points depuis longtemps épuisés, et qu'il ne leur restait plus qu'à présenter les pièces qu'ils pouvaient fournir contre la justification de Cécilianus et de Félix. Comme ils n'en avaient aucune à présenter, ils ne cessaient (595) de répéter les mêmes choses et de demander de confirmer par une sentence générale tout ce qui s'était dit. Le procureur réitérait de nouveau ses ordres, et leur demandait ce qu'ils avaient à opposer au jugement de l'empereur et du proconsul ; car avant de prononcer, les lois exigeaient que la cause fût parfaitement et complètement instruite. Les catholiques insistaient de leur côté, et demandaient que le procureur pût prendre connaissance de toutes les pièces, afin que le débat se terminât aussitôt qu'il serait constaté que les Donatistes n'avaient plus rien à répondre et ne pouvaient plus que répéter ce qui avait été dit. Enfin le procureur s'exprima ainsi : Si vous n'avez plus rien à opposer, veuillez vous retirer, afin que l'on puisse porter sur tout le débat une sentence complète. Tous se retirèrent; le procureur écrivit sa sentence; après quoi il fit. rentrer les combattants et leur donna lecture de cette sentence qui résumait tout ce qui s'était passé et dit pendant les trois jours qu'avait duré la conférence. L'ordre des faits ne fut peut-être pas suivi parfaitement, mais tout y était de la plus exacte vérité et il se résumait en déclarant que, vu toutes les pièces fournies de part et d'autre , les Donatistes avaient été confondus par les catholiques.

 

Traduit par M. l'abbé BURLERAUX.

 

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