**** LEUR CARACTÈRE ÉSOTÉRIQUE
Pour le Sadhou, la grande source d' illumination, de réconfort et de renouvellement physique se trouve, comme nous l'avons déjà dit, dans l'état d'extase, état qui revient fréquemment. Le Sadhou a le sentiment d'être saisi, transporté dans ce qu'il considère être « le troisième ciel » dont parle saint Paul (II Cor. XII, 2). « je n'essaie jamais d'entrer en extase et je déconseille aux autres de le tenter. C'est un don que nous devons recevoir et non rechercher. Si nous l'avons, c'est une perle de grand prix. Il y a eu bien des moments dans ma vie de Sadhou où les persécutions, la faim et la soif m'auraient fait tout abandonner, si ce n'avait été ces heures d'extase dont la grâce m'a été faite. Pour elles, je renoncerais au monde entier. » Ces expériences auxquelles le Sadhou attache une si grande importance, doivent évidemment figurer dans une étude de sa religion, sans quoi cette étude risquerait d'être incomplète et erronée. Il n'est pas moins certain que le fait de les décrire soulève de grosses difficultés. Les gens cultivés qui n'ont pas étudié la vie des grands mystiques peuvent douter de l'équilibre mental de ceux qui ont des visions, et de ceux qui les prennent au sérieux. Les ignorants, au contraire, et surtout en Orient, peuvent être enclins à considérer le visionnaire et ses révélations avec une sorte de vénération superstitieuse, vénération que le Sadhou s'efforce anxieusement d'éviter. Le Sadhou a parfaitement conscience de ce danger. Dans ses discours publics il ne fait jamais allusion à ses visions. Il ne les mentionne exceptionnellement que lorsqu'il s'adresse à des amis dont il connaît la discrétion et le discernement. Alors qu'il expliquait un problème religieux (1), il fit la remarque suivante: Pareillement, après avoir essayé de nous faire un récit des choses qu'il avait contemplées, il rappela le silence volontaire de saint Paul taisant ce qu'il avait vu dans le troisième ciel. Un ami nous conseilla de supprimer complètement ce chapitre. Mais l'intention certaine du Sadhou était de nous voir publier intégralement ce qu'il nous avait dit. Quoi qu'il en puisse résulter, il est de notoriété publique que le Sadhou a des visions, et cela a déjà été publié. Certaines de ces visions prouvent tant de délicatesse de sentiment et de profondeur de vue, que ce serait prendre une responsabilité plus grande de les supprimer que de les divulguer. En tout cas, nous sommes certains de bien servir la réputation du Sadhou en publiant un récit authentique de ses visions les plus typiques et les plus originales. Par bonheur, nous sommes en mesure de le faire; les notes que nous avons prises ont été collationnées avec celles de notre collaborateur; et un grand nombre ont été revues et corrigées par le Sadhou lui-même. * * VISIONS DES PROPHETES HEBREUX
Les visions du Sadhou offrent un intérêt particulier à cause de la lumière qu'elles projettent sur l'origine et le développement des différentes conceptions de la Résurrection, du jugement, du Ciel et de l'Enfer. Ces idées traditionnelles, ainsi que d'autres questions eschatologiques ont évolué peu à peu (comme le prouve la critique moderne), dans une longue série d'écrits apocalyptiques, dont le premier en date, et le plus important, est le Livre de Daniel (166 avant J.-C.) . Le dernier est l'Apocalypse de Pierre, écrite vers l'an 120 après Jésus-Christ et découverte à nouveau, il y a quelques années, dans un tombeau égyptiens (2). Dans cette suite d'écrits, il semble que chaque auteur apporte une modification ou ajoute quelque détail à la tradition qui lui est transmise. Cette révision s'effectue sous forme de visions perçues par l'auteur présumé du livre, ou d'enseignements transmis par un Instructeur venu des sphères célestes. Telles qu'elles nous sont parvenues, ces visions ont subi des altérations évidentes, du fait de la transcription par l'auteur lui-même, et des copistes ultérieurs. Mais qu'elles soient authentiques et qu'elles aient été considérées par les auteurs et leurs lecteurs comme une révélation divine, cela ne fait aucun doute dans notre esprit. Ces visions amplifient ou élucident souvent le texte principal, l'idée maîtresse d'un prophète de l'Ancien Testament, ou bien encore la vision d'un ancien auteur apocalyptique. On y trouve beaucoup de fantastique et de choses insignifiantes. Mais ces visions furent cependant le véhicule des grandes idées de jugement et de Vie éternelle, qui prirent naissance pendant cette dernière période de la religion juive, ou naquit le Christianisme. Il est un point qui retient plus particulièrement notre attention: Cette révélation, ou si l'on préfère, cette découverte, fut accordée à des hommes profondément religieux, qui s'efforcèrent avec passion de concilier les événements de la vie avec la bonté de Dieu. Ils y parvinrent en élevant leur conception de l'Au-delà, conception qui devenait plus satisfaisante au point de vue moral et religieux, car chaque génération de voyants réalisait un progrès sur les idées traditionnelles de son temps. Ainsi que nous l'avons déjà dit, le Sadhou, comme les voyants apocalyptiques, pense principalement par images. En général, sa conception du monde, au point de vue intellectuel, se rapproche davantage de celle des Anciens écrivains hébreux que de la nôtre. Il affronte, lui aussi, ce problème : concilier la bonté de Dieu avec les conceptions traditionnelles de l'Au-delà. Problème encore plus difficile pour lui que pour eux, précisément parce que le Sadhou voit toujours Dieu à travers la révélation du Christ. Pour lui, comme pour eux, la difficulté se résoud par la modification des vues traditionnelles, modification qui se présente à lui sous forme de visions. « Saint Jean, dit le Sadhou, n'employait pas le mot « extase »; il disait « en esprit », mais cela voulait dire la même chose. » Le Sadhou plus que personne, repousserait avec force l'idée de voir ses paroles mises sur le même rang que les Écritures. Mais il estime que l'expérience spirituelle qu'il a faite est sinon identique, du moins étroitement apparentée à celle de l'auteur de l'Apocalypse, et ce point de vue mérite, à notre avis, d'être sérieusement considéré. S'il en est ainsi, l'étude de l'expérience du Sadhou éclairera le processus psychologique par lequel la vérité religieuse fut communiquée à certains écrivains bibliques. Si nous considérons que la vérité est un élément nettement distinct du mécanisme psychologique qui la saisit, et que toute révélation du divin est conditionnée par le niveau intellectuel, la culture et les expériences de inspire, nous ne refuserons pas d'admettre que des visions puissent constituer d'authentiques révélations de la vérité. Tout le monde admet aujourd'hui que nos conceptions de la vie future, quelles qu'elles soient, doivent nécessairement revêtir un caractère symbolique. Il est admis que les doctrines traditionnelles (3) du Ciel, de l'enfer et du Jugement sont symboliques. Les visions du Sadhou, en ce qui concerne ces questions, ne le sont pas moins. Si nous ne faisons erreur, leur symbolisme est Plus profondément chrétien, et, s'il en est ainsi, elles réalisent. un progrès sur les vues traditionnelles dans la perception de là. vérité divine. Nous sommes loin d'affirmer que les visions soient le seul, ou même le meilleur moyen d'atteindre à la connaissance des vérités religieuses. Bien au contraire. La majorité des prophètes hébreux, les psalmistes, saint Paul, pour ne pas citer le Christ lui-même, semblent avoir puisé à cette source fort peu de leur enseignement. Quant aux sujets eschatologiques évoqués dans les visions du Sadhou, les théologiens libéraux avaient déjà pressenti l'essentiel des conclusions de Sundar. Ils étaient arrivés à ce résultat, simplement en étudiant ces mêmes questions de philosophie, de morale et de critique d'une façon rationnelle. Nous avons trouvé, dans un ouvrage publié récemment sur l'immortalité, un passage qui présente une analogie frappante avec une des visions du Sadhou. Nous lui en avons donné lecture en lui faisant remarquer qu'il était curieux que l'auteur soit arrivé par le raisonnement à une conclusion identique à celle qui lui avait été révélée par vision. Il répondit : Il nous semble intéressant d'indiquer que c'est par des visions que certaines vérités ont été révélées au Sadhou, ainsi qu'aux voyants apocalyptiques. Aucun autre procédé, sans doute, n'était susceptible de communiquer à des individus de leur tempérament et de leurs tendances intellectuelles une force de conviction, équivalente. * * LE CIEL
Il y a trois ciels, ainsi qu'il fut révélé au Sadhou, un jour, dans une extase. Le premier est le ciel sur la terre, cette merveilleuse paix intérieure, cette joie de la présence du Christ, que Sundar ressentit après sa conversion, et que nous avons décrite dans un précédent chapitre. Le deuxième ciel est un état intermédiaire; c'est le paradis promis par le Christ en croix au bon larron. C'est là que séjournent, quelques temps, les âmes qui ne sont pas suffisamment avancées dans la vie spirituelle, pour entrer dans le troisième ciel au moment de leur mort. Elles s'y trouvent avec le Christ, comme il a été dit au brigand, mais elles ne Le voient pas, bien qu'elles sentent Sa présence, comme si des vagues de lumière procédaient de Lui; et elles entendent comme une musique céleste. Le troisième ciel est, si l'on peut dire, le ciel proprement dit. C'est là que tous les justes parviendront un jour. Mais il est accordé à quelques âmes privilégiées, dont le Sadhou, d'y faire de courtes incursions pendant leur vie terrestre. Toutes ces visions se détachent sur le même fond, et c'est là une preuve convaincante, si une preuve était encore nécessaire, du caractère essentiellement christocentrique du mysticisme du Sadhou. Au centre de la vision se trouve toujours l'apparition ineffable, indescriptible du Christ sur son trône. Son visage, tel que je le vois pendant l'extase, avec mes yeux spirituels, se rapproche beaucoup de celui que je vis, au moment de ma conversion, avec mes yeux de chair. Je vois Ses cicatrices et le sang qui coule. Ces cicatrices ne sont pas pénibles à regarder, car elles sont, radieuses et belles. Sa barbe et ses cheveux sont comme de l'or, tout rayonnants de lumière. Son visage est comme le soleil, mais sa lumière ne m'aveugle pas. C'est un visage adorable, toujours souriant, d'un sourire illuminé d'amour. Il n'inspire aucune crainte. « Et tout autour du trône du Christ, jusque dans les profondeurs de l'infini, on aperçoit la multitude des êtres glorifiés. Les uns sont des saints, les autres des anges. « Dans le ciel, il y a de la musique, Mais je cherchai en vain des instruments. Ce qui me frappa le plus, dans le monde spirituel, ce fut de m'y tenir toujours à l'aise. J'y suis complètement satisfait et rien ne m'oppresse. J'appris, dans ce monde, que lorsque deux personnes veulent se retrouver, il suffit de l'éclair d'une pensée, quelle que soit la distance qui les sépare. Je me retrouve toujours dans ce milieu avec la même aisance et le même bien-être. « Celui qui s'est trouvé dans ce lieu, ne fût-ce qu'une seconde, se dit en lui-même : « Là, J'ai laissé mon coeur; là, j'ai la satisfaction absolue. » Ni souffrance, ni peine, rien que l'amour, des vagues d'amour, la joie parfaite. (Au souvenir de l'extase, le visage du Sadhou devint radieux.) Et il en est ainsi pour toujours, et non seulement pour mille ans. Nul n'y réclame rien pour lui-même. Tous disent : « notre patrie ». Il n'est pas de mots qui puissent exprimer cela. C'est pourquoi saint Paul dit qu'il entendit des paroles ineffables que nul homme ne peut exprimer. Dans ce monde-là, bien des choses correspondent à tout ce qui est beau ici-bas montagnes, arbres, fleurs; mais elles sont dépouillées de toute imperfection. Les montagnes, les arbres et les fleurs de notre terre ne sont que le reflet de ce que je vois là-haut. Toutes choses, même les objets inanimés, semblent avoir été créées pour rendre grâces continuellement, et d'un seul élan. Je puis voir à des millions de lieues; les maisons et les murs n'arrêtent pas mon regard, et il en est de même au milieu de la foule. Tout est transparent. Le regard traverse les êtres de toutes parts; personne ne cache son amour ni ce qu'il a dans son coeur. « Là, nous réalisons non seulement nos aspirations d'ici-bas, mais encore des désirs dont nous n'avions pas eu conscience. Ils se trouvent exaucés, car dans ce lien céleste, il y a tout ce qu'il faut pour les satisfaire. Il n'y a plus rien à demander; je suis pleinement rassasié. C'est un enchantement merveilleux. C'est là qu'est notre vraie patrie. « Une autre fois, je demandai ce que le Christ avait entendu par ces mots : « Soyez parfaits comme votre Père est parfait. » Il n'avait pas dit : « Soyez parfaits comme les anges ou les prophètes... » et cela m'avait troublé. Est-ce à dire que nous deviendrons égaux à Dieu, et, dans ce cas, y aura-t-il révolte de notre part? On me répondit que Dieu nous veut semblables à Lui, parce que l'Amour exige toujours que l'objet de son affection lui soit égal. De même que l'homme ne peut se contenter d'aimer des animaux, de même Dieu nous veut semblables à Lui. Mais, si nous y parvenions, nous ne pourrions nous révolter, car nous aurions une connaissance si profonde de l'amour divin, que notre coeur serait rempli d'une gratitude infinie. « Notre Père céleste veut que nous devenions semblables à Lui, car il n'y a pas de jalousie au ciel. il y a une hiérarchie, mais aucun désaccord. Chacun se tient aux côtés de son prochain, et ceux qui en sont encore aux premiers échelons se sentent fiers de la grandeur de leurs aînés. » Nous avons demandé au Sadhou « Saint Jean dit que le nom de l'Agneau est inscrit sur le front des saints. je les regardai et ne vis aucune inscription, mais leur visage tout entier était semblable à celui du Christ, et je compris que c'était là ce qu'avait voulu dire saint Jean. » « Je demandai quelle distance il y avait entre notre terre et ce monde céleste. On ne put me répondre, mais on me dit qu'il suffisait d'un instant pour y parvenir. je fus surpris de cette ignorance sur ce point. * LA RESURRECTION DE LA CHAIR
Avez-vous eu quelque précision sur la résurrection de la chair ? « La majorité, des chrétiens, quittent leur corps physique. Revêtus de leur corps spirituel , ils parviennent dans l'état intermédiaire au deuxième ciel. Ils y demeurent quelques jours on quelques mois, parfois, plus longtemps encore, jusqu'à ce qu'ils soient prêts à entrer au troisième ciel. Cependant les êtres d'exception comme saint François d'Assise ou l'auteur de l'Imitation de Jésus-Christ atteignent un développement spirituel si grand, qu'ils vont directement au troisième ciel. » * LE JUGEMENT DERNIER
« Je demandai encore : « Les morts seront-ils tous rassemblés et jugés en même temps ? » « Il me fut dit également que, sur terre, notre corps spirituel est contenu dans notre corps physique : toutes les fois que nous péchons, nous agissons à la manière d'une pointe qu'on appuie sur une feuille de papier, derrière laquelle se trouve du papier carbone. Sur la face extérieure la marque est presque invisible, mais à l'intérieur elle apparaît nette et noire. Ainsi, nos péchés laissent sur notre corps spirituel des marques et des cicatrices, qui deviendront visibles, lorsqu'après la mort, le corps spirituel sera dégagé du corps physique. La manifestation visible des atteintes subies sera en elle-même une ces parties essentielles du jugement. » * L' ENFER
« Il me fut dit encore que l'amour de Dieu agit jusqu'en enfer. Dieu ne s'y révèle pas dans Sa pleine lumière, parce que les âmes qui y sont ne pourraient en supporter l'éclat; mais Il leur montre graduellement plus de clarté. Il les amène ainsi plus haut, et tourne leur conscience vers le bien, ce pendant qu'elles croient que ce désir provient d'elles-mêmes. Dieu agit sur leur esprit dans la profondeur de leur âme; un peu comme le fait Satan, dans le sens opposé, lorsqu'il s'efforce de nous tenter. Comme Dieu agit par sa lumière au dedans et au dehors de nous, presque tous ceux qui sont en enfer seront finalement conduits aux pieds du Christ. Des millions de siècles seront peut-être nécessaires, mais quand ce jour arrivera, ils seront remplis de reconnaissance envers Dieu. Cependant ils seront moins heureux que ceux qui ont suivi le Christ dès ici-bas. C'est ainsi que l'enfer même est une école d'apprentissage, une préparation à la maison paternelle. Ceux qui sont en enfer sentent bien qu'ils ne sont pas dans leur véritable patrie, car ils souffrent. Les hommes n'ont pas été créés pour l'enfer; ils y sont malheureux et désirent s'échapper pour aller au ciel. C'est ce qu'ils font; mais lorsqu'ils vont au ciel, ils sont encore plus dépaysés qu'en enfer et s'en retournent. Ils comprennent alors que leur état est anormal et sont amenés peu a peu à repentance. Il en est ainsi, du moins, pour la majorité; mais il est quelques entités, Satan, par exemple, dont on me dit : « Ne pose aucune question à leur sujet. » Aussi n'ai-je rien demandé; mais je souhaite que pour eux aussi il y ait de l'espoir. Le Sadhou est tenté de croire que ces quelques âmes seront peut-être détruites. « S'il n'y avait aucun espoir pour les païens, et pour tous les chrétiens qui meurent en état de péché, Dieu cesserait de créer les hommes. Nous devons faire tout notre possible pour sauver les pécheurs, mais s'ils refusent de s'amender, nous ne devons pas abandonner tout espoir à leur sujet. » Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, le Sadhou, dans son enseignement populaire, insiste sur la nécessité de la repentance et la certitude du jugement après la mort; mais il ne parle jamais de son espoir, quant à l'ultime salut de tous, voire même de ceux qui ne se repentent point. * * AUTRES VISIONS
L'eschatologie n'est pas l'unique sujet des visions du Sadhou, ni même leur principal objet. La plupart des paraboles et des arguments dont il se sert dans ses prédications semblent lui avoir été communiqués au moyen des visions. Parfois aussi, il trouve dans ses extases la réponse à des questions d'exégèse qui 1 ' avaient troublé. Voici un exemple de la simplicité et. de la finesse d'observation morale qui caractérisent le Sadhou. « Pourquoi Abraham n'a-t-il pas intercédé pour Lot ? Dieu se préparait à détruire Sodome et Gomorrhe. Abraham plaida pour les habitants; pourquoi ne pria-t-il point pour son neveu, disant : « Sauve au moins mon neveu... »? Parce que Lot était fautif. Bien qu'il eût habité la ville depuis plusieurs années, il n'avait pas été capable d'amener dix hommes au bien. Il n'avait pas fait son devoir; aussi Abraham n'osa-t-il intervenir en sa faveur. Mais Dieu se souvint d'Abraham, et, à cause de lui, Lot fut sauvé. De même, il y a d'honnêtes chrétiens qui cependant n'essayent pas de sauver les âmes; et, comme Abraham, Christ n'osera intercéder pour eux. « Mais, dit le Sadhou, avec un fin sourire, je ne parle de cela que rarement, car de nos jours, il y a tant de personnes qui ne croient pas qu'Abraham et Lot aient jamais existé. » « Je demandai une autre fois: « Je vis des ondes de lumière et d'amour irradiant du Christ en qui habite corporellement toute la plénitude de la Divinité. Ce sont elles qui propagent la vie. Ainsi, d'une façon mystérieuse, des ondes de lumière et d'amour donnent la vie aux créatures de toute espèce, La matière et le mouvement ne peuvent créer la vie. La vie seule peut engendrer la vie. « On me dit que les ondes de lumière que je percevais étaient le Saint-Esprit. Comme la lune semble toujours située au-dessus de nous, en quelque lieu que nous soyons, de même, au ciel, apparaît le Christ glorifié. Il émet des flots de lumière, il est visible de toutes parts. je vis une multitude d'êtres glorifiés qui disaient tous Il est près de moi. Il est près de moi. » * DE LA NATURE DE L'EXTASE
Celui qui étudie le mysticisme voudra quelques documents de plus, afin d'établir scientifiquement la nature et l'a signification des visions du Sadhou. C'est pourquoi nous rapportons en détail l'exposé que le Sadhou fit lui-même de la nature de l'extase: « Un ami me posa un jour cette question: « Toutes les fois que je suis seul, des choses nouvelles me viennent à l'esprit; elles me sont communiquées dans un langage sans paroles. je me sens enveloppé dans une atmosphère surnaturelle; une voix intérieure parle en mon coeur et je suis ravi en extase. Aucune parole n'est prononcée, je vois tout en images; les problèmes trouvent leur solution en un instant, facilement, joyeusement, sans aucun effort cérébral. » Dans les premiers temps de la vie chrétienne du Sadhou, les extases étaient relativement rares. Actuellement, bien qu'il soit impossible à Sundar de prévoir le moment où elles se manifesteront, les extases sont quotidiennes; du moins, elles pourraient l'être s'il n'y mettait bon ordre. Si le Sadhou ne cherchait que sa propre satisfaction, il vivrait toujours ainsi, en communion avec le Christ; mais il veut aider les hommes. Fréquemment il entre en extase après vingt minutes de prière et de méditation; parfois il est à genoux, mais le plus souvent assis. Il faut noter cette fréquence de vision chez le Sadhou. Autant qu'il nous semble, les visions et les révélations étaient relativement rares chez les écrivains bibliques et la plupart des grands saints. Les extases du Sadhou durent parfois quelques heures pendant lesquelles il perd toute notion du monde extérieur et du temps (7) : « Le passé et le futur n'existent pas, tout est dans le présent. » Le Sadhou devait prendre la parole à une réunion qui avait lieu à huit heures du matin. Il commença sa prière vers cinq heures et entra malgré lui en extase. Quand il revint à lui, neuf heures avaient sonné; il avait oublié la réunion. Un public nombreux l'attendait, déçu de ne pas le voir et fort étonné, car l'exactitude du Sadhou était connue. Sundar fut navré de ce qui était arrivé, mais il ne voulut pas en donner la raison, ou plutôt il ne le put: Quand il prêche dans une ville, il a grand soin de ne pas « glisser » en extase, selon son expression. Dans l'Himalaya, il a plus de liberté; il n'a aucun engagement fixe, cette contrainte n'est donc plus nécessaire. « La transe de la yoga a pour but de satisfaire la tête et non le coeur. « L'état d'extase n'est pas, comme je le crois pour la yoga, le résultat de l'auto-suggestion. je n'essaie jamais de me mettre dans un état particulier; je ne concentre pas ma pensée pendant une heure entière sur un même sujet, afin d'amener un état d'hypnose comme le font ceux qui pratiquent la yoga. « Durant l'extase, je médite sur des sujets tels que l'amour de Dieu, et en même temps j'écoute ce que les esprits, et en particulier le Saint-Esprit, me communiquent. Le Sadhou a parfois rencontré au ciel des êtres qu'il a connus sur la terre : Cet incident rappelle la fameuse histoire du moine d'Evesham; il eut une extase qui dura trois jours, pendant lesquels son esprit visita le ciel, l'enfer, le purgatoire. Au purgatoire il vit l'âme d'une anachorète décédée pendant qu'il était en extase; mais la nouvelle de cette mort n'avait pu atteindre Evesham au moment où il raconta ce qu'il avait vu. Les contemporains tirèrent de cet incident la conclusion évidente que l'esprit du moine avait réellement visité le purgatoire, où cette âme devait être. On peut cependant donner une autre explication de ce fait. Certains individus en état de transe sont particulièrement sensibles aux influences télépathiques. Si le moine était de ceux-là, la pensée de la mourante ou d'une voisine avait pu se transmettre jusqu'à lui. Cela expliquerait la connaissance qu'il eut de cette mort et par conséquent du lieu où cette âme se trouvait. Nous demandâmes au Sadhou s'il avait constaté un changement dans la nature ou la qualité de ses visions. Depuis le jeûne, les visions ont été plus fréquentes; à part ce fait, elles semblent avoir subi peu de modifications. Les extases ayant eu lieu en un temps Où l'expérience chrétienne du Sadhou n'était qu'à ses débuts, Sundar considère la richesse de ces révélations comme une preuve du fait que la connaissance ainsi obtenue provient d'une source extérieure à lui-même et non de son subconscient. * UN PHENOMENE UNIQUE
Dans le récit des visions du Sadhou, il est deux points importants qu'il suffit de rappeler sans commentaire : la fréquence des manifestations et le fait qu'elles ne sont jamais suivies de fatigue, mais au contraire de repos physique et mental. Il faut encore envisager quatre autres points : En second lieu, le Sadhou, bien plus que les auteurs apocalyptiques, a le souci d'affirmer à chaque occasion le caractère ineffable de son expérience : les paroles sont bien des paroles, mais elles ne sont ni prononcées ni entendues; les images sont bien réelles. mais elles ne sont pas perceptibles à notre vue habituelle : « Il n'existe pas de langage pour exprimer ce que je vois et ce que j'entends dans le monde spirituel; je suis comme un homme muet qui peut goûter et savourer les friandises qu'on lui offre, mais qui ne peut en décrire ni en exprimer la saveur. » Non seulement il s'en rend compte, mais il insiste sur le fait que les visions et les. paroles qu'il rapporte ne sont que l'ombre de la réalité, autrement dit qu'elles sont essentiellement symboliques. En troisième lieu, l'extase, d'après le Sadhou, n'est pas pour lui une sorte de rêve, c'est-à-dire un état dans lequel des scènes et des événements se déroulent sans suite; mais .un état de veille, de concentration des facultés. Sa pensée alors se précise, devient continue, et cela, à un degré auquel le Sadhou ne pourrait parvenir dans la vie ordinaire. Le fait qu'en extase il est inconscient des choses extérieures, au point de ne pas sentir, par exemple, la piqûre des frelons, confirme cette assertion. On peut être aisément tiré du sommeil; mais il est évident que l'extase du Sadhou est, au point de vue psychologique, un état de « dissociation temporaire », caractérisé par une concentration. intense de pensée et de sentiment. Nous pouvons faire un rapprochement avec ces vers de Wordsworth, qui sont bien connus, mais. peut-être moins bien compris. Le poète, pour dépeindre les expériences qui lui étaient si chères, emploie un langage dont chaque mot pourrait être utilisé par le Sadhou pour décrire ses extases ...un autre don
La littérature mystique orientale et occidentale est un domaine si vaste, que ceux-là mêmes qui ont consacré leur vie à cette étude, n'émettent une opinion qu'avec circonspection. Les auteurs de ce livre ne sont pas qualifiés pour parler avec autorité. Il ne paraît cependant pas téméraire d'affirmer que si l'on trouve chez certains mystiques orientaux et occidentaux, des expériences semblables à celles que nous avons notées, le fait d'être réunies dans une seule individualité est un phénomène unique. Dans ce cas, quelle explication donner ? Dire que tout mystique est en quelque sorte une manifestation unique en son genre ne nous semble pas une réponse suffisante; et voici lopinion que nous risquons : l'Inde est le pays, des mystiques, mais nous croyons que le Sadhou est le premier Hindou qui soit devenu un mystique christocentrique, ou du moins est-ce le premier dont les expériences nous soient parvenues. Il est permis de croire que, transplanté aux Indes, le mysticisme chrétien prendra une forme nouvelle, essentiellement hindoue. * L'IDEE ET SON SYMBOLE
Lorsqu'on étudie les visions des mystiques et des voyants apocalyptiques, on est obligé de dégager la différence essentielle qui sépare le contenu d'une vision, c'est-à-dire l'idée qu'elle doit mettre en valeur, de la forme ou du symbole qu'elle revêt. La forme et son contenu se trouvent déterminés par des éléments variables, suivant la mentalité du voyant et ses expériences personnelles. La forme de la vision semble dépendre des facultés d'imagination du sujet, mais aussi de ses expériences et de son milieu. Ces éléments divers concourent à élaborer le symbolisme de la vision. Dans le cas du Sadhou, ces éléments procèdent, pour la plupart, de son étude de la Bible, étude sur laquelle il a, pendant si longtemps, concentré son intelligence et son coeur. Trois facteurs principaux, mais d'un ordre différent, déterminent le contenu de la vision: en premier lieu, la culture intellectuelle, morale et spirituelle du voyant, fruit d'une vie entière de méditation, de prière et de renoncement. En second lieu, le degré de concentration atteint par les plus hautes facultés de l'âme: pensée, amour, sens esthétique, facultés convergeant toutes vers le problème que la vision se propose d'élucider. Enfin, le degré d'intensité auquel sont parvenus ces divers éléments au moment où, dans une communion intense avec la divinité, la personnalité s'exalte tout entière pour y puiser son inspiration. Pour le Sadhou, cette communion se traduit chaque fois par l'image du Christ éternel. Les visions du Sadhou trouvent leur expression dans une forme toujours belle et appropriée. Toutefois, la part de vérité spirituelle qu'elles apportent dans leur traduction de l'inexprimable, c'est-à-dire la valeur de leur révélation, dépend des trois facteurs qui ont déterminé. leur contenu. Ces visions sont précieuses, non seulement comme visions, mais parce que ce sont celles du Sadhou. Leur valeur contient surtout du fait que Sundar, homme de prière, est doué d'un génie tout particulier pour résoudre les problèmes religieux, et de ce qu'il a mené, en pensées, en paroles et en action, une vie conforme à son idéal, réalisant ainsi l'unité de sa personnalité. De plus, ces visions tirent une valeur exceptionnelle de la communion profonde et consciente du Sadhou avec son Seigneur. Si nous pouvions nous étendre sur ce sujet, il serait possible de démontrer que ces mêmes lois psychologique ont déterminé la forme des visions rapportées dans la Bible, et que ce sont ces mêmes facteurs individuels qui en ont établi la valeur (valeur qui nous semble varier suivant les cas.) * COMMENT DIEU NOUS CONDUIT
Toutes les visions dont vous nous avez parlé jusqu'à présent donnent la solution de questions théologiques. Mais vous est-il arrivé d'obtenir une réponse à une question pratique? Par exemple, au sujet d'une décision à prendre? Le Sâdhou nous répondit par l'histoire suivante : Ceci ne répondait pas exactement à notre question. Nous la posâmes de nouveau, un peu plus tard, et nous obtînmes une réponse plus directe. Cette réponse s'appliquait plus particulièrement au problème de la préparation à la mort, et ne nous donnait peut-être pas les précisions que nous voulions. Le Sadhou prie et se laisse ensuite complètement guider. Mais nous avons la certitude que pour lui, comme pour la plupart des mystiques occidentaux, il ne s'agit pas de directives précises communiquées en extase. Bien des propos du Sadhou nous le font croire, et l'une de ses réponses paraît fort claire à ce sujet. Nous lui demandâmes : * * L'AUTORITE DE L'EGLISE
Les mystiques du moyen âge soumettaient fréquemment leurs visions à leur confesseur. Ils s'en remettaient à son jugement pour décider de l'orthodoxie ou de la valeur de ces visions, pour savoir si elles venaient de Dieu ou de Satan, si elles devaient être divulguées ou non. C'est pourquoi nous demandâmes au Sadhou : * LES DANGERS DE L'EXTASE
Puisque l'extase a une si grande valeur à vos yeux, recommandez-vous à la masse des chrétiens de s'y exercer, de tâcher d'y parvenir? « Quand je prêtais l'oreille à ces voix, j'étais troublé. Mais je priai le Seigneur de venir à mon secours et tout cessa : la chaleur, les murmures, les frissons, les piqûres. Alors, je pensai : Toutes ces manifestations venaient de Satan; ce qui vient maintenant, c'est-à-dire la véritable extase, est de mon Seigneur qui m'a délivré. Le Sadhou parla de certains théosophes et d'autres personnes connues, vivantes ou décédées, qu'il croit égarées par de mauvais esprits; mais il nous fit comprendre qu'il n'était pas sage d'écrire leurs noms. « Ces esprits connaissent un peu l'avenir, mais c'est peu de chose. Aux Indes, nous pouvons prévoir le temps qu'il fera quelques semaines à l'avance, ainsi les esprits inférieurs, grâce à leur connaissance élargie du cours des choses, peuvent prévoir les événements immédiats. Cela leur permet d'égarer les hommes. Les prophètes inspirés de Dieu peuvent annoncer les événements plusieurs années à l'avance. Voilà la différence. « C'est avec ces esprits du monde inférieur que les spirites entrent en rapport. C'est d'eux qu'ils reçoivent des communications intéressantes. Mais en fin de compte, les spirites sont égarés par ces entités. Elles commencent par dire quatre-vingt-dix-neuf vérités pour une erreur, augmentent ensuite graduellement la proportion d'erreurs et mènent le spirite à l'athéisme ou à tout autre égarement. L'homme véritablement spirituel possède un instinct qui lui fait éprouver une antipathie naturelle pour ce qui provient des esprits inférieurs. Si nous ne cherchons que, ce qui est intéressant, nous n'atteindrons jamais le monde spirituel supérieur. » Les mystiques catholiques répètent souvent que celui qui désire avoir des visions les obtiendra; mais elles lui sont envoyées Par le diable et non par Dieu. C'est aussi l'opinion du Sadhou, comme nous l'avons vu. Cependant il y a des degrés dans cette recherche. La psychologie moderne nous enseigne qu'en cette matière, il est plus sage de ne rien désirer. Si nous consultons l'histoire ancienne et moderne de la théosophie et du spiritisme, nous voyons que des personnes d'un certain tempérament acquièrent facilement la faculté de passer consciemment ou inconsciemment dans un état de transe. Dans cet état, elles ont des visions, elles apprennent des choses curieuses sur la nature de l'univers, les diverses sphères d'existence et la vie future. Mais la forme de ces visions, en général, provient des pensées, des expériences, des goûts, des études de la vie consciente du sujet. Le contenu des visions, c'est-à-dire la valeur intellectuelle et spirituelle, dépendra de la qualité du sujet. Un esprit manquant de précision, ou insuffisamment discipliné par l'effort moral, se reflétera dans des visions banales, mélodramatiques, bizarres. Leur forme sera suggérée par les lectures ou les méditations préférées du visionnaire. Si celui-ci les prend au sérieux, comme la preuve d'un don personnel ou d'une connaissance surnaturelle, s'il est entouré d'un petit cercle d'admirateurs dont les subtiles flatteries encouragent ses écarts d'imagination, grisé de vanité, avant même de s'en apercevoir, il sera sur le point de fonder un culte ésotérique et d'en être le grand prêtre. Il y a une autre raison pour se méfier des rêves et des visions. La psychologie médicale moderne démontre que l'état de rêve exprime les émotions et les pensées qui ont pénétré le subconscient (11). Certains rêves peuvent exprimer des sentiments et des pensées qui ont profondément pénétré le subconscient et qui sont le reflet des idées spirituelles de la personnalité supérieure. Souvent aussi les rêves peuvent manifester d'autres intérêts. À l'état de veille, le tigre et le singe qui sommeillent en nous sont plus ou moins tenus en bride par la conscience, l'éducation et les conventions sociales. Pour l'homme égoïste, sensuel et poltron qui subsiste chez la plupart d'entre nous, le rêve constitue un exutoire. Le mécanisme du rêve et son symbolisme permettent à ces passions de s'exprimer, tout en déguisant leur vraie nature. Et ce déguisement s'opère habituellement avec une ingéniosité, une habileté impossibles à imaginer pour celui qui n'a pas étudié soigneusement la psychologie contemporaine. Tant que nous considérons les rêves simplement comme des rêves, cette dissimulation n'a pas de graves conséquences. Il est probable que les rêves constituent une soupape de sûreté très précieuse; elle permet à la personnalité de se débarrasser, dans des fantaisies innocentes, de passions qui, sans cet exutoire, s'extérioriseraient en paroles et en actes dans la vie courante. Mais il en est autrement lorsque nous les considérons comme un moyen à de révélation. Un homme comme le Sadhou mène une vie de prière, de méditation et de sacrifice constant pour l'amour du Christ; il est renouvelé jusque dans les profondeurs de son coeur et de son âme. Chez lui, la subconscience et l'a conscience sont également consacrées au Maître; le tigre et le singe sont domptés en lui. Et ce qui est plus important encore, l'esprit et l'âme, durant l'extase, demeurent entièrement fixés sur le Christ, de sorte que chez le Sadhou, le mécanisme de la pensée et de l'expression reste sous le contrôle du Christ dans l'extase comme dans la vie normale. Non seulement l'extase peut être sans danger pour lui, mais elle peut l'enrichir. Il n'en est pas de même pour nous. Nous devons marcher à la lumière de la réflexion raisonnée, appuyée sur la prière et la méditation. Nous aurions tort d'admirer chez nous et chez les autres les visions et les révélations séduisantes qui prennent le chemin facile de l'hypnose; et ce serait folie de les rechercher. Saïd, le serviteur de Mahomet, raconta un jour avec enthousiasme l'extase dont il sortait: ..... Alors (1) Cf.267 |