AVANT-PROPOS



     Je considère comme un très grand privilège d'accéder à la demande de mon ami le Sâdhou Sundar Singh d'écrire un bref avant-propos à son livre des « Visions », parce que j'espère et je crois que ce petit volume aidera beaucoup d'âmes dans leur lutte pour arriver à la Réalité de Dieu. J'aimerais que tous ceux qui liront ce livre puissent jouir du privilège que nous avons dans cet évêché, ainsi que de nombreuses personnes, de connaître le Sâdhou personnellement. Le message qu'apporte ce livre est d'autant plus puissant qu'il laisse l'impression d'une saine simplicité qu'on ressent après un entretien avec le Sâdhou.

     Il est inévitable, je crois, que quelques-uns de ceux qui liront ce message se sentent poussés à poser cette question : « Quelle est la nature exacte de ces expériences spirituelles ? Quelle est par exemple le rôle joué dans ces visions par le subconscient ? Est-ce que les choses vues dans ces visions ont une réalité objective ? »

     Je ne possède pas la connaissance philosophique nécessaire pour répondre à ces questions. Et même si je l'avais, je ne suis nullement certain de trouver profitable l'usage que j'en ferais, dans ce cas. Saint Paul s'est contenté de laisser ses expériences spirituelles les plus profondes sans les expliquer. « Si c'est dans mon corps ou hors de mon corps, je ne sais, Dieu le sait. » À mon avis, l'explication la plus simple est la meilleure. J'ai lu ce petit volume à Simla, cet été, un dimanche après-midi et plus tard quand j'ai voulu analyser mes impressions, il m'a semblé que le voile qui, normalement, entoure le monde réel, avait été momentanément levé, et que, grâce au fidèle serviteur de Dieu, il m'a été permis de voir les choses comme elles sont réellement. Je ne sais si je me trompe, mais je crois que mon ami, le Sâdhou préférerait, lui-même, que ses visions soient expliquées très simplement.

     En réfléchissant à ce que j'avais lu, il me vint à l'esprit un passage de la Bible qui parle d'une expérience semblable.

     Parmi les diverses opinions humaines sur la venue du Royaume de Dieu, nous avons l'autorité de notre Seigneur lui-même quand Il dit :

     « Il y en a qui ne goûteront point la mort avant d'avoir vu le Royaume de Dieu venir avec puissance ». Dans les Évangiles de Marc et de Matthieu, cette déclaration est si étroitement liée au récit de la transfiguration que je ne puis douter que ce mémorable événement n'ai été interprété par les trois disciples choisis, comme la venue du Royaume de Dieu en puissance. Ce fut comme une levée du voile qui entoure le monde invisible de telle sorte que les citoyens de ce monde-là devinrent visibles et sensibles aux yeux et aux oreilles des humains, dans la gloire de l'être réel de Jésus, transparaissant à travers le voile de notre chair.

     Ne se pourrait-il pas que ce genre d'expérience soit encore accordé parfois aux serviteurs de Dieu ? Personnellement, je crois que les expériences du Sâdhou racontées dans ces « Visions » étaient quelque chose d'analogue : que pour lui, comme pour d'autres serviteurs de Dieu, le voile qui enveloppe le monde réel fut levé, de sorte qu'il vit le Seigneur tel qu'il est, ainsi que l'autre monde. Il faut respecter les messages qui résultent de ces expériences, mais il faut cependant les éprouver à la lumière de la révélation de Dieu en Jésus-Christ. J'ai fait tout mon possible pour « éprouver » ces messages et je les ai trouvés d'accord avec la suprême révélation du caractère divin que nous voyons dans la Vie et dans l'enseignement du Seigneur. J'accepte donc ces visions avec reconnaissance comme une nouvelle preuve que Dieu continue à parler à son peuple et je Lui demande que ce petit livre puisse ouvrir les yeux de beaucoup d'âmes quant à la réalité du monde qui nous entoure et que nous ne voyons pas, quoiqu'il soit plus proche de nous, en Christ, que le monde visible.
 

Simla, juin 1926.

H.-B. DURANT, Évêque anglican de Lahore.


 PRÉFACE

PAR L'ARCHEVÊQUE SÖDERBLOM,
À L'ÉDITION SUÉDOISE



     Je réponds volontiers à l'appel qui m'est adressé d'écrire en quelques mots une préface au dernier ouvrage du Sâdhou Sundar Singh. Ces visions sont caractéristiques de la mentalité du Sâdhou. Il a toujours été très prudent à ce sujet. Ce n'est que sur la demande expresse de ses amis qu'il s'est décidé d'en parler en dehors d'un cercle étroit de ses intimes qui le lie avec les nombreux hommes et femmes de Dieu, qui ont eu des visions et des révélations. Dans mon livre sur le « message de Sundar Singh » j'ai consacré un paragraphe à ce sujet. Pour le Sâdhou, les visions en elles-mêmes ne sont rien d'extraordinaire. Pour sa mentalité les visions sont quelque chose de tout naturel. Il lui est donc facile d'accepter les visions qu'ont eues d'autres hommes de Dieu. Il ne doutera pas de la réalité ou de la probabilité de tel ou tel incident, parce qu'il est accompagné de visions. Dans l'univers du Sâdhou se passent des choses étranges. Il n'est pas superstitieux et possède un jugement sûr. Mais pour lui les visions sont une forme naturelle pour la connaissance des choses célestes. Il s'entretient avec les esprits sans faire de « spiritisme ». Et pour juger le Sâdhou, il ne faut pas oublier que la réalité et les visions forment un tout indissoluble. Grâce à son humilité toute évangélique et à sa fidélité à l'Écriture il ne se laisse pas dérouter dans sa confiance à la lumière intérieure et son tempérament de visionnaire. Il est naturel d'appeler extase les absences d'esprit de Sundar Singh et ses rapports avec le monde des esprits ; c'est ce que j'ai fait moi-même. Mais gardez-vous d'appeler ses « extases » une espèce de délire religieux !

     Ce petit volume fait mieux comprendre que les précédents écrits du Sâdhou que ses visions ont à peine le caractère visionnaire, mais plutôt celui de connaissances précises sous forme de visions.

     Ces visions ne veulent pas agir sur le sentiment mais faire réfléchir. Elles offrent des méditations et des enseignements. L'imagination y est au service d'une manière de voir spéciale qui rappelle Ézéchiel, ou Swedenborg. Les visions du Sâdhou ont un caractère étonnamment sobre, mais où respire la pure communion d'esprit du Sâdhou avec Dieu.
 

  NATHAN SÖDERBLOM
Archevêque d'Upsala.


QUELQUES MOTS
POUR L'ÉDITION FRANÇAISE


     On n'attend pas que j'ajoute rien aux préfaces de l'Évêque anglican de Simla et de l'Archevêque Söderblom. L'un et l'autre ont vu le Sâdhou Sundar Singh et ont observé sa belle nature d'assez près pour pouvoir parler en connaissance de cause des « Visions du monde spirituel ». Je ne fais que répondre à l'aimable invitation de Mlle D. Fröhlich en écrivant ces quelques lignes d'introduction. Comme elle a édité la traduction allemande de ce livre, et comme elle fait partie de l'Assemblée générale de la Mission Suisse au Sud de l'Afrique, il est naturel qu'elle lance la traduction française.

     Quand Les Visions parurent en anglais, en 1926, le Comité suisse de secours pour la Mission aux Indes, qui avait publié d'autres ouvrages du Sâdhou, renonça à faire traduire celui-ci parce que l'enthousiasme pour son auteur eût fait accepter au pied de la lettre certaines de ses affirmations. Aujourd'hui, on le lira avec une profonde édification. Les méditations sur le ciel, la nature du monde spirituel, sur l'avenir de l'âme, son bonheur, ses rapports avec Dieu sont une force et une joie. Nous renonçons trop souvent à y penser, parce que nous craignons de nous aventurer dans l'inconnu sous la direction de l'imagination seule ; notre christianisme, orienté avec raison vers les réalisations pratiques, s'interdit ce que l'on considère comme des rêveries téméraires. N'est-ce pas lui enlever beaucoup de son essor ? Dans les périodes tragiques de l'Église persécutée, il en était autrement ; les visions de l'Apocalypse, celles de certains martyrs, de sainte Perpétue, par exemple, au IIIe siècle, ou des Camisards, dans les Cévennes, au XVIIIe, tant d'autres encore, montrent que Dieu vient au secours des siens en soulevant le voile de l'invisible quand ils sont pressés au delà de leurs forces. Sans entrer dans une étude sur la nature des visions du Sâdhou, nous souvenant d'ailleurs qu'il a hésité à les livrer au public, et eût voulu les garder pour lui, nous pensons que les disciples du Christ sont maintenant dans une période douloureuse où des méditations de ce genre sont devenues une vraie bénédiction. Notre Seigneur lui-même n'a-t-il pas fortifié les douze en leur annonçant qu'ils verraient le ciel ouvert ? (Jean I : 51). Dans le feu des tentations, du doute, de la souffrance, n'avons-nous pas besoin de voir les anges de Dieu monter et descendre sur les fidèles ?

     Ce petit livre renouvellera les richesses spirituelles reçues en Suisse en mars 1922 par la tournée d'évangélisation inoubliable du cher frère venu des Indes qui s'appelait le Sâdhou Sundar Singh. Après avoir délivré son message comme un prophète, il a pris place maintenant dans la grande nuée de témoins où la foi est changée en vue, l'espérance en réalité.

     Le Sâdhou a disparu du milieu de nous dans l'été de 1929, à l'âge de 39 ans, lors de son dernier voyage d'évangélisation au Tibet. Parti de Sabathu, le 18 avril, il n'est pas revenu.

     De nombreuses recherches ont été faites dans ces régions neigeuses ; deux missionnaires anglais ont suivi sa route jusqu'à un col de plus de cinq mille mètres, mais en vain. Nous nous rappelons son sourire radieux lorsque, dans la chapelle de Marterey, à Lausanne., il disait : « Si vous apprenez ma mort au Tibet, ne vous affligez pas, mais dites : Il est arrivé ! »

     Notre Seigneur n'a-t-il pas donné l'assurance à ses brebis que personne ne les ravirait de sa main ? (Jean 10 : 28.)

Lausanne, 1er octobre 1936.

G. SECRETAN,pasteur.


PRÉFACE DE L'AUTEUR


     J'ai essayé d'écrire dans ce petit livre quelques-unes des visions que Dieu m'a accordées. Si j'avais écouté mes propres désirs, ces récits de mes visions n'auraient été publiés qu'après ma mort, mais de nombreux amis dont le jugement m'inspire une grande confiance, ont insisté pour que cette publication sur l'enseignement de ces visions ne soit pas remise à plus tard. C'est donc pour céder au désir de ces amis que ce petit volume est aujourd'hui offert au public.

     À Kotgarh, il y a quatorze ans, pendant que j'étais en prière, mes yeux s'ouvrirent à la « Vision céleste ». Tout ce que je contemplai était si visible que je pensai être déjà mort et que mon âme avait atteint la gloire du ciel. Mais à travers toutes ces années, ces visions ont continue à enrichir ma vie. Je ne puis les appeler à volonté, mais en général c'est quand je suis en prière ou en méditation, parfois huit à dix fois par mois, que mes yeux s'ouvrent pour voir le ciel pendant une heure ou deux, et pour marcher avec Christ dans la gloire de la sphère céleste, conversant avec les anges et les esprits. Leurs réponses à mes questions ont fourni la matière de plusieurs de mes écrits, et l'indescriptible extase de cette communion spirituelle me fait soupirer après le temps où j'entrerai pour toujours dans le bonheur et la communion des rachetés.

     Quelques-uns penseront que ces visions ne sont qu'une forme de spiritisme, mais laissez-moi affirmer qu'il y a une différence essentielle entre ces expériences et le spiritisme. Celui-ci prétend apporter des messages et produire des signes venant d'esprits des ténèbres, messages qui sont en général si fragmentaires et si inintelligibles, même souvent trompeurs, qu'ils détournent leurs adeptes de la Vérité au lieu de les y conduire ! Dans mes visions, je vois, au contraire, clairement tous les détails glorieux du monde spirituel, de sorte que j'expérimente une communion réelle et bienfaisante avec les saints, au milieu des splendeurs du monde spirituel rendu visible !

     C'est par ces saints et ces anges que j'ai reçu non pas des messages vagues et trompeurs, concernant le monde invisible, mais l'explication claire et lucide de plusieurs problèmes qui me troublaient.

     Cette « communion des saints » était un fait si réel dans l'expérience de l'Église primitive, qu'elle fait partie intégrante des articles de foi connus sous le nom de : « Confession de foi apostolique ». Je demandai une fois, dans une de mes visions une preuve biblique de cette communion des saints et il me fut répondu qu'elle était clairement donnée dans Zacharie 3 : 7-8, que ceux qui y sont appelés « assistants » n'étaient ni des anges ni des hommes de chair et de sang, mais des saints glorifiés. Et Dieu promet à Joshua, à condition qu'il fasse Sa Volonté, de le laisser marcher avec les saints qui sont présents, c'est-à-dire les esprits de ceux qui sont devenus parfaits et avec qui il pourra communier en esprit.

     Il est souvent fait mention d'esprits, de saints et d'anges dans ce livre. Je désire faire une distinction entre les esprits, bons et mauvais qui après la mort existent dans un état intermédiaire entre le ciel et l'enfer. Les saints sont ceux qui ont pénétré au travers de cet état, dans la sphère plus élevée du monde spirituel, et auxquels un service spécial est confié. Les anges, enfin, sont ces êtres glorieux auxquels ont été remis toute espèce de services supérieurs, parmi eux se trouvent des saints venant d'autres mondes, aussi bien que du nôtre, et tous vivent ensemble comme une grande famille. Ils s'entraident mutuellement par amour et sont éternellement heureux dans la plénitude de la gloire divine.

     Le monde des esprits est celui où entrent les esprits en quittant le corps (état intermédiaire). Le monde spirituel est celui où tous les êtres spirituels traversent les divers stages entre les ténèbres de l'enfer et le trône du Seigneur dans la lumière.

     Je désire exprimer ma vive reconnaissance au Révérend Riddle de la Mission Presbytérienne de la Nouvelle Zélande, à Kharar, Pemjale, qui est venu jusqu'à Subathu, exprès pour traduire ce livre de l'urdu en anglais. Je remercie aussi Miss E. Sanders de Coventry qui a corrigé les épreuves de ce volume.

Subathu, juillet 1926.

SUNDAR SINGH