CINQUIÈME PRÉCEPTE
Tu ne voleras point.

   967. Par les vols sont entendus non seulement les vols manifestes, mais encore les vols non manifestes, comme les prêts à usure et les gains illicites qui se font par des fraudes et des ruses, sous différentes formes afin qu'ils paraissent même comme licites, ou clandestinement afin qu'ils ne paraissent point du tout ; de tels gains se font communément chez ceux qui administrent en chef ou en sous-ordre les biens des autres, chez les négociants, puis aussi chez les juges qui vendent des jugements, et font ainsi de la justice un trafic. Ces actes et plusieurs autres sont des vols dont il faut s'abstenir, et qu'on doit fuir et enfin avoir en aversion comme péchés contre Dieu, parce qu'ils sont contre les Lois Divines qui sont dans la Parole, et contre celle-ci qui est une des lois fondamentales de toutes les religions dans l'univers entier ; car ces dix préceptes sont des préceptes universels, donnés dans le but que l'homme vive d'après la religion, lorsqu'il vit d'après eux, car la vie d'après la religion conjoint l'homme au Ciel, mais la vie d'après ces préceptes par obéissance à la loi civile et morale le conjoint au monde et non au Ciel ; or, être conjoint au monde et non au Ciel, c'est être conjoint à l'enfer.

    969. L'homme a été créé pour être l'image du Ciel et l'image du Monde, car il est un microcosme (petit monde). L'homme naît par ses parents image du Monde, et il naît de nouveau pour être image du Ciel ; naître de nouveau, c'est être régénéré, et l'on est régénéré par le Seigneur au moyen des vrais d'après la Parole, et au moyen d'une vie selon ces vrais. L'homme est l'image du Monde quant à son mental naturel, et il est l'image du Ciel quant à son mental spirituel ; le mental naturel qui est un monde est au-dessous, et le mental spirituel qui est un Ciel est au-dessus. Le mental naturel est plein de maux de toute espèce, par exemple, de vols, d'adultères, d'homicides, de faux témoignages, de convoitises, et même de blasphèmes et de profanations de Dieu ; ces maux et plusieurs autres résident dans ce mental, car c'est là que sont les amours de ces maux, et par suite les plaisirs d'y penser, de les vouloir et de les faire ; ces maux sont dans ce mental par naissance d'après les parents ; en effet, l'homme naît et croit dans les choses qui sont dans ce mental, seulement les liens du droit civil et les liens de la vie morale le retiennent de les faire, et de manifester ainsi les efforts de sa volonté dépravée. Qui ne peut voir que le Seigneur ne peut influer du Ciel chez l'homme, ni l'enseigner, ni le conduire avant que ces maux aient été éloignés, car ils empêchent, repoussent, pervertissent et étouffent les vrais et les biens du Ciel, qui de la partie supérieure s'approchent, pressent et s'efforcent d'influer ? en effet, les maux sont infernaux et les biens sont célestes, et tout ce qui est infernal est embrasé de haine contre tout ce qui est céleste. Il est donc évident, d'après cela, qu'avant que le Seigneur puisse influer du Ciel avec le Ciel, et former l'homme à l'image du Ciel, il est de toute nécessité que les maux qui résident amoncelés dans le mental naturel soient éloignés. Maintenant, comme la première chose à faire est d'éloigner les maux, avant que l'homme puisse être enseigné et conduit par le Seigneur, on voit clairement pourquoi dans huit préceptes du Décalogue il y a un recensement des oeuvres mauvaises qu'on ne doit pas faire, sans qu'il soit parlé des bonnes oeuvres qu'on doit faire ; le bien n'existe pas de compagnie avec le mal, et il n'existe pas avant que les maux aient été éloignés ; avant cela, il n'y a pas de chemin qui vienne du ciel dans l'homme : en effet, l' homme est comme la mer rouge, dont les eaux doivent être écartées de part et d'autre, avant que le Seigneur dans la nuée et dans le feu donne un passage aux fils d'Israël : la mer rouge aussi signifie l'enfer, Pharaon avec les Égyptiens l'homme naturel, et les fils d'Israël l'homme spirituel.

    970. Il a été dit ci-dessus qu'il n'y a pas de communication avec le ciel, avant qu'on ait éloigné les maux et par suite les faux, par lesquels le mental naturel a été obstrué, car les maux et les faux sont comme des nuages noirs entre le soleil et l'oeil ou comme une muraille entre la lumière du ciel et la lueur d'une chandelle dans une chambre ; en effet, l'homme est comme renfermé dans une chambre, où il voit au moyen d'une chandelle, tant qu'il est seulement dans la lueur de l'homme naturel ; mais dès que l'homme naturel a été purifié des maux et des faux qui en proviennent, il est alors comme si, au moyen de fenêtres pratiquées dans cette muraille, il voyait par la lumière du Ciel les choses qui concernent le Ciel ; car dès que les maux ont été éloignés, il y a ouverture du mental supérieur, nommé mental spirituel, qui, considéré en soi, est le type ou l'image du Ciel ; par ce mental le Seigneur influe et fait qu'on voit par la lumière du Ciel, et par ce mental aussi il réforme et enfin régénère l'homme naturel, et il y implante les vrais à la place des faux, et les biens à la place des maux ; le Seigneur fait cela par l'amour spirituel, qui est l'amour du vrai et du bien ; l'homme alors a été placé dans un milieu entre deux amours, entre l'amour du mal et l'amour du bien ; quand l'amour du mal se retire, l'amour du bien en prend la place : l'amour du mal se retire uniquement par la vie selon les préceptes du Décalogue, savoir, lorsque l'homme renonce aux maux qui y sont recensés, parce qu'ils sont des péchés, et qu'enfin il les fuit comme infernaux. En un mot, tant que l'homme ne renonce pas aux maux parce qu'ils sont des péchés, le mental spirituel est fermé, mais dès que l'homme renonce aux maux parce qu'ils sont des péchés, le mental spirituel s'ouvre, et avec ce mental s'ouvre aussi le Ciel ; quand le Ciel a été ouvert l'homme vient dans une autre lumière quant à toutes les choses qui concernent l'Église, le Ciel et la vie éternelle, quoiqu'il puisse difficilement remarquer la différence de cette lumière et de la précédente, tant qu'il vit dans le Monde ; et cela, parce que l'homme dans le Monde pense naturellement même sur les spirituels, et que les spirituels sont renfermés dans les idées naturelles, jusqu'à ce que l'homme passe du Monde naturel dans le Monde spirituel, où, alors les spirituels sont découverts, perçus et manifestés.

    971. Autant l'homme renonce aux maux, les fuit et les a en aversion comme péchés, autant le bien influe du Seigneur ; le bien qui influe est l'affection de savoir et de comprendre les vrais, et l'affection de vouloir et de faire les biens ; mais l'homme ne peut pas par lui même renoncer aux maux en les fuyant et en ayant de l'aversion pour eux ; car il est lui-même dans les maux par naissance et de là par nature, et les maux ne peuvent d'eux mêmes fuir les maux, car ce serait comme si l'homme fuyait sa nature, ce qui n'est pas possible ; ce sera donc le Seigneur qui, étant le Divin Bien et le Divin Vrai, fera que l'homme les fuie ; mais toujours est-il que l'homme doit fuir les maux comme par lui-même ; en effet, ce que l'homme fait comme par lui-même, devient à lui, et lui est approprié comme sien ; mais ce qu'il ne fait pas comme par lui-même ne devient jamais à lui, et ne lui est pas approprié : ce qui vient du Seigneur à l'homme doit être reçu par l'homme, et ne peut être reçu par lui sans sa participation, c'est-à-dire, sans qu'il agisse comme par lui-même ; ce réciproque est nécessaire pour la réformation. De là vient que les dix Préceptes ont été donnés, et qu'il y a été commandé que l'homme n'adorera point d'autres dieux, qu'il ne profanera point le Nom de Dieu, ne volera point, ne commettra point d'adultère, ne tuera point, ne convoitera point la maison, l'épouse, les serviteurs d'autrui ; que par conséquent l'homme renoncera à commettre ces actions, en pensant, quand l'amour du mal l'excite et le pousse, qu'elles ne doivent pas être faites, parce qu'elles sont des péchés contre Dieu et qu'elles sont en elles-mêmes infernales. Autant donc l'homme les fuit, autant entre en lui l'amour du vrai et du bien procédant du Seigneur ; et cet amour fait que l'homme fuit ces maux comme péchés, et les a enfin en aversion : et parce que c'est l'amour du vrai et du bien qui met en fuite ces maux, il en résulte que l'homme les fuit non pas par lui-même, mais d'après le Seigneur ; car l'amour du vrai et du bien vient du Seigneur : si l'homme les fuit par la seule crainte de l'enfer, les maux, il est vrai, sont éloignés, mais cependant les biens n'en prennent pas la place, car lorsque la crainte cesse, les maux reviennent. Il a été donné à l'homme seul de penser comme par lui-même sur le bien et le mal ; par conséquent, que le bien doit être aimé et doit être fait, parce qu'il est Divin et demeure éternellement ; et que le mal doit être haï et ne point être fait, parce qu'il est diabolique et demeure éternellement : il n'a été donné à aucune bête de penser ainsi ; la bête peut, à la vérité, faire le bien et fuir le mal, mais ce n'est pas par elle-même, c'est ou par instinct, ou par habitude, ou par crainte, et nullement par la pensée que telle chose est bien ou que telle chose est mal, ainsi ce n'est pas par elle-même : ceux donc qui veulent que l'homme ne fuie pas les maux comme par lui-même, et ne fasse pas les biens comme par lui-même, mais que ce soit par un influx non perceptible ou par l'imputation du mérite du Seigneur, ceux-là veulent que l'homme vive comme la bête sans pensée, sans perception, et sans affection du vrai et du bien. Que cela soit ainsi, c'est ce qui m'a été manifesté par de nombreuses expériences dans le Monde spirituel : Tout homme après la mort y est préparé ou pour le Ciel ou pour l'enfer ; chez l'homme qui est préparé pour le Ciel les maux sont éloignés, et chez l'homme qui est préparé pour l'enfer les biens sont éloignés, et tout cela est fait comme par eux-mêmes : pareillement, ceux qui font des maux sont forcés par des châtiments à les rejeter comme par eux-mêmes ; si ce n'est pas comme par eux-mêmes, les châtiments ne servent à rien. Par là j'ai vu clairement, que ceux qui demeurent les bras croisés, en attendant l'influx ou l'imputation du mérite du Seigneur, restent dans l'état de leur mal et demeurent les bras croisés durant l'éternité. Fuir les maux comme précités, c'est fuir les sociétés infernales qui sont dans les maux, et l'homme ne peut fuir ces sociétés, s'il ne les a en aversion, et si par suite il ne s'en détourne ; et l'homme ne peut s'en détourner par aversion à moins qu'il n'aime le bien, et que d'après l'amour du bien il ne veuille pas le mal ; car l'homme ou voudra le mal ou voudra le bien ; autant ilveut le bien, autant il ne, veut pas le mal, et il lui est donné de vouloir le bien lorsqu'il considère les préceptes du Décalogue comme étant de sa religion, et qu'il vit selon ces préceptes. Puisque, l'homme doit renoncer aux maux en tant que péchés comme par lui-même, c'est pour cela que ces dix préceptes ont été inscrits par le Seigneur sur deux tables, et que ces tables ont été appelées l'alliance ; car cette alliance a été contractée, comme ont coutume d'être contractées les alliances entre deux parties, savoir, en ce que l'un propose et l'autre accepte, et que celui qui accepte consent ; s'il ne consent pas, l'alliance n'a point été établie ; ici consentir, c'est penser, vouloir et faire comme par soi-même. C'est non pas l'homme mais le Seigneur qui fait que l'homme pense à fuir le mal et à faire le bien comme par lui-même ; si le Seigneur fait cela, c'est pour le réciproque et pour la conjonction qui en résulte ; car tel est le Divin Amour du Seigneur, qu'il veut que les choses qui sont à Lui soient à l'homme et comme elles ne peuvent être à l'homme, puisqu'elles sont Divines, c'est pour cela qu'il fait qu'elles sont comme à l'homme : de là vient la conjonction réciproque, c'est-à-dire que l'homme est dans le Seigneur et le Seigneur dans l'homme, selon les paroles du Seigneur Lui-Même dans Jean, - Chap. XIV. 20, -et qui ne peut avoir lieu à moins qu'il n'y ait quelque chose comme de l'homme dans la conjonction. Ce que l'homme fait comme par lui-même, il le fait comme par sa volonté, par son affection, par sa liberté, conséquemment comme par sa vie ; si ces choses ne venaient pas du côté de l'homme comme étant de lui, il n'y aurait pas de réceptif, parce qu'il n'y aurait aucun réactif, par conséquent ni alliance, ni conjonction, ni même jamais aucune imputation d'avoir fait le mal ou le bien, ou d'avoir cru le vrai ou le faux ; par conséquent on ne pourrait dire ni que quelqu'un a l'enfer à cause des mauvaises oeuvres d'après ce qu'il mérite, ni que quelqu'un a le Ciel à cause des bonnes oeuvres d'après la grâce.

    972. Celui qui s'abstient des vols entendus dans un sens large, et qui même les fuit par une autre cause que par religion et pour la vie éternelle, n'en est pas purifié, car les fuir par une autre cause, cela n'ouvre pas le Ciel ; en effet, le Seigneur par le Ciel éloigne les maux chez l'homme, comme par le Ciel il éloigne les enfers. Soient pour exemples ceux qui administrent en chef ou en sous-ordre les biens des autres, les négociants, les juges, les fonctionnaires de toute espèce, les artisans ; s'ils s'abstiennent des vols, c'est-à-dire, des gains illicites et des prêts à usure, et s'ils les fuient pour s'attirer de la réputation, et par ce moyen obtenir de l'honneur ou du profit, ou si c'est à cause des lois civiles et morales, en un mot, par quelqu'amour naturel ou par quelque crainte naturelle, ainsi par des liens externes seulement et non par religion, leurs intérieurs n'en restent pas moins pleins de vols et de rapines, et se montrent tout à coup lorsque les liens externes leur sont enlevés, ce qui arrive pour chacun après la mort : leur sincérité et leur droiture sont seulement un masque un déguisement et une ruse.

    973. Autant donc les genres et les espèces de vols ont été éloignés, et sont davantage éloignés, autant les genres et les espèces de biens, auxquels ils correspondent par opposition, entrent et les remplacent ; ces biens se réfèrent dans le commun au sincère, au droit et au juste : en effet, quand l'homme fuit et a en aversion les gains illicites qu'on obtient par des fraudes et des ruses, autant il veut le sincère, le droit et le juste, et enfin il commence à aimer le sincère parce que c'est le sincère, le droit parce que c'est le droit, et le juste parce que c'est le juste : s'il commence à les aimer, c'est parce qu'ils viennent du Seigneur, et que l'amour du Seigneur est en eux; en effet, aimer le Seigneur, ce n'est pas aimer sa personne, mais c'est affiner les choses qui procèdent du Seigneur, car elles sont le Seigneur chez l'homme ; par conséquent c'est aimer aussi le sincère même, le droit même et le juste même ; et comme ces choses sont le Seigneur, voilà pourquoi autant l'homme les aime, et agit par suite d'après elles autant il agit d'après le Seigneur, et autant le Seigneur éloigne les choses non sincères et non justes, quant aux intentions et aux volontés mêmes où sont leurs racines, et toujours avec moins d'effort et de combat, par conséquent avec plus de facilité que dans les commencements. De cette manière l'homme pense d'après la conscience, et agit d'après l'intégrité, non pas, il est vrai, que ce soit par lui-même, mais c'est comme par lui-même ; car il reconnaît alors par la foi, puis par la perception, qu'à la vérité il semble qu'il pense et agit par lui-même, lorsque cependant c'est, non par lui-même, mais d'après le Seigneur.

    974. Quand l'homme commence à fuir et à avoir en aversion les maux parce qu'ils sont des péchés, toutes les choses qu'il fait sont des biens, et peuvent aussi être appelées de bonnes oeuvres, avec différence selon l'excellence des usages : en effet, les choses que l'homme fait avant de fuir et d'avoir en aversion les maux comme péchés, sont des oeuvres venant de l'homme lui-même ; et comme en elles il y a le propre de l'homme, qui n'est autre chose que le mal, et qu'il y a aussi le monde pour lequel elles ont été faites, voilà pourquoi elles sont de mauvaises oeuvres ; mais celles que l'homme fait, après qu'il fuit et a en aversion les maux comme péchés, sont des oeuvres venant du Seigneur, et comme en elles il y a le Seigneur, et avec Lui le ciel, elles sont de bonnes oeuvres. La différence des oeuvres venant de l'homme et des oeuvres venant du Seigneur chez l'homme ne se présente pas à la vue des hommes, mais elle se manifeste clairement à la vue des Anges ; les oeuvres qui sont faites d'après l'homme sont comme des sépulcres extérieurement blanchis, qui au dedans sont pleins d'os de morts ; elles sont comme des coupes et des plats extérieurement propres dans lesquels sont contenues des impuretés de tout genre ; elles sont comme des fruits intérieurement pourris dont cependant la pellicule extérieure est brillante ; ou comme des noix ou des amandes intérieurement rongées par des vers, quoique la coque soit saine ; ou comme une infecte courtisane dont le visage est beau ; telles sont les bonnes oeuvres venant de l'homme lui-même, car de quelque manière qu'elles paraissent bonnes à l'extérieur, cependant toujours est-il qu'à l'intérieur elles abondent en impuretés de tout genre ; car leurs intérieurs sont infernaux, et leurs extérieurs paraissent comme célestes. Au contraire, après que l'homme fuit et a en aversion les maux comme péchés, ses oeuvres sont non-seulement bonnes extérieurement mais encore intérieurement, et cela d'autant plus qu'elles sont plus intérieures, car plus elles sont intérieures et plus elles sont près du Seigneur ; en effet, elles sont alors comme des fruits dont la chair a de la saveur, et au milieu desquels sont des gousses contenant plusieurs pépins, d'où peuvent sortir de nouveaux arbres jusqu'à former des jardins ; elles sont toutes en général et en particulier dans son homme naturel comme des oeufs, d'où des nuées d'oiseaux peuvent sortir et remplir successivement un grand espace du ciel. En un mot, lorsque l'homme fuit et a en aversion les maux comme péchés, les oeuvres qu'il fait sont tandis que celles qu'il avait faites auparavant étaient mortes : en effet, le vif est ce qui vient du Seigneur, et le mort ce qui vient de l'homme.

    975. Il a été dit que autant l'homme fuit et a en aversion les maux comme péchés, autant il fait les biens ; et que les biens qu'il fait sont les bonnes oeuvres qui sont entendues dans la Parole, par cette raison que ces biens sont faits dans le Seigneur ; puis aussi, que ces oeuvres sont bonnes en proportion que l'homme a de l'aversion pour les maux qui y sont opposés, parce qu'elles sont faites selon cette proportion par le Seigneur et non par l'homme. Les oeuvres cependant sont bonnes à un degré plus ou moins élevé selon l'excellence des usages car les oeuvres doivent être des usages ; les meilleures sont celles qui sont faites pour les usages de l'Église, puis viennent celles qui sont faites pour les usages de la patrie, et ainsi de suite ; ce sont les usages qui déterminent la bonté des oeuvres. La bonté des oeuvres chez l'homme augmente selon la plénitude des vérités par l'affection desquelles elles sont faites ; car l'homme qui a en aversion les maux comme péchés veut savoir les vrais, parce que les vrais enseignent les usages et la qualité du bien des usages ; de là vient que le bien aime le vrai, et que le vrai aime le bien, et qu'ils veulent être conjoints ; autant donc un tel homme apprend les vrais par affection pour les vrais, autant il fait les biens avec plus de sagesse, et plus de plénitude ; avec plus de sagesse, parce qu'il sait distinguer les usages et les faire avec jugement et justice ; avec plus de plénitude, parce qu'en opérant des usages tous les vrais sont présents, et forment la sphère spirituelle que leur affection produit.

    976. Soient, pour exemple, les Juges : Tous ceux qui rendent vénale la justice, en aimant la charge de juge pour les profits qu'ils tirent des jugements, et non pour les usages de la patrie, tous ceux-là sont des voleurs, et leurs jugements sont des vols ; il en est de même s'ils jugent par amitié et par faveur, car les amitiés et les faveurs sont aussi des gains et des Profits : lorsqu'ils ont ces choses pour fin et les jugements pour moyens, toutes les oeuvres qu'ils font sont des maux, et ce sont elles qui sont entendues dans la Parole par les mauvaises oeuvres, et par ne faire ni jugement ni justice, en pervertissant le droit des pauvres, des indigents, des orphelins, des veuves, des innocents : bien plus, si même ils font justice, mais qu'ils aient le lucre pour fin, ils font, il est vrai, une oeuvre bonne, mais non pour eux; car la Justice, qui est Divine, est pour eux le moyen, et un tel lucre est la fin ; or ce qui est pour fin est tout, tandis que ce qui est pour moyen n'est rien, si ce n'est qu'en tant qu'il sert à la fin ; aussi de tels juges, après la mort, aiment-ils autant l'injuste que le juste, et sont-ils comme voleurs condamnés à l'enfer : je dis cela d'après l'expérience : ce sont là ceux qui s'abstiennent des maux, non parce qu'ils sont des péchés, mais seulement parce qu'ils craignent les peines de la loi civile, et la perte de la réputation, de l'honneur, de la fonction, et par conséquent du lucre. Il en est autrement des Juges qui s'abstiennent des maux comme péchés, et qui les fuient parce qu'ils sont contre les Lois Divines, et ainsi contre Dieu ; ceux-ci ont la justice pour fin, et ils la vénèrent, l'honorent et l'aiment comme Divine ; ceux-ci voient pour ainsi dire Dieu dans la justice, parce que tout ce qui est juste, comme tout ce qui est bien et vrai, est de Dieu ; ils joignent toujours le juste à l'équitable, et l'équitable au juste, sachant que le juste doit être de l'équitable pour qu'il soit le juste, et que l'équitable doit être du juste pour qu'il soit l'équitable, de même que le vrai appartient au bien, et que le bien appartient au vrai. Puisqu'ils ont pour fin la justice, il en résulte que pour eux rendre des jugements, c'est faire de bonnes oeuvres ; mais ces oeuvres, qui sont les jugements, sont bonnes pour eux à un degré plus ou moins élevé, selon qu'il y a dans les jugements plus ou moins de considérations d'amitié, de faveur et de lucre, et selon qu'il y a en eux plus ou moins d'amour du juste pour le bien public, c'est-à-dire, pour que la justice règne chez les concitoyens, et qu'il y ait sécurité pour ceux qui vivent selon les lois. Ces juges ont la vie éternelle dans un degré en rapport avec leurs oeuvres, car ils sont jugés de la même manière qu'ils ont eux-mêmes jugé.

    977. Soient, pour exemple, ceux qui administrent en chef ou en sous-ordre les biens des autres : S'ils frustrent de leurs biens leurs rois, leur patrie ou leurs maîtres soit clandestinement par des artifices, soit sous des prétextes par des fraudes, ils n'ont aucune religion, ni par conséquent aucune conscience, car ils méprisent la Loi Divine sur le vol, et n'en font aucun cas : encore bien qu'ils fréquentent les Temples, qu'ils soient exacts à aller entendre les prédications, qu'ils participent au sacrement de la cène, qu'ils prient matin et soir, et qu'ils parlent avec respect de la Parole, toujours est-il cependant qu'il n'y a rien du Ciel qui influe, et qui soit dans leur culte, dans leur piété et dans leurs discours, parce que leurs intérieurs sont pleins de vols, de rapines, de larcins et d'injustice ; et tant qu'ils sont dans cet état, le chemin qui vient du ciel est fermé en eux ; par suite les oeuvres qu'ils font sont toutes mauvaises. C'est le contraire pour les Administrateurs de biens qui fuient les lucres illégitimes et les gains frauduleux parce que ces actions sont contre la Loi Divine sur le vol ; ceux-ci ont de la religion, par conséquent aussi de la conscience, et les oeuvres qu'ils font sont toutes bonnes, car ils agissent avec sincérité pour la sincérité, et avec justice pour la justice ; ils sont en outre contents d'eux-mêmes, d'un esprit gai et d'un coeur joyeux toutes les fois qu'il leur arrive de ne pas tromper ; et après leur mort, ils sont acceptés par les Anges, reçus par eux comme frères, et gratifiés de biens jusqu'à ce qu'ils en aient abondamment. Mais, au contraire, les Administrateurs mauvais sont, après leur mort, chassés des sociétés ; ensuite ils demandent l'aumône, et enfin ils sont envoyés dans des cavernes de voleurs pour travailler.

    978. Soient encore, pour exemple, les Marchands : Leurs oeuvres sont toutes mauvaises, tant qu'ils ne considèrent pas et par suite ne fuient pas comme péchés les profits illégitimes, les gains illicites, les ruses et les fraudes ; car de telles oeuvres ne peuvent pas être faites d'après le Seigneur, mais elles le sont d'après l'homme lui-même ; et leurs oeuvres sont d'autant plus mauvaises qu'ils savent avec plus d'adresse et de subtilité composer intérieurement des artifices, et tromper les associés ; et encore plus mauvaises quand ils savent mettre à exécution de tels artifices sous l'apparence de la sincérité, de la justice et de la piété : plus le marchand perçoit le plaisir de telles manoeuvres, et plus ses oeuvres tirent leur origine de l'enfer : si le marchand fait ce qui est sincère et juste pour obtenir de la réputation, et par la réputation acquérir des richesses, de sorte qu'il paraisse agir par l'amour de la sincérité et de la justice, et qu'il ne fasse pas ce qui est sincère et juste par affection pour la Loi Divine ou par obéissance à Cette Loi, il est néanmoins intérieurement non-sincère et non-juste, et ses oeuvres sont des vols, car il veut voler en feignant la sincérité et la justice. Que cela soit ainsi, c'est ce qui est manifesté après la mort, quand l'homme agit d'après sa volonté et son amour intérieurs, et non d'après sa volonté et son amour extérieurs ; alors il ne pense et ne machine que des artifices et des brigandages, il se retire d'avec ceux qui sont sincères, et il se rend ou dans des forêts, ou dans des déserts, et s'étudie à dresser des embûches ; en un mot, de tels hommes deviennent des brigands. Il en est autrement des marchands qui fuient comme péchés les vols de tout genre, surtout les vols intérieurs et cachés qui se font par astuce et par ruse ; leurs oeuvres sont toutes bonnes, parce qu'elles sont faites d'après le Seigneur ; car l'influx qui vient du Ciel, c'est-à-dire, du Seigneur par le Ciel pour les opérer, n'a pas été intercepté par les maux dont il a été ci-dessus parlé. Les richesses ne leur sont aucunement nuisibles, parce que pour eux les richesses sont des moyens pour les usages, et les usages pour eux sont les négoces, par lesquels ils sont utiles à la patrie et aux concitoyens ; ils sont aussi par les richesses en état de faire les usages auxquels l'affection du bien les conduit.

    979. D'après ce qui a été dit ci-dessus, on peut maintenant voir ce qui est entendu dans la Parole par les bonnes oeuvres, à savoir, que ce sont toutes les oeuvres qui sont faites par l'homme, lorsque les maux ont été éloignés comme péchés ; car les oeuvres qui sont faites, après qu'ils ont été éloignés, ne sont faites par l'homme que comme par lui-même ; en effet, elles sont faites d'après le Seigneur, et toutes les choses qui sont faites d'après le Seigneur sont bonnes, et sont nommées biens de la vie, biens de la charité et bonnes oeuvres ; par exemple, tous les Jugements du juge qui a pour fin la justice, qui la vénère et l'aime comme Divine, et qui déteste comme des infamies les décisions judiciaires rendues pour des présents, par amitié et par faveur; car il pourvoit ainsi au bien de la patrie, en faisant que le Jugement et la Justice y règnent comme dans le Ciel, et il pourvoit par conséquent à la paix de chaque citoyen tranquille et le préserve de la violence des malfaiteurs, toutes choses qui sont de bonnes oeuvres. Les devoirs des administrateurs et les négoces des marchands sont tous aussi de bonnes oeuvres, quand ils fuient les gains illicites comme péchés contre les lois Divines. Lorsque l'homme fuit les maux comme péchés, il apprend de jour en jour ce que c'est qu'une bonne oeuvre, et chez lui s'accroissent l'affection de faire le bien, et l'affection de savoir le vrai pour faire le bien ; car autant il sait les vrais, autant il peut faire les oeuvres avec plus de plénitude et plus de sagesse, ainsi les oeuvres deviennent bonnes avec plus de réalité. « Cesse donc de te demander : Quelles sont les bonnes oeuvres que je ferai ? ou : Quel bien  ferais-je pour recevoir la vie éternelle ? Abstiens toi seulement des maux comme péchés et tourne tes regards vers le Seigneur, et le Seigneur t'enseignera et te conduira. »