Bonnes oeuvres.

   932. Dans la Chrétienté, aujourd'hui, la plupart des hommes ignorent ce que c'est que les biens de la charité ou les bonnes oeuvres ; et cela, parce que la religion de la foi seule, c'est-à-dire, de la foi séparée des biens de la charité, a prévalu ; car si ces biens ne font rien pour le salut, et que la foi seule suffise, il vient à l'esprit qu'on peut les omettre. Quelques-uns, qui croient au contraire qu'on doit faire de bonnes oeuvres, ne savent pas non plus ce que c'est que les bonnes oeuvres ; ils pensent que les bonnes oeuvres consistent seulement à donner aux pauvres, et à faire du bien aux indigents, aux veuves et aux orphelins, parce que de telles oeuvres sont désignées et comme commandées dans la Parole. D'autres croient que s'il faut les faire pour obtenir la vie éternelle, ils doivent donner aux pauvres tout ce qu'ils possèdent, comme on le faisait dans la primitive Église, et comme le Seigneur l'a commandé au riche, en lui disant de vendre tout ce qu'il avait, de le donner aux pauvres, et de le suivre en portant sa croix. Mais ce que c'est que les bonnes oeuvres qui sont entendues dans la Parole, cela va être dit en ordre dans ce qui suit.
 

    933. Dans l'article précédent, il a été dit qu'on sait à peine aujourd'hui ce que c'est que la charité, par conséquent ce que c'est que les bonnes oeuvres, si ce n'est seulement qu'elles consistent à donner aux pauvres, à soulager les indigents, à faire du bien aux veuves et aux orphelins, et à contribuer par des dons à faire bâtir des temples, des hôpitaux et des hospices ; mais toujours ignore-t-on si elles sont de l'homme et en vue de récompense ; car si elles sont de l'homme, elles ne sont pas bonnes, et si elles sont en vue d'une récompense, elles sont méritoires, et dans l'un et l'autre cas elles n'ouvrent pas le Ciel, et par conséquent ne sont pas non plus reconnues pour bonnes dans le Ciel : dans le Ciel, on ne considère comme bonnes que les oeuvres qui sont faites par le Seigneur chez l'homme ; et toutefois les oeuvres qui sont faites par le Seigneur chez l'homme, se présentent dans la forme externe semblables à celles qui sont faites par l'homme lui-même ; et de plus, elles ne sont pas même distinguées des autres par l'homme qui les fait, car les oeuvres qui sont faites par le Seigneur chez l'homme sont même faites par l'homme comme par lui-même, et s'il ne les fait pas comme par lui-même, elles ne le conjoignent pas au Seigneur, et par conséquent ne le réforment pas ; que l'homme doive faire les biens comme par lui-même, on le voit, Apoc. EXPL. N° 616, 864, 911.

    934. Il vient d'être dit que les oeuvres qui viennent de l'homme ne sont pas bonnes, et qu'il n'y a de bonnes que celles qui sont faites par le Seigneur chez l'homme ; mais pour que les oeuvres soient faites par le Seigneur et non par l'homme, deux choses sont nécessaires : la Première, c'est de reconnaître le Divin du Seigneur, et de reconnaître aussi qu'il est le Dieu du Ciel et de la terre, même quant à l'humain, et que de Lui procède tout bien qui est le bien. La Seconde, c'est que l'homme vive selon les préceptes du Décalogue, en s'abstenant des maux qui y sont énumérés ; par exemple, du culte d'autres dieux, de la profanation du nom de Dieu, des vols, des adultères, des homicides, des faux témoignages, de la convoitise des possessions et des propriétés qui appartiennent aux autres. Ces deux choses sont Exigées, pour que les oeuvres qui sont faites par l'homme soient bonnes ; la raison de cela, c'est que tout bien vient du Seigneur seul, et que le Seigneur ne peut entrer chez l'homme ni le conduire, tant que ces maux n'ont pas été éloignés comme péchés, car ils sont infernaux et sont même l'enfer chez l'homme ; or, si l'enfer n'a pas été éloigné, le Seigneur ne peut ni entrer, ni ouvrir le Ciel. C'est aussi ce qui est entendu par les paroles du Seigneur au riche, - Matth. XIX. 16 à 22 ; Marc, X. 19 à 21 ; Luc, XVIII. 18 à 23 - qui l'interrogeait sur la vie éternelle, et disait que depuis sa jeunesse il avait observé les préceptes du Décalogue ; il est dit que le Seigneur l'aima et lui enseigna qu'il lui manquait une chose, c'était de vendre tout ce qu'il avait, en portant sa croix ; par vendre tout ce qu'il avait, il est signifié qu'il devait abandonner ses pratiques religieuses qui étaient des traditions, car il était juif, et aussi abandonner ses propres qui consistent à s'aimer et à aimer le monde plus que Dieu, ainsi à se conduire soi-même ; et par suivre le Seigneur, il est signifié Le reconnaître seul, et être conduit par Lui ; c'est même pour cela que le Seigneur
lui avait dit : " Pourquoi M'appelles-tu Bon ? Personne n'est Bon, sinon Dieu seul ." par porter sa croix, il est signifié combattre contre les maux et les faux qui proviennent du propre.

    935. Dans l'Article précédent, il a été question des deux choses exigées pour que les oeuvres soient bonnes, à savoir, reconnaître le Divin du Seigneur, et fuir comme péchés les maux défendus dans le Décalogue. Les maux qui sont énumérés dans le Décalogue contiennent en eux tous les maux qui existent ; de là vient le nom de dix préceptes, car dix signifie toutes choses : le Premier précepte, " tu n'adoreras point d'autres dieux " contient aussi celui de ne point s'aimer soi-même et de ne point aimer le monde, car celui qui s'aime et aime le monde par-dessus toutes choses adore d'autres dieux ; en effet, le Dieu de chacun est ce qu'il aime par-dessus toutes choses. Le Second précepte, « tu ne profaneras point le nom de Dieu » contient aussi celui de ne point mépriser et de ne point rejeter de coeur la Parole, la doctrine tirée de la Parole, ni par conséquent l'Église, car ces choses sont le nom de Dieu. Le Cinquième précepte, " tu ne voleras point " contient aussi celui de fuir les fraudes et les gains illicites, car ce sont aussi des vols. Le Sixième précepte, " tu ne commettras point adultère" contient en particulier celui de ne point se plaire dans ce qui concerne l'adultère, ni se déplaire dans ce qui concerne le mariage, et spécialement de ne point penser des choses obscènes sur ce qui appartient au mariage, car ce sont là aussi des adultères. Le Septième précepte, " tu ne tueras point " contient aussi celui de ne point avoir de haine contre le prochain et de ne point aimer les vengeances, car les haines et les vengeances respirent la mort. Le Huitième précepte, " tu ne feras point de faux témoignages" contient aussi celui ne ne point mentir et de ne point blasphémer, car les mensonges et les blasphèmes sont aussi des faux témoignages. Le Neuvième précepte, " tu ne convoiteras point la maison de ton prochain" contient aussi celui de ne point vouloir posséder ni tirer à soi les biens des autres malgré eux. Le dixième précepte, "tu ne convoiteras point l'épouse de ton prochain, ni ses serviteurs, ni les autres choses spécifiées " contient aussi celui de ne vouloir ni avoir de l'empire sur les autres, ni les mettre sous sa domination, car par les choses qui y sont nommées, sont entendus les propres de l'homme. Chacun voit que dans ces huit préceptes sont contenus les maux qu'on doit fuir, et non les biens qu'on doit faire.

    936. Les maux qu'on doit fuir viennent d'être énumérés d'après le Décalogue : mais je sais que plusieurs pensent dans leur coeur que personne ne peut les fuir par soi-même, parce que l'homme est né dans les péchés, et que par suite il n'a aucun pouvoir de les fuir par lui-même ; toutefois, que ceux là sachent que quiconque pense du fond du coeur qu'il y a un Dieu, que le Seigneur est Dieu du Ciel et de la terre, que la Parole est de Lui et par conséquent sainte, qu'il y a un Ciel et un Enfer, et qu'il y a une vie après la mort, peut les fuir ; mais que cela n'est pas possible pour celui qui méprise ces vérités et les rejette de plein gré, et est absolument impossible pour celui qui les nie ; car quelqu'un peut-il penser que quelque chose est un péché contre Dieu, lorsqu'il ne pense point à Dieu ? et quelqu'un peut-il fuir les maux comme péchés, lorsqu'il ne pense rien concernant le Ciel, l'Enfer, et la vie après la mort ? un tel homme ne sait pas ce que c'est qu'un péché. L'homme a été placé dans le milieu entre le ciel et l'Enfer ; du ciel influent continuellement les biens, de l'enfer influent continuellement les maux ; et comme il est dans le milieu, il est dans la liberté de penser les biens et de penser les maux ; cette liberté, le Seigneur ne l'enlève jamais à aucun homme, car elle appartient à la vie de l'homme, et elle est le moyen de sa réformation ; autant donc l'homme d'après cette liberté pense à vouloir fuir les maux parce qu'ils sont des péchés, et implore le secours du Seigneur, autant le Seigneur les éloigne, et donne à l'Homme d'y renoncer et ensuite de les fuir comme par lui-même. Chacun peut par la liberté naturelle fuir ces mêmes maux, parce qu'ils sont contre les lois humaines ; c'est ce que fait dans un royaume tout citoyen qui craint les peines de la loi civile, et la perte de la vie, de la réputation, de l'honneur, des richesses, et par suite celle de la fonction, des profits et des voluptés ; le méchant aussi le fait, et sa vie dans la forme externe se montre absolument semblable à la vie de celui qui fuit ces maux parce qu'ils sont contre les Lois Divines, mais elle est tout-à-fait dissemblable dans la forme interne : l'un agit par la seule liberté naturelle qui vient de l'homme, et lautre par la liberté spirituelle qui vient du Seigneur, tous deux agissent par la liberté ; puisque l'homme peut fuir ces mêmes maux par la liberté naturelle, pourquoi ne pourrait-il pas les fuir par la liberté spirituelle, dans laquelle il est constamment tenu par le Seigneur que seulement il pense qu'il le veut, parce qu'il y a un enfer, un Ciel, une vie après la mort, une punition et une rémunération, et qu'il implore le secours du Seigneur. Il faut qu'on sache que chaque homme qui commence une vie spirituelle, parce qu'il veut être sauvé, redoute les péchés à cause des peines de l'enfer ; mais ensuite c'est à cause du péché lui-même, parce que le péché est en soi abominable ; et enfin c'est à cause du vrai et du bien qu'il aime, par conséquent à cause du Seigneur, car autant quelqu'un aime le vrai et le bien, par conséquent le Seigneur, autant il a en aversion l'opposé, qui est le mal. D'après cela, il est évident que quiconque croit au Seigneur fuit les maux comme pêchés ; et que réciproquement quiconque fuit les maux comme péchés, croit ; fuir les maux comme pêchés est donc le signe de la foi.

    938. Il vient d'être parlé du renoncement aux maux d'après la liberté spirituelle, dans laquelle chaque homme est tenu par le Seigneur : mais comme tous les maux, dans lesquels l'homme naît, tirent leurs racines de l'amour de dominer sur les autres et de l'amour de posséder les biens des autres, et que tous les plaisirs de la vie propre de l'homme jaillissent de ces deux amours, et comme tous les maux en proviennent, il en résulte aussi que les amours et les plaisirs de ces maux appartiennent à la vie propre de l'homme ; maintenant, puisque les maux appartiennent à la vie de l'homme, il s'ensuit que l'homme ne peut en aucune manière y renoncer par lui-même, car ce serait renoncer à sa vie par sa vie ; aussi a-t-il été pourvu à ce qu'il puisse y renoncer par le Seigneur ; et pour qu'il le puisse, il lui a été donné la liberté de penser qu'il veut, et aussi d'implorer le secours du Seigneur ; s'il est dans la liberté, c'est parce qu'il est dans un milieu entre le Ciel et l'Enfer, par conséquent entre le bien et le mal ; et celui qui est dans le milieu est dans l'équilibre, et celui qui est dans l'équilibre peut se tourner facilement et comme spontanément d'un côté ou d'un autre, et cela d'autant mieux que le Seigneur s'oppose continuellement aux maux, les repousse, élève l'homme et l'attire à Lui. Mais cependant il existe un combat, parce que les maux qui appartiennent à la vie de l'homme sont excités par le maux qui s'élèvent continuellement de l'Enfer; et alors l'homme doit combattre contre eux, et pourtant comme par lui-même ; s'il ne combat pas comme par lui-même, les maux ne sont point séparés.

    939. Il est notoire que l'intérieur de l'homme doit être purifié, avant que le bien que l'homme fait soit le bien, - car le Seigneur dit : " Pharisien aveugle ! Nettoie premièrement l'intérieur de la coupe et du plat, afin qu'aussi l'extérieur devienne net.". Matth. XXIII.26. - L'Intérieur de l'homme n'est purifié que quand il renonce, selon les préceptes du Décalogue, à faire les maux ; tant qu'il ne renonce pas à faire ces maux, qu'il ne les fuit pas et ne les a pas en aversion comme péchés, ils constituent son intérieur et sont comme un voile ou une couverture interposée, et cela apparaît, dans le ciel comme une éclipse qui obscurcit le soleil et intercepte la lumière ; c'est aussi comme une source de bitume ou d'eau noire, d'où il ne découle rien que d'impur ; ce qui découle d'un tel homme, et paraît être le bien devant le Monde, n'est cependant pas le bien, parce que cela a été souillé de maux par l'intérieur ; c'est, en effet, un bien pharisaïque et hypocrite ; ce bien est le bien qui vient de l'homme, et il est aussi le bien méritoire : il en est autrement quand les maux ont été éloignés par une vie conforme aux préceptes du Décalogue. Maintenant, comme les maux doivent d'abord être éloignés, avant que les biens deviennent des biens, c'est pour cela que les dix préceptes ont été le commencement de la Parole ; car ils ont été promulgués sur la Montagne de Sinaï, avant que la Parole eût été écrite par Moïse et par les prophètes ; et dans ces préceptes sont contenus non les biens qu'on doit faire, mais les maux qu'on doit fuir : c'est aussi pour cela que ces préceptes sont avant tout enseignés dans les Églises, car ils sont enseignés aux jeunes garçons et aux jeunes filles, à savoir, pour que l'homme commence par eux sa vie Chrétienne, et nullement pour qu'il les oublie lorsqu'il est devenu grand, comme cela arrive cependant. Pareilles choses sont entendues par ces paroles, dans Esaie : «Que M'importe la multitude de vos sacrifices ? Votre minchah, votre parfum, vos nouvelles lunes et vos filles solennelles, mon âme les déteste : si même vous multipliez la prière, Moi, je n'écoute point. Lavez vous, purifiez vous, éloignez de devant mes yeux la malice de vos oeuvres, cessez de faire le mal : alors, quand vos pêchés seraient comme l'écarlate, comme la neige ils deviendront blancs ; quand rouges ils seraient comme la pourpre, comme la laine ils seront . » - I. 11 à 19 ; - par les sacrifices, la minchah, le parfum, les nouvelles lunes et les fêtes, puis aussi par la prière, sont entendues toutes les choses du culte ; par lavez vous, purifiez vous, éloignez la malice de vos oeuvres et cessez de faire le mal, il est entendu que les choses du culte sont absolument mauvaises, et même abominables, si l'intérieur n'a pas été purifié des maux ; que toutes ces choses soient bonnes après cette purification, c'est ce qui est entendu par les paroles qui suivent.

    940. Quand l'intérieur de l'homme a été purifié des maux, par cela que l'homme y renonce et les fuit parce qu'ils sont des péchés, alors est ouvert l'interne qui est au-dessus de l'intérieur, et qui est nommé interne spirituel ; cet interne communique avec le ciel ; de là vient que l'homme est alors entré dans le Ciel et est conjoint au Seigneur. Il y a chez l'homme deux internes, l'un au-dessous et l'autre au-dessus ; l'interne qui est au-dessous est celui dans lequel est l'homme et d'après lequel il pense lorsqu'il vit dans le Monde, car cet interne est naturel ; pour le distinguer il sera appelé Intérieur : l'interne qui est au-dessus est celui dans lequel vient l'homme après la mort, lorsqu'il entre dans le Ciel ; tous les Anges du ciel sont dans cet interne, car il est spirituel : cet interne est ouvert chez l'homme qui fuit les maux comme péchés, mais il est tenu fermé chez l'homme qui ne fuit pas les maux comme péchés. La raison pour laquelle cet interne est tenu fermé chez l'homme qui ne fuit pas les maux comme péchés, c'est que l'intérieur ou l'interne naturel est l'Enfer avant que l'homme ait été purifié des péchés, et tant que l'Enfer est là, le Ciel ne peut pas être ouvert : mais dès que l'Enfer a été éloigné, alors il est ouvert. Toutefois, il faut qu'on sache que l'interne spirituel et le ciel sont ouverts chez l'homme, à proportion que l'interne naturel est purifié de l'Enfer qui s'y trouve, ce qui se fait non en une seule fois, mais successivement par degrés. D'après cela on peut voir que l'homme par lui-même est un Enfer, et que par le Seigneur il devient un Ciel ; que par conséquent le Seigneur l'arrache de l'Enfer et l'élève à Lui dans le Ciel, non immédiatement, mais médiatement ; les moyens sont les préceptes nommés il ya un moment, par lesquels le Seigneur conduit celui qui veut être conduit.

    941. Lorsque l'Interne spirituel a été ouvert, et que par là il a été donné communication, il y a pour l'homme illustration ; l'homme est illustré principalement quand il lit la Parole, parce que le Seigneur est dans la Parole, et que la Parole est le Divin Vrai, et parce que le Divin vrai est la lumière pour les Anges. L'homme est illustré dans le Rationnel, car le rationnel a été placé le plus près sous l'Interne spirituel et reçoit l'a lumière du ciel, la transporte dans le naturel purifié des maux, remplit ce naturel des connaissances du vrai et du bien, et adapte aussi à ces connaissances les sciences qui viennent du monde afin qu'elles confirment et concordent : de là vient à l'homme le Rationnel, et de là lui vient aussi l'entendement; celui qui croit que l'homme a le rationnel et l'entendement, avant que son naturel ait été purifié des maux, se trompe beaucoup ; car l'entendement consiste à voir les vrais de l'Église par la Lumière du ciel, et la Lumière du Ciel n'influe pas chez un autre. Les faux de la religion et de l'ignorance et les illusions sont dissipés, à mesure que l'entendement est perfectionné.

    942. Après que l'homme, par l'ouverture de son Interne, a eu entrée dans le Ciel et en reçoit la lumière, les mêmes affections, dont jouissent les Anges du Ciel, lui sont communiquées avec les charmes et les plaisirs de ces affections : la Première affection qui est alors donnée est l'affection du vrai ; la Seconde est l'affection du bien ; et la Troisième est l'affection de fructifier. En effet, après que l'homme a eu entrée dans le Ciel et dans la Lumière et la Chaleur du Ciel, il est semblable à l'Arbre, qui croît d'après sa semence ; sa première pousse vient de l'illustration, sa fleuraison avant le fruit vient de l'affection du vrai, la naissance du fruit qui en résulte vient de l 'affection du bien, la multiplication de lui-même de nouveau en arbres vient de l'affection de fructifier : la chaleur du Ciel, qui est l'amour, et la lumière du Ciel, qui est l'entendement du vrai d'après cet amour, produisent dans les sujets vivants des choses semblables à celles que la chaleur et la lumière du monde produisent dans les sujets non vivants ; si elles produisent des choses semblables, c'est d'après la correspondance. Mais la production se fait de part et d'autre dans la saison du printemps ; la saison du printemps pour l'homme, c'est lorsqu'il entre dans le Ciel, ce qui arrive quand son interne spirituel est ouvert ; avant cela, c'est pour lui la saison de l'hiver.

    943. L'homme, a l'affection du vrai, lorsqu'il aime le vrai et a en aversion le faux ; il a l'affection du bien, lorsqu'il aime les bons usages et a en aversion les mauvais usages ; et il a l'affection de fructifier, lorsqu'il aime à faire les biens et à être utile. Toute joie céleste est dans ces affections et vient de ces affections ; cette joie ne peut être décrite par des comparaisons, car elle est au-dessus de toute comparaison, et en outre elle est éternelle.

    944. C'est dans cet état que vient l'homme qui fuit les maux comme péchés, et tourne ses regards vers le Seigneur : et il vient dans cet état en tant qu'il a en aversion et déteste les maux comme péchés et que de coeur il reconnaît et adore le Seigneur seul, et Son Divin aussi dans l'humain : c'est là le sommaire.

    945. Quand l'homme est dans cet état, alors il est élevé au-dessus de son propre : en effet, l'homme est dans son propre, lorsqu'il est seulement dans l'externe naturel ; mais il est élevé au-dessus du propre, lorsqu'il est dans l'interne spirituel : l'homme ne sent pas qu'il est élevé au-dessus du propre, si ce n'est en ce qu'il ne pense pas aux maux, et qu'il a pris aversion d'y penser, et en ce qu'il se plaît dans les vrais et dans les usages bons ; si cependant cet homme avance davantage dans cet état, il perçoit l'influx par quelque pensée, mais néanmoins il n'est pas détourné de penser et de vouloir comme par lui-même, car le Seigneur veut cela à cause de la réformation ; cependant l'homme doit reconnaître que rien de bien ni par suite rien de vrai ne vient de lui, mais que tout bien et tout vrai vient du Seigneur.

    946. Lors donc que l'homme fuit et a en aversion les maux comme péchés et qu'il est élevé par le Seigneur dans le Ciel, il s'ensuit qu'il n'est plus dans son propre, mais qu'il est dans le Seigneur, et que par suite il pense et veut les biens : maintenant, comme l'homme agit en conformité de ce qu'il pense et veut, car toute action de l'homme procède de la pensée de sa volonté, il s'ensuit de nouveau que lorsque l'homme fuit et a en aversion les maux, il fait les biens non par lui-même, mais d'après le Seigneur : de là vient donc que fuir les maux c'est faire les biens : les biens que l'homme fait alors sont entendus par les bonnes oeuvres et les bonnes oeuvres dans tout le complexe sont entendues par la charité. Comme l'homme ne Peut être réformé à moins qu'il ne pense, ne veuille et n'agisse comme par lui-même, - ce qui est fait comme par l'homme lui-même est conjoint à lui et reste chez lui, mais ce qui n'est pas fait comme par l'homme lui-même, n'étant reçu par aucune vie des sens, transflue comme l'éther - c'est pour cela que le Seigneur veut que l'homme non seulement fuit et ait en aversion les maux comme par lui-même, mais encore qu'il pense, veuille et agisse comme par lui-même, et que néanmoins il reconnaisse de coeur que tout cela vient du Seigneur : il doit le reconnaître, parce que cela est vrai.