Troisième partie (A) :
LES DEGRES
Dans le monde spirituel il y a des atmosphères,
des eaux, et des terres, comme dans le monde naturel ; mais elles sont spirituelles,
tandis que dans le monde naturel, elles sont naturelles.
173. Il a été dit dans ce qui précède, et montré dans le traité Le ciel et l'enfer, que le monde spirituel et le monde naturel sont semblables, avec la seule différence que toutes et chacune des choses du monde spirituel sont spirituelles, et que toutes et chacune des choses du monde naturel sont naturelles. Puisque ces mondes sont semblables, ils possèdent tous deux des atmosphères, des eaux et des terres, qui sont les éléments généraux par lesquels et d'après lesquels toutes les choses existent avec une variété infinie.
174. Quant aux atmosphères, qui sont appelées éthers et airs, elles sont semblables dans les deux mondes. Mais elles sont spirituelles dans le monde spirituel, parce qu'elles existent par le Soleil qui est le premier procédant du Divin Amour et de la Divine Sagesse du Seigneur, et parce qu'elles reçoivent de Lui le Divin Feu qui est l'Amour et la Divine Lumière qui est la Sagesse. Ces atmosphères transportent l'un et l'autre vers les cieux où sont les anges, et y causent la présence de ce Soleil dans les très grands et les très petits. Les atmosphères spirituelles sont des substances divisées ou des formes les plus petites, qui tirent leur origine du Soleil. Comme chacune de ces parties reçoit particulièrement le Soleil, il en résulte que le feu du Soleil, divisé en tant de substances ou de formes et quasi enveloppé par elles et tempéré par ces enveloppes, devient une chaleur adaptée finalement à l'amour des anges dans le ciel et des esprits sous le ciel. Il en est de même de la lumière de ce Soleil. Dans le monde naturel, les atmosphères naturelles, comme les atmosphères spirituelles, sont aussi des substances divisées et des formes les plus petites qui tirent leur origine du soleil du monde naturel. Celles-ci reçoivent particulièrement aussi le soleil, renferment son feu en elles, le tempèrent et le transportent, comme chaleur vers la terre où sont les hommes. Il en est de même pour la lumière.
175. Les atmosphères spirituelles sont différentes des atmosphères naturelles en ce que les atmosphères spirituelles sont les réceptacles du Divin Feu et de la Divine Lumière, ainsi de l'Amour et de la Sagesse, car elles les contiennent intérieurement en elles tandis que les atmosphères naturelles sont les réceptacles non du Divin Feu ni de la Divine Lumière, mais du feu et de la lumière de leur soleil, qui en soi est mort, comme il a été montré ci-dessus. Par conséquent, il n y a rien du Soleil du monde spirituel intérieurement en elles, bien qu'elles soient environnées des atmosphères spirituelles qui procèdent du Soleil spirituel. C'est la sagesse des anges qui nous a appris que telle est la différence entre les atmosphères spirituelles et les atmosphères naturelles.
176. On peut voir qu'il y a des atmosphères dans le monde spirituel comme dans le monde naturel en ce que les anges et les esprits respirent, parlent et entendent comme les hommes dans le monde naturel, et qu'ils ne peuvent le faire qu'au moyen de l'atmosphère la plus basse, appelée air. Les anges et les esprits voient aussi comme les hommes dans le monde naturel, et la vue n'est possible que par une atmosphère plus pure que l'air ; ils pensent et sont affectés comme les hommes, et la pensée et l'affection ne sont possibles qu'au moyen d'atmosphères encore plus pures. Enfin en ce que toutes les parties du corps des anges et des esprits, tant les externes que les internes, sont tenues en un ensemble cohérent par les atmosphères, les externes par l'atmosphère aérienne, et les internes par les atmosphères éthérées. Sans la pression que ces atmosphères exercent en tous sens, et sans leur action, les formes intérieures et extérieures du corps se répandraient évidemment de tous côtés. Puisque les anges sont spirituels, et que toutes et chacune des choses de leur corps sont tenues en un ensemble cohérent dans une forme et dans un ordre par les atmosphères, il en découle que ces atmosphères sont spirituelles. Elles le sont parce qu'elles tirent leur origine du Soleil spirituel qui est le premier procédant du Divin Amour et de la Divine Sagesse du Seigneur.
177. Il a été dit ci-dessus, et montré dans le traité Le Ciel et l'enfer, que dans le monde spirituel il y a aussi des eaux et des terres comme dans le monde naturel, avec cette différence que les eaux et les terres du monde spirituel sont spirituelles. Comme elles sont spirituelles, elles sont mises en action et modifiées par la chaleur et la lumière du soleil spirituel au moyen des atmosphères qui en proviennent, absolument comme les eaux et les terres dans le monde naturel le sont par la chaleur et la lumière du soleil de leur monde au moyen des atmosphères de ce monde.
178. Il est parlé ici des atmosphères, des eaux et des terres, parce que ces trois sont les éléments généraux par lesquels et d'après lesquels toutes et chacune des choses existent avec une variété infinie. Les atmosphères sont les forces actives, les eaux sont les forces intermédiaires, et les terres sont les forces passives, d'après lesquelles existent tous les effets. Ces trois forces sont telles dans leur série, uniquement d'après la vie qui procède du Seigneur comme Soleil, et qui fait qu'elles sont actives
Il y a des degrés de l'Amour et de la Sagesse,
et par suite il y a des degrés de la Chaleur
et de la Lumière, et aussi des degrés
des atmosphères.
179. Ce qui va suivre ne peut être compris si l'on ne sait qu'il y a des degrés, et en quoi ils consistent, car il y en a dans toute chose créée, ainsi dans toute forme. Cette partie de la Sagesse Angélique traitera donc des degrés. On peut voir clairement qu'il y a des degrés de l'amour et de la sagesse, d'après les anges des trois cieux : les anges du troisième ciel l'emportent en amour et en sagesse sur ceux du second ciel, et ceux-ci sur les anges du dernier ciel, au point qu'ils ne peuvent être ensemble. Comme les degrés de l'amour et de la sagesse les distinguent et les séparent, il s'ensuit que les anges des cieux inférieurs ne peuvent monter vers les anges des cieux supérieurs ; s'ils en ont la permission, ils ne les voient pas, et ne voient rien de ce qui les entoure, parce que l'amour et la sagesse des anges des cieux supérieurs sont dans un degré qui surpasse la perception des anges des cieux inférieurs. En effet, chaque ange est son amour et sa sagesse, et l'amour uni à la sagesse, dans sa forme est un homme, parce que Dieu qui est l'Amour même et la Sagesse même, est un Homme. Il m'a été donné quelquefois de voir des anges du dernier ciel monter vers des anges du troisième ciel ; et lorsqu'ils étaient arrivés avec effort au milieu d'eux, je les entendais se plaindre de ce qu'ils n'en voyaient aucun. On leur apprit ensuite que ces anges n'avaient pas été visibles, parce que l'amour et la sagesse de ces derniers ne leur étaient pas perceptibles, et que l'amour et la sagesse font que l'ange apparaît comme un homme.
180. On voit encore plus manifestement qu'il y a des degrés de l'amour et de la sagesse si on compare l'amour et la sagesse des anges à l'amour et à la sagesse des hommes. Il est bien connu que la sagesse des anges ainsi comparée, est ineffable, et on verra dans la suite qu'elle est même incompréhensible pour les hommes qui sont dans l'amour naturel. Elle semble ineffable et incompréhensible, parce qu'elle est dans un degré supérieur.
181. Puisqu'il y a des degrés de l'amour et de la sagesse, il y a aussi des degrés de la chaleur et de la lumière. Par la chaleur et la lumière sont entendues la chaleur et la lumière spirituelles, telles qu'elles sont chez les anges des cieux, et telles qu'elles sont chez les hommes quant aux intérieurs qui appartiennent à leur mental, car chez les hommes il y a une chaleur de l'amour et une lumière de la sagesse, semblables à celles qui sont chez les anges. La chaleur chez les anges correspond à la qualité de leur amour et à sa quantité ; il en est de même de leur lumière et de leur sagesse, parce que chez eux l'amour est dans la chaleur et la sagesse dans la lumière, comme il a été montré ci-dessus. Il en est de même sur terre chez les hommes, avec cette différence cependant, que les anges sentent cette chaleur et voient cette lumière, tandis qu'il n'en est pas ainsi pour les hommes, parce que ceux-ci sont dans la chaleur et la lumière naturelles ; et tant qu'ils y sont, ils ne sentent la chaleur spirituelle que par une sorte de plaisir de l'amour, et ne voient la lumière spirituelle que par la perception du vrai. Maintenant puisque l'homme, tant qu'il est dans la chaleur, et dans la lumière naturelles, ne sait rien de la chaleur et de la lumière spirituelles chez lui, et puisque cette connaissance ne peut être obtenue que par l'expérience que donne le monde spirituel, il sera donc spécialement parlé ici de la chaleur et de la lumière dans lesquelles sont les anges et leurs cieux. L'illustration sur ce sujet ne peut venir que du monde spirituel, et non d'autre part.
182. Toutefois, les degrés de la chaleur spirituelle ne peuvent être décrits d'après l'expérience, parce que l'amour auquel correspond la chaleur spirituelle ne tombe pas dans les idées de la pensée ; mais les degrés de la lumière spirituelle peuvent être décrits, parce que la lumière y tombe, car elle appartient à la pensée. Néanmoins on peut comprendre les degrés de la chaleur par les degrés de la lumière, car les deux sont dans un degré semblable. Or, quant à ce qui concerne la lumière dans laquelle sont les anges, il m'a été donné de la voir de mes yeux. Chez les anges des cieux supérieurs elle est d'une blancheur si éblouissante qu'elle ne peut être décrite, même par la blancheur de la neige. En outre, elle est si éclatante qu'elle ne peut non plus être décrite, même par l'éclat du soleil du monde ; en un mot, cette lumière surpasse des milliers de fois la lumière de midi sur la terre. Elle ne peut être décrite, parce qu'elle fait un avec la sagesse des anges ; et comme leur sagesse comparée àcelle des hommes est ineffable, il en résulte que la lumière l'est aussi. Mais la lumière chez les anges des cieux inférieurs peut en quelque sorte être décrite par des comparaisons, néanmoins elle surpasse la lumière la plus intense de notre monde. Ces explications font voir qu'il y a des degrés de la lumière ; et puisque la sagesse et l'amour sont dans un semblable degré, il s'ensuit qu'il y a de semblables degrés de la chaleur.
183. Puisque les atmosphères sont les réceptacles de la chaleur et de la lumière, il s'ensuit qu'il y a autant de degrés des atmosphères qu'il y a de degrés de la chaleur et de la lumière, et aussi de degrés de l'amour et de la sagesse. J'ai vu clairement par un grand nombre d'expériences qu'il y a plusieurs atmosphères et qu'elles sont distinguées entre elles par des degrés. Ainsi, j'ai vu que les anges des cieux inférieurs ne peuvent respirer dans la région des anges supérieurs, et qu'ils semblent suffoquer comme suffoquent les être vivants qui sont élevés de l'air dans l'éther, ou comme ceux qui vivent dans les eaux quand ils sont exposés dans l'air. Les esprits au-dessous des cieux apparaissent même comme dans un brouillard épais. On voit ci-dessus, au N° 176, qu'il y a plusieurs atmosphères, et qu'elles sont distinguées entre elles par des degrés.
Il y a deux genres de degrés :
degrés de hauteur et degrés de largeur
184. La connaissance des degrés est comme une clef qui ouvre les causes des choses et permet d'y entrer. Sans elle, on ne peut saisir la cause, car les objets et les sujets de l'un et de l'autre monde apparaissent univoques, comme s'il n'y avait en eux que ce que l'il y voit, cependant qu'à l'intérieur sont cachées des choses par milliers, et même par myriades. Les intérieurs qui ne sont pas ouverts à la vue, ne peuvent jamais être découverts sans la connaissance des degrés. Car les extérieurs vont vers les intérieurs, et par ceux-ci vers les intimes par des degrés ; non par des degrés continus, mais par des degrés discrets. Sont appelés ´ degrés continus , les décroissements ou les diminutions, du plus épais au plus léger, ou du plus dense au plus rare, et aussi les accroissements ou les augmentations du plus léger au plus épais, ou du plus rare au plus dense, absolument comme de la lumière à l'ombre ou de la chaleur au froid. Mais les degrés discrets sont tout à fait différents ; ils sont comme les antérieurs, les postérieurs et les derniers, ou comme la fin, la cause et l'effet. Ces degrés sont appelés discrets, parce que l'antérieur est par soi, le postérieur par soi, et le dernier par soi ; néanmoins pris ensemble ils font un. Les atmosphères, appelées éthers et airs, depuis le haut jusqu'au bas, ou depuis le soleil jusqu'à la terre, sont distinguées en de tels degrés. Elles sont comme les choses simples, les assemblages de ces choses simples, et les assemblages de ces assemblages qui, pris ensemble, sont nommés un composé. Ces degrés sont discrets (ou séparés), parce qu'ils existent distinctement, et ils sont entendus par ´ degrés de hauteur ª, mais les autres degrés sont continus, parce qu'ils croissent continuellement, et ils sont entendus par degrés de largeur .
185. Toutes et chacune des choses qui existent dans le monde spirituel, et toutes et chacune des choses qui existent dans le monde naturel, cxistent d'après les degrés discrets et en même temps d'après les degrés continus, c'est-à-dire d'après les degrés de hauteur et les degrés de largeur. La dimension qui consiste en degrés discrets est appelée hauteur et la dimension qui consiste en degrés continus est appelée largeur ; leur position relativement à la vue de l'il ne change pas la dénomination. Sans la connaissance de ces degrés, on ne peut rien savoir de la différence qui existe entre les trois cieux, ni de la différence entre l'amour et la sagesse des anges de ces cieux ni de la différence entre la chaleur et la lumière dans lesquelles ils sont ; ni de la différence des atmosphères qui les entourent et les contiennent. Sans la connaissance de ces degrés, on ne peut rien savoir non plus de la différence des facultés des intérieurs qui appartiennent au mental chez les hommes, ni par conséquent de leur état quant à la réformation et à la régénération ; ni de la différence des facultés des extérieurs qui appartiennent au corps, tant chez les anges que chez les hommes ; ni absolument rien de la différence entre le spirituel et le naturel, ni par suite rien de la correspondance. On ne sait rien non plus des différences de la vie entre les hommes et les bêtes, entre les bêtes plus parfaites et les bêtes moins parfaites, entre les formes du règne végétal et les matières du règne minéral. Il devient donc évident que ceux qui ignorent ces degrés, ne peuvent par leur propre jugement voir les causes. Ils voient seulement les effets, et jugent les causes d'après les effets, ce qui se fait le plus souvent par une induction continue d'effets. Cependant les causes produisent les effets non par le continu, mais par le discret, car la cause est une chose et l'effet en est une autre. La différence entre les deux est comme celle qui existe entre l'antérieur et le postérieur, ou entre ce qui forme et ce qui est formé.
186. Les cieux angéliques peuvent servir d'exemple pour mieux faire comprendre en quoi consistent les degrés discrets et la différence qui existe entre eux et les degrés continus. Il y a trois cieux, et ils sont distingués par les degrés de hauteur ; ils sont par conséquent l'un au-dessous de l'autre, et ne communiquent entre eux que par l'influx qui vient du Seigneur à travers les Cieux dans leur ordre jusqu'au plus bas, et non dans le sens contraire. Mais chaque ciel en lui-même est divisé non par les degrés de hauteur, mais par les degrés de largeur. Ceux qui sont au milieu ou au centre sont dans la lumière de la sagesse, et ceux qui sont à la périphérie jusqu'aux limites sont dans l'ombre de la sagesse. Ainsi la sagesse décroît jusqu'à l'ignorance comme la lumière décroît jusqu'à l'ombre, et cela a lieu d'une façon continue. Il en est de même chez les hommes. Les intérieurs qui appartiennent à leur mental ont été distingués en autant de degrés que le sont les cieux angéliques, et ces degrés sont l'un au-dessus de l'autre. Par conséquent les intérieurs des hommes, qui appartiennent à leur mental, sont séparés par les degrés discrets ou de hauteur. Il s'ensuit que l'homme peut être dans le degré infime, puis dans le supérieur, et aussi dans le suprême selon le degré de sa sagesse. Quand il est seulement dans le degré infime, le degré supérieur est fermé, mais ce degré est ouvert dans la mesure où il reçoit du Seigneur la sagesse. Il y a aussi chez l'homme, comme dans le ciel, des degrés continus ou de largeur. L'homme est semblable aux cieux, parce que, quant aux intérieurs de son mental, il est un ciel dans la forme la plus petite, en tant qu'il est par le Seigneur dans l'amour et dans la sagesse. Voir à ce sujet le traité Le ciel et l'Enfer, N°s 51 à 58.
187. Ces explications font voir que celui qui ne sait rien des degrés discrets ou de hauteur, ne peut non plus rien savoir de l'état de l'homme quant à sa réformation et à sa régénération, qui se font par la réception de l'amour et de la sagesse procédant du Seigneur, et par l'ouverture alors des degrés intérieurs de son mental dans leur ordre. Il ne peut non plus rien savoir de l'influx procédant du Seigneur par les cieux, ni rien de l'ordre dans lequel il a été créé. Car si quelqu'un pense à ces choses non d'après les degrés discrets ou de hauteur, mais d'après les degrés continus ou de largeur il ne peut rien en voir d'après les causes, mais seulement d'après les effets ; or voir d'après les effets seuls, c'est voir d'après les illusions. Il en découle des erreurs, l'une après l'autre, qui par des inductions peuvent être multipliées à un tel point, qu'enfin d'énormes faussetés soient appelées des vérités.
188. Que je sache, personne jusqu'à présent n'a eu quelque connaissance des degrés discrets ou de hauteur, mais on connaît seulement les degrés continus ou de largeur. Cependant rien de ce qui concerne la cause ne peut se montrer dans sa vérité sans la connaissance de ces deux genres de degrés. Il en sera donc traité dans toute cette troisième partie. Car le but de cet ouvrage est de dévoiler les causes et d'après elles, faire voir les effets, et qu'ainsi soient dissipées les ténèbres dans lesquelles est l'homme de l'Eglise au sujet du Dieu ou du Seigneur, et en général au sujet des Divins qui sont appelés Spirituels. Je peux rapporter ici que les anges sont dans la tristesse à cause des ténèbres qui sont sur la terre. Ils disent qu'il n'y voient presque pas de lumière et que les hommes saisissent avidement les illusions et les confirment, et ainsi entassent fausseté sur fausseté, et que pour les confirmer ils recherchent par des raisonnements tirés de faux et de vrais falsifiés, des paradoxes qui ne peuvent être dissipés en raison des ténèbres sur les causes et de l'ignorance sur les vérités. Ils se plaignent principalement des confirmations sur la foi séparée d'avec la charité, et sur la justification par cette foi ; et aussi des idées sur Dieu, sur les anges et sur les esprits, et de l'ignorance en ce qui concerne l'amour et la sagesse.
Les degrés de hauteur sont homogènes, et
se succèdent en ordre, comme la fin,
la cause et l'effet.
189. Puisque les degrés de largeur ou degrés continus sont comme les gradations de la lumière à l'ombre, du chaud au froid, de l'épais au ténu, et ainsi du reste, et puisque ces degrés sont connus d'après l'expérience des sens et des yeux, tandis qu'il n'en est pas de même des degrés de hauteur ou degrés discrets, c'est principalement de ceux-ci qu'il sera traité dans cette partie, car sans la connaissance de ces degrés on ne peut voir les causes. On sait, il est vrai, que la fin, la cause et l'effet se suivent en ordre, comme l'antérieur, le postérieur et le dernier, et que la fin produit la cause, et par la cause l'effet pour que la fin existe. On sait aussi plusieurs choses sur ce sujet ; cependant les savoir et ne pas les voir dans leur application à ce qui existe, c'est seulement savoir des choses abstraites qui ne restent dans la mémoire que le temps nécessaire à l'esprit pour les analyser. Il en découle que dans le monde on sait peu de choses sur les degrés discrets, si toutefois on en sait quelque chose, bien que la fin, la cause et l'effet procèdent par ces degrés. Car la seule connaissance des choses abstraites est comme une sorte d'objet vaporeux qui s'envole, mais si les choses abstraites sont appliquées à des choses qui sont dans le monde, elles deviennent comme un objet que l'on voit des yeux sur la terre, et qui reste dans la mémoire.
190. Toutes les choses qui existent dans le monde, auxquelles s'appliquent les trois dimensions, et qu'on nomme des composés, consistent en des degrés de hauteur ou degrés discrets. Des exemples vont illustrer ce sujet : on sait d'après l'expérience oculaire que chaque muscle dans le corps humain consiste en de très petites fibres, et que celles-ci composées en faisceaux présentent des fibres plus grandes, qui sont appelées motrices, et que le groupement de ces fibres motrices forme un composé, qui est appelé muscle. Il en est de même des nerfs ; dans les nerfs, de très petites fibres forment de plus grandes qui se présentent comme des filaments, et la réunion de ces derniers forme le nerf. Il en est de même de tous les autres assemblages, faisceaux et réunions dont sont composés les organes et les viscères, car ceux-ci sont des compositions de fibres et de faisceaux diversement groupés d'après de semblables degrés. Il en est aussi de même de toutes les choses du règne végétal et de toutes celles du règne minéral, en général et en particulier. Dans le bois, ce sont des assemblages de filaments dans un ordre triple ; dans les métaux et dans les pierres, ce sont des groupements de parties, aussi dans un ordre triple. On peut ainsi voir clairement quels sont les degrés discrets, à savoir, que d'une chose en vient une autre, et de celle-ci une troisième, qui est appelée un composé ; et que chaque degré est séparé d'un autre degré.
191. De ces objets visibles, on peut conclure que c'est la même chose pour ceux qui ne se montrent pas devant les yeux ; par exemple, pour les substances organiques qui sont les réceptacles et les habitacles des pensées et des affections dans les cerveaux, pour les atmosphères, pour la chaleur et la lumière, pour l'amour et la sagesse. En effet, les atmosphères sont les réceptacles de la chaleur et de la lumière ; et la chaleur et la lumière sont les réceptacles de l'amour et de la sagesse ; c'est pourquoi, puisqu'il y a des degrés d'atmosphères, il y a aussi de semblables degrés de chaleur et de lumière et de semblables degrés d'amour et de sagesse ; car le même principe s'applique à ceux-ci et à celles-là.
192. On voit d'après ce qui vient d'être dit, que ces degrés sont homogènes, c'est-à-dire de même caractère et de même nature. Les fibres motrices des muscles, les très petites, les grandes et les très grandes sont homogènes : les fibres nerveuses, les très petites, les grandes et les très grandes sont homogènes ; les filaments ligneux depuis les plus petits jusqu'à leur composé sont homogènes ; il en est de même des parties pierreuses et métalliques de tout genre. Sont également homogènes les substances organiques qui sont les réceptacles et les habitacles des pensées et des affections depuis les plus simples jusqu'à leur assemblage commun qui est le cerveau ; les atmosphères depuis le pur éther jusqu'à l'air ; les degrés de la chaleur et de la lumière en série selon les degrés des atmosphères ; et par suite aussi les degrés de l'amour et de la sagesse. Les choses qui ne sont pas de même caractère ni de même nature sont hétérogènes et ne concordent pas avec les homogènes ; ainsi elles ne peuvent former avec elles des degrés discrets. Elles ne le peuvent qu'avec les leurs qui sont de même caractère et de même nature, avec lesquelles elles sont homogènes.
193. Il est évident que ces choses dans leur ordre, sont comme les fins, les causes et les effets ; car le premier, qui est le plus petit, produit sa cause par le moyen, et son effet par le dernier.
194. Il faut qu'on sache que chaque degré a été distingué d'un autre par ses propres enveloppes, et que tous les degrés ensemble ont été distingués par une enveloppe commune, et que l'enveloppe commune communique avec les intérieurs et avec les intimes dans leur ordre. Il en résulte la conjonction de tous et l'action unanime.
Le premier degré est le tout dans toutes les choses
des degrés suivants.
195. Il en est ainsi, parce que les degrés de chaque sujet et de chaque chose sont homogènes, et ils le sont, parce qu'ils ont été produits par le premier degré. En effet, leur formation est telle, que le premier, par des faisceaux ou des groupements, en un mot par des assemblages, produit le second, et par celui-ci le troisième ; et elle sépare l'un de l'autre par une enveloppe qui l'entoure. Il est donc évident que le premier degré est le principal et celui qui règne uniquement dans les suivants ; qu'ainsi le premier degré est le tout dans toutes les choses des degrés suivants.
196. Lorsqu'il est dit que tels sont les degrés entre eux, il est entendu que telles sont les substances dans leurs degrés. La locution par les degrés est une locution abstraite, qui est universelle, par conséquent applicable à chaque sujet ou à chaque chose qui est dans des degrés de cette sorte.
197. L'application peut en être faite à toutes les choses dont il a été parlé dans l'article précédent ; ainsi, aux muscles, aux nerfs, aux matières et aux parties des règnes végétal et minéral, aux substances organiques qui sont les sujets des pensées et des affections dans l'homme, aux atmosphères, à la chaleur et à la lumière, et à l'amour et à la sagesse. Dans toutes ces choses il y a un premier qui règne uniquement dans les suivants, et même il est unique en eux ; et parce qu'il est unique en eux, il est le tout en eux. On voit clairement qu'il en est ainsi d'après ce qui est connu, savoir, que la fin est le tout de la cause, et que par la cause elle est le tout de l'effet ; et voilà pourquoi la fin, la cause et l'effet sont appelés fin première, fin moyenne et fin dernière. On voit ensuite que la cause de la cause est aussi la cause du résultat de la cause ; et que dans les causes il n'y a qu'un essentiel qui est la fin, et dans le mouvement qu'un essentiel qui est l'effort ; et enfin que la substance qui est substance en soi, est l'unique substance.
198. De ce qui précède on peut clairement voir que le Divin qui est la substance en soi, ou l'unique et seule substance, est la substance de laquelle procèdent toutes et chacune des choses qui ont été créées, qu'ainsi Dieu est le Tout dans toutes les choses de l'univers, selon ce qui a été démontré dans la première partie. Il y est dit que Le Divin Amour et la Divine Sagesse sont substance et forme, N°s 40 à 43 ; que le Divin Amour et la Divine Sagesse sont la substance en soi et la forme en soi, ainsi le Soi-même et l'Unique, N°s 44 à 46 ; que toutes choses dans l'univers, ont été créées par le Divin Amour et par la Divine Sagesse, N°s 52 à 60 ; et que par suite tout l'univers créé est l'image du Seigneur, N°s 61 à 65 ; et que le Seigneur seul est le ciel où sont les anges, N°s 113 à 118.
Toutes les perfections croissent et montent
avec les degrés et selon les degrés.
199. Il a été montré ci-dessus, aux N°s 184 à 188, qu'il y a des degrés de deux genres, degrés de largeur et degrés de hauteur ; et que les degrés de largeur sont comme ceux de la lumière qui décline vers l'ombre, ou comme ceux de la sagesse qui décline vers l'ignorance, tandis que les degrés de hauteur sont comme la fin, la cause et l'effet, ou comme l'antérieur, le postérieur et le dernier. De ces degrés il est dit qu'ils montent et descendent, car ils appartiennent à la hauteur, mais des premiers on dit qu'ils croissent, ou décroissent, car ils appartiennent à la largeur. Ces degrés diffèrent tant les uns des autres, qu'ils n'ont rien de commun ; aussi doivent-ils être perçus comme distincts, et ne jamais être confondus.
200. Toutes les perfections croissent et montent avec les degrés et selon les degrés, parce que tout attribut suit son sujet, et que la perfection et l'imperfection sont des attributs communs ; car elles appartiennent à la vie, aux forces et aux formes.
La perfection de la vie est la perfection de l'amour et de la sagesse. Comme la volonté et l'entendement en sont le réceptacles, la perfection de la vie est aussi celle de la volonté et de l'entendement, et par suite celle des affections et des pensées ; et comme la chaleur spirituelle est le contenant de l'amour, et la lumière spirituelle le contenant de la sagesse, leur perfection peut aussi être rapportée à la perfection de la vie
La perfection des forces est la perfection de toutes les choses qui sont mises en action et en mouvement par la vie, dans lesquelles cependant il n'y a pas la vie. Sont de telles forces, les atmosphères, quant à leurs actions, les substances organiques intérieures et extérieures chez l'homme et chez les animaux de tout genre, et toutes les choses dans le monde naturel qui obtiennent immédiatement et médiatement des activités par le soleil de ce monde.
La perfection des formes et la perfection des forces font un, car telles sont les forces, telles sont les formes, avec la seule différence que les formes sont des substances, tandis que les forces en sont les activités. C'est pourquoi il y a pour les unes et pour les autres de semblables degrés de perfection. Les formes qui ne sont pas en même temps des forces sont parfaites aussi selon les degrés.
201. Il ne sera pas parlé ici des perfections de la vie, des forces et des formes, qui croissent et décroissent, selon les degrés de largeur ou degrés continus, parce que ces degrés sont connus dans le monde. Mais il sera parlé des perfections de la vie, des forces et des formes, qui montent ou descendent selon les degrés de hauteur ou degrés discrets, parce que ceux-ci ne sont pas connus dans le monde. Or, par les choses visibles dans le monde naturel, on peut connaître quelque peu de quelle manière montent et descendent les perfections selon ces degrés, mais par les choses visibles dans le monde spirituel on peut le connaître clairement. Dans le monde naturel, on découvre seulement que plus on examine intérieurement les choses naturelles, plus on y rencontre des merveilles. Il en est ainsi lorsqu'on examine intérieurement les yeux, les oreilles, la langue en un mot tous les viscères, puis les semences, les fleurs et les fruits, aussi les métaux, les minéraux et les pierres. Mais par cet examen on n'a pas pu voir que ces objets sont intérieurement plus parfaits selon les degrés de hauteur ou degrés discrets, car l'ignorance de ces degrés tenait cela caché. Mais comme tout le monde spirituel, depuis le suprême jusqu'à l'infime, est distinctement divisé en degrés de hauteur ou degrés discrets, et que ceux-ci se présentent manifestement, il en résulte qu'on peut puiser de ce monde la connaissance de ces degrés. Ensuite d'après ces degrés on peut découvrir les perfections des forces et des formes qui sont dans de semblables degrés dans le monde naturel.
202. Dans le monde spirituel, il y a trois cieux disposés en ordre selon les degrés de hauteur. Dans le ciel suprême les anges surpassent en perfection les anges qui sont dans le ciel moyen, et dans le ciel moyen les anges surpassent en perfection les anges du Ciel infime. Les degrés des perfections sont tels, que les anges du ciel infime ne peuvent monter jusqu'au premier seuil des perfections des anges du ciel moyen, ni ceux-ci jusqu'au premier seuil des perfections des anges du ciel suprême. Bien qu'incroyable, cela est une vérité. Il en est ainsi, parce que les anges ont été consociés selon les degrés discrets et non selon les degrés continus. Il m'a été donné de connaître par expérience que la différence des affections et des pensées, et par conséquent du langage, entre les anges des cieux supérieurs et les anges des cieux inférieurs est telle qu'ils n'ont rien en commun, et que la communication se fait seulement par des correspondances. Ces correspondances ont lieu par l'influx immédiat du Seigneur dans tous les cieux, et par l'influx médiat à travers le ciel suprême dans le ciel infime. Ces différences sont telles, qu'elles ne peuvent être exprimées par une langue naturelle, ni par conséquent être décrites, car les pensées des anges étant spirituelles, ne tombent pas dans les idées naturelles. Elles ne peuvent être exprimées et décrites que par les anges eux-mêmes, dans leurs langues, leurs mots et leurs écritures. C'est pourquoi il est dit que dans les cieux on entend et on voit des choses ineffables. Ces différences peuvent être saisies dans une certaine mesure par le fait que les pensées des anges du ciel suprême ou troisième ciel sont les pensées des fins ; les pensées des anges du ciel moyen ou second ciel les pensées des causes ; et les pensées des anges du ciel infime ou premier ciel les pensées des effets. Il faut qu'on sache que penser d'après les fins n'est pas penser sur les fins, que penser d'après les causes n'est pas penser sur les causes, et aussi que penser d'après les effets n'est pas penser sur les effets. Les anges des cieux supérieurs pensent d'après les causes et d'après les fins, et penser ainsi appartient à la sagesse supérieure ; les anges des cieux inférieurs pensent sur les causes et sur les fins, et penser ainsi appartient à la sagesse inférieure. Penser d'après les fins vient de la sagesse ; penser d'après les causes vient de l'intelligence ; et penser d'après les effets vient de la connaissance. Par ces explications, il est évident que toute perfection monte et descend avec les degrés et selon les degrés.
203. Puisque l'homme quant aux intérieurs qui appartientient à son mental est le ciel dans la forme la plus petite, et comme les intérieurs de l'homme qui appartiennent à sa volonté et à son entendement sont semblables aux cieux, quant aux degrés, c'est pour cela que leurs perfections aussi sont semblables. Mais ces perfections ne se manifestent à aucun homme tant qu'il vit dans le monde, car alors il est dans le degré infime, et d'après le degré infime, les degrés supérieurs ne peuvent être connus. Après la mort l'homme vient dans le degré qui correspond à son amour et à sa sagesse, puisqu'alors il devient ange. De ce fait, il connaît les degrés supérieurs, pense et dit des choses qui étaient ineffables pour son homme naturel. En effet, il y a alors élévation de toutes les choses de son mental non en relation simple, mais en relation triple. Les degrés de hauteur sont en relation triple, et les degrés de largeur en relation simple. Mais seulement ceux qui dans le monde ont été dans les vrais et les ont appliqués à la vie, montent et sont élevés dans les degrés de hauteur.
204. Il semble que les antérieurs soient moins parfaits que les postérieurs, ou que les simples soient moins parfaits que les composés. Néanmoins les antérieurs d'où proviennent les postérieurs ou les simples d'où proviennent les composés sont plus parfaits, parce que les antérieurs ou les simples sont plus nus, et moins voilés de substances et de matières privées de vie. Ils sont comme plus Divins, aussi sont-ils plus près du Soleil spirituel où est le Seigneur ; car la perfection même est dans le Seigneur, et par suite dans le Soleil qui est le premier procédant du Divin Amour et de la Divine Sagesse du Seigneur, et de là dans les choses qui suivent en ordre jusque dans les infimes qui sont de plus en plus imparfaites selon leur éloignement. Si dans les antérieurs et les simples il n'y avait cette éminente perfection, l'homme ni aucun aninal n'auraient pu exister d'après une semence, ni ensuite subsister, et les semences des arbres et des arbrisseaux n'auraient pu croître et fructifier. Car tout antérieur est d'autant plus exempt de dommages qu'il est plus antérieur, et tout simple en est d'autant plus exempt qu'il est plus simple, parce qu'ils sont plus parfaits.