Troisième partie (C) :
LES DEGRES
La lumière spirituelle influe par les trois degrés
chez l'homme, mais la chaleur spirituelle
n'influe qu'autant que l'homme fuit les
maux comme péchés, et se tourne vers le Seigneur.
242. D'après ce qui a été démontré ci-dessus, on voit que du Soleil du ciel, qui est le premier procédant du Divin Amour et de la Divine Sagesse, dont il a été traité dans la Seconde Partie, procèdent la lumière et la chaleur ; de la Sagesse, la lumière ; de l'amour, la chaleur ; que la lumière est le réceptacle de la sagesse, et la chaleur le réceptacle de l'amour, on voit aussi que dans la mesure où l'homme vient dans la sagesse, il vient dans la Divine Lumière, et que dans la mesure où il vient dans l'amour, il vient dans cette Divine Chaleur. D'après ce qui a été démontré ci-dessus, on voit encore qu'il y a trois degrés de la lumière et trois degrés de la chaleur, ou trois degrés de la sagesse et trois degrés de l'amour et que ces degrés ont été formés chez l'homme, afin que l'homme f°t le réceptacle du Divin Amour et de la Divine Sagesse, ainsi le réceptacle du Seigneur. Il faut maintenant démontrer que la lumière spirituelle influe par ces trois degrés chez l'homme, mais non la chaleur spirituelle, si ce n'est en tant que l'homme fuit les maux comme Péchés, et se tourne vers le Seigneur ; ou, ce qui est la même chose, que l'homme peut recevoir la sagesse jusqu'au troisième degré, mais non l'amour, à moins qu'il ne fuie les maux comme péchés, et ne se tourne vers le Seigneur ; ou, ce qui est encore la même chose, que l'entendement de l'homme peut être élevé dans la sagesse, mais non sa volonté, si ce n'est en tant qu'il fuit les maux comme péchés.
243. D'après l'expérience dans le monde spirituel, il m'est apparu de façon bien évidente que l'entendement peut être élevé dans la lumière du ciel, ou dans la sagesse angélique, et que la volonté ne peut être élevée dans la chaleur du ciel ou dans l'amour angélique si l'homme ne fuit pas les maux comme péchés et ne se tourne pas vers le Seigneur. J'ai plusieurs fois vu et perçu que les esprits simples qui ont seulement su qu'il y a un Dieu, et que le Seigneur est né homme, et qui ne savaient rien de plus, ont pleinement compris les arcanes de la sagesse angélique, presque comme les anges ; et non seulement eux, mais aussi de nombreux esprits diaboliques. Toutefois ils comprenaient quand ils entendaient prononcer ces arcanes, parce que la lumière entrait par le haut, mais ils ne comprenaient pas quand ils pensaient d'après eux-mêmes, car alors il ne pouvait entrer d'autre lumière que celle qui correspondait à leur chaleur ou à leur amour. C'est pourquoi aussi, après avoir entendu prononcer ces arcanes et les avoir perçus, ils n'en retenaient rien aussitôt qu'ils ne les écoutaient plus. Bien plus, les esprits diaboliques les rejetaient alors et les niaient entièrement, parce que le feu de leur amour et sa lumière, qui étaient illusoires, introduisaient des ténèbres, par lesquelles était éteinte la lumière céleste qui entrait par le haut.
244. La même chose arrive dans le monde. L'homme doué d'un peu de raison, et qui ne s'est pas confirmé dans les faux par l'orgueil de la propre intelligence, s'il est dans quelque affection de savoir, comprend quand il entend parler de sujets élevés ou quand il lit de tels sujets, il les retient même et peut ensuite les confirmer. Le méchant le peut, aussi bien que le bon. De plus, quoique le méchant nie de cur les vérités divines qui appartiennent à l'église, il peut néanmoins les comprendre, en parler et les prêcher, et même les confirmer dans de savants écrits ; mais livré à ses propres idées, il pense contre elles d'après son amour infernal, et il les nie. Il est donc évident que l'entendement peut être dans la lumière spirituelle bien que la volonté ne soit pas dans la chaleur spirituelle. Il en résulte que l'entendement ne conduit pas la volonté ou que la sagesse ne produit pas l'amour, mais qu'elle enseigne seulement comment l'homme doit vivre et montre le chemin qu'il doit suivre. Il en résulte encore que la volonté conduit l'entendement, et le fait agir d'un commun accord avec elle ; et que l'amour qui appartient à la volonté appelle sagesse, ce qui dans l'entendement concorde avec lui. Dans la suite on verra que la volonté ne peut agir seule, mais qu'elle fait tout en conjonction avec l'entendement ; et que la volonté, par l'influx, s'associe l'entendement, et non inversement.
245. Maintenant il sera parlé de l'influx de la lumière dans les trois degrés de la vie qui appartiennent au mental de l'homme. Les formes qui sont les réceptacles de la chaleur et de la lumière ou de l'amour et de la sagesse chez lui, et qui sont comme il a été dit, dans un ordre triple ou des trois degrés, sont transparentes dès la naissance, et transmettent la lumière spirituelle comme le cristal transmet la lumière naturelle ; en conséquence, l'homme peut quant à la sagesse, être élevé jusque dans le troisième degré. Toutefois ces formes ne sont ouvertes qu'au moment où la chaleur spirituelle se conjoint à la lumière spirituelle, ou l'amour à la sagesse. Par cette conjonction ces formes transparentes sont ouvertes selon les degrés. Il en est de même de la lumière et de la chaleur du soleil du monde naturel dans leur action sur les végétaux. La lumière d'hiver, qui est aussi éclatante que celle de l'été, n'ouvre rien dans la semence ou dans l'arbre, mais elle fait éclore la végétation lorsque la chaleur du printemps se conjoint à la lumière. Il y a similarité parce que la lumière spirituelle correspond à la lumière naturelle, et la chaleur spirituelle à la chaleur naturelle.
246. Cette chaleur spirituelle n'est acquise qu'en fuyant les maux comme péchés et en se tournant vers le Seigneur, car tant que l'homme est dans les maux, il est aussi dans l'amour de ces maux, puisqu'il les convoite ; et l'amour du mal et la convoitise sont dans l'amour opposé à l'amour et à l'affection spirituels. Or cet amour ou cette convoitise ne peut être éloigné qu'en fuyant les maux comme péchés, et l'homme pour cela doit se tourner vers le Seigneur, parce qu'il ne peut les fuir par lui-même, mais les fuit d'après le Seigneur. Quand il les fuit d'après le Seigneur, l'amour du mal et sa chaleur sont éloignés, et à leur place sont introduits l'amour du bien et sa chaleur, par laquelle le degré supérieur est ouvert. En effet, le Seigneur influant par le haut ouvre ce degré, et alors Il conjoint l'amour ou la chaleur spirituelle à la sagesse ou à la lumière spirituelle, et par cette conjonction l'homme commence à fleurir spirituellement comme l'arbre à la saison du printemps.
247. Par l'influx de la lumière spirituelle dans les trois degrés du mental, l'homme est distingué des bêtes, et peut, de plus que les bêtes, penser analytiquement, voir les vrais, non seulement les naturels, mais aussi les spirituels ; et lorsqu'il les voit, il peut les reconnaitre et ainsi être réformé et régénéré. La faculté de recevoir la lumière spirituelle est celle qu'il faut entendre par la rationalité, dont il a été parlé ci-dessus ; chaque homme la reçoit du Seigneur, et elle ne lui est point ôtée, car si elle l'était, il ne pourrait être réformé. Par cette rationalité l'homme peut non seulement penser, mais parler d'après la pensée, différant en cela des bêtes. Ensuite d'après son autre faculté, nommée liberté, dont il a aussi été parlé ci-dessus, il peut faire ce qu'il pense d'après l'entendement. Comme il a été traité au N°s 240 de ces deux facultés, la rationalité et la liberté qui sont propres à l'homme, il n'en sera pas parlé davantage ici.
L'homme devient naturel et sensuel, si chez lui
le degré supérieur, qui est le spirituel,
n'est pas ouvert
248. Il a été montré ci-dessus qu'il y a trois degrés du mental humain, qui sont nommés naturel, spirituel et céleste, et que ces degrés chez l'homme peuvent successivement s'ouvrir. Puis il a été montré que le degré naturel est d'abord ouvert, et ensuite le degré spirituel, si l'homme fuit les maux comme péchés et se tourne vers le Seigneur, et enfin le degré céleste. Comme ces degrés sont ouverts successivement selon la vie de l'homme, il s'ensuit que les deux degrés supérieurs peuvent aussi ne pas être ouverts, et qu'alors l'homme reste dans le degré naturel qui est le dernier. On sait aussi dans le monde qu'il y a l'homme naturel et l'homme spirituel, ou l'homme externe et l'homme interne, mais on ne sait pas que l'homme naturel devient spirituel par l'ouverture d'un degré supérieur chez lui, et que l'ouverture se fait par la vie spirituelle, qui est la vie selon les préceptes divins, et que sans la vie selon ces préceptes l'homme reste naturel.
249. Il y a trois espèces d'hommes natutels ; la première espèce se compose de ceux qui ne savent rien des préceptes Divins ; la seconde, de ceux qui savent qu'il y a des préceptes Divins, mais qui ne vivent pas selon ces préceptes ; et la troisième, de ceux qui les méprisent et les nient Ceux de la première espèce, qui ne savent rien des préceptes Divins, ne peuvent que rester naturels, parce qu'ils ne peuvent s'instruire eux-mêmes. Tout homme est instruit sur les préceptes Divins par d'autres qui les connaissent d'après la religion, et il n'est point instruit par des révélations immédiates ; voir sur ce sujet les N°s 114 à 118 dans la Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur l'Ecriture sainte. Ceux de la seconde espèce qui savent qu'il y a des préceptes Divins, mais qui ne vivent pas selon ces préceptes, restent naturels aussi, et ne s'occupent que de ce qui concerne le monde et le corps. Après la mort ils viennent dans un état de domesticité et de servitude, selon les usages qu'ils peuvent remplir auprès de ceux qui sont spirituels, car l'homme naturel est domestique et serviteur, et l'homme spirituel est maître et seigneur. Ceux de la troisième espèce qui méprisent et nient les préceptes Divins, restent non seulement naturels, mais deviennent même sensuels selon le mépris et le reniement. Les hommes sensuels sont les hommes naturels les plus bas, qui ne peuvent penser au-dessus des apparences et des illusions des sens du corps ; après la mort ils sont dans l'enfer.
250. Comme dans le monde on ignore la différence qui existe entre l'homme spirituel et l'homme naturel, et qu'on appelle souvent spirituel celui qui est entièrement naturel et vice versa, il faut par conséquent décrire d'une manière distincte : 1° l'homme naturel et l'homme spirituel ; 2° l'homme naturel chez qui le degré spirituel a été ouvert ; 3° l'homme naturel chez qui le degré spirituel n'a pas été ouvert, et cependant n'est pas fermé ; 4° l'homme naturel chez qui le degré spirituel est entièrement fermé ; 5° enfin la différence qu'il y a entre la vie de l'homme absolument naturel et la vie de la bête.
251. I. Quel est l'homme naturel et quel est l'homme spirituel. L'homme est homme d'après l'entendement et la volonté, et non d'après la face et le corps ; c'est pourquoi par l'homme naturel et par l'homme rituel, il est entendu que l'entendement et la volonté de l'homme sont ou naturels ou spirituels. L'homme naturel quant à son entendement et à sa volonté est comme le monde naturel, et peut aussi être appelé monde ou microcosme ; étant le monde naturel dans une sorte d'image, il aime les choses qui sont du monde naturel. L'homme spirituel quant à son entendement et sa volonté est comme le monde spirituel, et peut aussi être appelé monde spirituel ou ciel ; étant le monde spirituel dans une sorte d'image, il aime les choses qui sont du monde spirituel ou du ciel. L'homme spirituel, il est vrai, aime aussi le monde naturel, mais comme un maître aime son serviteur par qui il remplit des usages. Selon les usages aussi l'homme naturel devient comme spirituel, ce qui arrive quand l'homme naturel sent le plaisir de l'usage d'après le spirituel ; cet homme naturel peut être appelé naturel-spirituel. L'homme spirituel aime les vrais spirituels, il aime non seulement les savoir et les comprendre, mais encore il les veut ; tandis que l'homme naturel aime à parier de ces vrais, et aussi à les faire. Faire les vrais, c'est remplir les usages. Cette subordination vient de la conjonction du monde spirituel et du monde naturel, car tout ce qui apparaît et se fait dans le monde naturel tire sa cause du monde spirituel. D'après ces explications, on peut voir que l'homme spirituel est absolument distinct de l'homme naturel, et qu'ils n'ont entre eux d'autre communication que celle qui existe entre la cause et l'effet.
252. II. Quel est l'homme naturel chez qui le degré spirituel a été ouvert. On le voit clairement d'après ce qui vient d'être dit ; il faut ajouter que l'homme naturel est un homme complet lorsque chez lui le degré spirituel est ouvert, car alors il est consocié aux anges dans le ciel, et en même temps aux hommes dans le monde, et par ces consociations il vit sous les auspices du Seigneur. En effet, l'homme spirituel puise les commandements du Seigneur dans la Parole, et les exécute par l'homme naturel. L'homme naturel dont le degré spirituel est ouvert ne sait pas qu'il pense et agit d'après son homme spirituel, car il lui semble penser et agir d'après lui-même, lorsque cependant il ne le fait pas d'après lui-même, mais le fait d'après le Seigneur. L'homme naturel chez qui le degré spirituel a été ouvert ne sait pas non plus que par son homme spirituel il est dans le ciel, lorsque cependant son homme spirituel est au milieu des anges du ciel ; parfois il est même vu par les anges, mais pour peu de temps, parce qu'il se retire vers son homme naturel. L'homme naturel dont le degré spirituel a été ouvert ne sait pas non plus que son mental spirituel se remplit de milliers d'arcanes de la sagesse, et de milliers de plaisirs de l'amour, procédant du Seigneur, et qu'après la mort il vient dans ces arcanes et dans ces plaisirs quand il devient ange. L'homme naturel ne sait pas cela parce que la communication entre l'homme naturel et l'homme spirituel se fait par les correspondances, et que la communication par les correspondances est perçue dans l'entendement lorsque les vrais sont vus dans la lumière, et elle est perçue dans la volonté lorsque les usages sont remplis d'après l'affection.
253. III.Quel est l'homme naturel chez qui le degré spirituel n'est pas ouvert, et néanmoins n'est pas fermé. Le degré spirituel n'est pas ouvert, et néanmoins n'est pas fermé chez ceux qui ont mené une sorte de vie de la charité sans cependant avoir su grand chose du vrai réel. Il en est ainsi, parce que ce degré est ouvert par la conjonction de l'amour et de la sagesse, ou de la chaleur avec la lumière ; l'amour seul ou la chaleur spirituelle seule ne l'ouvre pas, ni la sagesse seule ou la lumière spirituelle seule ; mais l'un et l'autre en conjonction l'ouvrent. En conséquence, si les vrais réels, dont provient la sagesse ou la lumière ne sont pas connus, l'amour ne peut ouvrir ce degré, mais le tient seulement dans la possibilité d'être ouvert ; ce qui est entendu par ´ n'a pas été fermé ª. Il en est de même dans le règne végétal ; la chaleur seule ne donne pas la végétation aux semences et aux arbres, mais la chaleur en conjonction avec la lumière la produit. Il faut savoir que tous les vrais appartiennent à la lumière spirituelle, et tous les biens à la chaleur spirituelle ; et que le bien ouvre par les vrais le degré spirituel, car le bien opère l'usage par les vrais ; et les usages sont les biens de l'amour qui tirent leur essence de la conjonction du bien et du vrai. Comme ils sont toujours naturels et non spirituels, après la mort ceux dont le degré spirituel n'a pas été ouvert, et néanmoins n'a pas été fermé sont dans les infimes du ciel où parfois ils traversent de durs moments ; ou bien ils sont sur les limites d'un des cieux supérieurs, où la lumière pour eux est comme celle du soir. Car, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans le ciel et dans chaque société du ciel, la lumière décroît depuis le milieu jusqu'à la périphérie ; et au milieu sont ceux qui sont dans les Divins vrais plus que les autres, et à la périphérie ceux qui sont dans peu de vrais. Ces derniers sont ceux qui d'après la religion, savent seulement qu'il y a un Dieu, que le Seigneur a souffert pour eux, et que la charité et la foi sont les essentiels de l'église, et qui ne se soucient pas de savoir en quoi consistent la foi et la charité ; quand cependant la foi est dans son essence la vérité, et la vérité est multiple ; et la charité est toute uvre de sa fonction que l'homme fait d'après le Seigneur. Il la fait d'après le Seigneur lorsqu'il fuit les maux comme péchés. Il a été dit auparavant que la fin est le tout de la cause, et l'effet le tout de la fin par la cause. La fin étant la charité ou le bien, la cause la foi ou le vrai, et l'effet les uvres ou l'usage, il est donc évident que la charité n'entre dans les uvres que dans la mesure où elle est conjointe aux vrais qui sont appelés vrais de la foi. Par ces vrais la charité entre dans les uvres et les qualifie.
254. IV.Quel est l'homme naturel chez qui le degré spirituel est entièrement fermé. Le degré spirituel est fermé chez ceux qui sont dans les maux quant à la vie, et encore plus chez ceux qui, d'après les maux, sont dans les faux. Comme la fibrille d'un nerf se contracte au moindre toucher d'un corps hétérogène ; comme toute fibre motrice d'un muscle, bien plus le muscle lui-même et aussi tout le corps se contractent au toucher d'un objet dur et froid, de même les substances ou les formes du degré spirituel chez l'homme se contractent à l'approche des maux et des faux provenant du mal, parce qu'ils sont hétérogènes. Car le degré spirituel étant dans la forme du ciel n'admet que les biens et les vrais qui proviennent du bien, parce qu'ils lui sont homogènes ; mais les maux et les faux qui appartiennent au mal lui sont hétérogènes. Ce degré se contracte, et par la contraction il est fermé principalement chez ceux qui dans le monde sont dans l'amour de dominer d'après l'amour de soi, parce que cet amour est opposé à l'amour envers le Seigneur. Il est fermé, mais un peu moins, chez ceux qui, d'après l'amour du monde, sont dans la cupidité effrénée de posséder les biens des autres. Ces amours ferment le degré spirituel, parce qu'ils sont les origines des maux. La contraction ou la fermeture de ce degré est comme le retordement d'une spirale en sens opposé ; ainsi ce degré, après qu'il a été fermé repousse la lumière du ciel, ce qui provoque l'obscurité. Par conséquent, la vérité qui est dans la lumière du ciel produit le dégo°t. Chez de telles personnes, non seulement le degré spirituel est fermé, mais aussi la région supérieure du degré naturel, appelée région rationnelle, et seule reste ouverte la région la plus basse du degré naturel, appelée région sensuelle ; car celle-ci est la plus proche du monde et des sens externes du corps d'après lesquels l'homme pense, parle et raisonne. L'homme naturel qui est devenu sensuel par les maux et par les faux du mal, apparaît dans le monde spirituel dans la lumière du ciel, non comme un homme, mais comme un monstre avec le nez en retrait ; il apparaît ainsi parce que le nez correspond à la perception du vrai. Ces personnes ne supportent pas un rayon de la lumière du ciel, et n'ont dans leurs cavernes d'autre lumière que celle qui ressemble à une lueur de charbons embrasés. D'après ces explications on voit clairement qui sont ceux chez qui le degré spirituel est fermé, et quel est leur caractère.
255. V. Quelle différence il y a entre la vie de l'homme naturel et la vie de la bête. Cette différence sera spécialement traitée lorsqu'il s'agira de la vie. Ici il sera seulement dit que cette différence consiste en ce que l'homme possède trois degrés du mental, ou trois degrés de l'entendement et de la volonté ; que ces degrés peuvent être successivement ouverts, et que, comme ils sont transparents, l'homme quant à l'entendement peut être élevé dans la lumière du ciel et voir les vrais, non seulement les vrais civils et moraux, mais même les vrais spirituels, et de ce qu'il voit il peut conclure sur des vrais dans leur ordre, et ainsi perfectionner éternellement l'entendement. Mais les bêtes ne possèdent pas les deux degrés supérieurs, elles n'ont que les degrés naturels, qui, sans les degrés supérieurs, ne donnent aucune faculté de penser sur quoi que ce soit de civil, de moral et de spirituel. Comme leurs degrés naturels ne sont pas susceptibles d'être ouverts, ni par conséquent d'être élevés dans une lumière supérieure, elles ne peuvent penser dans un ordre successif, mais elles le font dans un ordre simultané, ce qui est ne pas penser, mais agir d'après une science qui correspond à leur amour. Comme elles ne peuvent penser analytiquement, ni voir la pensée inférieure par quelque pensée supérieure, elles ne peuvent par conséquent parler, mais elles peuvent produire des sons d'une manière conforme à la science de leur amour. Toujours est-il que l'homme sensuel, qui est au dernier degré du naturel, ne diffère de la bête que par le fait qu'il peut remplir sa mémoire de connaissances, et d'après elles penser et parler. Il peut le faire grce à la faculté propre à chaque homme, et qui consiste à pouvoir comprendre le vrai, s'il le veut. C'est cette faculté qui le distingue de la bête. Néanmoins, par l'abus de cette faculté certains hommes se rendent inférieurs aux bêtes.
Le degré naturel du mental humain considéré
en lui-même, est continu : mais par la
correspondance avec les deux degrés
supérieurs, lorsqu'il est élevé, il se
montre comme discret
256. Même si cela peut être difficilement saisi par ceux qui n'ont aucune connaissance des degrés de hauteur, il faut cependant le révéler, parce que cela appartient à la sagesse angélique. Bien que l'homme ne puisse penser sur cette sagesse de la même manière que les anges, il peut cependant la saisir par l'entendement, lorsque l'entendement est élevé jusqu'au degré de la lumière dans laquelle sont les anges, car l'entendement peut être élevé jusque là, et être illustré selon l'élévation. Toutefois, l'illustration du mental naturel ne monte pas par les degrés discrets, mais elle accroît par le degré continu ; alors à mesure qu'elle s'accroît, le mental est illustré par l'intérieur d'après la lumière des deux degrés supérieurs. On peut saisir comment cela se fait d'après la perception des degrés de hauteur, en ce que l'un est au-dessus de l'autre, et que le degré naturel, qui est le dernier degré, est comme l'enveloppe commune des deux degrés supérieurs. Alors à mesure que le degré naturel est élevé vers un degré de qualité supérieure, le supérieur agit par l'intérieur dans l'extérieur naturel et l'éclaire. L'illumination, il est vrai, se fait de l'intérieur d'après la lumière des degrés supérieurs ; mais le degré naturel, qui enveloppe et qui entoure, la reçoit par le continu, ainsi plus clairement et plus purement selon l'ascension ; c'est-à-dire que le degré naturel est illustré par l'intérieur, d'après la lumière des degrés supérieurs, d'une manière discrète ou séparée mais en soi d'une manière continue. Il est donc évident que l'homme, étant dans le degré naturel tant qu'il vit dans le monde, ne peut être élevé dans la sagesse même, telle qu'elle est chez les anges, mais peut seulement être élevé dans la lumière supérieure jusqu'aux anges, et recevoir l'illustration par leur lumière, qui influe et éclaire par l'intérieur, mais ces choses ne peuvent encore être décrites plus clairement. Elles peuvent être mieux saisies dans les effets, car les effets présentent en eux-mêmes les causes dans la lumière, et ainsi les illustrent, pourvu qu'auparavant on connaisse un peu les causes.
257. Les effets sont les suivants : 1° Le mental naturel peut être élevé jusqu'à la lumière du ciel dans laquelle sont les anges, et percevoir naturellement, ainsi moins pleinement, ce que les anges perçoivent spirituellement ; néanmoins le mental naturel de l'homme ne peut être élevé dans la lumière angélique même. 2° Par son mental naturel élevé dans la lumière du ciel, l'homme peut penser, et même parler avec les anges ; mais la pensée et le langage des anges influent alors dans la pensée et le langage naturels de l'homme, et non inversement, c'est pourquoi les anges parlent avec l'homme dans une langue naturelle, qui est la langue maternelle de l'homme. 3° Cela se fait par l'influx spirituel dans le naturel, et non par quelque influx naturel dans le spirituel. 4° Tant que l'homme vit dans le monde, la sagesse humaine qui est naturelle, ne peut en aucune manière être élevée dans la sagesse angélique, mais elle peut l'être dans une sorte d'image de cette sagesse. Il en est ainsi, parce que l'élévation du mental naturel se fait par le continu, comme de l'ombre jusqu'à la lumière, ou du plus épais jusqu'au plus pur. Mais toujours est-il que l'homme chez qui le degré spirituel a été ouvert, vient dans cette sagesse quand il meurt ; il peut aussi y venir par l'assoupissement des sensations du corps, et alors par un influx venant du supérieur dans les parties spirituelles de son mental. 5° Le mental naturel de l'homme est composé de substances spirituelles et en même temps de substances naturelles ; la pensée se fait d'après les substances spirituelles et non d'après les substances naturelles ; celles-ci s'écartent quand l'homme meurt, mais non les substances spirituelles. En conséquence, après la mort, quand l'homme devient esprit ou ange, ce même mental reste dans une forme semblable à celle qu'il avait dans le monde. 6° Les substances naturelles de ce mental qui s'écartent par la mort, ainsi qu'il vient d'être dit, constituent l'enveloppe cutanée du corps spirituel qui est celui des esprits et des anges. Leurs corps spirituels subsistent par une telle enveloppe qui a été tirée du monde naturel, car le naturel est le contenant le plus extérieur. Pour cette raison il n'y a pas un seul esprit ni un seul ange qui ne soit né homme. Ces arcanes de la sagesse angélique sont rapportés ici, afin qu'on sache quel est le mental naturel chez l'homme. Il en sera davantage traité dans les articles suivants.
258. Tout homme naît avec la faculté de comprendre les vrais jusqu'au degré intime dans lequel sont les anges du troisième ciel ; car l'entendement humain s'élevant par le continu autour des deux degrés supérieurs reçoit la lumière de la sagesse de ces degrés, de la manière dont il a été parlé ci-dessus, N° 256. Ainsi l'homme peut devenir rationnel selon son élévation ; s'il est élevé au troisième ou au second degré, il devient rationnel du troisième ou du second degré ; et s'il n'est pas élevé, il est rationnel dans le premier degré. Il est dit qu'il devient rationnel de ces degrés, parce que le degré naturel est le commun réceptacle de leur lumière L'homme ne devient pas rationnel jusqu'au plus haut point, comme il peut le devenir, parce que l'amour, qui appartient à la volonté, ne peut pas être élevé de la même manière que la sagesse qui appartient à l'entendement. L'amour qui appartient à la volonté est élevé seulement lorsque l'homme fuit les maux comme péchés, et qu'alors, d'après le Seigneur, il fait les biens de la charité qui sont les usages. Si donc l'amour qui appartient à la volonté n'est pas en même temps élevé, la sagesse qui appartient à l'entendement, bien qu'elle soit montée, retombe jusqu'à son amour. Il en résulte que l'homme est toujours rationnel dans le dernier degré, si son amour n'est pas élevé en même temps dans le degré spirituel. Par ces explications on peut voir que le rationnel de l'homme est en apparence comme formé des trois degrés : rationnel d'après le céleste, rationnel d'après le spirituel, et rationnel d'après le naturel ; et que la rationalité, qui est la faculté de pouvoir être élevé, est toujours chez l'homme, soit qu'il s'élève ou qu'il ne s'élève pas.
259. Il a été dit que tout homme naît dans cette faculté, c'est-à-dire dans la rationalité, mais il est entendu tout homme chez qui les externes n'ont pas été lésés par quelque accident, soit dans l'utérus, soit après la naissance par une maladie, ou par une blessure à la tête, ou par un amour effréné qui éclate. Chez tous ceux-ci le rationnel ne peut être élevé, car chez eux, la vie qui appartient à la volonté et à l'entendement, n'a pas de limites dans lesquelles elle peut se terminer, par conséquent, des limites disposées pour que la vie puisse selon l'ordre opérer les derniers actes, car elle opère en accord avec les dernières déterminations, et non d'après elles. On verra plus bas, au N° 266 (fin), que le rationnel ne peut non plus être élevé chez les petits enfants, ni chez les enfants.
Le mental naturel, étant l'enveloppe et le contenant
des degrés supérieurs du mental humain,
est réagissant, et si les degrés supérieurs
ne sont pas ouverts il agit contre eux,
mais s'ils sont ouverts il agit avec eux.
260. Dans le précédent article il a été montré que le mental naturel, étant dans le dernier degré, enveloppe et renferme le mental spirituel et le mental céleste, qui sont supérieurs quant aux degrés. Il sera maintenant démontré que le mental naturel réagit contre les mentals supérieurs ou intérieurs. Il réagit parce qu'il les enveloppe, les renferme et les contient, et cela ne peut se faire sans réaction, car s'il ne réagissait pas, les intérieurs ou les choses renfermées se relàcheraient et se répandraient de tous côtés. Si les enveloppes entourant le corps humain n'étaient pas en réaction, les viscères qui sont les intérieurs du corps s'échapperaient, et ainsi se répandraient ça et là ; et si la membrane qui enveloppe les fibres motrices d'un muscle ne réagissait pas contre les forces de ces fibres dans leurs actions, non seulement l'action cesserait, mais encore tous les tissus intérieurs s'éparpilleraient. Il en est de même de tout dernier degré des degrés de hauteur, par conséquent du mental naturel respectivement aux degrés supérieurs ; car ainsi qu'il a déjà été dit, il y a trois degrés du mental humain, le naturel, le spirituel et le céleste, et le mental naturel est dans le dernier degré. Si le mental naturel réagit contre le mental spirituel, c'est aussi parce que le mental naturel est composé non seulement de substances du monde spirituel, mais encore de substances du monde naturel, comme il a été dit ci-dessus, N° 257, et que d'après leur nature les substances du monde naturel réagissent contre les substances du monde spirituel, car les substances du monde naturel sont en elles-mêmes mortes. Elles sont mises en action de l'extérieur par les substances du monde spirituel, et les substances qui sont mortes, et qui sont mises en action du dehors résistent et ainsi réagissent d'après leur nature. Il s'ensuit que l'homme naturel réagit contre l'homme spirituel, et qu'il y a combat. C'est la même chose de dire l'homme naturel et l'homme spirituel, ou de dire le mental naturel et le mental spirituel.
261. On peut voir par ces explications que si le mental spirituel est fermé, le mental naturel agit continuellement contre ce qui appartient au mental spirituel, et craint qu'il n'en influe quelque chose qui trouble ses états. Tout ce qui influe par le mental spirituel vient du ciel, car le mental spirituel dans sa forme est un ciel ; et tout ce qui influe dans le mental naturel vient du monde, car le mental naturel dans sa forme est un monde. Il s'ensuit que le mental naturel, lorsque le mental spirituel est fermé, réagit contre toutes les choses du ciel, et ne les admet que dans la mesure où elles lui servent de moyens pour acquérir et posséder les choses qui appartiennent au monde. Quand les choses qui appartiennent au ciel servent de moyens au mental naturel pour ses fins, alors ces moyens, quoiqu'ils paraissent célestes, deviennent néanmoins naturels. En effet, la fin les qualifie, car ils deviennent comme les connaissances de l'homme naturel dans lesquelles intérieurement il n'y a rien de la vie. Mais comme les choses célestes ne peuvent être conjointes aux choses naturelles pour ne former qu'un, elles se séparent donc, et chez les hommes entièrement naturels les choses célestes se placent dans un circuit autour des choses naturelles qui sont en dedans. Il s'ensuit que l'homme entièrement naturel, lorsqu'il est dans une assemblée, peut parler des choses célestes et les prêcher, et même les feindre par ses actes, bien qu'intérieurement il pense le contraire et agisse selon sa pensée quand il est seul. Mais dans la suite, il en sera dit davantage sur ce sujet.
262. Quand il s'aime et aime le monde par dessus toutes choses, le mental naturel ou l'homme naturel, d'après une réaction innée, agit contre les choses qui appartiennent au mental spirituel ou à l'homme spirituel. Il sent alors du plaisir dans les maux de tout genre, tels que les adultères, les fraudes, les blasphèmes, les vengeances, etc... Il reconnaît même que la nature est la créatrice de l'univers, et il confirme toutes choses par son rationnel. Après les confirmations, il pervertit, étouffe, ou repousse les biens et les vrais de l'église et du ciel, et enfin les fuit, les a en aversion, ou les a en haine. Cela, il le fait dans son esprit, et il le fait même dans son corps dans la mesure où il ose parler avec les autres d'après son esprit, sans craindre de perdre sa réputation dont il tire honneur et profit. Quand l'homme est tel, il ferme successivement et de plus en plus étroitement son mental spirituel. Les confirmations du mal par les faux le ferment principalement ; c'est pourquoi le mal et le faux confirmés ne peuvent être extirpés après la mort ; ils le sont seulement dans le monde par la repentance.
263. Mais lorsque le mental spirituel est ouvert, l'état du mental naturel est tout à fait différent. Alors ce dernier est disposé pour obéir au mental spirituel, et lui est subordonné, car le mental spirituel agit d'après le supérieur ou l'intérieur dans le mental naturel, et éloigne les choses qui réagissent, et il s'approprie celles qui agissent en harmonie avec lui, et de cette façon la réaction excessive est graduellement enlevée. Il faut qu'on sache que dans toutes les choses de l'univers, dans les très grandes comme dans les très petites, tant vivantes que mortes, il y a action et réaction, d'où provient leur équilibre ; cet équilibre est détruit quand l'action surpasse la réaction, ou que la réaction surpasse l'action. Il en est de même du mental naturel et du mental spirituel. Quand le mental naturel agit d'après les plaisirs de son amour et les charmes de sa pensée, qui en eux-mêmes sont des maux et des faux, la réaction du mental naturel repousse les choses qui appartiennent au mental spirituel, lui ferment les portes, et fait que l'action s'opère d'après les choses qui concordent avec sa réaction. Il en résulte une action et une réaction du mental naturel, opposées à l'action et à la réaction du mental spirituel, en conséquence le mental spirituel se ferme comme une spirale qui se tord en sens inverse. Au contraire lorsque le mental spirituel est ouvert, l'action et la réaction du mental naturel sont inversées ; car le mental spirituel agit d'après le supérieur ou l'intérieur, et en même temps d'après l'inférieur ou l'extérieur, par les choses qui dans le mental naturel, ont été disposées pour lui obéir, et il retourne la spirale dans laquelle il y a l'action et la réaction du mental naturel. En effet, ce mental naturel, comme on le sait, est par naissance en opposition avec les choses qui appartiennent au mental spirituel ; il tient cela des parents par héritage. Tel est le changement d'état qui est appelé réformation et régénération. L'état du mental naturel avant la réformation peut être comparé à une spirale qui se tord et se tourne vers le bas ; mais après la réformation il peut être comparé à une spirale qui se tord ou se tourne vers le haut. C'est pourquoi l'homme, avant la réformation regarde en bas vers l'enfer, mais après la réformation il regarde en haut vers le ciel.
L'origine du mal vient de l'abus des facultés qui
sont propres à l'homme et qui sont appelées
rationalité et liberté.
264. Par la rationalité est entendue la faculté de comprendre ce qui est vrai, et par suite ce qui est faux, ce qui est bien, et par suite ce qui est mal. Par la liberté est entendue la faculté de penser, de vouloir et d'agir librement. On peut voir d'après ce qui précède, et encore mieux d'après ce qui va suivre, que ces deux facultés sont chez tout homme par création et ainsi par naissance ; qu'elles viennent du Seigneur ; qu'elles ne sont pas enlevées ; que d'après elles il y a l'apparence que l'homme pense, parle, veut et agit comme par lui-même ; que le Seigneur habite dans ces facultés chez tout homme ; que l'homme d'après cette conjonction vit éternellement ; que par ces facultés, et non sans elles, l'homme peut être réformé et régénéré ; et que par elles l'homme est distingué des bêtes.
265. Maintenant il va être montré que l'origine du mal vient de l'abus de ces facultés. I. L'homme méchant jouit de ces deux facultés aussi bien que l'homme bon. II. L'homme méchant en abuse pour confirmer les maux et les faux, et l'homme bon en use pour confirmer les biens et les vrais. III. Les maux et les faux confirmés chez l'homme restent et deviennent les choses de son amour et par conséquent de sa vie. IV. Les choses qui sont devenues des choses de l'amour et de la vie sont transmises aux descendants. V. Tous les maux, et par suite tous les faux tant ceux qui sont transmis par les parents que ceux qui sont ajoutés, résident dans le mental naturel.
266. I. L'homme méchant jouit de ces deux facultés aussi bien que l'homme bon. Dans l'article précédent il a été montré que le mental naturel peut, quant à l'entendement, être élevé jusqu'à la lumière dans laquelle sont les anges du troisième ciel, et voir les vrais, les reconnaitre et ensuite en parler. Puisque le mental naturel peut être ainsi élevé, il est donc évident que l'homme méchant jouit, aussi bien que l'homme bon, de cette faculté qui est appelée rationalité ; et puisque le mental naturel peut être élevé si haut, il s'ensuit que le méchant peut aussi penser aux vrais et en parler. Mais la raison et l'expérience attestent qu'il a la capacité de les vouloir et de les faire, bien qu'il ne les veuille pas et ne les fasse pas. La raison l'atteste : car qui ne peut vouloir et faire ce qu'il pense ? Il ne veut pas et ne fait pas, parce qu'il n'aime pas les vouloir et les faire. La capacité de vouloir et de faire, c'est la liberté qui est donnée par le Seigneur à tout homme. Mais qu'il ne veuille pas et ne fasse pas le bien quand il le peut, cela vient de l'amour du mal qui s'y oppose, auquel cependant il peut résister, et plusieurs y résistent. L'expérience dans le monde spirituel a souvent confirmé ce qui précède : J'ai entendu la conversation de certains esprits méchants, qui intérieurement étaient des diables, et qui dans le monde avaient rejeté les vrais du ciel et de l'église. Ils percevaient les arcanes de la sagesse angélique aussi bien que les esprits bons qui intérieurement étaient des anges, tant que l'affection de savoir, dans laquelle est tout homme dès l'enfance, était excitée chez eux par la gloire qui entoure chaque amour comme une splendeur de feu. Ces esprits diaboliques déclaraient même, qu'ils étaient capables de vouloir et d'agir selon ces arcanes, mais qu'ils ne le désiraient pas. Quand on leur dit qu'ils pourraient vouloir les vrais, pourvu qu'ils fuient les maux comme péchés, ils répondaient qu'ils le pouvaient aussi, mais qu'ils ne le voulaient pas. Cela me fit voir clairement que la faculté qui est appelée liberté est chez les méchants comme chez les bons. Que chacun s'examine, et il découvrira qu'il en est ainsi. L'homme peut vouloir, parce que le Seigneur, de qui vient cette faculté, lui donne continuellement ce pouvoir ; car, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le Seigneur habite chez tout homme dans ces deux facultés, c'est-à-dire dans la capacité d'être en état de vouloir. Quant à ce qui concerne la faculté de comprendre, appelée rationalité, elle n'existe pas chez l'homme avant que son mental naturel ne soit parvenu à maturité. Jusque là elle est comme une semence dans un fruit qui n'est pas m°r, elle ne peut germer dans la terre, ni croître. Cette faculté n'existe pas non plus chez ceux dont il a été parlé ci-dessus, N° 259.
267. II. L'homme méchant abuse de ces facultés pour confirmer les maux et les faux, et l'homme bon en use pour confirmer les biens et les vrais. C'est de la faculté intellectuelle, qui est appelée rationalité, et de la faculté volontaire, qui est appelée liberté, que l'homme détient le pouvoir de confirmer tout ce qu'il désire. En effet, l'homme naturel peut élever son entendement vers une lumière supérieure, aussi haut qu'il le désire, mais celui qui est dans les maux, et par la suite dans les faux, ne l'élève pas au-delà de la région la plus haute de son mental naturel et rarement vers la région du mental spirituel ; et cela, parce qu'il est dans les plaisirs de l'amour de son mental naturel, et que s'il l'élève au-dessus de ce mental, le plaisir de son amour périt. Si l'entendement est élevé plus haut, et voit les vrais opposés aux plaisirs de la vie, ou aux principes de la propre intelligence de l'homme qui est dans les maux et par suite dans les faux, alors celui-ci falsifie ces vrais, ou passe outre et les laisse par mépris, ou il les retient dans sa mémoire pour qu'ils servent de moyens à l'amour de sa vie, ou à l'orgueil de sa propre intelligence. On voit bien clairement que l'homme naturel peut confirmer tout ce qu'il veut, d'après les hérésies qui existent dans le monde chrétien, hérésies dont chacune est confirmée par ses sectateurs. Chacun sait que les maux et les faux de tout genre peuvent être confirmés. On peut confirmer, et les méchants le confirment, qu'il n'y a pas de Dieu que la nature est tout, et qu'elle s'est créée elle-même que la religion est seulement un moyen pour tenir les simples dans des liens ; que la prudence humaine fait tout, et que la Divine Providence ne fait que maintenir l'univers dans l'ordre dans lequel il a été créé ; que les meurtres, les adultères, les vols, les fraudes et les vengeances sont permis d'après une certaine philosophie. L'homme naturel peut confirmer ces propositions et bien d'autres encore ; il peut même remplir des livres avec des confirmations. Quand ces faux ont été confirmés, ils se présentent dans leur lumière fantastique, et les vrais dans une telle ombre, qu'ils apparaissent comme des fantômes dans la nuit. En un mot, ce qu'il y a de plus faux peut être établi en proposition et présenté à un homme ingénieux afin d'être confirmé ; il le fera jusqu'à la complète extinction de la lumière du vrai ; mais il suffit d'écarter les confirmations, et de considérer la proposition elle-même d'après la rationalité, et on verra le faux dans toute sa laideur. Il devient ainsi évident que l'homme peut abuser de ces deux facultés qui lui viennent du Seigneur, pour confirmer les maux et les faux de tout genre. Aucune bête ne peut le faire, parce qu'elle ne jouit pas de ces facultés ; c'est pourquoi, tout au contraire de l'homme, elle nait dans tout l'ordre de sa vie, et dans toute la connaissance de son amour naturel.
268. III. Les maux et les faux confirmés chez l'homme restent et deviennent des choses de son amour et de sa vie. Les confirmations du mal et du faux ne peuvent qu'éloigner le bien et le vrai, et les rejeter si elles s'accroissent, car le mal éloigne et rejette le bien, et le faux éloigne et rejette le vrai. C'est pourquoi les confirmations du mal et du faux ferment le ciel, car tout bien et tout vrai influent du Seigneur par le ciel. Quand le ciel a été fermé, l'homme est dans l'enfer, et il y est dans une société où règnent un semblable mal et un semblable faux ; il ne peut ensuite être délivré de cet enfer. Il m'a été donné de converser avec des esprits qui, il y a des siècles dans le monde, avaient confirmé chez eux les faux de leur religion, et je vis qu'ils restaient dans ces mêmes faux. Il en est ainsi, parce que toutes les choses que l'homme confirme chez lui deviennent des choses de son amour et de sa vie. Elles deviennent des choses de son amour, parce qu'elles deviennent des choses de la volonté et de l'entendement, et que la volonté et l'entendement font la vie de chacun. Quand elles deviennent des choses de la vie de l'homme, elles deviennent des choses non seulement de tout son mental, mais aussi de tout son corps. D'après cela il est évident que l'homme qui s'est confirmé dans les maux et dans les faux est tel depuis la tête jusqu'aux pieds, et quand il est tel tout entier, il ne peut, par aucun retournement ou torsion inverse, être ramené dans l'état opposé, ni par conséquent être retiré de l'enfer. De ces explications et de celles qui précèdent dans ce chapitre, on peut voir d'où vient l'origine du mal.
269. IV. Les choses qui sont devenues des choses de l'amour et par conséquent de la vie sont transmises aux descendants. On sait que l'homme naît dans le mal, et qu'il tient cela par l'héritage de ses parents : Quelques-uns croient que le mal ne vient pas des parents, mais d'Adam par les parents, ceci toutefois est une erreur. L'homme le tient de son père, de qui lui vient l'âme, et l'âme est revêtue du corps chez la mère. En effet, la semence qui vient du père, est le premier réceptacle de la vie, mais un réceptacle tel qu'il était chez le père, car la semence est la forme de l'amour du père, et l'amour de chacun, dans les très grands et dans les très petits, est semblable à lui-même ; et il y a dans la semence un effort vers la forme humaine, qu'elle atteindra par des stages successifs. Il s'ensuit que les maux, qui sont appelés héréditaires, viennent des pères, ainsi que des aïeuls et des aïeux, et ont été successivement transmis aux descendants. L'observation nous fait voir qu'il y a, quant aux affections, ressemblance des races avec leur premier Père, une plus grande ressemblance entre les familles, et une plus grande encore parmi les membres d'un même foyer. Cette ressemblance est telle, que les générations sont distinguées non seulement par les caractères, mais aussi par les faces. Mais dans la suite il sera dit davantage sur cette transmission de l'amour du mal des parents aux descendants, lorsqu'il s'agira de la correspondance du mental, ou de la volonté et de l'entendement, avec le corps et avec les membres et les organes du corps. il faut qu'on sache par le peu qui est rapporté ici, que les maux sont transmis de génération en génération, et qu'ils s'accroissent par les accumulations du mal d'un parent après l'autre, au point que l'homme par naissance n'est que mal, et que la malignité du mal augmente selon le degré auquel le mental spirituel est fermé, car alors le mental naturel aussi est fermé par en haut. Il faut de plus savoir qu'il y a rétablissement chez les descendants, seulement lorsque ceux-ci d'après le Seigneur, fuient les maux comme péchés. Ainsi, et non autrement, est ouvert le mental spirituel, et par cette ouverture le mental naturel est ramené dans la forme correspondante.
270. V. Tous les maux, et par suite tous les faux, tant ceux qui sont transmis par les parents que ceux qui sont ajoutés, résident dans le mental naturel. Les maux et par suite les faux résident dans le mental naturel et non dans le mental spirituel, parce que le mental naturel est dans la forme, ou en image, un monde ; tandis que le mental spirituel est dans la forme, ou en image, un ciel, et parce le mal ne peut habiter dans le ciel. Le mental spirituel, pour cette raison, n'est pas ouvert dès la naissance, mais il a seulement la capacité qui permet son ouverture. De plus le mental naturel tire sa forme en partie des substances du monde naturel, mais le mental spirituel tire sa forme des substances du monde spirituel seulement ; et ce mental est conservé dans son intégrité par le Seigneur, afin que l'homme puisse devenir un homme ; car l'homme naît animal, et il devient homme. Le mental naturel, avec tout ce qui lui appartient, est tourné en courbes giratoires de droite à gauche, et le mental spirituel, en courbes de gauche à droite ; ainsi ces mentals sont en sens contraire l'un à l'égard de l'autre, ce qui indique que le mal réside dans le mental naturel, et que de lui-même il agit contre le mental spirituel. La giration de droite à gauche se dirige en bas, donc vers l'enfer, mais la giration de gauche à droite se dirige en haut, donc vers le ciel. J'ai vu clairement qu'il en est ainsi par cette expérience : Un mauvais esprit ne peut faire tourner son corps de gauche à droite, mais peut le faire de droite à gauche, tandis qu'un bon esprit peut difficilement faire tourner son corps de droite à gauche, mais facilement de gauche à droite. La giration suit le flux des intérieurs qui appartiennent au mental.
Les maux et les faux sont totalement opposés
aux biens et aux vrais, parce que les maux et les
faux sont diaboliques et infernaux, et que les
biens et les vrais sont divins et célestes.
271. Dès qu'il en entend parler, chacun reconnaît que le mal et le bien sont opposés, et que le faux du mal et le vrai du bien le sont aussi. Pourtant, ceux qui sont dans le mal sentent et par suite perçoivent que le mal est le bien, car le mal réjouit leurs sens, surtout la vue et l'ouïe, et par suite réjouit aussi leurs pensées et par conséquent leurs perceptions. Il en résulte qu'ils reconnaissent, il est vrai, que le mal et le bien sont opposés, mais comme ils sont dans le mal, le plaisir du mal fait qu'ils déclarent que le mal est le bien, et que le bien est le nal. Par exemple, celui qui abuse de sa liberté pour penser et faire le mal, appelle cela liberté, et nomme esclavage son opposé, qui est de penser le bien, qui en soi est le bien, quand cependant ce dernier est véritablement la liberté, et l'autre l'esclavage. Celui qui aime les adultères appelle liberté l'action de commettre l'adultère, et esclavage la défense de le commettre, car il sent un plaisir dans la lasciveté et un déplaisir dans la chasteté. Celui qui d'après l'amour de soi est dans l'amour de dominer, sent dans cet amour un plaisir de la vie, qui est au-dessus des autres plaisirs de tout genre, par suite il appelle bien tout ce qui appartient à cet amour, et proclame mal tout ce qui le contrarie, quand cependant c'est tout l'opposé. Il en est de même de tout autre mal ; malgré le fait que chacun reconnaisse que le mal et le bien sont opposés, néanmoins ceux qui sont dans les maux ont une idée erronée de cette opposition, et seuls ceux qui sont dans les biens en ont une idée juste. Toute personne, tant qu'elle est dans le mal ne peut voir le bien, mais celle qui est dans le bien peut voir le mal. Le mal est en bas comme dans une caverne, le bien est en haut comme sur une montagne.
272. Puisque de nombreuses personnes ignorent quel est le mal, et comment il est absolument opposé au bien, et que cependant il est important de le savoir, ce sujet va être maintenant examiné dans l'ordre suivant : I. Le mental naturel qui est dans les maux, et par suite dans les faux, est la forme et l'image de l'enfer. II. Le mental naturel, qui est la forme et l'image de l'enfer, descend par les trois degrés. III. Les trois degrés du mental naturel, qui est la forme et l'image de l'enfer, sont opposés aux trois degrés du mental spirituel qui est la forme et l'image du ciel. IV. Le mental naturel qui est l'enfer, est à tous égards, opposé au mental spirituel qui est le ciel.
273. I. Le mental naturel, qui est dans les maux et par suite les faux, est la forme et l'image de l'enfer. Le mental naturel dans sa forme substantielle chez l'homme ne peut être décrit ici, c'est-à-dire la nature du mental naturel dans sa propre forme tissue des substances de l'un et de l'autre monde, dans les cerveaux où ce mental réside dans ses premiers principes. Une idée universelle de cette forme sera donnée dans la suite, quand il s'agira de la correspondance du mental et du corps. Ici, il sera seulement parlé de sa forme quant aux états et à leurs changements par lesquels se manifestent les perceptions, les pensées, les intentions, les volontés, et les choses qui leur appartiennent ; car le mental naturel, qui est dans les maux et par suite dans les faux, est quant à ces états et à leurs changements la forme et l'image de l'enfer. Cette forme suppose une forme substantielle comme sujet, car les changements d'état ne peuvent exister sans une forme substantielle qui soit le sujet, tout comme la vue ne peut exister sans l'il, ni l'ouïe sans l'oreille. Le mental naturel par sa forme ou image ressemble à l'enfer, parce que cette forme ou image est conforme à l'amour régnant avec ses concupiscences, qui est l'état universel de ce mental ; cet amour régnant est semblable au diable dans l'enfer, et les pensées du faux qui en proviennent sont comme la tourbe diabolique. Il n'est pas entendu autre chose dans la Parole par le diable et sa tourbe. Ainsi dans l'enfer, l'amour de dominer d'après l'amour de soi, est l'amour régnant ; il y est appelé le diable, et les affections du faux avec les pensées qui proviennent de cet amour sont appelées la tourbe diabolique. Il en est de même dans chaque société de l'enfer, avec des différences telles que sont les différences spécifiques de chaque genre. Le mental naturel qui est dans les maux et par suite dans les faux est dans une forme semblable. Aussi est-ce pour cela que l'homme naturel, qui est tel, vient après la mort dans une société de l'enfer semblable à lui, et alors, en toutes et en chacune des choses, agit en complet accord avec elle, car il vient dans sa forme, c'est-à-dire, dans les états de son mental. Il y a aussi un autre amour appelé satan, qui est l'amour de posséder les biens des autres par certains artifices, il est subordonné au premier amour qui est appelé diable ; les malices ingénieuses et l'astuce sont sa tourbe. Ceux qui sont dans cet enfer sont généralement appelés satans, et ceux qui sont dans le premier sont appelés diables ; et ceux qui n'agissent pas clandestinement acceptent leur nom. C'est de là que les enfers dans l'ensemble sont appelés Diable et Satan. Les deux enfers ont été divisés génériquement selon ces deux amours, parce que tous les cieux ont été divisés en deux royaumes, le céleste et le spirituel, selon les deux amours, et que par opposition l'enfer diabolique correspond au royaume céleste, et l'enfer satanique au royaume spirituel. On voit dans le traité ´ Le ciel et l'enfer ª, N°s 20 à 28, que les cieux sont divisés en deux royaumes, le céleste et le spirituel. Le mental naturel qui est dans les maux et par suite dans les faux, est dans sa forme un enfer, parce que toute forme spirituelle dans les très grands et dans les très petits est semblable à elle-même ; il en résulte que chaque ange est un ciel dans la forme la plus petite, voir le traité ´Le ciel et l'enferª, N°s 51 à 58, et que tout homme ou tout esprit qui est un diable ou un satan, est un enfer dans la forme la plus petite.
274. II.Le mental naturel, qui est la forme et l'image de l'enfer, descend par les trois degrés. On voit ci-dessus, aux N°s 222 à 229, que dans les très grands et dans les très petits de toutes choses il y a les degrés des deux genres, appelés degrés de hauteur et degrés de largeur. Le mental naturel a aussi ces degrés dans ses très grands et dans ses très petits. Il sera parlé ici des degrés de hauteur. Le mental naturel, d'après ses deux facultés nommées rationalité et liberté, est dans un état qui lui permet de monter les trois degrés d'après les biens et les vrais, et de descendre les trois degrés d'après les maux et les faux. Tant qu'il monte, les degrés inférieurs qui tendent vers l'enfer sont fermés, et tant qu'il descend, les degrés supérieurs qui tendent vers le ciel sont fermés, et cela parce qu'ils sont en réaction. Ces trois degrés supérieurs et inférieurs ne sont ni ouverts ni fermés dans l'homme pendant la petite enfance, car alors il est dans l'ignorance du bien et du vrai et aussi du mal et du faux ; mais selon qu'il se met dans l'un ou dans l'autre, les degrés sont ouverts et sont fermés d'un côté ou de l'autre. Quand ils sont ouverts du côté de l'enfer, l'amour régnant qui appartient à la volonté obtient la place suprême ou intime, la pensée du faux qui appartient à l'entendement d'après cet amour obtient la seconde place ou place moyenne, et le résultat de l'amour par la pensée, ou de la volonté par l'entendement, obtient la place infime. Ces degrés ici sont comme les degrés de hauteur dont il a été parlé précédemment, en ce qu'ils sont en ordre comme la fin, la cause et l'effet, ou comme la fin première, la fin moyenne et la fin dernière. La descente de ces degrés est vers le corps, par conséquent dans la descente ils s'épaississent et deviennent matériels et corporels. Si des vrais tirés de la Parole sont admis dans le second degré pour le former, alors ces vrais sont falsifiés par le premier degré qui est l'amour du mal, et deviennent des serviteurs et des esclaves. On peut ainsi voir ce que deviennent les vrais de l'église tirés de la Parole chez ceux qui sont dans l'amour du mal, ou dont le mental naturel a la forme de l'enfer, c'est-à-dire qu'ils sont profanés, parce qu'ils servent au diable comme moyens ; car l'amour du mal régnant dans le mental naturel qui est l'enfer, est le diable, comme il a été dit ci-dessus.
275. III. Les trois degrés du mental naturel qui est la forme et l'image de l'enfer, sont opposés aux trois degrés du mental spirituel qui est la forme et l'image du ciel. Il a été montré ci-dessus qu'il y a trois degrés du mental, qui sont appelés naturel, spirituel et céleste, et que le mental humain consistant en ces trois degrés, regarde et se tourne vers le ciel. Par conséquent, on peut voir que le mental naturel, lorsqu'il regarde en bas et se tourne vers l'enfer, consiste pareillement en trois degrés, et que chacun de ses degrés est opposé à un degré du mental qui est un ciel. J'ai clairement compris qu'il en est ainsi d'après ce que j'ai vu dans le monde spirituel, à savoir, qu'il y a trois cieux, et qu'ils sont distingués selon les trois degrés de hauteur ; qu'il y a trois enfers, et qu'ils sont distingués selon les trois degrés de hauteur ou de profondeur ; que les enfers sont opposés aux cieux en toutes et chacune des choses ; et que l'enfer le plus bas est opposé au ciel suprême, l'enfer moyen au ciel moyen, et l'enfer le plus élevé au dernier ciel. Il en est de même du mental naturel qui est dans la forme de l'enfer ; car les formes spirituelles sont semblables à elles-mêmes dans les très grands et dans les très petits. Les cieux et les enfers sont ainsi en opposition, parce que leurs amours sont de même opposés. L'amour envers le Seigneur, et par suite l'amour à l'égard du prochain constituent le le degré intime dans les cieux, alors que l'amour de soi et l'amour du monde constituent le degré intime dans les enfers. La sagesse et l'intelligence provenant de leurs amours constituent le degré moyen dans les cieux, alors que la folie et la sottise, qui se présentent comme sagesse et intelligence, constituent d'après leurs amours le degré moyen dans les enfers. Dans les cieux, les résultats des deux autres degrés qui sont, ou placés dans la mémoire comme connaissances, ou fixés en actes dans le corps, constituent le dernier degré ; dans les enfers, les résultats des deux autres degrés, qui deviennent ou connaissances ou actes, constituent le degré extime. On peut voir par l'expérience suivante, comment les biens et les vrais du ciel sont changés en maux et en faux dans les enfers, et ainsi changés en ce qui est opposé : J'ai appris qu'un Divin Vrai provenant du ciel était descendu jusqu'en enfer, et que ce vrai dans sa descente avait été par degré changé en faux, jusqu'à devenir absolument opposé dans l'enfer le plus bas. Il est ainsi évident que les enfers selon les degrés sont en opposition aux cieux quant à tous les biens et à tous les vrais, et que les biens et les vrais y deviennent des maux et des faux par l'influx dans les formes tournées en sens contraire, car on sait que tout ce qui influe est perçu et senti selon les formes qui reçoivent, et selon leurs états. Une autre expérience m'a fait encore comprendre que les biens et les vrais sont changés en opposés : Il m'a été donné de voir les enfers dans leur situation relativement aux cieux. Ceux qui y étaient apparaissaient renversés, la tête en bas et les pieds en haut. Il me fut dit qu'entre eux, néanmoins, ils se voient debout, la tête en haut. D'après ces enseignements de l'expérience, on peut voir que dans le mental naturel qui est un enfer dans la forme et dans l'image, les trois degrés sont opposés aux trois degrés du mental spirituel qui est un ciel dans la forme et dans l'image.
276. IV.Le mental naturel qui est l'enfer, est à tous égards, opposé au mental spirituel qui est le ciel. Quand les amours sont opposés, toutes les choses qui appartiennent à la perception deviennent opposées ; car toutes les autres choses découlent de l'amour qui fait la vie même de l'homme, comme des ruisseaux de leur source. Les choses qui n'en proviennent pas se séparent dans le mental naturel, de celles qui en proviennent. Celles qui proviennent de l'amour régnant de l'homme sont au milieu, et toutes les autres sont sur les côtés. Si celles-ci sont des vrais de l'église puisés dans la Parole, elles sont reléguées loin du milieu sur les côtés, et sont enfin chassées ; et alors l'homme ou le mental naturel perçoit le mal comme bien, voit le faux comme vrai, et inversement. C'est pourquoi il prend la malice pour de la sagesse, la folie pour de l'intelligence, l'astuce pour de la prudence, les artifices pour du génie ; alors il ne fait aucun cas des Divins et des Célestes qui appartiennent à l'église et au culte, et il attribue la plus grande importance aux choses corporelles et mondaines. Il renverse ainsi l'état de sa vie, de sorte qu'il met à la plante des pieds et le foule, tout ce qui appartient à la tête, et met à la tête tout ce qui appartient à la plante des pieds. Par conséquent, de vivant l'homme devient mort. Celui dont le mental est un ciel est appelé vivant, et celui dont le mental est un enfer est appelé mort.
Toutes les choses qui appartiennent aux trois degrés du
mental naturel sont contenues dans les uvres
qui se font par les actes du corps.
277. Toutes les choses du mental, ou de la volonté et de l'entendement de l'homme, sont contenues dans ses actes et dans ses uvres, presque comme sont contenues dans la semence, dans le fruit ou dans l'uf les choses visibles et invisibles ; tel est l'arcane qui est découvert par la science des degrés, et qui est exposé dans cette partie. Les actes mêmes ou les uvres apparaissent dans les externes comme nous apparaît la semence, le fruit ou l'uf ; néanmoins dans les internes il y a des choses innombrables, car il y a les forces des fibres motrices de tout le corps qui concourent, et il y a toutes les choses du mental qui excitent et déterminent ces forces, lesquelles sont des trois degrés, ainsi qu'il a été montré plus haut. Comme il y a toutes les choses du mental, il y a toutes celles de la volonté, c'est-à-dire toutes les affections de l'amour de l'homme qui constituent le premier degré ; il y a toutes celles de l'entendement, c'est-a-dire toutes les pensées de sa perception, qui font le second degré ; et il y a toutes celles de la mémoire, c'est-à-dire toutes les idées de la pensée les plus proches du langage, qui sont tirées de la mémoire, et qui constituent le troisième degré. Par toutes ces choses, déterminées en acte, existent les uvres, dans lesquelles, vues dans la forme externe, n'apparaissent pas les antérieurs qui cependant y sont en actualité. On voit ci-dessus, aux N°s 209 à 216, que le dernier est le complexe, le contenant et la base des antérieurs ; et aux N°s 217 à 221, que les degrés de hauteur dans leur dernier sont dans le plein.
278. Les actes du corps, considérés par l'il, se présentent ainsi simples et uniformes comme dans la forme externe se présentent les semences, les fruits, les ufs, les noix et les amandes dans leur coquille, néanmoins ils contiennent tous les antérieurs par lesquels ils existent, parce que tout dernier est enveloppé, et de ce fait distinct des antérieurs. Chaque degré est de même entouré d'une enveloppe, et ainsi distingué d'un autre degré. Par conséquent, les choses du premier degré ne sont pas connues du second degré, ni celles du second connues du troisième. L'amour de la volonté, qui est le premier degré du mental, n'est connu de la sagesse de l'entendement, qui est le second degré du mental, que par une sorte de plaisir ressenti à la pensée de la chose. Le premier degré qui, comme il a eté dit, est l'amour de la volonté, n'est perçu dans les connaissances de la mémoire, qui est le troisième degré, que par une sorte de charme de savoir et de parler. Il s'ensuit que l'uvre, qui est l'acte du corps, renferme toutes ces choses, bien que dans la forme externe elle se montre tout à fait simple.
279. Cela est confirmé par ce fait que les anges qui sont chez l'homme, perçoivent séparément les choses qui d'après le mental sont dans l'acte ; les anges spirituels perçoivent celles qui y sont d'après l'entendement, et les anges célestes, celles qui y sont d'après la volonté ; bien qu'incroyable, cela est vrai. Il faut savoir toutefois que les choses du mental qui appartiennent au sujet proposé ou présent sont au milieu, et les autres à l'entour selon les affinités avec le sujet. Les anges disent que le caractère de l'homme est perçu dans chacune de ses uvres, mais dans une ressemblance de son amour, laquelle varie selon les déterminations de cet amour dans les affections et par suite dans les pensées. En un mot, tout acte ou toute uvre de l'homme spirituel devant les anges est comme un fruit savoureux, utile et beau, qui, lorsqu'il est ouvert et mangé donne saveur, usage et délices. On voit aussi au N° 220, que telle est pour les anges la perception des actes et des uvres de l'homme.
280. Il en est de même du langage de l'homme ; les anges connaissent son amour d'après le son du langage, sa sagesse d'après l'articulation du son, et ses connaissances d'après le sens des mots. Ils déclarent de plus que ces trois choses sont dans chaque mot, parce que le mot est comme la résultante, car en elle il y a le son, l'articulation et le sens. Il m'a été dit par les anges du troisième ciel, que d'après chaque mot successif du discours d'un homme, ils perçoivent l'état général de son esprit, et aussi certains états particuliers. Il a été montré en plusieurs endroits dans la Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur l'Ecriture Sainte, que dans chaque mot de la Parole il y a un spirituel qui appartient à la Divine Sagesse, et un céleste qui appartient au Divin Amour, et que ce spirituel et ce céleste sont perçus par les anges, quand la Parole est lue saintement par l'homme.
281. Comme conclusion à ce qui précède on peut dire que dans les uvres de l'homme, dont le mental naturel descend par les trois degrés dans l'enfer, il y a tous ses maux et tous ses faux du mal ; et que dans les uvres de l'homme, dont le mental naturel monte dans le ciel, il y a tous ses biens et tous ses vrais ; et que les anges les perçoivent d'après une seule parole et une seule action de l'homme. En conséquence il est dit dans la Parole, que l'homme sera jugé selon ses uvres, et qu'il rendra compte de ses paroles.