Quatrième Partie (C) :
LA CREATION DE L'UNIVERS
 

Les mauvais usages n'ont pas été créés par le Seigneur,
mais ils sont nés avec l'enfer.

    336. Tous les biens qui existent en acte sont nommés usages, et ce sont de bons usages, et tous les maux qui existent en acte sont aussi nommés usages, mais ce sont de mauvais usages. Maintenant, puisque tous les biens viennent du Seigneur, et que tous les maux viennent de l'enfer, il s'ensuit que seuls les bons usages ont été créés par le Seigneur, et que les mauvais sont nés de l'enfer. Par les usages, dont il s'agit spécialement dans cet article, sont entendues toutes les choses qui se voient sur terre, comme les animaux et les plantes de tout genre. Les animaux et les végétaux qui remplissent un usage pour l'homme viennent du Seigneur, et ceux qui causent du dommage à l'homme viennent de l'enfer. De même par les usages qui viennent du Seigneur sont entendues toutes les choses qui perfectionnent le rationnel de l'homme, et qui font que l'homme reçoit du Seigneur le spirituel ; mais par les mauvais usages sont entendues toutes celles qui détruisent le rationnel, et font que l'homme ne peut devenir spirituel. Les choses qui causent du dommage à l'homme sont appelées usages, parce qu'elles sont utiles aux méchants pour faire le mal, et qu'elles contribuent même à absorber les malignités, par conséquent aussi à les guérir. Comme il est dit amour bon et amour mauvais le mot usage est pris dans les deux sens ; et l'amour nomme usage tout ce qui est fait par lui.

    337. II sera démontré dans l'ordre suivant que les bons usages viennent du Seigneur, et que les mauvais viennent de l'enfer : I. Ce qui est entendu par les mauvais usages sur la terre. II. Toutes les choses qui sont de mauvais usages sont dans l'enfer, et toutes les choses qui sont de bons usages sont dans le ciel. III. Il y a un influx continuel du monde spirituel dans le monde naturel. IV. L'influx de l'enfer opère les choses qui sont de mauvais usages dans les lieux où sont les choses qui correspondent à ces usages. V. Le spirituel le plus inférieur séparé de son supérieur opère cela. VI. Il y a deux formes dans lesquelles se fait l'opération par influx, la forme végétale et la forme animale. VII. Ces deux formes reçoivent la faculté de propager leur espèce, et les moyens de propagation.

    338. I. Ce qui est entendu par les mauvais usages sur la terre. Par les mauvais usages sur la terre sont entendues toutes les choses nuisibles dans le règne animal et dans le règne végétal, et aussi les choses nuisibles dans le règne minéral. Il est inutile d'en faire l'énumération, car ce serait entasser des noms sans indiquer le dommage que chaque espèce produit, et ne remplirait pas l'usage que cet ouvrage a pour but. Il suffit d'en nommer quelques-unes. Tels sont dans le règne animal, les serpents venimeux, les scorpions, les crocodiles, les hiboux, les chouettes, les rats, les sauterelles, les araignées, et aussi les mouches, les bourdons, les mites, les poux, en un mot tous les insectes nuisibles. Dans le règne végétal, ce sont les plantes malfaisantes et vénéneuses ; dans le règne minéral ce sont les terres empoisonnées. Cette courte explication fait voir ce qui est entendu par les mauvais usages sur la terre, ce sont toutes les choses qui sont opposées aux bons usages, dont il a été parlé dans l'article précédent.

    339. II. Toutes les choses qui sont de mauvais usages sont dans l'enfer, et toutes celles qui sont de bons usages sont dans le ciel. Avant qu'on puisse voir que tous les mauvais usages qui existent sur la terre viennent, non du Seigneur, mais de l'enfer, il faut dire d'abord quelque chose du ciel et de l'enfer. Sans cette connaissance préalable on pourrait attribuer au Seigneur les mauvais usages comme les bons, et croire qu'ils ont existé ensemble dès la création, ou les attribuer à la nature, et croire que leur origine vient de son soleil. L'homme ne peut être détourné de ces deux erreurs, s'il ne sait pas que dans le monde naturel il n'existe rien qui n'ait sa cause dans le monde spirituel, et par suite ne tire son origine de ce monde, et que du Seigneur vient le bien, et du diable, c'est-à-dire de l'enfer, le mal. Par le monde spirituel il est entendu et le ciel où apparaissent toutes les choses qui sont les bons usages, et l'enfer où apparaissent toutes celles qui sont les mauvais usages, dont il vient d'être question au 338. Toutes ces choses qui causent du dommage et tuent les hommes, apparaissent dans les enfers d'une manière aussi frappante que sur la terre. Il est dit qu'elles y apparaissent, néanmoins elles ne sont pas là comme elles sont sur la terre, car elles sont de pures correspondances des cupidités qui jaillissent des amours des infernaux, et qui se présentent dans de telles formes devant les autres. Comme il y a de telles choses dans les enfers, ceux-ci sont remplis d'odeurs infectes, par exemple, d'odeurs de cadavre, de fumier, d'urine, de pourriture, dont les esprits diaboliques se délectent comme le font certains animaux sur terre. D'après ces explications, on peut voir que les choses semblables dans le monde naturel n'ont pas tiré leur origine du Seigneur, car de Lui ne vient pas l'enfer, ni par conséquent ce qui dans l'enfer correspond aux maux des infernaux ; qu'elles n'ont pas été créées dès le commecement, et qu'elles ne tiennent pas leur origine de la nature par son soleil, car le spirituel influe dans le naturel, et non vice versa ; mais qu'elles viennent de l'enfer.

    340. III. Il y a un influx continuel du monde spirituel dans le monde naturel. Celui qui ne sait pas qu'il y a un monde spirituel, et que ce monde et le monde naturel sont distincts comme l'antérieur et le postérieur, ou comme la cause et ce que la cause produit, ne peut rien savoir de cet influx. Pour cette raison, ceux qui ont écrit sur l'origine des végétaux et des animaux, n'ont pu faire autrement que de l'attribuer à la nature, et s'ils l'ont attribuée à Dieu, c'est en disant que Dieu dès le commencement a mis dans la nature la force de produire de telles choses. Ainsi ils ne savent pas qu'aucune force n'a été mise dans la nature ; car en elle-même la nature est morte, et ne contribue pas plus à produire ces choses que l'instrument dans le travail de l'ouvrier, instrument qui doit être continuellement mis en mouvement pour qu'il agisse. C'est le spirituel, qui tire son origine du Soleil où est le Seigneur, et s'étend jusqu'aux derniers de la nature, qui produit les formes des végétaux et des animaux, et qui manifeste les merveilles existant dans les uns et dans les autres, et remplit ces formes de matières prises de la terre, pour qu'elles soient fixes et permanentes. Maintenant, puisqu'on sait qu'il y a un monde spirituel ; que le spirituel vient du Soleil où est le Seigneur, et qui procède du Seigneur ; que ce spirituel donne l'impulsion à la nature pour agir, comme le vivant le fait pour ce qui est mort ; et qu'il y a dans le monde spirituel les mêmes choses que dans le monde naturel, on peut voir que les végétaux et les animaux n'ont tiré leur existence que du Seigneur par le monde spirituel, et qu'ils existent continuellement par ce monde. Ainsi on peut voir qu'il y a un influx continuel du monde spirituel dans le monde naturel, ce qui sera confirmé dans l'article suivant. Les choses nuisibles sont produites sur la terre par l'influx de l'enfer, par la même loi de permission, par laquelle les maux eux-mêmes influent de l'enfer chez les hommes. Il sera parlé de cette loi dans la Sagesse Angélique sur la Divine Providence.

    341. IV. L'influx de l'enfer opère des choses qui sont de mauvais usages dans les lieux où sont les choses qui correspondent à ces usages. Les choses qui correspondent aux mauvais usages, c'est-à-dire, aux plantes nuisibles et aux animaux malfaisants, sont les matières cadavéreuses, pourries, excrémentielles, urineuses et rances. Par conséquent ces plantes et ces animalcules existent là où se trouvent ces matières ; et dans les zones torrides les animaux plus grands tels que serpents, basilics, crocodiles, scorpions, rats et autres. Chacun sait que les marais, les étangs, les fumiers, les terres pourries, sont remplis de semblables choses ; que des insectes nuisibles remplissent l'atmosphère de nuées ; et que la vermine destructrice couvre comme des armées la terre, et consume les herbes jusqu'aux racines. L'observation fait voir que les matières cadavéreuses et puantes s'accordent avec ces animalcules nuisibles et inutiles, et leur sont homogènes. On peut le voir clairement d'après la cause qui est dans les enfers où existent de semblables puanteurs et infections, et où de tels animalcules apparaissent aussi. Mais tous ces enfers sont recouverts, afin que ces exhalaisons n'en sortent pas ; car lorsqu'ils sont quelque peu ouverts, ce qui arrive quand il y entre des diables novices, elles excitent des vomissements et donnent des maux de tête, et celles qui sont en même temps empoisonnées causent des évanouissements ; telle est aussi la poussière qui, pour cette raison, est appelée poussière damnée. Par conséquent, il est évident que ces choses nuisibles existent là où il y a de telles puanteurs, parce qu'elles correspondent.

    342. On peut maintenant se demander si de telles choses proviennent d'œufs transportés par l'air, ou par les pluies et les courants d'eaux, ou si elles proviennent des humidités et des pestilences mêmes. Si on admet que les puanteurs et les exhalaisons donnent naissance à de tels insectes, cette origine immédiate ne contredit pas qu'ils se propagent ensuite par l'œuf ou le frai, puisque tout animal reçoit aussi avec les viscères, les organes de la génération et les moyens de la propagation. Voir sur ce sujet le N° 347. Il n'a pas été connu jusqu'à présent que de semblables choses existent dans les enfers.

   343. On peut conclure que les enfers ont non seulement communication mais aussi conjonction avec de telles choses sur terre, du fait qu'ils ne sont pas éloignés des hommes, mais qu'ils sont autour d'eux, et même dans ceux qui sont méchants, qu'ainsi ils sont contigus à la terre. En effet, l'homme quant à ses affections et à ses cupidités, et par suite quant à ses pensées, et d'après les unes et les autres quant à ses actes, qui sont de bons ou de mauvais usages, est au milieu des anges du ciel, ou au milieu des esprits de l'enfer. Et comme les choses, telles qu'elles sont sur terre sont aussi dans les cieux et dans les enfers, il s'ensuit que l'influx qui vient de là produit immédiatement de telles choses quand les conditions sont favorables. En fait, toutes les choses qui apparaissent dans le monde spirituel, tant dans le ciel que dans l'enfer, sont des apparences des affections et des cupidités, car elles y existent selon ces correspondances. Lors donc que les affections et les cupidités, qui en elles-mêmes sont spirituelles, rencontrent des homogènes ou des correspondants sur terre, le spirituel qui donne l'âme et le matériel qui donne le corps sont présents ; de plus il y a dans tout spirituel un effort pour se revêtir d'un corps. Les enfers sont autour de l'homme, et par suite contigus à la terre, parce que le monde spirituel n'est pas dans l'espace, mais est là où se trouve l'affection correspondante.

    344. Dans le monde spirituel, je fus un jour témoin de la conversation de deux présidents de la English Royal Society, Sir Hans Sloane et Martin Folkes. Ils parlaient sur l'existence des semences et des œufs, et sur les productions qui en résultent sur terre. Le premier les attribuait à la nature, et soutenait que par création celle-ci était douée de la Puissance et de la force de produire de telles choses au moyen de la chaleur du soleil. Le second maintenait que cette force dans la nature venait continuellement de Dieu Créateur. Pour que cette discussion f°t réglée, un bel oiseau apparut à Sir Hans Sloane, et il lui fut demandé de l'examiner pour voir s'il différait le moindrement d'un oiseau semblable sur terre. Il le prit, l'examina et ne trouva aucune différence. Il savait, en effet, que cet oiseau n'était autre que l'affection d'un ange, représentée hors de lui comme oiseau, et que celui-ci s'évanouirait ou cesserait d'être avec l'affection de cet ange ; ce qui même arriva. D'après cette expérience, Sir Hans Sloane fut convaincu que la nature ne contribue en rien à la production des végétaux et des animaux, mais que ceux-ci sont produits seulement par ce qui influe du monde spirituel dans le monde naturel. Il disait que si cet oiseau dans ses plus petites parties était rempli de matières correspondantes tirées de la terre, il serait ainsi fixé et durable, comme le sont les oiseaux sur terre ; et qu'il en est de même des choses qui viennent de l'enfer. Il ajouta que s'il e°t connu ce qu'il connaît maintenant du monde spirituel, il n'aurait attribué à la nature rien de plus que ce qui doit servir au spirituel, qui vient de Dieu, pour fixer les choses qui influent continuellement dans la nature.

    345. V. Le spirituel le plus inférieur séparé de son supérieur opère cela. Dans la troisième partie, il a été montré que le spirituel découle de son soleil jusqu'aux derniers de la nature par trois degrés, et que ces degrés sont nommés céleste, spirituel et naturel, que ces trois degrés sont dans l'homme par création, donc par naissance, et qu'ils sont ouverts selon la vie. Il a été aussi montré que si le degré céleste, qui est le suprême et l'intime, est ouvert, l'homme devient céleste ; que si le degré spirituel, qui est le moyen est ouvert, l'homme devient spirituel ; et que si seulement le degré naturel qui est l'infime et l'extrême, est ouvert, l'homme devient naturel ; que s'il devient seulement naturel, il n'aime que les choses qui appartiennent au corps et au monde ; et que, autant il aime ces choses, autant il n'aime ni les célestes ni les spirituels, ne se tourne pas vers Dieu, et devient méchant. D'après cette exposition, il est évident que le dernier spirituel, qui est appelé spirituel-naturel, peut être séparé de ses parties supérieures, et qu'il est séparé chez les hommes dont l'enfer est formé. Le spirituel le plus inférieur peut se séparer de ses parties supérieures, et se tourner vers l'enfer, seulement chez les hommes ; il ne peut être ainsi séparé ni chez les bêtes, ni dans les autres choses de la terre. Il s'ensuit que le spirituel le plus bas, séparé de ses parties supérieures, tel qu'il est chez ceux qui sont dans l'enfer, opère sur la terre ses mauvais usages, dont il a été parlé ci-dessus. L'état de la terre de Canaan peut confirmer que les choses nuisibles de la terre tirent leur origine de l'homme, et ainsi de l'enfer. Dans la Parole, lorsque les fils d'IsraÎl vivaient selon les préceptes, les terres produisaient en abondance, et le menu et le gros bétail augmentait ; quand ils vivaient contre les préceptes, les terres étaient stériles, et, ainsi qu'il est dit, maudites au lieu de moissons elles donnaient des épines et des ronces le menu et gros bétail avortait, et les bêtes féroces faisaient irruption. Une semblable confirmation peut être tirée des sauterelles, des grenouilles et des poux en Egypte.

    346. VI.Il y a deux formes dans lesquelles se fait l'opération par influx, la forme végétale et la forme animale. On sait d'après le règne animal et le règne végétal, qu'il y a deux formes universelles qui soient produites de la terre ; et que tous les sujets d'un règne ont beaucoup de choses en commun. Ainsi les sujets du règne animal ont des organes sensitifs et des organes moteurs, puis des membres et des viscères, qui sont mis en activité par les cerveaux, les cœurs et les poumons. Les sujets du règne végétal poussent une racine dans la terre, produisent une tige, des branches, des feuilles, des fruits, des semences. Ces deux règnes, quant aux productions dans leurs formes, tirent leur origine de l'influx et de l'opération spirituelle provenant du Soleil du ciel, où est le Seigneur, et non de l'influx ni de l'opération de la nature provenant de son soleil ; de celui-ci ils ne tirent que leur fixation, comme il a été dit ci-dessus. Tous les animaux, grands et petits tirent leur origine du spirituel dans le dernier degré, qui est appelé naturel ; l'homme seul tire la sienne de tous les degrés qui sont au nombre de trois, et sont appelés céleste, spirituel et naturel. Puisque chaque degré de hauteur ou degré discret décroît depuis sa perfection jusqu'à son imperfection, comme la lumière décroît jusqu'à l'ombre par continuité, il en est de même des animaux. C'est pourquoi il y a parmi eux des animaux parfaits, comme les éléphants, les chameaux, les chevaux, les mulets, les bœufs, les brebis, les chèvres, et tous ceux qui appartiennent au menu et au gros bétail ; les moins parfaits sont les volatiles ; et les imparfaits sont les poissons, les coquillages, qui, étant les infimes de ce degré, sont comme dans l'ombre, tandis que les autres sont dans la lumière. Néanmoins, comme les animaux vivent seulement d'après le dernier degré spirituel qui est appelé naturel, ils ne peuvent regarder que vers la terre, vers la p‚ture qu'ils y trouvent, et vers leurs semblables pour la propagation. L'‚me de tous ces animaux est une affection naturelle et un appétit. Il en est de même des sujets du règne végétal, les parfaits sont les arbres à fruits, les moins parfaits les ceps de vigne et les arbrisseaux, et les imparfaits sont les herbes. Mais les végétaux tiennent du spirituel dont ils procèdent d'être des usages ; et les animaux tiennent du spirituel dont ils procèdent, d'être des affections et des appétits, comme il a été dit.

    347. VII. Ces deux formes reçoivent, avec l'existence, les moyens de propagation. Il a été montré ci-dessus, aux N°s 313 à 318, que dans toutes les choses produites de la terre, lesquelles ainsi qu'il a été dit, appartiennent soit au règne végétal soit au règne animal, il y a quelque image de la création, de l'homme, et aussi de l'infini et de l'éternel ; il a aussi été montré que l'image de l'infini et de l'éternel se manifeste clairement en ce que ces choses ont la capacité de se propager infiniment et éternellement. Pour cette raison elles reçoivent des moyens de propagation, les sujets du règne animal par des semences dans un œuf, dans un utérus ou par frai ; et les sujets du règne végétal par des semences dans la terre. On peut donc voir que, bien que les animaux et les végétaux plus imparfaits et nuisibles tirent leur origine de l'enfer par un influx immédiat, néanmoins ils sont dans la suite propagés médiatement par des semences, par des œufs ou par des boutures. L'admission de l'un de ces deux modes ne contredit par l'autre.

    348. Voici une expérience qui peut illustrer que tous les usages, tant bons que mauvais, sont d'origine spirituelle et procèdent du Soleil où est le Seigneur : J'ai appris que des biens et des vrais avaient été envoyés par le Seigneur à travers les cieux vers les enfers ; et qu'ils avaient été reçus par degrés dans leur descente vers les profondeurs ; là ils avaient été changés en des maux et des faux opposés aux biens et aux vrais envoyés. Il en fut ainsi, parce que les sujets qui reçoivent changent toutes les choses qui influent en d'autres qui conviennent à leurs formes, absolument comme la lumière éclatante du soleil est changée en couleurs sombres et en objets dont les substances sont dans une forme telle, qu'elles étouffent et éteignent la lumière, et comme les eaux stagnantes, les fumiers et les cadavres changent la chaleur du soleil en puanteurs. On peut ainsi voir que les mauvais usages viennent aussi du soleil spirituel, mais que ce sont les bons usages qui sont changés en mauvais usages dans l'enfer. Il est donc évident que le Seigneur n'a créé et ne crée que de bons usages, mais que l'enfer produit les mauvais.

Les choses visibles dans l'univers créé attestent
que la nature n'a rien produit et ne produit rien,
mais que le Divin a produit et produit toutes
choses de Lui-même, et par le
monde spirituel.

    349. La plupart des hommes dans le monde disent, d'après l'apparence, que le soleil par la chaleur et la lumière produit ce que l'on voit dans les champs, dans les jardins et dans les forêts ; et que par sa chaleur le soleil fait sortir des œufs les vers, qu'il fait proliférer les bêtes de la terre et les oiseaux du ciel, et même qu'il donne la vie à l'homme. Ceux qui parlent dans ce sens seulement d'après l'apparence, peuvent le faire, toujours est-il cependant qu'ils n'attribuent pas ces effets à la nature, car ils ne pensent pas ainsi, tout comme ceux qui disent du soleil qu'il se lève et se couche, qu'il fait les jours et les années, qu'il est en ce moment à telle ou telle hauteur. Ceux-ci pareillement parlent d'après l'apparence, et peuvent le faire, et cependant ils n'attribuent pas ces effets au soleil, car ils ne pensent pas alors à l'état stationnaire du soleil ni au mouvement de rotation de la terre. Mais ceux qui se confirment sur ce point, que le soleil par la chaleur et la lumière produit les choses qui paraissent sur la terre, attribuent enfin toutes choses à la nature, et même la création de l'univers, et deviennent des partisans du naturalisme et en dernier lieu des athées. Ceux-ci, il est vrai, peuvent ensuite dire que Dieu a créé la nature et a mis en elle la puissance de produire ces choses, mais ils le font par crainte de perdre leur réputation. Néanmoins par Dieu Créateur ils entendent la nature, et quelques-uns l'intime de la nature ; et alors ils ne font aucun cas des Divins que l'église enseigne.

    350. Quelques-uns sont excusables, il est vrai, d'avoir attribué à la nature certaines choses visibles, et cela pour deux raisons. Ils n'ont tien su du Soleil du ciel, où est le Seigneur, de l'influx qui en procède, du monde spirituel et de son état, et même rien de la présence de ce monde chez l'homme. Par suite, ils n'ont pu penser autrement sinon que le spirituel était un naturel plus pur qu'ainsi les anges étaient dans l'éther ou dans les étoiles aussi que le diable était le mal de l'homme, ou s'il existait effectivement, qu'il était dans l'air ou dans les lieux profonds ; que les ‚mes des hommes, après la mort, étaient dans l'intime de la terre, ou dans un endroit indéterminé jusqu'au jour du jugement ; et autres choses semblables que l'imagination a introduites par ignorance du monde spirituel et de son soleil. 2° Parce qu'ils n'ont pu savoir comment le Divin produisait toutes les choses qui paraissent sur la terre, où les mauvaises existent aussi bien que les bonnes, ils ont craint de se confirmer dans l'idée de la création par Dieu, de peur de Lui attribuer aussi les mauvaises, de concevoir de Dieu une idée matérielle, de faire de Dieu et de la nature une même chose et ainsi de les confondre. Ces deux raisons rendent excusables ceux qui ont cru que la nature produit les choses visibles d'après une force implantée en elle dès la création. Mais toujours est-il que ceux qui se sont fait athées par des confirmations en faveur de la nature ne sont pas excusables, parce qu'ils auraient pu se confirmer pour le Divin. L'ignorance excuse, il est vrai, mais elle n'enlève pas le faux confirmé, car ce faux est cohérent au mal, ainsi à l'enfer. Parce que tout péché est contre le Divin, ces mêmes hommes qui se sont confirmés pour la nature jusqu'à séparer le Divin d'avec elle, ne considèrent quoi que ce soit comme péché, puisqu'ils ont séparé, et par conséquent rejeté le Divin. Ceux qui ne reconnaissent rien comme péché, après la mort, lorsqu'ils deviennent esprits, étant liés à l'enfer, se précipitent dans le crime selon les cupidités auxquelles ils ont l‚ché la bride.

    351. Ceux qui croient à la Divine opération dans tous les détails de la nature, peuvent, par un grand nombre de faits qu'ils y voient, se confirmer pour le Divin, autant et même plus que ceux qui se confirment pour la nature. En effet, ils portent leur attention sur les merveilles qui se font voir tant dans les productions des végétaux que dans celles des animaux. Ainsi ils voient que dans les plantes, d'une très petite semence il sort une racine, par celle-ci une tige, et successivement des rameaux, des feuilles, des fleurs, des fruits, jusqu'à de nouvelles semences, comme si la semence connaissait l'ordre de succession ou le procédé par lequel elle doit se renouveler. Tout homme raisonnable peut-il penser que le soleil, qui est pur feu, ait cette connaissance, ou puisse donner à sa chaleur et à sa lumière le pouvoir de produire de tels effets, former ces merveilles et avoir en vue l'usage ? Lorsque l'homme, dont le rationnel a été élevé, voit ces merveilles et les examine, il ne peut faire autrement que de penser qu'elles viennent de Celui dont la sagesse est infinie, par conséquent de Dieu. Ceux qui reconnaissent le Divin le voient aussi et le pensent, mais il n'en est pas de même de ceux qui ne reconnaissent pas le Divin, car ils ne le veulent pas. Ces derniers plongent ainsi leur rationnel dans le sensuel, qui tire toutes ses idées de la lueur dans laquelle sont les sens du corps, et ils confirment les illusions des sens, en disant que le soleil opère ces choses par sa chaleur et sa lumière, et que ce qu'on ne voit pas n'existe pas.

    Ceux qui se confirment pour le Divin, voient des merveilles dans la reproduction des animaux, par exemple, dans les œufs ils voient le petit caché dans son germe ou commencement, avec tout ce qui est nécessaire jusqu'à l'éclosion, et aussi avec tout ce qui concerne la croissance après l'éclosion jusqu'à ce qu'il devienne oiseau ou volatile dans la forme de celui qui l'a engendré. En examinant leur forme, on découvre avec surprise que dans les plus petits comme dans les plus grands de ces volatiles, dans ceux qui sont invisibles comme dans ceux qui sont visibles, il y a les organes des cinq sens, les muscles, car ils volent et marchent, aussi les viscères autour du cœur et des poumons, qui sont mis en action par les cerveaux. Ceux qui attribuent tout à la nature voient toutes ces choses, mais ils constatent seulement leur existence et déclarent que la nature les produit ; ils le disent parce qu'ils ont détourné leur mental de toute pensée sur le Divin, et alors, quand ils voient des merveilles dans la nature, ils ne peuvent y penser rationnellement ni à plus forte raison spirituellement, mais ils y pensent sensuellement et matériellement ; ils pensent donc dans la nature d'après la nature et non au-dessus d'elle, de la même manière que ceux qui sont dans l'enfer. Ils diffèrent des bêtes seulement en ce qu'ils jouissent de la rationalité, c'est-à-dire, en ce qu'ils peuvent comprendre, et ainsi penser autrement s'ils le veulent.

    352. Quand ceux qui se sont détournés de toute pensée sur le Divin, et par là deviennent sensuels, voient des merveilles dans la nature, ils ne réalisent pas que la vue de l'œil est si grossière, qu'elle confond plusieurs petits insectes en une seule chose obscure. Cependant chaque petit insecte a été organisé pour sentir et pour se mouvoir, et ainsi a été doué d'organes et de viscères tissus des plus pures substances de la nature, et ces tissus correspondent à quelque chose de la vie, par laquelle leurs parties les plus minuscules sont distinctement mises en action. Puisque la vue de l'œil est si grossière, et que néanmoins ceux qui sont sensuels pensent et jugent d'après elle, on voit clairement combien leur mental est devenu épais, et par suite dans quelle obscurité ils sont dans les choses spirituelles.

    353. Chacun, s'il le veut, peut se confirmer pour le Divin par les choses visibles dans la nature ; et celui qui pense à Dieu, en observant la vie, peut aussi se confirmer. Par exemple lorsqu'il voit que les oiseaux du ciel connaissent leurs aliments, leurs pareils, et parmi les autres oiseaux ceux qui sont amis ou ennemis ; qu'ils forment des mariages, construisent avec art des nids, où ils font éclore leurs petits qu'ils aiment avec tendresse, et pourvoient à leurs besoins jusqu'au moment où ces petits peuvent faire comme eux et procréer une famille pour perpétuer leur race. Quiconque veut penser à l'influx Divin venant par le monde spirituel dans le monde naturel peut voir cet influx dans ces choses, et se dire que le soleil ne peut donner de telles connaissances à ces oiseaux par les rayons de sa lumière, car le soleil, d'où la nature tire son origine et son essence, est pur feu, et par suite les rayons de sa lumière sont absolument morts. Ainsi on peut conclure que de telles choses viennent de l'influx de la Divine Sagesse dans les derniers de la nature.

    354. Chacun par les choses visibles dans la nature peut se confirmer pour le Divin, quand il voit que les chenilles, d'après le plaisir d'un certain amour, sont portées et aspirent à changer leur état terrestre en un état analogue à l'état céleste, et pour cela rampent vers des lieux convenables, se mettent comme dans un utérus afin de renaître, et là deviennent chrysalides et enfin papillons. Après la métamorphose, les papillons parés d'ailes magnifiques, volent dans l'air comme dans leur ciel, forment des mariages, déposent des œufs, et pourvoient à leur postérité, et en même temps se nourrissent d'un aliment agréable et doux qu'ils tirent des fleurs. Celui qui se confirme pour le Divin par les choses visibles de la nature peut voir dans ces êtres, comme chenilles, une sorte d'image de l'état terrestre de l'homme, et dans ces mêmes êtres comme papillons, une sorte d'image de l'état céleste. Celui, au contraire, qui se confirme pour la nature, voit, il est vrai, ces merveilles, mais comme il a rejeté l'état céleste de l'homme, il les nomment de purs instincts de la nature.

    355. Chacun par les choses visibles dans la nature peut se confirmer pour le Divin lorsqu'il observe les abeilles. Elles savent recueillir la cire pour la construction de leur ruche, le miel pour leur nourriture, prévoyant la longue saison de l'hiver, comme si elles en avaient connaissance. Elles pourvoient à la reproduction de l'espèce d'une façon admirable. On peut voir que c'est en raison de l'usage rendu par elles au genre humain qu'elles reçoivent, de l'influx par le monde spirituel, une forme de gouvernement telle qu'elle existe chez les hommes sur terre, et même chez les anges dans les cieux. Tout homme raisonnable peut voir que toutes ces choses chez ces insectes ne viennent pas du monde naturel, car le soleil d'où provient la nature n'a rien de commun avec un gouvernement pareil qui ressemble au gouvernement céleste. D'après ces observations et d'autres semblables chez les bêtes plus grossières, celui qui reconnaît et adore la nature se confirme pour la nature, tandis que celui qui reconnaît et adore Dieu se confirme pour Dieu car l'homme spirituel y voit des choses spirituelles, et l'homme naturel y voit des choses raturelles, ainsi chacun selon son caractère. Quant à ce qui me concerne, de telles observations ont été pour moi des témoignages de l'influx du spirituel dans le naturel, ou du monde spirituel dans le monde naturel, ainsi procédant de la Divine Sagesse du Seigneur. On ne peut penser analytiquement d'une forme de gouvernement, d'une loi civile, d'une vertu morale, ou d'une vérité spirituelle, à moins que le Divin, d'après sa Sagesse, n'influe par le monde spirituel. Quant à moi, cela m'a été et m'est impossible. J'ai, en effet, remarqué cet influx d'une manière perceptible et sensible continuellement depuis dix-neuf années, j'en témoigne donc d'une façon certaine.

    356. Quelque chose de naturel ne peut avoir pour fin l'usage, et disposer les usages dans leurs ordres et dans leurs formes. Le Sage seul le peut ; et il n'y a que Dieu, en qui la Sagesse est infinie qui puisse ainsi ordonner et former l'univers. Nulle autre personne ou nulle autre chose ne peut prévoir pour les hommes tout ce qui est nécessaire à la nourriture et au vêtement, et y pourvoir par les végétaux et les animaux. N'est-il par merveilleux que ces insectes insignifiants que sont les vers à soie, fournissent des vêtements magnifiques aux hommes et aux femmes, et que d'autres insectes comme les abeilles fournissent la cire pour éclairer avec splendeur les temples et les palais ? Ces choses et plusieurs autres sont des preuves manifestes que le Seigneur opère de Soi-Même par le monde spirituel toutes les choses qui existent dans la nature.

    357. Je dois ajouter que dans le monde spirituel, j'ai vu ceux qui, par les choses visibles dans le monde, s'étaient confirmés pour la nature jusqu'à devenir des athées. Leur entendement dans la lumière spirituelle m'est apparu ouvert par le bas et fermé par le haut, parce que par la pensée ils ont regardé en bas vers la terre, et non en haut vers le ciel. Au-dessus de leur sensuel, qui est la partie la plus basse de l'entendement, il apparaissait comme un voile, qui, chez quelques-uns était brillant comme le feu infernal, chez d'autres noir comme la suie ou livide comme un cadavre. Il faut donc se garder des confirmations en faveur de la nature et se confirmer pour le Divin, car les moyens ne manquent pas.