XX

 

CONCLUSION : ÉLOGE DE L'ÉPREUVE

 

 

Cher neveu, terminons maintenant cette discussion, je ne veux plus vous retenir, vous avez d'autres occupations.

 

Si nous prenons comme principe de notre foi tout ce que dit l'Écriture telle que les saints Docteurs la commentent et telle que l'Esprit de Dieu l'enseigne à l'Église catholique, alors nous accepterons l'épreuve comme un don de Dieu, un don qu'il réserve à ses amis très chers. Ce don du ciel, dans l'Écriture, est hautement loué et recommandé ; il conjure le danger qui nous menace et, si Dieu ne nous l'envoyait pas, nous devrions le chercher dans la pénitence. L'épreuve nous aide à purger nos péchés passés et nous préserve des péchés à venir ; elle nous aide à nous détacher du monde et à nous rapprocher de Dieu ; elle diminue nos peines dans le Purgatoire et augmente nos récompenses dans le Paradis. C'est par la douleur que Notre-Seigneur lui-même pénétra dans son propre royaume, et que tous ses apôtres l'y suivirent. C'est à la supporter avec patience que le Christ exhorte tous les hommes, sans cela, dit-il nous ne serions pas ses disciples et nous ne pourrions atteindre le ciel.

 

Qui réfléchit à cela et s'en souvient ne s'insurgera pas dans l'adversité ; il en verra toute la valeur, il grandira en vertu et pensera qu'il a mérité cette épreuve. Il comprendra que Dieu la lui a envoyée pour son bien et bientôt, il en remerciera le Seigneur. Alors la grâce en lui grandira et Dieu lui apportera le réconfort en faisant sentir sa présence, car « Dieu est près des cœurs brisés, il sauve les esprits abattus » (Ps., 34, 19). Et la joie qu'il en ressentira allégera beaucoup l'épreuve. Il ne cherchera pas ailleurs une vaine consolation, mais c'est en Dieu seul qu'il mettra sa confiance, auprès de lui qu'il cherchera du secours. Il soumettra entièrement sa volonté au bon plaisir de Dieu. Il priera le Seigneur dans son cœur et demandera à ses amis et surtout aux prêtres de prier pour lui, comme saint Jacques le recommande. Il commencera par se confesser, il se purifiera et se préparera au grand départ, il se réjouira à l'idée de quitter ce monde et même à l'idée de passer par le purgatoire.

 

Si nous agissons de la sorte, nous ne tarderons pas à sentir nos cœurs s'alléger, notre épreuve devenir plus supportable ; nous guérirons et nous vivrons plus longtemps.

Si Dieu veut que nous sortions de cette vie, alors il fait bien plus pour nous, car celui qui prend ce chemin-là ne peut qu'aller droit. Celui qui ne quitte pas volontiers ce monde misérable, je crains fort qu'il ne meure pas bien. Il n'est pas bien accueilli celui qui ne vient pas de bon cœur et qui dit au Seigneur « Salut ô mon Créateur, je ne vous porte point d'amour ! » Mais celui qui l'aime au point de désirer aller vers lui, celui-là sans aucun doute est le bienvenu, même s'il vient sans être lavé de ses péchés, car « la charité couvre une multitude de péchés » (1 P., 4, 9) et « ceux qui mettent en moi leur confiance ne sont pas déçus » (Es., 49, 23). Et le Christ dit : « Celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors » (Jn., 6, 38). Ne comptons donc pas sur une longue existence. Gardons la vie tant que nous l'avons parce que Dieu l'a ordonné ainsi, mais dès qu'il nous appelle, réjouissons-nous d'aller vers lui. L'espoir d'aller au ciel nous soutiendra dans notre épreuve passagère et nous parviendrons ainsi à la joie éternelle. Cher neveu, je prie Dieu que nous y accédions l'un et l'autre.

 

VINCENT : Mon cher oncle, je prie Dieu qu'il vous récompense et cette fois je ne vous ennuierai plus. Je crains de vous avoir mis à rude épreuve avec mes objections importunes. Vous m'avez donné un bel exemple de patience en supportant si longtemps mes sottises. Je me permettrai pourtant de revenir vous parler du problème si passionnant de l'épreuve et de la souffrance. Du reste, vous m'avez dit que vous aviez des arguments que vous réserviez pour la fin.

 

ANTOINE : Revenez bientôt, cher neveu, nous en discuterons tant que ce dont nous nous sommes entretenus sera encore frais dans notre mémoire.

 

VINCENT : Je vous promets, cher oncle, de ne jamais oublier ce que nous avons dit. Que le Seigneur vous envoie la consolation qu'il jugera la meilleure pour vous !

 

ANTOINE : Bien dit, neveu bien-aimé ! Je lui demande d'en faire autant pour vous et pour tous nos amis, qui ont si grand besoin d'être réconfortés. C'est pour eux plus que pour vous-même, je suppose, que vous êtes venu me demander conseil.

 

VINCENT : Je les réconforterai en leur rapportant vos paroles. J'ai confiance en Dieu, soyez en sa sainte garde !

 

ANTOINE : Qu'il vous y tienne également. Adieu très cher neveu.