VIII
CONSIDÉRATIONS SUR CEUX QUI SUBISSENT
DES ÉPREUVES PAR LEUR PROPRE FAUTE
VINCENT : Tout cela me paraît juste, mon cher oncle, mais un peu bref et par conséquent obscur.
ANTOINE : Nous allons reprendre en détail chacune de ces considérations.
Nous avons vu que certaines gens tombent dans le malheur par leur propre faute, comme par exemple ceux qui contractent une maladie par suite de leur gourmandise : des épreuves de ce genre mettent un homme mal à l'aise, car il se sait l'auteur de son propre mal. Pourtant, il peut y puiser du réconfort en se disant qu'il peut en faire un instrument de son salut. Car puisque son mal est la conséquence de son péché, mieux vaut l'endurer avec patience, en implorant le secours de Jésus-Christ plutôt que d'encourir un châtiment bien plus cruel dans un autre monde. La bonté du Dieu tout-puissant est telle qu'il ne punit pas deux fois pour la même faute.
Cette punition étant imposée à l'homme, ne paraît pas mériter de remerciements, mais la bonté du Tout-Puissant surpasse tellement la pauvre et imparfaite bonté humaine, que Dieu, dans son amour pour les hommes se plaît à bouleverser leurs plans. Car aussitôt que nous avons confessé nos fautes, dès que nous avons reconnu avoir mérité un châtiment plus sévère, Dieu considère que ce châtiment a été accepté, et en purifiant notre âme il nous évitera les tourments du purgatoire et peut-être même ceux de l'enfer. Nombreux sont ceux qui, sans l'épreuve, se seraient obstinés dans le péché, mais qui, grâce à elle, se rendent compte de leur faiblesse, de la vanité du monde et se tournent alors vers Dieu. C'est ainsi qu'à travers la souffrance, ils comprennent la nécessité de la vertu, qu'en la supportant avec douceur et résignation ils en font un remède à leurs maux et meurent enfin saintement.
Pensez à Achan (1), qui commit un sacrilège dans la grande ville de Jéricho (Jos., 7, 10 sqq.). Dieu s'en vengea sur tous les enfants d'Israël. Puis il leur révéla pourquoi il se vengeait et leur ordonna de rechercher le coupable, tribu par tribu, famille par famille. Quand finalement Achan fut pris, c'était bel et bien contre sa volonté, mais Josué lui parla sagement et lui dit : « Mon fils, glorifie, je te prie, Yahwé, le Dieu d'Israël. Avoue-moi ce que tu as fait, ne me le cache point » et Achan confessa humblement qu'il avait volé et supporta patiemment d'être mis à mort. Il mourut comme un homme de bien. Pourtant s'il n'avait pas été pris, il aurait couru le danger de ne jamais se repentir, il aurait pu mourir dans le péché et aller pour l'éternité en enfer. Ainsi, cette épreuve méritée fut pour le voleur un remède salutaire.
Pensez au bon larron (Lc., 23, 39-43), qui était à la droite du Christ. Sa louable patience, l'humble aveu de ses fautes, le pardon qu'il demanda à Dieu et l'acceptation de mourir pour ses péchés n'ont-ils pas guéri son âme de tout mal et ne lui ont-ils pas gagné le salut éternel ?
Aussi, je vous le dis, cette forme d'épreuve, quoiqu'elle paraisse la plus humiliante et la moins supportable, peut devenir, si l'homme le veut, un merveilleux tonique. Et on y peut puiser en y réfléchissant un grand réconfort et une grande consolation spirituelle.
(1) Achan... déroba des offrandes consacrées et la colère de Yahwé s'enflamma contre les Israélites (Cf. Jos., 7, 1).