THERESE DE LISIEUX : UN PHARE DANS MA NUIT
J'ai cinquante et un an, marié, père de famille de trois enfants. J'ai eu durant de nombreuses années depuis mon enfance une cascade de problèmes qui m'on fait m'engouffrer dans une nuit totale et un désespoir permanent. Pour anesthésier mes angoisses je me suis jeté dans l'alcool et dans une vie de désordres. J'ai eu la tentation du suicide, je suis rentré dans une secte et j'ai été tout proche d'y perdre mon couple.
Et puis un jour, en 1982, alors que désespérément j'essayais en vain de trouver un sens à ma vie un prénom s'est mystérieusement inscrit dans mon esprit: Thérèse. Un prénom qui sans cesse remontait dans mes pensées. Plus jeune il est vrai j'avais lu quelques vies de saints, Thérèse y avait figuré mais elle était vraiment sortie de ma mémoire. Devant la résurgence de ce prénom je me mis à chercher un livre la concernant. Je suis alors tombé sur celui, écrit par Mgr Guy Gaucher: "Histoire d'une vie Thérèse Martin."1 En un rien de temps le livre fut dévoré. Sans attendre je me suis procuré "Histoire d'une âme" les écrits de Thérèse. Là, ce fut une illumination dans ma vie. L'homme qui referma le livre plus jamais ne fut le même que celui qui l'ouvrit! Plus rien depuis cet instant ne fut comme avant. Si récemment j'ai écrit un livre2 pour relater cette rencontre et si ce témoignage, par la grâce de Dieu, touche les cœurs je peux dire malgré tout qu'il est la pale reflet de ce que j'ai ressenti à la lecture de Thérèse. Il me semblait que cette Thérèse que je ne connaissais pas pénétrait par effraction au plus intime de mon âme pour en ouvrir portes et fenêtres et y faire grand jour en y faisant jaillir le soleil de Dieu. En un instant merveilleux une paix jusqu’alors inconnue m'envahit et balaya toutes mes angoisses. Cette paix fit disparaître l'immense solitude qui collait aux entrailles de ma vie depuis mon plus jeune age. Thérèse est descendue dans cette nuit la plus épaisse où je me débattais depuis si longtemps pour venir m'y chercher et m'en indiquer l'issue. Comme un docteur de l'âme elle m'a soigné des maux qui me clouaient à une désespérance continue. Elle me disait que j'étais aimé de manière unique par Dieu, qu'Il était un Père et que j'étais son enfant. Ce fut une certitude, je savais qu'elle disait vrai et qu'il était dorénavant impossible d'en douter. Avant je m'étais compliqué la vie. Dans les désordres de cette vie je recherchais Dieu, c'est sur, mais dans une agitation frénétique. Je courrais en tous sens alors qu'il fallait que je m'arrête. Thérèse m'a montré sa "petite voie" et ce qui ma touché c'est l'esprit d'enfance. Il fallait redevenir un enfant! Son enseignement, puisé au cœur même de l'Evangile, m'apparut d'une simplicité évidente: « aux âmes simples il ne faut pas de moyens compliqués3 ». Elle mettait sous mes yeux le flamboyant triptyque de l' Enfance, de la Confiance et de l'Abandon couronné par l'Amour! J'avais enfin le remède à mon mal! Oui cette "petite voie" était à ma portée!
Aujourd'hui ce qui me transporte chez Thérèse et qui m'enflamme c'est qu'elle m'enseigne tous les jours de ma vie à faire feu de tous bois pour que cette flamme ne s'éteigne jamais. En effet, elle m'apprend que « tout est grâce » lorsque l'on se sait en permanence sous le regard de Dieu. Comment être inquiet alors? Et cela n'a rien à voir avec un fatalisme philosophique qui ferait de nous des jouets d'une providence aveugle. L'abandon de Thérèse n'est pas une soumission. Je ne suis pas soumis à un Dieu capricieux je suis "mis sous" la protection d'un Dieu amoureux et qui n'a qu'un projet pour moi mon bonheur. Le Dieu de Thérèse est un Père qui nous aime avec un cœur de mère. Le génie, de Thérèse, qui lui vient de l'Esprit-Saint, c'est d'avoir dissipé les brumes du jansénisme qui avait éloigné Dieu des hommes. L'originalité de sa "petite voie" c'est d'avoir rendu visible et accessible à tous le chemin vers la sainteté. Dés lors, avec elle, il me semble « voler de victoire en victoire ».
Le vieil homme en moi n'est pas mort mais je sais, à l'école de Thérèse, qu' « un chrétien ce n'est pas quelqu'un qui ne tombe jamais mais quelqu'un qui se relève toujours ». Dans ma vie d'homme, pareil à mes semblables, s'il m'arrive quelquefois de regretter le passé ou de craindre le futur elle me redit toujours que « le passé ne nous appartient plus, que le futur ne nous appartient pas et qu'il faut vivre dans l'éternel présent de Dieu. » A défaut d'être un élève brillant j'en suis un de bonne volonté, je l'écoute et je la suis. S'il m'arrive de traîner un peu les pieds à sa suite jamais elle ne se lasse avec moi, elle a une patience d'ange à mon égard. Cela fait maintenant dix-huit ans que nous cheminons ensemble. Pas un jour elle ne m'a quitté, sans doute qu'elle doit connaître ma faculté de dispersion pour m'être si fidèlement proche et m’en préserver! Mais ce qu'il faut dire à propos de cet accompagnement c'est qu'il est tout tendu vers un seul but: le Christ son « Unique Amour ». Thérèse, par sa présence, ne me cache pas l'essentiel. Elle est à mes côtés pour me diriger vers le ciel. N'avait elle pas promis de gagner d'innombrables âmes au Seigneur? Comme elle l'avait promis, cette enfant d'un autre siècle, « passe son ciel à faire du bien sur la terre. » Elle a obtenu tout ce qu'elle a désiré: « Ah malgré ma petitesse je voudrais éclairer les âmes comme les prophètes, les docteurs, j'ai la vocation d'être apôtre1. » Le 19 octobre 1997 elle a été élevée au rang de Docteur de l'Église! J'ai eu la grande joie d'être à Rome ce jour là. Dans sa sagesse l'Église s'est donnée cette enfant comme maître spirituel pour notre temps. Pour moi ce fut un grand jour; celui du triomphe de l'Enfance tournée vers le Père. Le triomphe de l'Amour! Ce jour là sur la place Saint Pierre, j'ai pu redire de tout mon cœur avec Thérèse:
« Je te loue, Père du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits2."