Témoignage

Lourdes, chemin d'Evangile



La première année où j'ai été " gestionnaire de la Providence " à l'école d'évangélisation " Jeunesse Lumière ", j'ai accompagné les jeunes de la 4° promotion au pèlerinage à Lourdes à l'occasion de leurs engagements pour l'année. Chaque année, pour l'anniversaire des apparitions du 11 février, une trentaine de jeunes chrétiens de 18 à 28 ans, d'une quinzaine de nationalités différentes vont passer 6 jours en ce haut lieu marial international.
Bernadette Soubirous y fut " témoin et messagère " d'une des plus belles rencontres entre l'Eglise du ciel et de la terre.

Lors de pèlerinages à Lourdes j'aime particulièrement aller prier la nuit venue, seul, à la grotte. Un coeur à coeur s'établit, une source jaillit au fond du coeur comme au fond de la grotte. Cette source : communion avec l'Unique, dialogue avec Dieu, simple et belle " prière du coeur ". L'Eternel y rejoint les hommes. Il y a en ce lieu béni un regard particulier de Dieu, sur les hommes. Regard transmis par Marie à celle qui a vu, la petite bergère, Bernadette Soubirous. Regards de foi de millions de pèlerins qui passent devant le creux du rocher, symbole de nos coeurs obscurcis, durcis, où la douce lumière de Dieu pénètre et transforme nos nuits en possible attente du jour.
Se laisser regarder par Dieu, tels que nous sommes, fragiles et pauvres, appelés à être parfaits comme notre Père du ciel est parfait. Ici, la terre, l'eau, l'air du lieu, et un lien réel, invisible avec le Ciel, sont propices à allumer le doux embrasement de notre flamme céleste intérieure, nos âmes. En cet endroit, une magnifique histoire d'amour, toujours belle et nouvelle, attend chacun. Serait-ce une connexion rendue possible avec la Source de Vie ? En tout cas, elle nous fait retourner à ce qu'il y a de plus profond et vrai en nous.

Un message toujours inattendu


1858. La " Dame " s'adresse à une fille pauvre de Lourdes, sans culture, chétive. Elle aurait pu s'adresser à une fille de la bourgeoisie provinciale lourdaise de cette mi-XIX° siècle, catholique pratiquante, bien sous tous rapports. Elle a ce regard évangélique qui va vers celle ou celui qui se reconnaît " pauvre " ; celle ou celui qui laisse la porte de son coeur entrouverte à une possible connexion directe avec le Royaume céleste. Jésus Christ n'a pas appelé à sa suite les notables ou les intellectuels de son temps. Jésus accueille des hommes simples, travailleurs, inconnus, qui ont défauts et qualités. Au-delà des apparences, Dieu voit la personnalité profonde et réelle de l'homme. Tout superficiel, voire artificiel tombe devant le choix divin. En tout être, Dieu attend l'âme appelée à s'ouvrir, à se transfigurer, à grandir au service de l'autre, à avancer sur la route de la sainteté. Bernadette est prête pour cela : regard et coeur purs, pauvre, mais digne et fière de sa condition.

Ainsi, le message de l'Evangile passe par Bernadette qui n'a pas toujours les moyens intellectuels de comprendre ce qu'elle transmet. Elle le fait tout naturellement, ce qui rend encore plus authentique, ce qu'elle vient rapporter au Curé Peyremale : " La " Dame " a dit – je suis l'Immaculé Conception ". Le prêtre, lui, saisit par cette réponse, comprend que celle qui parle par la bouche de la jeune fille, ne peut être que la Vierge Marie, qui vient confirmer le dogme sur l'Immaculée Conception de la Vierge Marie défini seulement 4 ans auparavant par le pape Pie IX, le 8 décembre 1854. Par la forme de sa réponse la Vierge Marie, approuve une décision prise par l'Eglise catholique romaine qui aura nécessité des siècles de débats. Elle montre son respect de toute une longue évolution humaine et d'une décision ecclésiale issue du Peuple de Dieu.
Bernadette transmet un message inattendu, dérangeant, troublant la société bourgeoise française de province qui jalouse cette " pauvresse " auquel le ciel s'adresse et qui du coup va la rejeter. Quel que soit le temps où le message évangélique passe, il dérange toujours et beaucoup. Signe : il rejoint le coeur des souffrants, des malheureux, des blessés de la vie. Un coeur pur, est un coeur qui aime l'autre avec le regard d'amour que donne Dieu. Bernadette l'a. Elle a aussi la clarté et l'à-propos pour ses réponses qui vont être désarmantes pour tous ceux qui vont l'interroger. Elle gène la " get-society " locale, mais rien n'y peut. Bernadette est un miroir parfait pour la jeune fille juive qui a permis de transmettre le message de Jésus Christ au monde par son " oui ". La Grotte de Massabielle va devenir un lieu unique d'évangélisation qui va concentrer autour de lui, les premiers appelés au banquet de Dieu, les souffrants, les blessés de la vie, les estropiés. A la crèche ce sont les mal-vus de l'époque que Dieu convie en premier en la personne des bergers, après viendront les Mages. Ces infirmes guéris, ces malades sauvés, et tous ces convertis de coeur, peuvent témoigner de la bonté, de la miséricorde, de la compassion de Dieu envers eux. Voilà la véritable " eau de Lourdes " : signe de la vie divine qui régénère nos corps et nos coeurs pour les rapprocher de notre Père des cieux.

Constatons que Bernadette ne devient pas voyante attitrée pour la vie. Pour elle, il y a un avant, un pendant et un après les apparitions de la Grotte de Massabielle. Elle dira " La Grotte n'est pas pour moi " et ira faire soigner son asthme à la station de Cauterets. Ce n'est pas en s'installant là que tout va changer pour elle. Elle quitte Lourdes pour nevers, sachant qu'elle n'y reviendra plus.
Comme Bernadette nous passons à la Grotte sans y rester. Sachons y puiser les signes qui nous ramènent au Christ et à son Evangile. C'est à eux que conduit sans cesse la Vierge Marie. Les apparitions ne fondent pas la foi, elles la servent. Elles n'ajoutent rien à l'unique révélation, elles en sont un humble rappel.

Appel et présence de la grotte


La Grotte de Massabielle est devenue un lieu incontournable des pèlerins de notre temps. Comment un lieu sale, obscur, humble et froid, alors si peu fréquenté, si ce n'est par les cochons, devient tout à coup le rendez-vous avec la toute sainte, la toute pure ? Quel contraste, quel signe pour nous ! Au coeur de l'obscurité du vieux rocher de Massabielle, Marie, Mère de Jésus, vient nous rappeler, nous redire le divin message de l'Evangile par l'humble et douce fille du meunier Soubirous : Bernarde-Marie, dite Bernadette : " Je ne suis venu la pour vous le faire croire, je suis là pour vous le dire ". De même, le Christ vient parmi nous pour incarner notre salut au coeur de notre obscurité humaine : dans la nuit à Noël, l'Enfant-Dieu gazouille ; dans les ténèbres qui précèdent sa mort, Jésus agonise. Comme, la nuit du monde se régénère dans l'extension silencieuse de la lumière divine, la faiblesse de l'homme se transfigure dans la beauté de Dieu.

A Lourdes, la Vierge est venue dans un lieu qui n'est pas magnifiquement aménagé, embelli et accueillant. Elle est apparue dans une Grotte sale et obscure. Signe pour nous : Dieu nous rejoint là où nous sommes, au coeur de toutes nos causes perdues, de nos détresses. La grotte est un lieu profondément marqué par une présence : outre le lieu géographique, le lieu de l'événement, elle est le lieu où Dieu nous fait signe pour dévoiler son coeur et notre propre coeur. Lieu, où la plus célèbre femme juive de Galilée rappele et redit aux hommes l'essentiel du message de Paix et d'Amour de son fils. Dieu vient nous dire qu'IL nous aime, comme dans le Nouveau Testament, à travers celle qu'IL a choisie. Don de ce message : Jésus Christ. Tel est le contenu du " Message de Lourdes ". Dieu aime hommes et femmes, avec leurs réussites, au coeur de leurs joies, de leur bonheur ainsi qu'à travers leurs épreuves, leurs défauts, leurs doutes, leurs échecs et déroutes.

La Grotte de Massabielle est lieu authentique de rencontre et de réconciliation pour notre humanité blessée. A Lourdes, on s'accepte tel qu'on est, les masques tombent naturellement. Le pèlerin demande et ouvre son coeur au divin pardon. Il se plonge dans l'eau des piscines, comme dans l'eau du baptême, source d'espérance unique en Christ mort et ressuscité. Alors, nos chemins de Croix, deviennent d'authentiques chemins de vie et de résurrection.

Lourdes, ce sont les mains de la miséricorde de Dieu ouvertes pour les plus pauvres, les plus malheureux, les blessés de la vie. Ils sont ici, premiers accueillis et servis. Eglise souffrante du Peuple de Dieu, ils sont accompagnés par ceux qui, valides, se font frères et soeurs au coeur de la même humanité. J'ai toujours été frappé par la joie qui se voit sur les visages des " brancardiers " dont un grand nombre sont des jeunes.
Lourdes, espace ouvert et possible pour que se libèrent, celles et ceux qui sont trop souvent les " cachés " de nos sociétés. La Passion du Christ est là à travers ces corps et ces âmes éprouvées. Nous sommes au bord de la croix, lequel d'entre nous, n'en est-il pas bouleversé ? Comme auprès de son Fils, la Vierge Marie y est présente, pour nous y accompagner. Quel grand et insondable mystère se cache derrière la souffrance de l'homme ? Au-delà de notre incompréhension, de l'apparente injustice qui nous révolte, le plus grand des mystères, n'ouvre-t-il pas notre humanité à son accomplissement final en Dieu. Le drame de l'humanité est là, la source de notre rédemption y est aussi. Lourdes nous questionne sur nous même, sur l'homme, sur le sens de notre vie, sur Dieu.
C'est pour cela que j'aime ce haut lieu marial international, l'Eglise présente y est visage du plus pauvre, du plus faible, aimé de Dieu, accueilli comme tel, vrai visage de l'humanité à servir, à soigner, à soulager, à consoler. Dieu y vient à la rencontre de l'homme, là où l'amour fraternel est incarné par l'homme. Puissent nos sociétés s'inspirer dans leurs structures sociales de ce modèle de charité, de respect et d'accompagnement de la personne malade, handicapée, âgée que l'on trouve en ce sanctuaire marial. Il préfigure et incarne déjà, ce qui fait l'homme dans toute sa splendeur à l'image du message du Christ, l'Evangile.

La spiritualité de l'école " Jeunesse Lumière " m'a beaucoup orienté vers le rôle incontournable de la Vierge Marie, Mère de Dieu et de l'Eglise. Notamment, dans l'humble et belle prière du chapelet. Telle est la prière du pauvre, c'est à dire de chacun de nous. Elle indique, un chemin sûr : " A Jésus par Marie ". Un chemin apaisant et fortifiant, il ancre nos coeurs faibles et tourmentés sur une route de Paix, non pas celle du monde souvent pleine de compromis hasardeux, mais celle que le Christ transmet à ces amis de tous les temps. Marie par son oui, ouvre le chemin au Prince de la Paix. Le Peuple de Dieu par son " oui " aux promesses de son baptême, ouvrira-t-il le chemin de la Paix du Christ au coeur du monde ?

Jean-Louis.