PÈLERINAGE A TURIN

Face au Visage de l'Amour


 


     Pourquoi aller devant cette pièce de tissu que la science d'aujourd'hui ne cesse d'analyser, mais s'interroge toujours pour comprendre la " fabrication" de l'image de l'Homme du Linceul. Le " Mystère " qu'elle peut toucher lui échappe, et entraîne de vives passions. Il peut rejoindre, par contre, l'âme de chacun de nous. Qu'anime la démarche des pèlerins, qui viennent vénérer l'Homme du Linceul ? Ces millions de regards vont le voir dans un silence impressionnant. Si cela nous ramenait simplement à ce monde intérieur où la Vérité rejoint et anime le coeur de l'homme en marche vers Dieu ?

     Du 18 avril au 14 juin 1998, à la demande de Jean-Paul II, le cardinal Saldarini, archevêque de Turin a organisé l'ostension du Linceul dans la cathédrale de Turin. Ce dernier, gardien pontifical du suaire, déclarait au journal La Croix du dimanche 12 avril 1998 : " Le suaire n'est pas une donnée de foi. Chacun est libre de se former une opinion. L'Église appelle à vénérer un signe, une image, une icône qui, justement parce qu'elle ravive en nous la Passion et la mort du Christ, conserve sa valeur comme objet de piété et mérite donc le respect. La vénération catholique envers le suaire n'est pas du tout déterminée par le problème de l'authentification. La bonne attitude face au suaire est de ne pas s'arrêter à l'image gravée sur la toile, mais de remonter par l'esprit et par le coeur vers la Personne que l'image rappelle "

     La démarche que propose l'Église par l'ostension du Saint Suaire peut être accueilli par tout croyant comme une étape importante dans sa vie chrétienne. La méditation sur la souffrance du Crucifié nous renvoie à celle de nos frères en humanité qui peinent durement pour s'accrocher à la vie. L'Église accompagne toujours un tel pèlerinage d'une pastorale. Selon l'Abbé Antonio Amore : " L'exposition du Saint Suaire veut dire au plus grand nombre possible d'hommes, à "tous", que Dieu est amour miséricordieux. Personne n'est exclu, tous sont invités à accueillir le message de ce signe. Ils verront une image et ils devront être aidés à l'interpréter comme un signe. Ils ne s'arrêteront pas à l'image, mais à travers elle, iront vers Jésus, dont les évangiles nous donnent le témoignage. Le Saint Suaire n'est pas Jésus, mais seulement un renvoi à lui. En tant que renvoi, il a la possibilité de devenir l'écho de l'évangile... ". 

     Nous prenons la file vers 11h, ce 2 juin 1998 à la Cathédrale Saint Jean Baptiste de Turin. Un dépliant est donné à chaque pèlerin. Il présente et explique ce que nous allons voir sur le tissu : le corps d'un homme crucifié avec les signes de la flagellation, la coulée de sang sur le front, la blessure au côté droit, des traces de brûlure, d'eau et de rapiéçage suite aux incendies... Devant nous la foule avance dans une lente méditation silencieuse. Il y a en ce lieu une intense communion silencieuse que j'ai rarement ressentie aussi fortement. On se tait que l'on soit croyant ou simple curieux, le silence nous renvoie à nous-mêmes et à ce que nous allons voir. En fait rien d'apparemment extraordinaire, ni de merveilleux. Pourtant des gens de toutes nations, de tous âges et de toutes conditions sont venus parfois de fort loin pour voir le corps, le visage d'un homme crucifié imprimés sur un linceul. Il est vrai que cette image pour tout le monde, croyant, curieux ou autre renvoie au même personnage que cela soit dit ou non. 
     Quelques centaines de mètres nous séparent encore de la rencontre avec le Linceul. Une série de reproductions nous rappelle le long du parcours quelques ostensions du passé. Nous arrivons dans une vaste salle où est projeté un film qui nous présente le Drap sous deux aspects : en cliché positif, comme on peut le voir à la Cathédrale, et en négatif pour mieux voir l'image de l'Homme du Linceul. Cette dernière image fut découverte sur photographie pour la première fois par Secondo Pia, il y a cent ans. Les diverses empreintes et traces sont désignées. Ensuite, trois photos du Linceul, au chromatisme toujours moins prononcé, préparent nos yeux à découvrir progressivement et plus facilement l'intensité de l'image réelle. 
 



 


     Par petit groupe, nous arrivons face au Linceul que nous pouvons contempler pendant environ trois minutes à quelques mètres. C'est une pièce de tissu en lin, tissée en sergé à chevrons, de 436 x 111cm, y compris une bandelette de 8 cm environ. Entre les deux lignes foncées, signes de l'incendie de 1532, l'on peut voir, à gauche la partie antérieure et, à droite, la partie postérieure d'un crucifié. L'image de la figure humaine doit être lue comme si elle était réfléchie dans un miroir : ce qu'on voit sur la droite se trouve en réalité sur la gauche et inversement. L'empreinte du corps humain est une image en négatif, alors que les rapiéçages et les traces de sang sont en positif. Les empreintes d'un brun assez ténu du corps d'un crucifié qui se distinguent peu à peu nous interpellent et nous renvoient à la Passion de Jésus telle que nous la racontent les Évangiles. Que se passe-t-il a ce moment précis dans la rencontre de chaque pèlerin avec cet objet qu'il voit, que se passe-t-il avec le scientifique qui peut le toucher ? Le mystère de l'objet " impossible " est là face à nous. Il se joue du temps, comme de l'espace. Jusqu'à ce jour, l'image du Linceul n'est pas reproductible. La science n'a pas encore donné d'explications plausibles et vérifiables sur sa formation. Un siècle de recherches scientifiques sur la pièce archéologique la plus étudiée de tous les temps ont permis cependant d'obtenir des résultats sûrs : l'image n'est pas peinte, et elle a été laissée par le cadavre d'un homme flagellé et crucifié. L'étude à l'ordinateur a montré qu'elle a des propriétés tridimensionnelles, que n'ont pas les peintures et les photographies ordinaires : les analyses sur les traces de sang ont indiqué la présence de sang humain, du type AB. Sur le Linceul, il n'y a pas de traces de pigments colorants, par contre des pollens de fleurs représentent de forts indices pour une présence du Suaire non seulement en Europe, mais aussi au Proche-Orient. En 1988, on a effectué la "preuve de datation" avec la méthode du Carbone 14, sur un fragment du Linceul : les résultats ont daté le tissu entre 1260 et 1390 après J.C. Ces résultats sont aujourd'hui mis en discussion à l'intérieur même de la communauté scientifique. Tant que des contre-analyses ne seront pas effectuées gageons qu'il demeurera probablement encore longtemps un objet déconcertant au coeur d'une interminable controverse. Le Linceul nous saisit et il reste insaisissable.

     Face au Linceul, je me remémore les évangélistes : " Celui-Ci, ayant acheté un linceul, descendit Jésus, l'enveloppa dans un linceul et le déposa dans un tombeau qui avait été taillé dans le roc " Marc 15-46 ; les Apôtres Jean et Pierre arrivant devant le tombeau, voyant les linges retombés et le suaire plié sans le corps de Jésus. Jean vit et crut immédiatement. Et vous, et moi aurions-nous cru ? Je contemple ces empreintes de la souffrance du Christ imprimées sur le Linceul et vient à mon esprit tout l'amour du Christ donnant sa vie pour chacun de nous, pour moi. Une image d'Amour, pour un monde en quête d'Amour ? Contemplant le Linceul, n'entendons-nous pas le Christ nous dire comme à saint Thomas : " Porte ton doigt ici : voici mes mains, et mets-le dans mon côté : voici ma Passion ". Toute cette foule est-elle venue pour voir inconsciemment le Visage de l'Amour ? Pour tenter de retrouver ou de confirmer une quête de sens à nos parcours terrestres temporaires ? Rien de plus proche des hommes que ce Visage d'Homme pour nous redire le Message de Dieu. Si c'était cela le signe d'espérance du Linceul de Turin pour le troisième millénaire.
     Il était 12 h, nous sortons de la Cathédrale Saint Jean-Baptiste de Turin. Peu de personnes parlent du Linceul qu'elles viennent de contempler. Le " mystère" se porte en silence et intérieurement. Dans la banalité de notre quotidien, il est bon d'aller vers des lieux ou des objets qui sont des "sas spirituels" où le Sacré transcende le profane. Des " portes " qui nous ouvrent à un autre monde invisible mais réel et qui nous renvoie encore davantage vers le réel de notre monde. Personnellement, la rencontre avec l'Homme du Linceul m'a remis en face de ma spécificité de chrétien : en quoi mon baptême engage-t-il ma vie d'homme au quotidien, dans quels choix, quelles décisions et attitudes spécifiques ? Tout pèlerin devant l'image "inexpliquée" du Linceul , se sens en face d'un mystère qui va au plus profond de l'être.. Ce "mystère", nous renvoie au Mystère, cet espace sans cesse présent, à la fois proche et inaccessible qui peut conduire toute l'éternité l'âme humaine à la recherche de la Cité Éternelle.
Comme le dit l'Abbé Amore : " Tout pèlerinage, enfin, devrait se proposer une oeuvre en faveur des frères dans le besoin, puisque la solidarité dans la charité est la réponse à l'invitation muette que nous adresse Celui s'est fait pauvre afin que nous devenions riches, Celui qui dans le tombeau a perdu toute dignité humaine afin que tous, au moment où notre humanité est soumise à l'épreuve, nous puissions nous abandonner dans les bras du vrai Dieu, qui ne nous abandonne pas ".
La prochaine ostension du Linceul est programmée à Turin du 26 août au 22 octobre 2000, année du Grand Jubilé mondial et des JMJ à Rome.

Jean-Louis Bru
Témoignage du Père Michael O'Carrol, C. S. Sp. :
" … Au cours de ma longue vie, j'ai eu le grand bonheur de rencontrer et de discuter avec quelques personnes remarquables : le Père Brottier, béatifié plus tard par Jean-Paul II ; Frank Duff, fondateur de la Légion de Marie ; Pie XII avec lequel nous avons parlé du peuple juif ; le cardinal Wyszinski, Primat de Pologne. J'ai toujours regardé dans les yeux tous ces êtres hors du commun mais aucun de ces regards ne m'a donné cette impression de profondeur, profondeur d'amour, que je ressens lorsque je regarde le Linceul de Turin. Je ressens une sérénité unique et en même temps, une grande conscience de ce que je suis, non pour m'effrayer, mais immensément rassurante… Parce ce que c'est Jésus en personne qui me regarde, m'appelle, me rappelle tout ce qu'Il a enduré pour moi et ce qu'Il attend de moi. (Journal de l'Association des Deux Coeurs n°18 - Avril 1999).

                           Bibliographie 

Sept livres consacrés à l'étude du Linceul de Turin. Ces volumes revêtent une grande rigueur scientifique, sont rédigés dans un style clair et simple qui les rend accessibles à tous. Cette collection a été publiée à l'initiative de la Commission diocésaine pour l'Ostension du Saint Suaire (Turin), en collaboration avec le Centre international de sindonologie de Turin. Éditions Médiaspaul.
Je suis le Linceul. Le Roman du Suaire de Turin, par Jacques Anquetil, Ed. J.-C. Lattès.
Petit guide du Saint Suaire, par Gino Moretto, Éditions Elle Di Ci - Torino.
Enquête sur le Saint Suaire, par Daniel Raffard de Brienne. Éditions Perrin et Perrin.
Apologie pour le Suaire de Turin, par André Cherpillod et Serge Mouraviev. Éditions Myrmekia.
Toutes les larmes du corps - Devant le Linceul de Turin -, par Dominique Autié. Éditions du Rocher.
L'énigme du Linceul - La prophétie de l'an 2000 -, Arnaud-Aaron Upinsky. Fayard.

Sites Internet sur le Linceul de Turin
http://sindone.torino.chiesacattolica.it/fr/welcome.htm
http://services.worldnet.net/aimard/articles/Article24.html
http://members.aol.com/racines/racines/suaire2.htm
http://www.tradere.org/theo/maldame/turin/turin.htm
http://perso.wanadoo.fr./tadou/stsuaire/stsuaire.html
http://tsvm.simplenet.com/page3.htm
http://members.aol.com/racines/racines/suaire1.htm
http://.mygale.org/00/cret/suaire.htm
http://asso.itbs.fr/mntu/

CIELT (Centre International d'Études sur le Linceul de Turin) : 01 45 48 67 1