XI. Les Anges dans les Écritures.

      Eh! oui, il se trouve de nombreux passages dans la Bible où il est question d'Anges ayant secouru, aidé et conseillé des personnes en danger ou se trouvant dans des conditions quasi désespérées, et cependant les chrétiens semblent l'avoir oublié ou n'en pas faire cas. Or, les secours sont de taille: un Ange protège les jeunes Hébreux dans la fournaise; un Ange fait sortir Pierre de la prison au nez des gardes endormis, en dépit des portes de fer bien verrouillées, qui s'ouvrent toutes seules; un Ange du Seigneur, préserve saint Paul du naufrage ainsi que tous ceux qui étaient avec lui sur le bateau. Et combien d'autres; aussi est-ce avec raison que G. P. Siena conclut:

       L'Ange de Dieu n'est pas une pieuse croyance destinée à attendrir les fidèles. Il n'est pas même, pour employer une expression plus indulgente, une aimable invention poétique autorisée pour disposer aux bonnes actions le cœur des enfants. Nous ne devons pas être induits à un tel sentiment parce que les textes élémentaires presque seuls font état du «Joli petit Ange», parce que nos chers curés ne nous en parlent presque jamais, et parce que, sauf quelques louables exceptions, les publications catholiques l'ont reléguée comme dans un coin.

        L'existence de l'Ange gardien attaché à chaque homme est pourtant une croyance professée par les Prophètes, les Docteurs, les Pères et les Saints de tous les temps. Croyance acquise à la suite de leur propre expérience et confirmée par le Christ lorsqu'il dit que les Anges gardiens des enfants voient continuellement la face du Père qui est aux Cieux.

       Nous pourrons donc être pleinement d'accord avec G. P. Siena lorsqu'il dira: «Notons d'abord — ce qui est très surprenant et riche de conclusions — que de l'Ancien au Nouveau Testament, des écrits des premiers Apôtres à nos jours, cette doctrine de l'Ange Gardien, loin de s'affaiblir, a été consolidée, de jour en jour, par une floraison d'événements souvent très impressionnants, qu'il serait impossible d'énumérer.» Nous en avons cependant administré la preuve, au cours de notre étude, en relatant pas mal d'exemples fort convaincants.

 

XII. Dans la Vie des Saints.

       Certes les interventions des Anges dans la vie des Saints sont innombrables et l'on n'a que l'embarras du choix; on pourra arguer que les cas anciens relèvent de la légende, qu'ils ont été mal étudiés ou amplifiés à plaisir pour les besoins de l'édification des fidèles, mais on n'en peut dire autant des faits contemporains, observés par de multiples témoins, comme ce fut le cas pour saint Jean Bosco, le curé d'Ars, le Père Lamy ou le Padre Pio. Vouloir les récuser, serait faire acte de parfaite mauvaise foi.

       G. P. Siena ne manque pas de rappeler les nombreuses communications que le Père Lamy eut avec les Anges et qui sont relatées dans l'ouvrage du comte Biver (ouvrage analysé plus haut, v. chap. VIII, sect. V). A propos de saint Jean Bosco, l'auteur rappelle que le bon prêtre aimait beaucoup parler à ses élèves de l'Ange gardien. «Chers enfants, disait-il, devenez bons pour faire plaisir à votre Ange gardien. Dans toute affliction et dans tout malheur, même spirituel, courez à lui avec confiance et il vous aidera.» Et ce n'est pas seulement à ses enfants, à ses protégés, qu'il faisait cette recommandation. Un jour, il dit à la femme d'un ambassadeur portugais qui était venue lui rendre visite: «Recommandez-vous à votre Ange gardien et vous n'aurez pas à vous effrayer de ce qui vous arrivera». Peu après la dame comprit la portée du conseil. Sa voiture heurta un tas de cailloux et versa. La chute eût été mortelle si elle n'avait fait immédiatement appel à son Ange gardien qui amortit le choc. Au dire de tous, elle fut ainsi sauvée miraculeusement.

       Un jour, un élève de saint Jean Bosco travaillait sur un échafaudage avec d'autres ouvriers. Il fut miraculeusement sauvé alors qu'il faisait une chute de la hauteur d'un quatrième étage, les planches du ponton ayant cédé. Se rappelant l'enseignement de Don Bosco, l'enfant fit appel à son Ange gardien qui, effectivement, amortit la chute, alors que les deux autres ouvriers furent assommés sur le coup.

       Quant au cas de sainte Gemma Galgani, qui ne peut être frappé par la constance de son commerce avec son Ange gardien? G. P. Siena, en relatant l'histoire de cette sainte, y consacre une page illuminative:

       On peut dire qu'il n'y a aucun épisode de sa vie auquel ne participe son Ange. Gemma le voyait, le touchait; comme avec un ami elle s'entretenait avec lui, elle priait, raisonnait sur Dieu, et entrevoyait les merveilles du Paradis. L'Ange lui apparaissait soit à genoux, soit flottant dans l'air...

        Il n'y avait demande, doute, problème, auxquels il ne répondît avec une émouvante complaisance, le bon Ange gardien.

        Le Père spirituel de Gemma, le P. Passionniste Germain de Saint-Stanislas, écrit: «Plusieurs fois, alors que je discourais avec elle et que je lui demandais si son Ange gardien était toujours à son poste, montant la garde à côte d'elle, Gemma tourna avec une charmante désinvolture son regard vers lui, et l'admirant resta en extase, les sens aliénés, pendant tout le temps qu'elle le contempla». Selon une vive expression de la sainte enfant, l'Ange «l'espionnait » continuellement.

        En se mettant au lit, le soir, elle lui demandait de la signer au front et de veiller à son chevet, puis en ayant reçu l'assurance, elle se retournait de l'autre côté pour dormir. Le lendemain, au réveil, elle avait la consolante surprise de le voir là, encore auprès d'elle.

        Et si Gemma se réveillait pour une raison ou pour une autre, elle voyait toujours son Ange à son poste. Elle disait aimer son Ange parce qu'il lui enseignait l'humilité et maintenait la paix dans son cœur. Aussi G. P. Siena de dire: «Cher lecteur, demandez aux libraires catholiques le Journal, les Lettres et la Vie de Gemma écrits par le Père Germain».

       Cette lecture ne peut que porter de bons fruits pour le fidèle qui l'entreprendra. Cependant, malgré toutes nos recherches, il nous fut impossible de nous procurer ces ouvrages. Nous analyserons plus en détail le cas en Section VIII de ce présent chapitre.

       On pourrait encore rappeler le cas de sainte Françoise Romaine qui vécut en rapports étroits avec son Ange gardien; celui-ci, rayonnant de lumière céleste, lui permettait de lire l'Office et de vaquer à ses occupations malgré l'obscurité. En plus de son Ange ordinaire, elle en voyait un second encore plus resplendissant, dont elle avait peine à supporter l'éclat et qui disait venir du second Chœur angélique.

       Enfin, revenons, pour un temps, au début de l'ère chrétienne. G. P. Siena résumera le cas de Polycarpe qui eut un commerce constant avec les Anges. Comme jeune homme déjà, il avait été accusé de dilapider le bien de sa patronne Calliste. Il avait en effet distribué toutes les réserves à des nécessiteux, et lorsque sa maîtresse, poussée par un délateur, vint examiner la chambre aux provisions, les jarres étaient pleines et les sacs de farine remplis. «Voici, dit le jeune homme qui avait auparavant prié avec ferveur pour qu'un miracle soit accompli en sa faveur, voici, par son Ange, le Seigneur te rend tous tes biens pour que tu puisses les partager de nouveau avec les déshérités.»

       Devenu Évêque de Smyrne, Polycarpe fut encore sauvé par l'intervention de son Ange. L'Évêque était descendu pour la nuit dans une auberge, mais, peu après minuit, il fut réveillé par une voix qui lui criait: «Fuis hors de cette maison qui va bientôt tomber en ruine!» L'Évêque eut beaucoup de peine à réveiller son compagnon et à le convaincre de quitter la chambre. Alors, la voix se fit plus impérieuse. «Sans doute, dit Polycarpe, le Seigneur nous veut sains et saufs; aussi nous a-t-il envoyé son Ange pour nous avertir du danger qui nous menace.» Pas plutôt sortis, les deux hommes virent la maison s'écrouler dans un fracas épouvantable. Et Siena d'en tirer cet enseignement: «Quand le Seigneur veut récompenser une créature qui le sert fidèlement et qui, par son parfait détachement du monde, et son ardent amour pour Lui et pour son prochain, s'est rendue semblable aux Anges du Paradis, il lui accorde souvent le privilège de voir ces derniers, de jouir de leur compagnie sensible et de bénéficier de leur aide.»

 

XIII. Les Apparitions.

       Avant de relater quelques cas d'apparitions d'Anges ou d'entités de l'Au-Delà, G. P. Siena pose en principe que les mystiques distinguent trois sortes de visions: intellectuelles, imaginaires et corporelles.

       Appartient à la vision intellectuelle, celle où l'objet (le Christ, la Vierge, un Ange, un saint ou l'âme d'un défunt), est perçu par l'intellect sans intervention des sens externes ou internes. Dans ce cas on ne voit rien, « mais l'âme, comme disait sainte Thérèse d'Avlla, conçoit très clairement quel est l'objet qui se présente». Saint Jean de la Croix, parlant de la vision intellectuelle, dira qu'elle «est plus claire et plus subtile que les autres; la vision demeure si l'on ferme les yeux, elle reste vivement imprimée dans la mémoire pendant longtemps; elle fait naître dans l'âme, le calme, la lumière, une glorieuse allégresse, la suavité, la pureté, l'amour, l’inclination ou l'élévation de l'esprit en Dieu.

        Les visions imaginaires sont différentes; moins nobles, elles se produisent par la voie de l'imagination, en état de veille ou pendant le sommeil; leur intelligence n'est pas immédiate ni parfaite comme celle des premières et elles peuvent être produites par un bon comme par un mauvais esprit.

        À ce propos, G. P. Siena, toujours en accord avec le P. Pio. donnera la note suivante: « L'âme est un temple que les démons n'ont pas le droit de violer. Personne, sauf Dieu et les siens, ne peut en scruter les secrets et l'influencer. Voilà pourquoi les visions intellectuelles ne peuvent pas être provoquées directement par un esprit mauvais. Mais toutefois, celui-ci peut agir indirectement sur l'âme au moyen des sens internes et externes, par les visions imaginaires et corporelles

       Les visions corporelles sont celles où, par le moyen des organes de la vue, l'objet, de par sa nature invisible, est perçu à l'extérieur sous une forme matérielle et sensible. Dans ce cas, les visions corporelles prennent le nom plus exact d'apparitions.

        Et G. P. Siena de faire remarquer: «D'ordinaire lorsqu'ils doivent communiquer avec les hommes, les Anges prennent une forme humaine, non sans laisser transparaître dans la matière — qu'elle soit apparente ou provisoirement réelle — l'excellence de leur nature. Aussi se présentent-ils invariablement sous un aspect juvénile, entourés de lumière, avec des traits merveilleux, dégageant en outre une vigueur et une énergie exceptionnelles.

       Cet aspect est en rapport avec ce qu'on peut lire dans les Écritures où il est dit que les Envoyés du ciel se présentent dans une lumière fulgurante et avec des vêtements blancs comme neige. Les descriptions d'Anges, vus par les saints ou les mystiques, concordent donc bien avec ce que nous apprennent les Évangiles.

       Voici la description donnée par sainte Thérèse d'Avila de l'Ange qui lui transperça le cœur d'un dard brûlant: «II était, tout petit, très beau, le visage si enflammé qu'il semblait être un des Anges les plus hauts, consumés d'Amour. Je crois qu'il est dit de ceux que l'on appelle Chérubins.»

       Ces apparitions angéliques sont décrites par les intéressés comme produisant d'abord de la stupeur, de l'émotion, puis admiration, joie et ravissement, à l'encontre des apparitions diaboliques qui causent frayeur, crainte, froid, et dépression. C'est même un bon moyen pour distinguer la vraie nature de l'apparition. La nécessité de bien établir la provenance et la nature d'une manifestation supranormale est déjà nettement indiquée par saint Jean: «Bien-aimés, ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu...» (1 Jean IV, 1).

       G. P. Siena termine ce chapitre par un exemple de discernement des apparitions donné par Gemma Galgani; il vaut la peine de le prendre en considération, car il est tout un enseignement.

       Chaque fois que lui apparaissait son Ange, ou celui du Père Germain, sainte Gemma avait l'habitude d'en éprouver l'identité en leur faisant répéter le salut: «Vive Jésus! Bénis soient les noms de Jésus et de Marie!» Quand les apparitions répondaient seulement: «Vive, bénis», la sainte les repoussait énergiquement, sans hésiter un seul instant, certaine d'avoir affaire à des apparitions diaboliques. Un jour que son Ange se présentait à elle, Gemma le menaça:

     «Si lu es envoyé par le diable, je te crache à la figure». Et de fait une fois, elle cracha vraiment, mais voilà ce qui arriva: «l'Ange ne bougea pas, et même, là où cracha Gemma, aux pieds de l'Ange naquit une rosée blanche; sur ses pétales était inscrit en lettres d'or: «On reçoit tout de l'Amour».

 

XIV. L'Incommensurable Secours angélique.

       Dans ce chapitre, pour établir l'insigne secours que nous vaut la présence de notre Ange gardien, G. P. Siena commence par dresser le tableau des infinies ruses du diable pour nous précipiter dans l'erreur et le péché. Et les esprits forts, qui, du haut de leur science matérialiste déclarent que le diable existe seulement dans l'imagination déréglée des «bigots», ces esprits forts sont beaucoup plus près du diable qu'ils ne se l'imaginent; de ce fait, ils sont plus vulnérables à ses insidieuses suggestions. Baudelaire n'a-t-il pas dit: «La plus belle astuce du Diable est de nous persuader qu'il n'existe pas.» Selon la parole imagée du P. Sertillanges, «le Diable contamine tout par sa néfaste influence, il se répand comme un gaz délétère qu'on absorbe sans le sentir.» Et voici un tableau dressé par G. P. Siena qui donne à réfléchir et qui doit retenir notre attention:

        Le Diable sait qui il doit enflammer de cupidité, à qui il doit instiller le venin de la jalousie, qui il doit allécher par la gourmandise, qui il doit exciter par la luxure. Il sait qui peut être troublé par la tristesse; qui peut être séduit par la joie, qui peut être gagné par le merveilleux. Il étudie les inclinations et les affections de chacun, découvre les soucis et trouve le moyen de nuire là où l'homme est le plus faible.

        Saint Augustin écrit: «Dans la nourriture, il a caché l'hameçon de la gourmandise; dans le travail, la paresse; dans la correction, l'élan de la colère; dans le commandement, l'orgueil. Il éveille dans l'âme les mauvaises pensées, il place sur les lèvres de mauvaises paroles, il pousse les membres aux actions iniques. Si nous sommes éveillés, il nous pousse au mal; si nous dormons, il infeste notre sommeil de rêves honteux... En somme tous les maux qui se commettent dans le monde, dérivent de sa malignité.»

        «Le Père Pio n'est pas de ceux qui sourient du Diable comme les esprits forts. Il est même celui qui sourit de leur sourire, avec une profonde pitié et une grande commisération. En effet le Seigneur lui a permis de voir les «diables» de ses propres yeux, même de les subir.» Nous avons déjà signalé les luttes avec le Diable qu'eut à soutenir le P. Pio. Voici une description d'une de ces attaques décrite par le Père Ferdinand: «Surpris par un bruit qui venait de la cellule du Père Pio, il fit irruption dans la cellule. Il trouva le Père Pio méconnaissable, les cheveux et la barbe en désordre, haletant, livide et tremblant de peur. La couchette était défaite et sur le plancher gisait une chaise renversée et un balai cassé en deux. Le Père Pio avait eu un violent combat avec un démon.»

       Encore à l'heure actuelle, les diables suivent à la piste le pieux Capucin. A San Giovanni Rotondo, dans le bourg de Sainte-Marie-des-Grâces qui se construit autour du Couvent pour abriter les étrangers désirant vivre dans l'ambiance directe du Padre, il y a là, d'après les propres déclarations du Père, «tout l'état-major des diables». Et ces diables s'accordent à qui mieux mieux pour molester les fidèles; à tel point même que certains songent à abandonner la place. Mais le P. Pio de les reprendre: «Veux-tu céder la place au diable?»

       L'homme, ayant été créé libre, doit mériter sa récompense par ses efforts constants vers le Bien, mais pour cela il faut qu'il fasse appel à son Ange gardien, qui n'a pas le droit d'intervenir si on ne l'en prie pas. Et voilà pourquoi Padre Pio ne se lasse pas de répéter que «l'homme qui prie est invulnérable. Le Diable ne peut lui nuire en rien, car son bon Ange se place à côté de lui et le défend.» Ce n'est pas pour rien que le Christ a dit: «Veillez et priez!» En fait, l'homme qui ne prie pas est un faible, prédisposé à toutes les chutes, il est désarmé contre les embûches du Malin qui profite immédiatement de n'importe quelle négligence. Il s'interpose alors entre l'Ange gardien et le pécheur.

       La nécessité d'appeler notre Ange gardien par la prière est d'autant plus indiquée que chaque Ange est porteur d'une réserve personnelle de grâces qui nous sont directement utiles. Voilà pourquoi le Padre Pio exhorte constamment ses fils et filles à se recommander chaque jour et durant toute la journée à leur Ange gardien.

 

XV. L'Amour de l'Ange.

       Une question se pose: «L'Ange de Dieu, notre Ange gardien, reste-t-il toujours avec nous?»

       Saint Basile prétend que lorsque l'homme persiste dans le péché, son Ange gardien se lasse et s'en va. Cependant il n'est pas suivi par les autres Pères de l'Église dans cette opinion; et G. P. Siena résumera la croyance la plus constante: «L'homme seul ne peut rien, qu'il veuille s'affranchir du mal ou accomplir le bien; dans un cas comme dans l'autre, il a besoin de quelqu'un pour le soutenir: l'Ange de Dieu.

       «Une autre raison de croire à la constante sollicitude angélique, nous est fournie par le devoir, confié à l'Ange gardien, de surveiller notre conduite. Il note chaque action, chaque parole, chaque pensée, la façon dont nous accomplissons nos devoirs, les propos qui nous viennent aux lèvres, les vues de notre imagination, les mouvements fugaces de notre cœur, louables ou blâmables... L'Ange préside au destin, suivant les hauts et les bas de notre conduite, ou, ce qui revient au même, suivant l'usage que nous faisons de notre liberté... 

       «Si l'on considère l'Ange sous ce nouveau et double aspect de témoin et d'exécuteur de la justice divine, il est évident qu'il doit nécessairement rester toujours près de l'homme qu'il garde. ... Il est toujours prêt en toute occasion à nous détourner des chemins du mal, à nous éviter une rencontre déplaisante, à nous prévenir contre tout danger, tant pour notre âme que pour notre corps. Et quand il nous voit dans l'inquiétude, la peine, ou victime d'une malchance, il est toujours prompt à nous consoler, à répandre dans notre cœur sa joie et sa paix. Il nous exhorte à la confiance en le Seigneur miséricordieux et bon, en la tendresse maternelle de la Vierge.»

       Ce n'est pas pour rien que l'oraison finale de Complies fait appel à l'assistance tutélaire des Anges:

       « Visite cette demeure, ô Seigneur, et chasse toutes les embûches du Malin; que tes Anges habitent en elle et la gardent en paix!»

       Dès le début de notre vie jusqu'à son déclin, nous avons toujours un Ange avec nous pour compagnon fidèle et inséparable, même si nous le repoussons. C'est dans cet esprit que le P. Pio a donné cette assurance que nous avons déjà citée, mais qu'il est bon d'avoir toujours présente à l'esprit:

       «Souvenez-vous que Dieu est en nous quand nous sommes en état de grâce, et hors de nous quand nous sommes en état de péché; mais son Ange ne nous abandonne jamais... Il est notre Ami le plus sincère et le plus sûr, même quand nous avons le tort de l'attrister par notre mauvaise conduite.»

       Et G. P. Siena de nous faire cette confidence, après avoir reçu du P. Pio le conseil ci-dessous:

       «Ces paroles frappantes du Père me furent dites un après-midi, au sortir du confessionnal, à une époque où le cher Ange de Dieu commençait à être l'objet constant de mes pensées, à cause de certains faits vécus. Et le Père ajoutait: «Si nous pouvions imaginer l'amertume de l'Ange quand il nous voit à la merci de son ennemi!» II s'était mis à parler de l'Ange de Dieu sans que je lui en eusse fourni l'occasion, comme pour approuver le projet que je caressais en secret: écrire un livre dont le héros serait notre Ami Céleste. Tandis qu'il parlait, le Père avait une expression tendre et triste à la fois, et sa voix tremblait presque. J'en demeurai stupéfait et je compris, non sans émotion, l'exquise délicatesse, la profonde humilité, la bonté et le grand amour que nous porte l'Ange qui nous aime comme seul sait aimer une créature céleste.

        En conclusion: Qui prend le plus grand soin de nous? C'est, sans contredit, notre Ange gardien!

 

XVI. Les Motifs de sa Joie.

       À chaque naissance, un Ange descend auprès de l'enfant qui vient au monde; il apporte avec lui un fragment de Paradis, une étincelle de la Lumière céleste. Au bénéfice de cette révélation, on comprendra maintenant pourquoi il est dit que les familles nombreuses sont bénies et cela en raison directe du nombre des Anges gardiens qui y ont élu domicile.

       L'Ange gardien se réjouit notamment au moment du baptême du nouveau-né et G. P. Siena d'en donner une description d'après la vision de certaines mystiques: «Nous verrions l'Ange, qui a précédé joyeusement le petit cortège se dirigeant vers la paroisse, participer au rite du baptême avec une grande attention et un profond respect; puis, à l'instant capital où le prêtre verse l'eau du salut sur la tête du bébé, nous le verrions devenir subitement deux fois plus lumineux et nous entendrions éclater son cri de joie.»

       Saint Cyrille et saint Grégoire de Naziance déclarent que lorsqu'un homme, grâce au baptême, prend place parmi les héritiers du Paradis, les Saints Anges se réjouissent. Mais ce n'est pas seulement le sacrement du Baptême qui fait vibrer le cœur de l'Ange. Il en va de même lors de la Première Communion et de tous les autres sacrements, y compris les actes méritoires et charitables du sujet. Et c'est surtout dans l'Oraison que nous causons de la joie à notre Ange gardien qui peut alors nous aider plus efficacement. Origène enseignait dans son traité sur la Prière que le prêtre n'est pas seul à prier avec les fidèles, mais qu'il y a aussi les Anges du ciel qui s'en réjouissent.

       Et de fait, les Écritures ne rapportent-elles pas cette affirmation de Jésus: «Je vous le déclare, il y a de la joie devant les Anges de Dieu, pour un seul pécheur qui se repent.» (Luc XV, 10.)

 

XVII. Maître de Sainteté.

       Le but suprême de la garde angélique est de surveiller et d'accompagner l'âme dans sa vie spirituelle, de l'aider à marcher dans la voie de la sainteté et de la pousser à s'améliorer et à se perfectionner de jour en jour.

       Sainte Marguerite de Cortone qui avait de fréquents entretiens avec son Ange lui demanda un jour quels étaient les parfaits amis de Dieu. L'Ange répondit par ces règles de sanctification:

       «Sont parfaits amis de Dieu ceux dont le cœur est entièrement détaché des choses créées et qui, unis à Dieu seul, aspirent à Lui de tout l'élan de leur cœur.»

       Et comme la sainte demandait quelles étaient les vertus qui leur étaient propres, l'Ange répondit:

       «La première est une profonde humilité, en imitation et par amour de Celui qui s'est humilié jusqu'à la croix. La seconde est une parfaite charité.»

       Sainte Marguerite-Marie Alacoque avouait ceci: «Mon réconfort, c'est la présence fréquente de mon fidèle Ange gardien, qui me reprend et me corrige».

       Un parfait exemple du fructueux ministère de l'Ange gardien chez une personne qui se met entièrement sous sa direction, nous est donné par sainte Gemma Galgani. G. P. Siena en brosse un bon tableau:

       «La présence continuelle de l'Ange gardien à ses côtés fut pour Gemma une école qui la haussa rapidement jusqu'aux cimes les plus élevées de l'héroïsme et de la charité. Pendant les méditations dont elle était coutumière, son Ange lui accordait de très hautes illuminations et donnait de fortes impulsions à son cœur afin qu'elle pratiquât ce saint exercice. Voici l'une des si nombreuses leçons que lui donna son Ange: «Rappelle-toi, ma fille, que celui qui aime Jésus parle peu et supporte beaucoup. Je t'ordonne de la part de Jésus de ne jamais donner ton avis s'il ne t'est pas demandé et de ne jamais défendre ton opinion, mais de céder tout de suite... Enfin, n'oublie pas de mettre une garde à tes yeux et pense que l'œil mortifié verra les beautés du Ciel.» Et son directeur, le Père Germain de dire: «Son Ange fut simultanément un Gardien attentif et un excellent maître de perfection chrétienne. Toute occasion lui était bonne pour l'admonester, l'instruire et la diriger par des enseignements pleins de sagesse.»

        De fait, l'Ange gardien se révèle pour les fidèles qui veulent bien écouter et suivre ses conseils, comme le meilleur maître pour les diriger dans les trois voies de perfection dont parlent les mystiques: voie purgative, voie illuminative et voie unitive. C'est dans cette dernière voie qu'a lieu le mariage mystique, autrement dit l'apparition des stigmates visibles ou invisibles. Ces blessures d'Amour sont faites par des Anges appartenant aux Chœurs supérieurs, aux Séraphins, comme ce fut le cas pour saint François et pour le Père Pio.

       Quant aux stigmates invisibles, nous en avons un exemple typique dans le cas de sainte Thérèse d'Avila, dont le cœur fut «transverbéré» par la lance d'un Séraphin; au demeurant, voici comment elle décrit le phénomène: «Je voyais à la main du Séraphin un long dard en or qui semblait porter le feu à son extrémité qui, elle, était en fer. Il me sembla qu'il enfonçait plusieurs fois ce dard dans mon cœur, me blessant jusqu'au tréfonds. Quand il le retirait, j'avais l'impression qu'il m'arrachait les entrailles, me laissant tout ardente d'un grand amour de Dieu.» (Autobiographie, chap. XXIX, 13.)

 

XVIII. Les Anges solidaires des Élus dans le Service de Dieu.

       Pourquoi ce chapitre spécial ayant trait à une mission déterminée des Anges? Pour suivre et démontrer la vérité et l'actualité de la parole de saint Jean qui, dans l'Apocalypse, appelle les Saints Anges les compagnons des prophètes dans le service de Dieu.

       On se rappelle les déclarations du Père Lamy affirmant que, lorsqu'il était exténué par sa tâche de confesseur pendant la guerre, il n'avait qu'à faire appel à l'assistance des Anges qui le secondaient dans sa tâche et qui lui enlevaient la sensation de fatigue, en lui donnant une force nouvelle. Il lui suffisait souvent de dire: «Mon Dieu, que je suis fatigué!» pour être immédiatement transporté à son but de façon inexplicable.

       Pour leur permettre d'agir efficacement sur les hommes, quel est le parler des Anges? Les mystiques s'accordent à reconnaître que les Anges parlent de trois façons: 1) par locutions auditives, 2) par locutions Imaginatives et 3) par locutions intellectuelles. Dans le premier cas, la voix de l'Ange est entendue directement par l'ouïe; dans le second cas, il s'agit de visions suscitées dans l'imagination et dans le troisième, ce sont des idées imprimées dans l'esprit. Les voix de Jeanne d'Arc sont à classer dans la première catégorie. Les locutions sont à la base du don de discernement des esprits. 

(Suite de la section 7 D)