Il est de règle que, si vous semez des bienfaits, vous récolterez l'ingratitude. Sachez-le d'avance afin de ne pas être surpris, de ne pas vous en décourager, de ne pas accueillir le mépris envers vos débiteurs. Vivre pour les autres est facile à dire, mais difficile à faire. Il faut d'abord savoir ce dont ils ont besoin, savoir comment le leur offrir, savoir comment il faut en profiter ; c'est la théorie de l'altruisme. Ensuite il faut aimer autrui, comprendre ses errements, ses faiblesses, ses fautes, ses maladresses, et ses beautés aussi. Cela, c'est la réalisation intérieure de l'altruisme. Enfin, il faut pouvoir donner de la science, c'est-àdire être instruit ; il faut pouvoir donner des conseils, c'est-à-dire avoir vécu.
Si des malfaiteurs vous attaquent, défendez-vous, puisque votre corps ne vous appartient pas. Si des médisants exercent leur malice aux dépens de votre caractère, de votre réputation, de votre personne morale, en un mot, ne vous défendez pas, puisqu'ils disent, en somme, la vérité. Si des calomniateurs vous salissent, vous et ceux dont vous avez la charge, ne vous défendez pas davantage, puisque votre première impulsion serait justement de vous défendre. Puisque vous êtes certains que le Père dans les cieux vous voit et vous entend, vous supporterez la calomnie, vous pardonnerez au calomniateur. L'injustice n'est qu'une apparence ; elle est, en réalité, une justice dont nous n'apercevons pas les considérants.
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Si l'on se rappelle quelle triste existence, semée de déboires et de railleries, mènent les inventeurs, combien plus doivent souffrir les porteurs des divins flambeaux, ceux dont toutes les pensées sont du Ciel, toutes les paroles, de l'Amour, et tous les actes, des sacrifices, ceux enfin qui recherchent les pauvres, les malades, les affligés, les délaissés, les ignorants, les incrédules, les pervers, pour les guérir, les enseigner, les ramener dans la bonne route ?
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Comme dit la Bible, tout a son poids, son nombre et sa mesure, n'est-ce pas ? Il y a une certaine quantité de calomnies, de par le monde ; j'aime autant qu'elles tombent sur moi, qui n'en ai cure, que sur d'autres personnes, qui s'en affecteraient ou qui en recevraient du dommage.
Si vous repoussez la médisance, elle ira sur le voisin. Et puis, le seul fait qu'une chose vient à vous signifie qu'elle vous est personnellement destinée.
C'est le bien qui nourrit le mal, puisque c'est le bien qui possède la vie. Mieux vaut servir de pâture au mal que de se faire nourrir par le bien ; mieux vaut être attaqué qu'assaillant... pourvu toutefois qu'on reste humble.