LE COURAGE
On n'a donc pas le droit d'enfouir des documents de science, de cacher ses inventions, de taire ce que l'on sait. Tout doit être à tous et, si le Ciel m'apprend quelque chose, à moi plutôt qu'à mon voisin, c'est parce qu'il doit y avoir en moi et autour de moi plus de facilites pour la compréhension et la publication de ce secret . Si l'on se rappelle quelle triste existence, semée de déboires et de railleries, mènent les inventeurs, combien plus doivent souffrir les porteurs des divins flambeaux, ceux dont toutes les pensées sont du Ciel, toutes les paroles, de l'Amour, et tous les actes, des sacrifices, ceux enfin qui recherchent les pauvres, les malades, les affligés, les délaissés, les ignorants, les incrédules, les pervers, pour les guérir, les enseigner, les ramener dans la bonne route ? Or, d'où vient la poltronnerie ? De la crainte de souffrir par le corps ou par l'âme. Mais le serviteur de Dieu est justement là pour souffrir; il fait donc son travail sans peur et sans bravade, donnant le bon exemple aux hommes, aux démons, aux dieux et à toute créature. Nous avons déjà vu, à propos du Magnificat, que la descente du Verbe a produit, entre autres effets, le renversement des hiérarchies naturelles. Dans la sphère du monde, les fluides qui tournent de droite à gauche, par exemple, si une force divine nouvelle les pénètre, forment un tourbillon qui va révoluer de gauche à droite; et, si cette force entre dans toutes les sphères astrales à la fois, ce qui était en bas passe en haut, ce qui était dans le noir va passer dans le blanc, ce qui était occulte devient manifeste. L'action des disciples parachève dans les plus petits centres de force l'oeuvre du Verbe. Ces bouleversements ont lieu dans tous les endroits où Jésus Se présente. C'est ce qui explique les souffrances intérieures de la mystique, les convulsions sociales et les cataclysmes qui annoncent les fins de races. Pour nous, donc, il y a tout lieu de bannir la crainte de nos coeurs. Nos ennemis matériels ne peuvent nous enlever tout au plus que la vie matérielle; les démons de l'air ne peuvent nous enlever que la vie fluidique, les démons du mental ne peuvent nous enlever que la vie intellectuelle. Quelle que soit l'épreuve : misère, maladie, tentation, désespoir, elle ne peut atteindre, si nous savons résister avec courage, que ce qu'il y a de naturel en nous; notre surnaturel, la Lumière intérieure pure, reste tangible, impavide et brillante, à chaque douleur subie, d'un plus bel éclat. Mais, sachez-le bien, pour obtenir ceci, il faut aller de l'avant, il faut lutter jusqu'à l'agonie, il faut tenir bon jusqu'à la dernière goutte de sang. Sans cela, l'ennemi des hommes peut nous prendre de notre vie spirituelle. Et, si nous faisons cela, comprenons que nous n'avons pas de mérite, ou presque pas. Car il est exact que tout est écrit à l'avance. Et parce que, justement, tous les cheveux de notre tête sont comptés, et qu'il n'en tombe pas un sans la permission de Dieu, nous n'avons pas plus le droit de nous arracher un cheveu blanc que de fuir à l'approche de la bataille. Telle conduite tenons-nous devant les créatures, à l'égard du Maître, telle attitude aura-t-Il devant Son Père, à notre égard. Et cette loi, qui ne parait à notre orgueil que de stricte justice, est la preuve d'une très grande mansuétude, parce que, je vous le redis, nous n'avons, en réalité, aucun mérite; Dieu n'a jamais besoin de nous; et cependant il faut travailler comme si notre concours Lui était indispensable. Nos yeux spirituels, très myopes, aperçoivent ainsi, dans les desseins providentiels, beaucoup de contradictions et d'antinomies. Mais le Seigneur unique voit tout d'un coup d'oeil, assigne à chaque existence son mode normal, et règle les voies des êtres sur un but inaccessible à nos prévisions. C'est ainsi qu'Il n'apporte la paix au monde que médiatement, successivement, après que les divers milieux qui le composent ont connu les guerres des séparations ethnographiques, politiques, religieuses, psychiques, scientifiques, physiques ou cosmogoniques. Tout organisme corporel est une maison, aussi bien notre corps que notre patrie, que notre planète, que notre univers. Une molécule minérale, une comète, une science pratique, un art, une machine sont aussi des maisons où vivent des forces invisibles. Qu'on assimile les cinq personnes dont parle Matthieu (X, 35) aux sens physiques, aux cinq principes de Valentin, aux facultés psychiques : le moi, la volonté, l'intelligence, l'imagination et la sensibilité, aux éléments de l'hermétisme, aux fluides de la lumière astrale, on sera toujours dans le vrai. |