LE PAIN DU CIEL
Le Christ reproche à Ses auditeurs de Le rechercher à cause de Ses miracles en eux-mêmes, et non à cause de l'esprit dont ils étaient les signes. La nourriture périssable n'est pas seulement celle de l'estomac, c'est les sensations. les idées, les sentiments, les sciences, les émotions esthétiques, tout enfin ce que nous procurent les êtres créés. La nourriture " qui demeure jusqu'à la vie éternelle ", c'est la Lumière, c'est notre communion avec le Verbe.
Or, n'entendez pas ici qu'il faille fuir la science, l'art ou l'idée. Bien au contraire. Seulement, on les recherche par l'effet d'un égoïsme plus ou moins haut; et tout ce que l'on convoite pour son avantage personnel éloigne en réalité de Dieu et rapproche de l'enfer. L'inventeur, l'artiste, le philosophe, tous les hommes ont le devoir de cultiver toutes les aptitudes mises en eux, mais pour servir Dieu, pour collaborer à l'avancement général, et non pas pour en tirer de l'argent, de l'honneur ou des jouissances.
Car tout a une fin. Si une science, si un art naissent, c'est qu'ils mourront; il se peut qu'ils vivent des milliers de siècles, qu'ils visitent un grand nombre de races et plusieurs planètes; ils termineront un jour leur aventureux périple par une fusion transformante dans l'être de quelque dieu.
Bien que toutes ces nourritures, et d'autres que je ne nomme pas ici, soient provisoires, bien que nous ne puissions même pas nous les assimiler complètement, bien que leur réception ne soit qu'une école sans valeur absolue, il faut tout de même les accueillir. Ce sont, elles aussi, des créatures de Dieu; elles ont droit à notre charité; elles ont besoin de nous et nous avons besoin d'elles. Par leur moyen nous développons le tact, le goût, la sensibilité, le jugement, l'intelligence, l'amour, la volonté, tous les organes subtils par quoi nous expérimenterons un jour les modes de la béatitude.
Seulement souvenons-nous du caractère de provisoire dont les choses créées portent le sceau. Ne nous y attachons pas; cultivons-les, aimons-les, servons-nous-en comme de moyens de travail prêtés pour une certaine période et qu'il faudra rendre en bon état, et plus aptes à servir à nos successeurs que lorsque nous les avons reçus.
Un seul être, dans tout ce vaste univers, détient le sceau de l'éternel : c'est le Verbe. Chaque chose porte une inscription indiquant, à qui sait la déchiffrer, sa nature et ses propriétés. Ce que l'hermétisme appelle signatures astrologiques et correspondances est le rayonnement affaibli des lettres de cette inscription. Celle-ci, l'enfant de Dieu peut seul la lire; elle reste, non seulement hiéroglyphique, mais encore invisible pour les plus hauts adeptes. Ceux-ci voyagent dans les pays des ombres; ils n'aperçoivent que des ombres; le réel et le vrai leur sont cachés.
Et, pourtant, le réel et le vrai sont l'unique aliment et l'unique boisson dignes de l'excellence de l'âme humaine. " L'oeuvre de Dieu est, en effet, de croire en Celui qu'Il a envoyé ". Ce héraut du Père est le Verbe; cherchons-Le, trouvons-Le, reconnaissons-Le à Son action.
Il faut, pour cela, être constamment et intelligemment attentif; l'action divine peut revêtir les formes les plus terre à terre. Or, connaître une chose, ou la reconnaître implique un travail préalable; ce n'est qu'après de longues études que l'oeil du peintre perçoit l'élégance d'un contour et le charme d'une nuance. Le coeur ne distinguera donc les qualités spirituelles des messages nourriciers qu'il reçoit qu'à force de constance et d'énergie dans le régime de sa purification.
C'est pour cela que le mystère du Verbe incarné reste muet à beaucoup d'intelligents, tandis que des simples le saisissent. L'abstraction, la méditation ne sont pas des buts, ce sont des moyens pour nous échauffer à agir.
Imaginez les plus hautes des créatures, les princes des nébuleuses venant apporter leurs plus rares trésors à notre esprit, comme cela se trouve quelquefois; ces idées, ces sentiments, ces forces ne sont pas parfaits; quelle que soit leur sublimité, leur effet ne peut être que temporaire, puisque la Nature doit finir. Tout le contenu de ce vaste monde n'est que provisoire; nous ne devons pas avilir ce qu'il y a d'éternel au-dedans de nous par une attache quelconque, même aux types les plus précieux de la vie créaturelle.
Une substance ne peut donner plus qu'elle ne contient; la manne dont Moïse nourrit son peuple au désert, venue du royaume de Jéhovah, ne restaurait que ce qui, dans l'organisme humain, dépendait de ce dieu.
Jésus déclare être Lui-même la nourriture céleste dispensatrice de la vie absolue.
Chaque créature, comme le dit Boehme, s'alimente de ce qui est semblable à elle; le corps physique se nourrit de matière; le corps astral, de fluides; le psychique, de sentiments, d'intelligence, d'idées, et ainsi de suite; ce qu'il y a d'éternel en nous ne peut donc désirer que l'Éternel. C'est pourquoi l'aliment de notre âme, c'est Dieu Lui-même, qui Se fait compréhensible en prenant un corps dans la personne du Verbe, Son Fils.
Le Christ, en descendant du Ciel, revêtit, dans chacun des plans qu'Il traversa, un voile approprié au mode d'existence de ces plans, pour que les malades pussent s'assimiler le remède omnipotent qui est Lui-même.
D'autre part, notre âme n'est, à l'origine, qu'une étincelle, dont le feu grandit en consumant les différentes substances mondiales qu'elle traverse, et avec lesquelles elle communique au moyen des organismes visibles et invisibles qui constituent nos personnalités, notre esprit.
Dans la mesure où, vainquant les tendances égoïstes de nos énergies naturelles, nous les exaltons vers la Lumière de l'âme, celle-ci s'en alimente et croît. Ainsi la souffrance est son froment; et le grand Martyr, l'Ange de la douleur, Jésus-Christ, célèbre, à chaque effort du disciple, la communion essentielle qui transmue en vies absolues les parcelles de vie relative que l'épreuve vient de purifier.
Soyez donc attentifs aux messages des sens comme aux touches fugitives de l'intuition; presque imperceptibles tout d'abord, si vous conservez la paix psychique, celles-ci se préciseront peu à peu pour acquérir, avec le temps, toute la netteté nécessaire à notre culture.