LA FOI



Les croyances antiques, que le populaire a conservées jusqu'à nos jours, sont vraies qui affirment l'existence de génies et d'esprits dans les éléments, dans les objets et dans les formes minérales ou végétales. Tout, en effet, possède, dans l'invisible, non seulement son aura électrique, non seulement son double magnétique, mais aussi son type spirituel, son âme, douée d'intelligence, de sensibilité, de libre arbitre.

L'alchimiste, par exemple, agissant sur le minéral, atteint l'aura; le magnétiseur atteint le double; le magicien ordonne à l'esprit de la créature, soit par la force, soit par la ruse scientifique. L'homme libre seul commande légitimement.

La montagne, le rocher, le champ, -- l'état, la province, le hameau, -- la source, le ruisseau, le fleuve, -- l'herbe, la graine, la forêt, -- le golfe, l'océan, le lac, -- la maison, la chambre, le meuble, -- l'outil, le livre, la lettre : tout est le corps physique d'un être invisible. Les polythéismes sont la reconnaissance de ces agents et de leur pouvoir, et la recherche des moyens propres à les capter ou à les concilier.


Théoriquement, le sacerdoce polythéiste doit donc acquérir une science très complexe et une force animique inébranlable. Pratiquement, il travaille au petit bonheur de son savoir fragmentaire et de sa volonté fragile.

Calmer une tempête peut se faire de plusieurs façons Il y a les moyens physiques, comme l'huile et les coups de canon. Il y a les moyens fluidiques : étant donnée la connaissance des courants électro-telluriques, discerner les pôles du tourbillon perturbateur et les annuler en leur en opposant d'autres artificiels, de sens contraire. Il y a les moyens idolâtriques, si l'on peut dire : le matelot fait une promesse ou une menace à son dieu, à un saint, à un sanctuaire de son pays. Le magicien détermine le genre de démons fauteurs du trouble météorologique et les envoie combattre par d'autres agents; ainsi fait-on sur les côtes barbaresques et dans les mers de Chine. Il y a aussi la prière pure et simple, à Dieu ou à la Vierge. Et, enfin, il y a le procédé du Christ, le commandement sans effort, possible aux seuls hommes libres.

C'est vers cette dernière attitude que nous autres, Ses disciples, devons tendre. Pour cela, une seule méthode est à suivre : la culture de la foi. " La peur et le doute existent, dit Zhora, afin que nous ne nous enorgueillissions point ". Mais on peut surmonter la crainte par fierté ou par humilité. Il faut mettre sa confiance en Dieu. Rien ne nous arrive que par Sa permission; et puis, nous sommes tous frères; l'altruisme veut donc que nous soyons heureux si l'épreuve vient sur nous plutôt que sur notre camarade.

Mais un tel abandon est difficile; l'infusoire lui-même craint pour son existence éphémère. Quant à nous, toute notre vie n'est qu'une succession de craintes injustifiées. C'est là contre qu'il faut réagir. Nous avons en nous le germe de la foi; pour qu'il grandisse, comprenons d'abord la toute-puissance divine; en second lieu, dépensons-nous tout entiers dans chaque effort; en troisième lieu, sachons que, même quand nous semblons avoir fait tout le possible, il nous reste encore une suprême tentative à essayer.

La foi est une substance qui n'existe que dans le Ciel; son mode biologique est surnaturel; l'intelligence, la force musculaire ou magnétique, le raisonnement ne lui sont rien; la passion et la volonté seules, parmi les puissances de l'esprit humain, ont avec elle quelques points de contact. Elle est ignorante, illogique, sans mesure; c'est l'éclair dans la nuit noire : c'est la vie là où il n'y avait rien; c'est l'impossible s'incarnant à notre demande.


Mais le Christ ne commande pas qu'aux tempêtes de nos mers. Dans tout être il y a une fonction hydrologique; chez l'homme, c'est le système circulatoire; dans la société, c'est le commerce; dans l'Église, c'est l'édification de la doctrine. En physiologie, le Christ est le coeur; dans la société actuelle, Sa place est prise par Mammon; dans l'Église, Il est la Messe. Dans les sciences mathématiques, Il S'appelle le nombre; dans la nature physique, les brahmanes Le nomment le soleil noir; en philosophie, Il est le vrai; en art, Il est l'expression. Les tempêtes qu'Il apaise sont, dans chacun de ces mondes, l'indéfini, la maladie, l'erreur, l'insignifiance.

Et partout, pour tout, en tout, c'est la Foi que l'homme peut seule employer pour rétablir l'harmonie.