L'INTUITION

L'homme peut recevoir des nouvelles de lieux très éloignés ou très cachés; ou, plutôt, c'est son esprit qui communique avec le reste du monde; seulement, ce n'est qu'une partie des messages reçus par lui qui arrive à notre conscience parce que la perception n'a pas lieu si l'objet ne trouve une sorte de correspondance magnétique dans la cellule nerveuse à laquelle il s'adresse. Cette correspondance n'est, en somme que le résultat du perfectionnement intellectuel de la dite cellule ou, mieux encore, de sa purification spirituelle. La cellule, comme l'individu, comme la planète n'acquièrent la connaissance vraie que dans la mesure où ils se débarrassent du péché, c'est-à-dire de la tyrannie du moi.

Ceci est juste pour toutes les modalités de la vie universelle. Les pierres, les plantes, les animaux, les fluides les génies, les esprits, les arts, les sciences, les religions, les philosophies, les sociétés, les astres n'évoluent que selon cette ligne. Je ne vous donne pas ici les détails de ces développements; vous pourrez sans peine les trouver vous-mêmes s'il est nécessaire.

Pour en revenir à l'homme individuel, s'il n'est conscient que d'une minime partie des messages que lui envoient le monde physique, le monde animique et le monde intellectuel, le champ de ses réceptivités s'élargira dans la proportion où lui-même abattra les murs que son égoïsme a construits, paiera les dettes que son imprévoyance a contractées, reparera les dégâts qu'il a causés autour de lui.

L'évolution va de bas en haut, de la périphérie vers le centre; plus on monte, plus l'horizon s'agrandit; plus on s'intériorise, plus les arcanes se dévoilent.

Or, comme l'existence de l'individu tend vers la vie de l'univers, comme notre esprit se voit assigner, suivant ses forces, des demeures plus ou moins hautes, comme il ne peut passer de l'une à l'autre sans franchir les portes de la mort, il s'ensuit que ses relations avec le reste du monde ne croissent qu'avec l'altitude essentielle de sa résidence.

A la limite, l'homme parfait habite donc le centre du monde, le lieu où tout se rassemble, se coordonne, se synthétise et s'unifie; ses rapports n'ont plus lieu qu'avec les types réels des créatures, au lieu de s'établir, comme avant, avec les formes apparentes. Il entend le langage des choses et des êtres, et peut leur répondre à tous. Il possède du même coup l'autorité, et peut se faire obéir, parce qu'il ne veut jamais que la volonté du Père.

Le Christ est cet homme libre. Tout, chez Lui, possède une conscience claire, pure, exquise; tous les points de Son corps sont autant de cerveaux, si je puis dire, rapides et obéissants; chaque cellule est un coeur plein d'une vertu vivifiante. Et tous, receveurs et distributeurs, remplissent leur rôle dans un esprit parfait d'abnégation. Il n'y a, dès lors, rien d'étonnant dans la guérison de l'hémorroïdesse.

J'ai été témoin de deux cas analogues. Un soir, quelqu'un vint dire à un homme que je connais : " Monsieur, j'ai une amie malade de la poitrine : elle ne peut plus ni se lever, ni se nourrir, ni prendre de sommeil : les médecins disent qu'elle ne passera pas la semaine : je vous en prie, faites quelque chose pour elle ".

L'homme m'a affirmé n'avoir même pas pensé, en ce moment-là, à demander la guérison : et, cependant, le lendemain, on venait lui dire que la malade était debout et, depuis vingt ans, elle vit toujours en bonne santé.,

Une autre fois, on vint prier ce même homme de faire qu'une ablation d'un cancer à l'estomac réussisse : on devait opérer le malade le lendemain matin. Or, comme dans le cas précédent, rien ne fut demandé; n'empêche que le malade était debout le lendemain pour recevoir les docteurs, et pour les renvoyer, parce que, affirmait-il, il ne souffrait plus; et, en effet, on n'observa jamais ensuite aucun des symptômes de cette maladie.

Il se peut donc que la force de l'Esprit agisse indépendamment de la volonté du transmetteur qu'elle s'est élu.

C'est ainsi que la femme de l'Évangile fut guérie avant que le Christ lui parle, et c'est pourquoi Il lui dit : " Ta foi t'a sauvée ", faisant allusion bien plutôt à la cure morale qu'à la cure pathologique.

Voyez ici le fonctionnement de la foi. Cette malade sait qu'elle est incurable; elle a essayé de tout et s'est ruinée; elle n'a plus d'espoir; elle ne connaît Jésus que de réputation : elle vient à Lui, seule, sans amis : elle ne songe pas à recevoir de Lui une parole, ni à Lui en adresser, ni même à Le regarder en face; elle n'ose approcher que par derrière et, malgré tout, elle est sûre d'être guérie, espérant ainsi l'impossible et dominant la crainte.

La timidité est quelquefois, en effet, bien difficile à vaincre. Il se peut qu'elle ait en nous des racines profondes; c'est alors une frayeur de notre esprit, habitué à un monde différent, et mis en contact avec des forces, des êtres et des usages qui lui sont tout à fait étrangers. C'est pourquoi il faut surmonter cette faiblesse, chaque fois que l'occasion s'en présente. Le Ciel n'est-Il pas avec nous ? Ne faut-il pas expérimenter la moquerie et la critique ?