LA COMPASSION



Pourquoi la mission du Christ s'affirme-t-elle, en outre de la parole, par la guérison des maladies ? C'est que l'homme est englué dans la matière physique; son corps absorbe une grande partie de son attention; et si, comme dit le proverbe : " Ventre affamé n'a pas d'oreilles ", celui que la douleur accable ne peut écouter des discours de prédicant.

Pour qu'une parole physique pénètre jusqu'à notre coeur, celui-ci doit être ouvert; s'il est concentré sur un objet, et surtout s'il est accablé par une souffrance, ce monoïdéisme temporaire le ferme, et il n'entend pas.

C'est pourquoi celui qui s'adresse aux malades doit être un rayonnant s'il veut que la drogue ou le fluide opèrent tout leur effet, s'il veut que la force divine restaure le membre disparu, s'il veut que le Consolateur transforme un coin d'enfer en paradis.

Il faut aussi que, comme son Maître, il sache compatir : il faut qu'il comprenne les angoissés, qu'il puisse en lui-même gémir avec eux, tout en leur montrant un visage de gaîté. Que son coeur soit une vaste hôtellerie, où tout passant trouve le réconfort et le repos; il y a bien dans la maison une chambre à part que l'on réserve pour l'Ami; mais tout le reste est à la disposition des voyageurs. Un tel homme ne doit pas craindre de dépenser son temps, ses forces, son intelligence, sa bonté, mais qu'il n'espère rien en échange de son travail; il doit peiner par obéissance, il doit aimer tous les êtres et toutes les choses parce que ce sont les enfants de son Maître; aujourd'hui, il a tels d'entr'eux à soigner, demain lui en confiera d'autres. C'est dans la mesure où il restera impersonnel, anonyme et serein que son travail sera parfait.