n ° 142 - Avril 1985

L'Unique nécessaire


 

    Jean l'Evangéliste nous présente, au début de son récit, la seconde personne de la Trinité, sous son triple aspect : Vie, Verbe, Lumière, et ce Verbe qui, de même que le Père agit constamment, nous définit ce Père comme l'essence de tout amour et de tout bien : « Le Père seul est bon ! ».
    L'homme, dans son état primordial, édénique, créé à l'image de Dieu, ainsi que l'expose Moïse, peut donc être conçu comme un astre spirituel, recevant et réfléchissant la lumière du foyer divin, pour la distribuer et la répartir au sein de la sphère qui lui avait été attribuée.
    Sans insister sur les causes de la chute d'Adam, nous constatons que l'homme en expérimente actuellement les effets. La lumière divine ne lui parvient que tamisée, quand elle lui parvient, et, ce que les moralistes nomment la conscience, n'est que la faible partie de son être où tremble encore un vague reflet du soleil de justice.

    Mais, un jour, comme le dit l'Evangile, un jour arrive où chaque homme se rend compte « que la lumière qu'il porte en soi n'est que ténèbres ». A dater de ce moment, il tend plus ou moins ardemment selon la ferveur de son désir à retrouver cette pure et primitive clarté dont le souvenir, quelqu'obscurci qu'il soit, ne meurt jamais complètement.
    C'est alors qu'à son douloureux appel, Celui qui ne brise pas le roseau froissé et n'éteint pas le lumignon qui fume encore, accourt et tente de lui ouvrir les yeux.
    Mais, la coque tissée par notre égoïsme au cours des millénaires ne peut hélas se briser en un clin d'oeil, la lumière pressentie ne la traverse pas encore, et les fausses lueurs de l'intelligence-orgueil dupent toujours à chaque occasion propice le chercheur dérouté.

    Il n'y a pas deux voies, il n'y a pas deux façons de retrouver le divin contact et de se baigner à nouveau, régénéré dans les flots de la lumière primordiale : ce que l'égoïsme et l'orgueil ont lié, la charité et l'humilité peuvent, seules, le délier.
    Ce n'est pas la connaissance qui peut sauver l'homme, parce que ce n'est pas l'ignorance qui l'a perdu. D'ailleurs, en dehors de la Lumière qui éclaire tout homme, la Lumière du Verbe, quelle lumière pourrait lui procurer la connaissance définitive ?
    Les belles paroles, les théories savantes, les « entraînements occultes », les méthodes de contemplation ne servent à rien à celui qui sent sourdre en lui la nostalgie de l'Absolu. Que ceux qui veulent bâtir leur tour d'ivoire dans le relatif s'y attardent, c'est normal. Leur heure viendra, elle aussi.
    Mais pour le disciple du Verbe, il n'y a qu'une méthode : l'action, l'action à tout prix, la charité, non en paroles mais en actes ; se mettre les poings en sang mais briser la coque infernale qui nous reploie sur nous-mêmes.
    Le reste est littérature.

(Du Menhir à la Croix)