ENCLOS SACRÉ DUNE FLEUR
 

VARIANT
 

DE COLORIS ET DE PARFUM
 

Par quoi l'âme accède des choses terrestres
aux célestes, des corporelles aux spirituelles.

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Au Lecteur

     Si tu lis mes vers d'un coeur froid, mes vers seront froids à ton coeur. Mais si c'est d'un coeur aimant, tu brûleras du même feu qui embrase ma muse et me consume d'Amour.

I

L'Oiseau dans la Cage

     Le Seigneur prend soin de l'oiseau dans la cage en retour, l'oiseau apprécie et chante les dons du Seigneur.
 
 

II

La Pierre transmutatrice

     Conduis-moi à la Pierre du Soleil, ô vierge Sophia, puisqu'en effet tu as coutume de te jouer avec tes disciples. D'aucuns cherchent la Pierre à la manière des sophistes. Pour moi, tu es la Pierre Lunifique et Solifique. Ta céleste chair est la Pierre Lunifique, et ton sang, ô Sophia, est la Pierre Solifique : la blanche et la rouge. Tu changes la mort en vie, la peine en joie, les ténèbres en lumière, tous les maux en biens, et la guerre en paix : tu compenses le labeur par le repos, l'affliction par la joie ô, Pierre admirable par le feu !
 

III

Le Christ renaissant

     O Christ, je célébrerai ta gloire, tes hauts faits, tes mérites ; et j'honorerai les bienfaisants effets de ta vertu. Voici : Le Dragon gît, inanimé ! Tu triomphes de la mort : tes ennemis menaçants tombent devant ton sceptre ; les Lémures sont contraintes de retourner au ténébreux empire lorsqu'une étincelle de ta Lumière est faite chair. Né d'une semence incorruptible, le Fils de l'Amour veut habiter dans une humble demeure. Viens dans nos bras, ô le meilleur des Hôtes ! Ranime-moi de tes flammes, aimable Sauveur ! Liquéfie mon coeur, rénove mon âme et purifie mon esprit, afin que tu puisses dire de moi : voici le nouvel homme ! - un nouvel homme passant, par ta vertu, de la mort à la vie ; un nouvel homme, par le Don d'En-haut ! - O Amour, que tes feux sacrés repoussent les feux défendus ! Que notre étincelle brûle d'un feu pur ! Ravis-moi : Que je sois ton bien propre, et cela de droit paternel ! Vois ! j'agis librement en m'abandonnant à ta juridiction. Simplifie-moi, purifie-moi, sanctifie-moi, car la candeur, la droiture et la simplicité t'agréent. Que nulle amante ne me sépare jamais de ton amour. Que la foi sainte et l'Amour resserrent nos liens.
     Que je sois à toi, sois à moi ! A toi je me donne, me voue et me soumets ; donne-toi pareillement à moi : que je sois tien, que tu sois mien
 
 

IV

Colombe solitaire

     N'est-il pas triste d'entendre les plaintes pitoyables de la Colombe : Sans toi, chaste, elle gémit ! Sans toi, accablée de douleur, elle périt !
 
 

V

Stupéfiant Amour de Dieu dans le Christ

     Le Christ est le doux coeur du Père, la compassion absolue ; il est le pur abîme du divin coeur, l'Amour. Il est la paix inaltérable, l'eau vive, le salut, la clémence, la vertu, la Grâce ; le guide et le compagnon conduisant au Père éternel. Fait homme, il est descendu au fond des entrailles humaines afin de joindre les choses supérieures aux inférieures, les hautes aux profondes. Invincible, l'Amour se vainc ; le libre est lié ; le vainqueur est vaincu : la vie meurt en lui.
     O cruel Amour, trop acharné contre Toi-même ! Abstiens-toi de répandre un sang innocent ! Châtie le coupable. Pour laver entièrement les milliers de fautes volontaires du monde, une seule gouttelette de ton sang suffit : épargne-toi. Mais il ne s'épargne pas : voici que le sang coule, coule de tous côtés, jusqu'à ce que la cohorte toute entière soit lavée de tout crime. O oeuvre sublime en hauteur, largeur, longueur et profondeur ! L'esprit stupéfait est accablé par ton prodige : Tu es la pleine Lumière ! le salut surabondant ! la vie perpétuelle ! Dans ton coeur clément, plonge mon coeur oppressé. O Agneau de Dieu, toujours en agonie, comme une victime perpétuelle - Victime sacrée s'offrant sans cesse au Père irrité ! - Fais, par ta mort, que ma vie soit pour toujours une victime sacrifiée avec toi à l'éternel Père ! Fontaine, sois ouverte aux âmes altérées ! nous serons rassasiés : en Toi, salut du genre humain, toute gloire est manifestée !
 
 

VI

Rien n'est à nous

     Quoi ! tu t'appropries toutes choses ? Ce sont les miennes, dis-tu, aussi bien ceci que cela. O Homme ! Si toutes choses sont tiennes, qu'est-ce donc qui appartient à Dieu ?
 

VII

Baiser sacré de l'Amour: ÉCHO

     Quelle voix inouïe frappe l'air et nos oreilles ?
     Une réalité. Et dans notre poitrine, quel est ce trouble : l'Amour. L'Amour, grand ami et bourreau, aux débuts insensibles.
     L'Agneau. Douce mélodie ! Ta bouche. Avec passion ? Patience ! Abrège ! Est-ce une prière ? je te prie de tout coeur. O Coeur. Ne rendras-tu pas heureux le coeur qui s'est voué à toi ? M'abandonnes-tu ?
     Mon souci me consume. Tu brûles. Non, mais je suis brûlé. Par tes demi-mots. Bis. Tu plaisantes injustement, Amour :
Tu ne réponds pas bien. Tu promets. J'engage ma foi. De même. Foi sacrée ! Enfin tu as pitié. Tu seras.
     Alors, je serai satisfait si tu me donnes un gage d'Amour.
     De la bouche. Penché vers toi, je suis suspendu à ta bouche. O fardeau.
     Doux joug ! Fardeau léger ! je me tais, ne désirant rien de plus : je suis suspendu à tes lèvres : échangeons mille baisers.
 
 

VIII

Rien ne périt

     O stupeur ! d'un tronc d'arbre calciné se tire le Sel : Du sel purifié, une eau spirituelle. Que les eaux subissent la coction du feu, il en renaîtra un sel qui sera d'un grand secours médical aux malades. Une énergie indestructible réside dans les sels : L'Art démontre que les arcanes du sel ont quelque chose de divin. La fin de toutes choses paraît être de la cendre. Mais il est dit que la fin de la cendre est un verre. L'Art fait ceci : pourquoi pas le Créateur de la Nature et de l'Art ? Si une terre vile nous a donné le verre, que nous donneront donc les Astres ?
 

IX

L'Amour restitue Tout

     A celui qui est le plus puissant en vertu se doit une plus grande gloire. Serait-ce au Christ ou au Serpent ? Résous : la conséquence est claire. Si le Serpent a pu donner la mort à toutes choses, le sang du Christ n'a-t-il pas eu le pouvoir de vivifier toutes choses ? Plus fort que l'Enfer, plus fort que la colère est l'Amour ; la source éternelle plus forte que le feu. La lumière repousse les ténèbres, et la vie le trépas. Finalement, Amour vivifiera tout ce qu'il aura mortifié.
 
 

X

Sur le même sujet : le Lion et l'Agneau

     Toi qui pardonnes aux ennemis et enseignes à leur pardonner, excusant leur ignorance et priant pour leur salut ; et qui commande de bénir qui maudit : Ton courroux sévira-t-il toujours sur le troupeau égaré ? Certes, comme un Lion, tu feras passer par le feu et par l'eau ces endurcis, jusqu'à ce que, lénifiés, purifiés, de boeufs ils deviennent brebis, de tigres, Agneaux, afin que tu paisses tes dociles brebis avec la douceur de l'Agneau.
 
 

XI

L'Amour Chasseur

     Oiseleur impénitent, dressant panneaux et pièges, tu sais enlacer les âmes par des moyens admirables. La difficulté te stimule ; l'horreur de la prison ne t'effraie pas : Les fers n'entravent pas l'oeuvre de l'Amour. Ouvre ton carquois, saisis une flèche, bande ton arc . s'il te manque une cible, frappe mon coeur.
     Ravisseur universel : aucun des petits renards qui ravagèrent notre vigne ne survit* . O rends-moi heureux, fais-moi jouir de la béatitude céleste ! Que ne puis-je devenir la proie étroitement serrée dans tes filets ! Épris d'amour pour toi, je me fais captif de l'Amour : Comme tu es pour moi le chasseur, que je sois pour toi le gibier !

* Cant. c. 2, v. 15.