LIV
L'Esprit renouvelle toutes Choses

     Celui qui demeure enseveli dans le vieil Adam se crucifie, se dégoûte de lui-même et deviendra rigide et glacé ; le Pneuma sacré seul, vraiment, renouvelle toutes choses : plus tu te joins à lui, plus tu es rénové. Veux-tu devenir Phénix ? Abandonne ton ancienne vie : la chair étant vaincue, l'âme, en retour, vit d'une vie nouvelle.
 

LV

     Marthe, distraite par divers soins, peut difficilement connaître l'Unique : Mais sa sœur, ne cherchant que l'Unique, a trouvé toutes choses en Lui seul.
 

LVI
La plus utile Connaissance

     Celui qui se connaîtra soi-même, saura beaucoup de choses secrètes : L'homme est l'abrégé du Monde. Mais si ce Microcosme renferme en lui un abîme de Ténèbre et de Lumière : Qui peut le pénétrer ? L'approfondir ? La Raison, qui dépend seulement des Astres, en est incapable. L'esprit peut atteindre la Lumière éternelle. Or notre esprit ne la saisira jamais en agissant mais en la souffrant : en conséquence, savoir souffrir est tout l'art !
 
 

LVII
Tout savoir, ne rien savoir

     La Puissance divine a créé toutes choses, de l'abîme du rien. Si tu désires connaître tout, apprends à connaître : rien !
 

LVIII
Funeste Convoitise

     Lorsque le corps meurt, l'esprit vit, et toutes choses vivent aussi, qu'il désire ardemment. Tu veux qu'alors ton esprit règne en maître dans une Cour paisible ? Sois, dès maintenant, le maître de tes passions.
 

LIX
666 - 999
(Apoc. C. 13, V. 18)

     C'est le nombre de l'homme qui possède l'horrible Légion des démons : Mais, de ce nombre, la Bête prend son nom. Ce monstre terrible, féroce, s'empare de l'homme et celui-ci, rebelle à son Créateur, dresse ses crêtes contre le Ciel : 666 ! Veux-tu devenir libre ? Abaisse les crêtes ; les pointes tournées vers le bas, tu seras le vainqueur infligeant le châtiment : 999 ! La foi vive, l'humble patience, propres aux Saints* domptent ce monstre ainsi que toutes ses Légions. * Apocal, C, 13, V. 10.

LX
Malheur ! trois fois Malheur !
à ceux qui habitent sur la Terre
(Apoc. c. 8, v. 13)

     Malheur au Monde immonde ! La mesure est comble : un lac de soufre et de poix enflammée est préparé pour tous les criminels. Le tribunal siège aux portes ! l'Hécla, par ses mugissements, le Vésuve en flammes, l'Etna embrasé, font un bruit assourdissant. Sous le sol du Latium - inexorable destin - soufre et salpêtre s'accumulent. Crains, ô Rome ! Déjà, vole à la curée la cruelle armée des bêtes sauvages, châtiant et massacrant les coupables que rien n'émeut. Et l'Océan qui enserre Anglais et Bataves, menace le Monde de ses eaux vengeresses, s'il ne se repent pas. Malheur au Monde immonde ! Malheur une première fois ! Malheur une seconde fois ! Si la troisième arrive Malheur à toi, Monde ! tu es perdu
 

LXI
Rien de caché

     Toutes choses sont claires aux yeux de la suprême Puissance : Sois son intendant dans les Ténèbres, et elle sera ta Dispensatrice dans la Lumière.
 

LXII
L'Avare

     Les pièces d'or et d'argent sont des buissons remplis d'épines. La soif exécrable de l'or met l'avare à la torture : il n'est jamais rassasié de richesses. Il vend la justice, son âme corrompue, tout. Pourquoi ne vendrait-il pas le Christ, son Dieu ? Tandis que l'avare cherche, par des moyens sordides, les biens qu'il n'a pas, il perd en même temps les vrais biens qu'il possède.
 

LXIII
La vraie Liberté

     Quand mon esprit conscient du droit, de la juste raison, me montre Celui qui ne m'a fait aucun mal mis en accusation par la seule trahison de judas : Attentif à ce qui se passe en moi intérieurement, les choses extérieures ne me sont plus rien ; pendant ces moments de ma vie, je suis libre, heureux. Mon corps oppressé est confiné dans son étroit domaine ; mon esprit sanctifié vole dans les cieux magnifiques. Les prisons terrestres ne le tiennent pas enchaîné : aucune affection, aucun pilori ne l'arrêtent. Tout ce qui t'est visible est une prison pour lui ; seules les choses célestes occupent sa pensée et les choses divines le rendent heureux.
     L'esprit détestant la Terre subit l'insinuation délicieuse de cette lumière et de cette vie qui sont au-delà du périssable. Alors se révèle le chaste amour auquel l'esprit se joint comme se joint à l'océan immense la gouttelette immergée. Hors de ce centre, il n'est aucun repos ; dans cet unique centre, liberté, quiétude, paix et tous les biens foisonnent ; l'esprit n'est réellement libre que dans ce centre immuable. Tous les autres sont trop durs, tous les autres sont trop étroits. Tourne-toi par où tu veux, en haut, en bas, en tous sens : tous les autres sont trop durs et trop étroits. Ici est la liberté surpassant toute royauté par son excellence
     Si tu doutes, emprisonné, je tiens parole !