XV

 

Un surveillant qui reçoit la leçon

 

Le Cher Frère Noël, des Écoles chrétiennes, enseignait au pensionnat de Villefranche-sur-Saône.

Il conduisait un jour en promenade un groupe d'élèves. Par exception, et contrairement aux usages de son Institut, notre surveillant n'avait pas de compagnon. La petite troupe prit la route d'Ars. Arrivé au but de la promenade, le bon Frère organisa un jeu aussi attachant que possible et, sans en penser bien plus long, il s'esquiva et marcha seul jusqu'au village, avec l'espoir de pouvoir s'y confesser à M. Vianney.

Vain espoir assurément ! En entrant dans l'église, le Frère Noël y trouva ce qu'on y trouvait toujours : la longue file des pénitents... Il s'agenouilla, puis, comme les autres, il prit une chaise...

« Mon Frère, que faites-vous là ? interrogea soudain une voix grêle mais perçante. – M. Vianney venait de reconduire un pénitent, et, du seuil de la sacristie il interpellait le nouveau venu. – Mon Frère, vous n'avez pas besoin de vous confesser... Allez surveiller vos élèves. »

Du ton que cela fut dit, beaucoup de pèlerins ne purent s'empêcher de rire. Quant au Frère Noël, interloqué, confus d'entendre révéler par une apostrophe publique et si inattendue un fait connu de lui seul, il se hâta de se signer et de déguerpir. Toutefois, il s'éloigna sans de trop cuisants remords. « Vous n'avez pas besoin de vous confesser », lui avait déclaré l'homme de Dieu.

 

Les détails de ce récit proviennent du Cher Frère Adrien, de l'école de Nazareth, en Palestine, qui les entendit de la bouche même du Frère Noël peu de temps avant que celui-ci ne mourût, octogénaire, à la maison de Caluire-lès-Lyon.