II

 

Un cœur apaisé

 

Un soir de l'été de 1849, Jean-Baptiste et Annette Génetier, le frère et la soeur, après avoir fait dans l'église d'Ars leurs dernières dévotions, se disposaient à repartir pour le pays natal, Saint-Symphorien-d'Ancelles (Saône-et-Loire). Leur voiture toute prête attendait au bas du perron, le long de l'ancien cimetière.

Soudain Annette rougit, se troubla. « Je n'ai pas dit au saint une chose importante, avoua-t-elle à son frère... Mais comment faire pour le revoir ? »

L'heure était pour cela moins que jamais favorable. À ce moment de la soirée, M. Vianney confessait les hommes à la sacristie ; des femmes en grand nombre se pressaient aux abords de la chapelle de saint Jean-Baptiste ; d'autres pèlerins emplissaient le fond de la nef : un véritable rempart humain enserrait le serviteur de Dieu.

« Essayons toujours, dit le bon Jean-Baptiste à cette pauvre petite soeur dont la désolation le peinait. On dit que le Curé d'Ars lit dans les coeurs. Eh bien ! Allons prier la Sainte Vierge de le faire penser à toi ».

Ils remontèrent à l'église où ils récitèrent des ave.

 

L'effet ne s'en fit pas attendre. Presque aussitôt M. Vianney quitta la sacristie. Il n'alla pas loin, si dense était la foule. « Venez, mon enfant, cria-t-il en désignant du geste Annette Génetier ; venez, je sais que vous avez quelque chose à me dire ». Cette fois, les rangs s'écartèrent, et l'heureuse appelée s'avança. Elle entra à la sacristie.

« Mon Père, confia-t-elle à l'homme de Dieu, je suis demandée en mariage, mais il me semble que je ferais mieux d'embrasser la vie religieuse. Vous seriez bien bon, monsieur le Curé, de me dire votre avis.

— Non, non, mon enfant, vous ne serez pas religieuse. Dieu vous appelle à l'état du mariage. »

 

Au retour, Jean-Baptiste constata que sa sœur avait retrouvé sa belle humeur coutumière ; plus de barre à son front, plus de souci dans son regard.

« Tu es contente ? interrogea-t-il.

— Oui, car je suis fixée à présent. Et c'est une grande paix. »

Naturellement, Annette raconta tout à son frère. Et c'est celui-ci, « prêt à en rendre témoignage sur la foi du serment », qui rapporta plus tard ces piquants détails à M. le chanoine Ball. Peu de mois après le pèlerinage de 1849, Annette Génetier était devenue Mme Berger ; « ce dont elle n'eut jamais lieu de se repentir ». Elle habita, dès lors, Romanèche-Thorins, dans la Saône-et-Loire. (1)

 

 

(1) Documents Ball, N° 40.