VII

 

La cage et l'oiseau

 

Un jeune homme de la région lyonnaise fit le voyage d'Ars pour goûter, comme tant d'autres, le rare bonheur de s'entretenir avec un saint ; rien de plus. Sans doute n'avait-il pas même l'intention de l'interroger sur l'avenir. Instruit, distingué, bon chrétien d'ailleurs, il rêvait d'une belle situation dans le monde : son étoile y suffirait.

 

Or grand fut son étonnement, pour ne pas dire son dépit, lorsque, sa confession faite, il entendit le saint lui déclarer sur un ton sans réplique :

« Mon enfant, vous serez Frère des Écoles chrétiennes ».

Humble religieux instituteur !... L'élégant Lyonnais fit la grimace. Jusqu'à ce jour, il ne s'était jamais inquiété d'approfondir la grandeur et la fécondité d'un tel avenir. Il ne s'imaginait pas avec l'ample manteau noir aux manches flottantes, le rabat blanc des Frères de la Doctrine chrétienne !... Oh ! non ! Mais, comme il n'avait demandé aucun conseil et n'était point venu pour cela, il songea : Le bon Curé m'aura pris pour un autre, bien sûr. Cette pensée l'accompagna dans la voiture qui, par la riante vallée de la Saône, le ramenait au pays natal.

 

Sur une hauteur verdoyante, comme on approchait de Lyon, le jeune voyageur ne manqua pas de chercher du regard une grande maison qu'il savait être le juvénat des Frères de Caluire. Voilà bien la cage, se dit-il en lui-même, mais l'oiseau ?... Pas si niais que d'aller m'y enfermer !

 

« Le rapporteur de ce fait – écrit en terminant le cher Frère Adrien, de l'École de Nazareth, en Palestine – ignore ce que fit d'abord notre pèlerin, mais ce qu'il sait très bien, c'est qu'il a connu à Saint-Étienne (Loire) un vénérable Frère du pensionnat Saint-Louis, mort septuagénaire et qui n'était autre que le jeune homme en question. »